Foire aux questions et aux réflexions

Nous avons eu énormément de commentaires sur YouTube depuis la parution de « la France a peur », intelligents, subtils, posant des questions très intéressantes et émettant des critiques très fines. Nous remercions tout le monde vivement ! Pour commencer 2015, on a décidé de rassembler toutes ces réflexions et questionnements ici, parce qu’il est difficile de s’y retrouver sur YouTube à présent et qu’il y a des échanges qui pourrait faire à eux seuls des articles. Hé oui, vous allez encore râler, cela donne quelque chose de très très long, mais bonne nouvelle, ici il est plus facile de ne lire que les paragraphes qui vous intéressent 😉 . On a laissé intacts les commentaires originaux (excepté leurs fautes, corrigées pour une meilleure lisibilité). Bonne année !

Consulter cet article en PDF :faq-hacking-social-horizon

C’est quoi le hacking social ?


Ninsuka : Bon épisode [gimmick]. Je ne ferai pas un commentaire long, simplement une question : qu’est-ce que le hacking social dont vous parlez ? Votre blog se nomme comme ça, je connais le principe du hacking « normal » sur internet, mais je ne vois pas le lien.

Gull : la réponse est ici: A propos hacking social
Pour répondre rapidement à ta question, le Hacking social est à la fois une pratique et un état d’esprit qui consistent à identifier et analyser les déterminants sociaux nuisibles pour l’individu afin de s’en détacher ou de les détourner. La visée étant d’élargir le champ des possibles, ou pour le dire autrement débrider l’individu des déterminants s’exerçant sur lui.

Montage et ressemblances


Sam Klein : Bonjour je me suis dit combien de temps vous passer sur le montage ?

Gull : Pour cet épisode nous avons mis environ 4 mois entre l’écriture et la diffusion (on a commencé fin juillet). Pour le montage, je n’ai pas calculé, mais on l’a fait sur une période de deux mois et demi environ (septembre, octobre et novembre).

***

olifasan : […] NB: La forme me rappelle un peu « lazarus mirages » est-ce voulu ?

Gull sans casque et lunettes, ça ne marchait pas

Gull : Nous connaissons Lazarus, mais les similitudes ne sont pas volontaires. En fait, l’apparence tient davantage de l’univers anonymous pour le costume (costume comme symbole de l’anonymat). Quant au masque, on voulait faire simple: une cagoule noire. Le problème, c’est qu’avec la cagoule seule, on avait un personnage trop abstrait, il fallait retrouver des éléments humains, aux moins les yeux, pourquoi pas la forme des oreilles. Nous avons donc pris des lunettes à la John Lennon pour les yeux, rouge parce qu’on trouvait que ça ressortait bien (ou peut-être une référence aux cylons 🙂 ), et pour les oreilles on a mis un casque tout simplement. Après cela ne s’est pas fait sans multiples essais. Pour le décor, on ne voulait pas tomber dans le underground, l’effet entrepôt désaffecté, cave. On trouvait plus original et agréable de planter un décor naturel, complètement ouvert, où se dessine l’horizon (une plage par exemple).

 

Nous


Donovan80080 : tu habite en Bretagne non?

A vous de le déduire !

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Stéphane Lavoipierre : Simple question: faculté de sociologie ou de psychologie? (Ou autre chose j’imagine, du moins si ce n’est pas trop indiscret)

Gull : Cursus de philo et de psycho pour deux personnes de l’équipe 🙂

Viciss : voici quelques exemples d’articles imbibés de philo : Les bisounours ; le badge ; et de psycho :
reactance , milgram

 

On utilise les mêmes techniques que celles qu’on dénonce ?


Dylan Vellut : c’est bizarre, tu utilises les mêmes mécanismes des médias pour les dénoncer. là je dis GG :p
je crie pas à l’hypocrisie, mais plutôt… mouaip, c’est de bonne guerre 🙂 continue comme ça ^^

Gull : C’est vrai, c’est la logique du hacking social qui consiste à détourner ce qu’on dénonce. C’est comme le judo, on retourne la force de l’adversaire contre lui-même 🙂
[c’est là une image, nous ne voulons pas nous enfermer dans des logiques de duel ou de combat]

Dylan Vellut  : disons que tu nous enseignes un cours d’autodéfense contre l’image 🙂

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Adrien Sentenza : J’adore ce que vous faites et je partage pour la plupart de vos analyses votre avis, mais la voix et le ton employé me font beaucoup penser aux techniques utilisées en hypnose et autosuggestion.. Je me trompe? 🙂

Gull : C’est surtout que Gull était bien fatigué durant le tournage de cet épisode [l’habit fait le moine], d’où la voix 😀
Non, plus sérieusement, si tu regardes les autres vidéos tu verras que le ton de Gull est quelque peu différent, plus dynamique, afin d’éviter cette impression d’ « hypnose »!
De toute façon, on a un crapaud hypno pas loin qui se cache dans l’une de nos vidéos, et il fait très bien le travail 😉

Doit-on bannir les techniques qu’on dénonce du champ des possibles ?


KaKaShUruKioRa : […]J’ai juste une question par rapport aux gimmicks du coup… Si on veut développer une marque, une entreprise, une association ou autres… Doit-on faire abstraction de ces outils que sont les petites musiques qui rentrent dans la tête, les logos qui qualifient une marque, etc… ? Quand on y réfléchi bien, finalement même vous, vous avez votre gimmick, votre jingle visuel, etc…
Ça me paraît être une vaste question, et j’aimerai avoir votre avis là-dessus. En espérant une réponse, je vous remercie d’avance 😉

Gull : Merci 🙂 En effet, toute mélodie, si elle est répétée, peut devenir un gimmick qui se colle au cerveau. La question que vous posez est la suivante, si j’ai bien compris: quand peut-on parler de manipulation? quand peut-on dire qu’on dépasse les limites?
C’est une question plus que délicate, mais je dirais qu’il faut avant tout interroger la finalité, le pourquoi du Gimmick ou du ver d’oreille. S’il s’agit d’une mélodie qui tourne en boucle dans sa voiture, sans finalité particulière, juste parce qu’on a chargé peu de musiques MP3 sur sa clef USB, il peut y a voir gêne, certes, mais on va dire que c’est « accidentel » (entendons-nous bien sur le terme « accidentel », nous voulons dire par là que ce n’était pas calculé). Par contre, si dans un magasin, des morceaux ont été préalablement choisi, des gimmicks de pub tournant en boucle, dont la finalité consiste à coller une marque au cerveau pour diriger et influencer le consommateur, là on peut dire qu’on dépasse les limites.
S’il s’agit juste d’une reconnaissance, un logo sonore sans but commercial, sans finalité de faire faire quelque chose à une personne, uniquement de présenter un style pour mieux se faire remarquer, il n’y a pas de problème.
Donc, je dirais qu’on pourra déterminer si oui ou non il y a abus en interrogeant la finalité de l’usage des gimmicks. On peut faire un bon usage des gimmicks, comme l’exemple du tableau périodique dans la vidéo.
Voilà, succinctement ce que je dirais, en espérant avoir pu répondre à votre question.

KaKaShUruKioRa : Merci de votre réponse 😉 Donc en gros, si par exemple je veux faire découvrir ma radio associative, ou mon projet musical, finalement rien ne m’empêche de faire un petit jingle musical pour dire que ça c’est mon projet, ou mon association, tant que la finalité n’est pas de manipuler afin de lui faire acheter absolument ma musique, de ne connaître que ça, etc… Si je me dis, qu’effectivement, ça me permet de me démarquer, que l’on reconnaisse que c’est bien ça, mais que je ne veux pas le faire pour écraser la concurrence, ou encore qu’elle colle au cerveau, ça reste envisageable.
Il est clair que de prime, je parle de ça, à petite échelle, et que je veux juste qu’on puisse bien identifié, qui je suis, ou quel est ma marque, sans me servir de grand média, sans que ce soit de la publicité invasive. Après, c’est vrai que la question en soi est très difficile, mais ça m’intéressait d’avoir votre avis.
Merci encore et j’attends impatiemment la suite 😉

Gull : Vu les précautions que vous prenez et les interrogations que vous portez à l’élaboration d’un jingle musical, il me semble qu’il n’y a guère à s’inquiéter 🙂
Donc oui, allez-y! Un petit jingle musical pour votre projet me paraît tout à fait légitime, point d’abus dans votre démarche.

 

Prendre un ton alarmiste pour dénoncer les discours alarmistes…Ironique ?

MrKolaru : Salut, Je trouve la vidéo bien faite et très intéressante [la France a peur] (bon j’ai pas eu le temps de la regarder jusqu’à la fin pour le moment, mais je voulais commenter avant d’oublier).
Par contre je trouve que le côté « s’habiller en noir comme un justicier de l’ombre anarchiste et parler avec une voix qui fait peur » diminue un peu la portée du propos. En fait, si j’avais pas déjà été un minimum convaincu du propos avant de voir la vidéo, je l’aurais sans doute coupée avant la fin de l’intro, en me disant « ouais celui-là avec le look qu’il a, je sais ce qu’il va me dire ».
Et puis c’est pas un peu ironique de prendre justement un ton alarmiste dans une vidéo qui cherche justement à dénoncer le principe ?

Gull : Question pertinente!
Effectivement, il y a toujours un côté paradoxal dans nos vidéos, et c’est volontaire. Nous jouons (avec bienveillance) avec ce que nous dénonçons. C’est le principe du hacking social : le détournement. Gull est en effet un cliché sur patte, on pourrait, rien qu’en le regardant ou en écoutant sa voix grave, s’attendre à un discours alarmiste voire complotiste, ce qui est tout à fait le contraire. Pour contrebalancer tout cela, on a choisi un décor naturel, une plage une forêt, là encore pour forcer le contraste avec le narrateur (habituellement, on s’attendrait à une cave sombre ou quelque chose du genre).
Donc, pour répondre à ta question, ce n’est pas tant de l’ironie, mais plutôt un jeu avec les formes, les genres, les clichés, les symboles. C’est critiquable, je te l’accorde, mais c’est ce que correspond à notre démarche que l’on souhaite tout autant pédagogique, ouverte, engagée, mais aussi ludique.

Est-ce qu’on est anti-systéme, divisant les bons des méchants ?


Maarx  : Woah ça peut être intéressant mais deux choses :
– C’est lent [l’habit fait le moine] !! Sérieux ça aurait pu être bouclé en 10 minutes
– Attention c’est assez anti-système « les méchants patrons veulent écraser les employés » alors qu’en réalité ça n’est pas leur but même si leurs méthodes entraînent ça en dégât collatéral

Gull : Pour la lenteur, je suis tout à fait d’accord! C’était notre premier véritable épisode, et nous n’avions pas encore trouvé notre rythme (d’ailleurs on se cherche encore). Si nous devions refaire ce sujet, nous nous y prendrions différemment.
Pour le côté « les méchants patrons veulent écraser les employés », ce n’est pas ce qu’on a voulu dire, peut-être nous sommes-nous mal exprimés.
Ce que nous critiquons, ce ne sont pas des individus, des patrons, ou un groupe d’individu (une classe sociale…), mais les structures sous-jacentes dans un groupe. Tu as raison de préciser que c’est pas le but de la grande majorité des patrons que d’écraser leurs employés, c’est la structure rationnelle qui pose problème. Qu’entendons-nous par là? Prenons des exemples concrets: la restauration rapide, les grandes chaînes de commerce (Ikea, Conforama, décathlon….), le travail dans des bureaux (open-space…), etc. obéissent à un certain type de management pour faire tourner la boutique. Certaines stratégies de management sont bien connues: Benchmark, théorie des alliés… Les patrons et autres cadres de l’entreprise qui souscrivent à ces systèmes (et généralement on leur demande pas leur avis) doivent se conformer à une certaine organisation. Ce sont ces modèles d’organisation, ces structures sous-jacentes donc, que nous critiquons. Le port obligatoire de l’uniforme est commun à certaines de ces structures, et les conséquences sont celles que nous présentons dans la vidéo. Ce n’est pas le patron de l’entreprise qui en est responsable, après tout celui-ci ne fait qu’appliquer un modèle qu’on lui demande de mettre en place en tant que garant des « valeurs » de la grande chaîne qu’il représente, par exemple. Pour reprendre le mot que tu emploies dans ton message, c’est effectivement un problème de « méthode » et non de personne. Problème: ces méthodes sont plus en plus appliquées dans le monde du travail, et elles sont insuffisamment remises en cause. C’est pour cela que nous proposons ce type de sujet.

[viciss] : étant donné qu' »anti-systéme » est devenu un terme-novlangue qui désigne des mouvements auxquels on adhère pas du tout (quoique dès fois il soit associé à des écolos qui se passeraient bien de cet amalgame, va comprendre…), jamais on ne se désignera comme anti-système.

Maarx : Merci d’avoir pris le temps de me répondre. Ravis d’avoir affaire à des gens intelligents. 😉

olifasan : Pour ma part c’est exactement ce que j’avais compris, pointer du doigt une structure de fonctionnement et non des individus en soit. Néanmoins il faut à mon avis bien tenir compte du fait que la grande majorité des gens dans nos sociétés occidentales est conditionnée à penser en termes individualistes et « personologiques » et n’est pas familiarisée avec le concept même de structure, comme vous le soulignez vous-mêmes lorsque vous remarquez que les employés incrimineront plus volontiers les clients (ou encore leur chef ou leur collègue ajouterait-je, bien que moins fréquemment) mais ne remettront pas en cause le fonctionnement structurel qui est pourtant à l’origine de la majorité de leurs souffrances.) […]

 

Ne risque-t-on pas de donner de l’eau au moulin du FN, Soral et compagnie ?


Pozz vera : Bonjour,
Une vidéo de qualité il faut le reconnaître, et le propos est plutôt bien argumenté.
Cependant ce que tu sembles ignorer c’est que paradoxalement ce genre de discours fait le nid des partis populiste en Europe. Qu’ils soient de gauche (Beppe Grillo en Italie) ou de droite (le FN en France, Aube Dorée en Grèce…) La thèse qui consiste a mettre dans le même sac les médias, les grands groupes et les politiques ne te rappelle-telle pas celle de « l’UMPS » si chère au FN?

Comprends-moi bien, je ne te taxe pas de fasciste, cependant je pense que tu as tort de présenter les choses de cette manière. La raison est simple, tu entretiens la défiance a l’égard du pouvoir (politique, médiatique…) et par la même tu favorises la monté de groupes qui pour le coup sont réellement dangereux pour la liberté. En effet ce type d’argumentaire est présent dans absolument tous les discours des populistes en Europe. Pour cette raison je pense qu’il faut nuancer le propos pour ne pas le sacrifier sur l’autel du « tous pourris » .

Les études que tu présentes pour étayer ta thèse sont intéressantes, ce que je regrette c’est que tu n’en abordes aucunes qui pourraient venir contredire ton propos. C’est pourtant important et cela peut amener les gens à réfléchir par eux même, à se faire leur propre opinion. Je vais donc moi te conseiller des ouvrages qui justement relativisent l’effet des médias sur les gens (même si je sais ce n’est pas trop à la mode…). Par exemple « les effets d’information en politique » de Jacques Gerstlé, ou aussi un certain nombre d’études de Paul Lazarsfeld comme « Personnal Influence ». Il y a aussi la thèse de Stuart Hall de codage et décodage, qui en bref dit, qu’un message médiatique est encodé d’une certaine manière par celui qui le produit, mais qui est de toute façon décodé par le récepteur d’une manière qui lui est propre. Autrement dit on ne comprend pas tous la même chose quand on reçoit une information. On ne l’interprète pas de la même manière. Cela vient donc relativiser l’effet supposé des JT qui ne serviraient qu’à formater les esprits des téléspectateurs.

De plus quand tu nous présentes par exemple l’étude selon laquelle les enfants qui sont les plus exposés à la TV deviennent plus craintifs, tu ne rends pas compte des données de l’étude. De fait on ne peut pas juger de la méthodologie qui a été employée. Dès lors je veux te demander, à quels programmes télévisés les a-t-on exposés? Tu peux facilement biaiser une étude pour lui faire dire n’importe quoi. En effet admettons, tu fais regarder des programmes violents a des enfants et tu leur poses ensuite la question de savoir s’ils ont peur de telle ou telle chose, j’ai envie de te répondre forcément! Et le souci c’est que en général, dès que tu parles d’une étude qui a été réalisée, les gens ne pensent pas à tous les biais méthodologiques que peuvent contenir une expérience. Ils se concentrent uniquement sur les conclusions. Dès lors tu peux dire plus ou moins ce que tu veux, tu trouveras toujours une étude plus ou moins fiable qui viendra étayer ce que tu racontes.

Pour finir, je tiens à dire que je ne rejette pas en bloc tout ce qu’il y a dans ta vidéo. Par exemple quand tu dénonces la tendance des médias à se concentrer sur les faits divers je suis d’accord que c’est regrettable. Il y a des abus, mais encore une fois il faut mettre en perspective. C’est malheureusement quelque chose qui intéresse le public, et tu n’es pas sans savoir que le secteur du journalisme est un secteur en crise, et que parfois pour s’assurer des meilleures ventes (pour la presse écrite) ou un meilleur audimat (pour les chaînes de TV) les journalistes cèdent à la tentation du fait divers.

Je pense donc que chacun a sa part de responsabilité, cependant, présenter les choses en faisant reposer la faute uniquement sur les médias et sur leur volonté de formater les esprits n’est pas la bonne réponse. C’est un propos trop généralisant et qui élude une trop large part de l’ensemble du problème.
Cordialement.

Gull : Merci pour ton commentaire, tu fais bien d’émettre une telle critique !
Pour commencer, nous sommes tout à fait conscients que dès lors que nous critiquons les médias, nous nous risquons à donner de l’eau au moulin au FN, Soral et Compagnie. Soyons clair tout de suite, ce sont là des mouvements idéologiques complètement cloisonnés et morbides, qui sont consécutifs de cette croyance de l’homme-loup, donc de la défiance permanente, et qui sont à l’opposé de ce que nous pensons. Nous n’avons surtout pas voulu suggéré un « tous pourris », nous avons au contraire invité ceux et celles qui regardent la vidéo à multiplier les sources, à ne pas tomber dans le catastrophisme. Nous le disons dans la vidéo, nous invitons à la nuance. Je m’étonne qu’on puisse nous confondre ainsi, car dès le départ, sous forme ironique en faisant intervenir le Gull blanc, nous essayons bien de faire comprendre que nous critiquons ces grands mythes de la décadence si chère aux extrêmes de tout bord. Prenons l’intervention trollesque du Gull blanc à la fin de la vidéo : on lui fait tenir un discours de défiance vis-à-vis des médias (« les médias vous mentent »), puis ensuite il ouvre une bouteille de coca. Par là, on voulait signifier que lorsque l’on a affaire à ce type de discours alarmiste et que l’on tient cela pour argent comptant, on tombe bien vite dans le no man’s land critique. Il ne s’agit pas de se défier, ni même de se méfier, mais d’interroger activement ce que l’on peut lire ou regarder. C’est cela qu’on a voulu dire.

On a pris un soin particulier à ne pas tomber dans une interprétation politique, et cela en mettant en avant la problématique actualité/publicité. Les journalistes ne sont pas fautifs, et c’est un métier dont nous avons le plus profond respect, mais l’objectif des grandes chaînes consistant essentiellement à augmenter les tarifs de pages publicitaires en garantissant aux annonceurs un certain nombre de vue (et donc un impact important sur le téléspectateur), les journalistes ne peuvent plus dans ces conditions travailler sereinement, privilégiant le buzz, le sensationnel, le drame, le fait divers, car c’est ce qui marche, qui attire, fixe l’attention. Nous ne cherchons aucunement à rejeter la faute sur les médias, et les responsabilités évidemment sont multiples. Nous avons juste essayé de préciser le rôle de la publicité qui est l’un des principaux moyens de financement des grandes chaînes tels que TF1 et M6 et qui est au cœur de la course à l’audimat, et donc de ce sensationnalisme et de cette information-émotion que nous critiquons.

Je te l’accorde, on aurait pu apporter d’autres études qui auraient peut-être pu nuancer nos propos, d’ailleurs peut-être que le problème général de cette vidéo est qu’il n’y a pas eu suffisamment de nuances. À noter que nous sommes limités par le format vidéo, ou du moins la quantité de travail qu’il requiert : s’il avait fallu montrer, expliquer toutes les expériences croisées, on n’aurait pas pu publier avant plusieurs années et la vidéo aurait duré plusieurs heures. C’est pour cela que l’on a le blog où l’on publie régulièrement d’autres expériences sur des thèmes annexes, mais complémentaires. On « épisode » les problématiques, que ce soit dans les articles ou les vidéos. Mais évidemment cela n’excuse pas tout, et tu fais bien de nous le faire remarquer.

Pour la méthodologie, on donne nos sources sur le blog. Tu as tout à fait raison d’insister sur les difficultés méthodologiques qu’il y a derrière. Pour Gerbner par exemple, on lui a beaucoup critiqué ses choix d’échantillonnage de la population, ses propres interprétations sur les programmes, sa théorie de l’acculturation par la télévision. Ce type d’étude ne constitue pas un argument fiable, c’est pour cela que nous proposons différentes études, en contrastant avec certaines données. Pour les enfants grands consommateurs d’émission télé dans l’expérience présentée, il s’agissait de programmes des chaînes classiques, selon le bon vouloir de l’enfant, non de programmes imposés par l’expérimentateur. Et là encore, il y aurait en effet beaucoup de choses à dire en fonction du type de programme sélectionné.
Dans nos vidéos, nous ne cherchons pas à imposer des conclusions cloisonnées, bien que nous sommes tout à fait conscients que nous parlons selon une certaine perspective. Notre seule prétention est celle d’inviter au débat et à la réflexion, et surtout d’éviter les prêts à penser ainsi que les visions négatives et réactionnaires qui sont pour nous de vrais poisons intellectuels.
J’espère avoir fait le tour de tes questions, et je serais heureux de préciser davantage si tu le souhaites.
Encore une fois, merci pour cette critique sincère,
Cordialement

 

Questions et réflexions au sujet de la Liberté


FuckinAnonymous : Gull,
Merci beaucoup pour cette vidéo. Il ne m’avait certes pas non plus échappé que les gens se comportent de façon radicalement différente avec moi quand je suis en costard, mais je n’y ai jamais réfléchi autant que toi.
Dans plusieurs de tes vidéos, tu as démontré essentiellement cela : l’Homme du XXIème siècle n’est pas libre. Et j’en suis également, à ma modeste mesure, convaincu.

Ça peut te paraître aberrant, mais je me pose pourtant la question suivante, et je me permets à cet égard de citer le Corse : la liberté, pour quoi faire ? N’est-ce pas illusion que de s’imaginer libre alors que nous sommes de toute façon esclaves de nos besoins, de nos pulsions, de nos désirs ?

Côtoyant des ténors du monde des affaires, je puis par ailleurs t’assurer ceci : ces grands patrons et banquiers que tu n’aimes pas ont voué leur vie à leur travail, et sont bien plus prisonniers que le citoyen lambda (responsabilités énormes, regard des autres, aucune vie privée, questions d’éthique permanentes, sans parler des addictions de tous genres).

Et tu penses que le peuple est leur prisonnier ? Je ne comprends pas. Ce sont eux qui, depuis l’enfance (cours forcés de diction, de bonnes manières, de piano, d’équitation, de voile et de ski, cursus scolaires élitistes et grandes écoles), sont formatés dans un moule. Bien plus que la « France d’en bas » qui, elle, n’a finalement que si peu de contraintes sinon celles de vivre correctement…

Bref, qui se serait rendu maître de notre liberté ? Le système ? Il n’est, par sa violence inouïe, qu’une version civilisée de la « loi de la jungle », qui guide l’Homme et la Nature depuis toujours. Pourquoi cela serait-il injuste ? N’est-ce pas… naturel ?

Merci en tout cas pour ton travail pédagogue et de grande qualité.

Gull : Beaucoup de choses à dire pour rebondir sur ton commentaire.

Première chose, nous n’avons rien contre les grands patrons et les banquiers, bien qu’il y aurait beaucoup de choses à dire. Ce ne sont pas les individus que nous critiquons, là-dessus nous voulons être clairs. Comme tu l’as bien exposé, pourquoi devrions-nous taper sur des gens qui sont eux-mêmes enfermés dans des rouages qui les dépassent ? S’il y a des prisonniers, nous le sommes tous. Nous sommes dans une prison sans directeur, sans administrateurs, car c’est nous qui nous mettons en cage. Inutile d’aller chercher des boucs émissaires.
Ce sont les rouages, les structures sous-jacentes, les déterminants sociaux que nous voulons exposer, analyser, afin tout simplement saisir des occasions à réfléchir. Non pas que nous rejetons l’importance de l’individu, au contraire, nous lui donnons toute son importance dans la capacité de saisir ces déterminants et d’en faire autre chose, à condition d’en avoir conscience.

Alors, oui, nous pensons que l’homme, et pas seulement au XXIe siècle, n’est pas libre de nature. La liberté est une conquête de chaque instant, elle n’est pas donnée. Les différentes expériences en psycho sociale nous l’indiquent bien : nos choix n’obéissent pas le plus souvent à une libre volonté. Mais doit-on alors comme Spinoza renoncer à cette libre volonté, accepté que tout ne soit que nécessité ?

Voilà comment nous voyons les choses. Prenons une image physique. Mettons que la société humaine soit un tissu de forces, d’interactions, de réactions. Nous sommes plongés dedans, on ne peut pas échapper à tout cela. Mais là il ne faut pas oublier une chose importante, et pas des moindres. Nous sommes certes déterminés, mais nous sommes aussi nous-mêmes déterminants. La liberté est-elle illusoire ? Grande question philosophique à laquelle je ne pourrais répondre, à moins d’être prétentieux. Par contre, ce dont on peut être certain, c’est que notre simple présence impacte tout le reste, dans des proportions qui peuvent être importantes. Et pour invoquer à nouveau Spinoza, s’il devait y avoir une forme de liberté, celle-ci ne serait accessible qu’à la condition d’une certaine connaissance, et prise de conscience, de ce qui nous détermine.

Nous ne pensons pas qu’il y aurait un « système ». Un système supposerait une cohérence, avec un principe directeur. Qu’il y ait des principes dominants, c’est certains, qu’il y ait en apparence une certaine cohérence, ne serait-ce que dans le maintien des grandes structures, évidemment, mais tout cela est de l’ordre de l’accidentel. Personne ne s’est dit un jour : tiens, on va installer un système avec un certain conditionnement sur les individus pour que tout cela tourne bien. Non, ce n’est pas du tout ça, cela tiendrait de la science-fiction. Ces différentes structures dominantes sont accidentelles. Il y a quelque chose d’assez chaotique là-dedans : du chaos nous voyons apparaître de jolies figures géométriques, pourtant point de géomètres derrière tout cela. Pour résumer : pour nous il n’y a ni maître, ni système, mais un ensemble de structures qui se sont mis en place au fil de l’histoire, et qui continueront de toute façon à changer (ce sont des structures dynamiques sur le long terme, plastique, bien que cela puisse sembler paradoxal). N’est-ce pas naturel alors ? Je dirais plutôt que c’est humain, et que cela devient artificiel quand on s’oublie soi-même derrière ces déterminants et que l’on contribue à les pérenniser.

Voilà sommairement,
Merci pour ton commentaire, j’espère avoir pu répondre un peu plus aux interrogations que tu avais à notre propos.

jérémie Ozog : Sur ces questions je préconise la lecture de Marx. Plus que de chaos, ce sont des contradictions (de la dialectique) que naissent les « modes » (forme temporairement stable) et leur trans-formation (changement de forme). Il n’y a selon moi ni accident, ni hasard, sinon à supposer que le monde ne soit pas « logique »: il ne nous faut en effet pas confondre ce que nous ne savons pas nous expliquer, avec quelque-chose qui n’aurait pas d’explication (selon moi, il y en a toujours une, mais on n’est pas forcément en mesure de la connaître).

On y retrouvera, chez Marx, également l’idée soulevée par FuckinAnnonymous, du fait que la classe « dirigeante » est en fait elle même esclave de ce système. d’où le nom que Marx donne à ce système: le capitalisme. En effet dans ce dernier le pouvoir et la décision n’est pas le fait d’un homme ‘monarchie’ ou d’une multitude ‘démocratie’, mais hors de l’homme, dans les choses, et plus particulièrement dans le capital auquel le « fétichisme » moderne nous invite à sacrifier nos vies: aliénation totale.

je renvoie vers l’un des textes majeur disponible ici: les manuscrits de 1844: http://www.marxists.org/francais/marx/works/1844/00/km18440000/index.htm

Super boulot en tout cas, j’attends impatiemment la suite.

Questions au sujet de l’individualité


Soupe O’Kiri : [l’habit fait le moine] Je viens de découvrir votre chaîne, et ça fait plaisir de découvrir un média alternatif sur YouTube. Je crois aussi qu’il y a beaucoup de vrai dans ce que vous dites, je crois aussi que c’est parfois un peu incomplet et que ça ne soulève pas certaines problématiques (même si j’ai conscience qu’il est difficile de tout aborder en une seule fois). Exemple, même si je suis outrée par l’aspect quasi dictatorial des réglementations concernant l’apparence montrées dans le docu sur Dominos pizza, je crois qu’il soulève un autre problème. Quand tu dis « c’est son individualité, ses cheveux, c’est sa force », et bien je crois qu’on pointe du doigt autre chose. Ça pourrait être ici l’occasion de réadapter une célèbre citation de Fight Club, donc, je ne m’en prive pas : « Vous n’êtes pas votre compte en banque, vous n’êtes pas votre putain de treillis, et vous n’êtes pas non plus votre putain de coupe de cheveux ! ». Alors ça me pose question aussi. Pourquoi tenons-nous tant (j’entends par là, nous occidentaux. Cette culture de l’individualisme n’est pas aussi présente en Asie par exemple.) à maintenir notre individualité à un niveau finalement peut-être un peu superficiel ? Qu’est ce que mon look dit de moi et me définit-il en tant que personne ? Si j’estime que j’arrête d’être moi le jour où je change de coupe alors c’est que l’image que j’ai de moi-même doit être bien faible, non ?
J’ai bien conscience qu’on s’éloigne ici un peu du sujet qui traitait principalement de l’infiltration de « la marque » dans ce qui appartient le plus légitiment à l’individu, mais je pense aussi que ce n’est pas anodin et que la question mérite d’être posée. Avez-vous un point de vue là-dessus ? Je serais bien curieuse d’échanger quelques idées.

Encore bravo pour votre travail, du fond du cœur une bonne continuation, et une abonnée en plus pour vous montrer mon soutien. =)

La citation en question « Vous n’êtes pas votre travail, vous n’êtes pas votre compte en banque, vous n’êtes pas votre voiture, vous n’êtes pas votre portefeuille, ni votre putain de treillis, vous êtes la merde de ce monde prête à servir à tout. »

Gull : Bonjour,

Vaste réponse que méritait une telle question. Je vais quand même essayer de donner notre point de vue.
Je ne partage pas la citation de Fight Club (je précise que j’adore le film, ce n’est pas un reproche), puisqu’il y a bien une critique de la société de consommation que je partage, mais il y a surtout un certain nihilisme, un propos radical qui consiste à dire: nous ne sommes rien du tout. Bon évidemment, tout cela est allégorique, et c’est bien parce que nous ne sommes rien que nous pouvons devenir ce que nous voulons sans jamais coïncider avec une définition fixe (et là nous tombons dans l’existentialisme sartrien…).
Je dirais que nous ne sommes pas ce que nous voulons, ou du moins nous sommes ce que nous voulons à partir d’une certaine situation. Nous naissons à une certaine époque, dans un certain contexte, avec un certain vécu, des événements dans notre vie, que nous n’avons pas choisi, et nous visons à devenir ce que nous pensons être partant de ces déterminants (« deviens ce que tu es » disait Pindare »). Il y a donc une part de déterminisme, une autre part (infime) de liberté (de choix). Cette liberté n’est possible qu’à la condition que l’on prenne connaissance de qui nous détermine.
Où est-ce que je veux en venir?
Reprenons l’exemple de la coupe de cheveux à Domino’s. En quoi une coupe de cheveux peut être signifiante pour le porteur? Parce qu’il s’y reconnaît. Qu’importe qu’on suive la mode, qu’on s’invente un style, qu’on soit sans style, dès lors qu’on se reconnaît, soi, dans son apparence, et qu’on a conscience de ce qui nous a déterminés à nous identifier à cette apparence que nous renvoyons aux autres, alors cela n’a rien de superficiel. Au contraire. Si l’on porte des vêtements, qu’on s’habille sans style ou avec style, mais qu’on ne se reconnaît pas dans l’image que l’on renvoie (quand on est mal dans sa peau pour le dire rapidement), quand on ignore même pourquoi nous voulons afficher cette image, là c’est superficiel et artificiel. Et enfin, dernier stade, le pire: quand l’image que l’on renvoie nous est imposée, sans la possibilité de s’y reconnaître, là on peut parler d’une extrême violence, d’une véritable aliénation. C’est ce que nous dénonçons dans le port de tel accoutrement.
L’individualité, lucide (en connaissance des déterminations), ce rapport entre soi et son image, entre ses choix et ses déterminants, est condition de liberté. Voilà pourquoi cela est important. Car c’est l’individu qui détermine in fine l’image qu’il renvoie, et non l’entreprise dans laquelle il travaille. Car sa propre image devient elle-même déterminante. Quand l’image que l’on renvoie est imposée, elle n’est pas déterminante mais déterminée, et c’est nous-mêmes qui sommes écrasés.
Et en cela, j’aimerai terminé par constater que notre société, l’occident, n’a d’individualisme que le mot. Les sociétés occidentales aujourd’hui imposent des images, écrasent les individus plus qu’elles les émancipent. Quand on parle de « ressources humaines » dans le monde du travail par exemple, où sont les individus? Est-ce compatible de dire d’une société qu’elle est individualiste quand cette même société considère les individus comme des ressources, comme des travailleurs? L’individualisme dans nos sociétés, soit elle est illusoire, soit elle se présente sous sa forme négative c’est-à-dire l’égoïsme et l’égocentrisme. Or, l’individualisme positif, c’est-à-dire l’individualisme pensé comme liberté, comme possibilité de se déterminer, à la condition d’une prise de conscience et d’une autonomie, cet individualisme est un altruisme, car se reconnaître soi, c’est aussi reconnaître l’autre. Bref, l’individualisme tel que nous l’entendons n’est pas celui que l’on nous présente dans les médias.

J’espère avoir pu exposer, succinctement, notre point de vue sur la superficialité de l’apparence et la notion d’individualisme. Si tel n’est pas le cas, je dialoguerais avec plaisir avec vous 🙂

« Les choses que l’on possède, finissent par nous posséder »

Soupe O’Kiri : C’est très pertinent cette remarque sur l’individualisme illusoire. Je n’y avais jamais songé comme ça avant, mais c’est vrai que paradoxalement ce mot a une connotation plutôt péjorative.
Je ne me suis peut-être pas bien exprimée concernant le rapport à l’image. Et je suis d’accord lorsque vous dites que l’essentiel est de se reconnaître dans l’image qu’on donne, quelle qu’elle soit. Ce pendant ma question portait davantage sur une question de conviction profonde de ce que l’on est justement. Est-ce que fasse à cet acte de répression (parce que ça n’est ni plus ni moins que ça dans ce contexte), la meilleure forme de résistance ne serait pas d’avoir ce recule nécessaire pour se dire « Ils m’ont coupé les cheveux, mais pas mes idées. Ils ont changé mon habillement mais je reste profondément Untel, avec telles convictions, tels goûts, telles passions. ». Imposer une coupe de cheveux, c’est une mutilation symbolique (d’autant que la chevelure est un symbole, une « force » comme le manager le dit lui-même). À un autre niveau ça m’évoque toujours l’holocauste. Mon arrière grand-mère qui a fait les camps me disait qu’une des choses qui avait été les plus importantes pour elle, c’était de s’entendre appeler par son prénom, de se le répéter, pour se souvenir qu’elle était une personne, et pas un objet avec un matricule comme on souhaitait le lui faire croire.
Je m’égare sans doute un peu, mais là où je voulais en venir c’est que finalement, peut-être; mon image est un reflet de ma personne, elle me permet finalement de personnifier mes idées, mais elles ne les constituent pas en elles-mêmes. (Désolée pour la tournure de phrase un peu lourde). Pour prendre un exemple un peu simpliste, ça serait comme si les Pussy Riots arrêtaient d’être féministes après être sorties de scène et avoir repassé un jean-baskets plus lambda.
Ça ne marche pas comme ça, puisque que vous l’avez dit aussi (ou du moins c’est ce que j’ai compris), ce n’est pas mon apparence qui me détermine, mais bien moi qui détermine mon apparence.
Je vais conclure parce que je sens que je commence à m’égarer dans mon propos. Tout ça pour dire que le « problème » dont nous souffrons c’est peut-être que justement nous ne sommes pas assez équipés pour réagir à ces pratiques avilissantes avec le dédain qu’elles méritent. En très gros; « Moi je sais qui je suis, ce que je vaux et je suis au-dessus de ça. » Après ça pose aussi la question de savoir pourquoi, mais personnellement à part quelques idées en vrai, je n’ai pas d’éléments de réponses tangibles.

 

Casser les préjugés en portant le costard, oui c’est possible et c’est du hacking social


 

Thomas Trégaro : Bravo pour tes vidéos! C’est la troisième que je regarde et que je me dis qu’il faudrait diffuser dans les écoles ^^
Je me permets une petite question. Rien de bien « compliqué » je pense, mais j’aurais voulu confronter une idée avec ta réflexion visiblement bien plus aboutit/réfléchit que la mienne.

Sans arriver à la cheville de ta(tes) vidéo(s), j’étais arrivé à une conclusion plus floue mais similaire (notamment grâce au bouquin « l’art d’avoir toujours raison » ^^). Je ne suis qu’employé « basique » d’une grosse société ou même les chefs d’équipes sont habillés décontractés. Même quand ils portent un costume, c’est col ouvert et jamais de cravate.

J’ai choisi depuis quelque temps de porter au contraire le costume cravate tous les jours. Personnellement ça ne me gêne pas (je suis du genre à m’y sentir à l’aise) et personnellement je recommanderais d’en user et d’en abuser. En effet, selon moi et ma réflexion limitée sur le sujet, si tu portes un costume et que tu es toujours sympa et le plus prévenant possible en étant « bien » habillé, en restant disponible et en cassant régulièrement les frontières entre uniformes, on peut assez facilement casser le moule en l’obligeant à s’adapter aux nouveaux standards.

Bon, après ce n’est qu’une idée. C’est peut-être juste dans ma tête que c’est efficace, mais j’aurais aimé avoir ton avis!

En te remerciant d’avance pour ton temps et tes vidéos!


Le costard, l’accessoire indispensable des Yes Men

Gull : Ce n’est pas tant le costume en soi qui écrase l’autre, ce sont les symboles qu’il incarne et qu’il dégage. Effectivement, on peut porter le costume et en jouer, c’est ce que font les Yes Men, ou même dans une moindre mesure Gull dans les vidéos.
C’est le porteur du costume qui va pouvoir en abuser, dans le mauvais sens du terme, ou au contraire le détourner pour jouer avec les signes. Attention toutefois, ton interlocuteur habillé « normalement » (si on peut dire) n’arrivera peut-être pas à surmonter ce que lui renvoie ton costume. Il faut bien veiller à ce que la personne en face de toi ne se sente pas écraser, et parfois malgré les efforts, les symboles sont trop puissants.
Quoi qu’il en soit, l’initiative est intéressante, et le plus important c’est d’expérimenter et de constater ce qu’il en est, ce que tu sembles déjà faire. En ce sens, je ne peux qu’approuver ta démarche 🙂

Thomas Trégaro : Et bien j’ai bien fait de poser la question! ^^
Merci pour ta réponse, ça me donne à réfléchir ^^

 

Objectivité de ce que l’on présente ? Comment savoir qu’on ne déforme pas les faits ?


Gauvain Durinck : bonsoir, Gull.
Bravo pour cette vidéo, et toutes les autres. Et merci également…
Je viens de finir de les regarder et je suis impressionné par ta capacité d’analyse sur des points qui semblent insignifiants et qui, pourtant, sont révélateurs d’une réalité bien oppressante. Non pas que je m’adonne au « Grand Méchant Monde » pour autant. 😉
Je me posais une question qui me semblait suffisamment pertinente pour être postée : comment peut-on être sûr, selon les mécanismes mentaux que tu sembles présenter, que ce que tu nous dis est une analyse réelle et non une déformation plus ou moins grande des faits ? Ou plus simplement : Comment sait-on que ton point de vue est détaché ?
Tu as dit toi-même garder ton accoutrement (que je trouve au demeurant très sympathique, quoi qu’en dise le Technicien, bien qu’un tantinet anxiogène) comme un souvenir. Par conséquent, ses symboles sont présents dans chaque plan t’incorporant, te présentant d’une manière précise. Le travail sur ta voix (qui me rappelle très fortement la voix d’un personnage de série audio) ainsi que sur celle du Technicien (très proche, là aussi, de celle d’un autre personnage de la même série) font très bien comprendre une relation maître-élève, entre celui-qui-sait et celui-qui-se-laisse-entraîner. Le but pédagogique m’est très clair, pour faire passer le ou les message-s de la vidéo plus simplement auprès du spectateur lambda. Néanmoins, ta voix aussi est anxiogène : qui ne penserait pas à un tueur masquant sa voix au bout du combiné, téléphonant depuis une sombre cabine ?

Ce que j’essaie de dire avec plus ou moins de rigueur est que, bien que je sois tout près à te croire, car ton analyse me semble juste, il me semble nécessaire de remettre en question le bien-fondé du propos qui nous est fourni. Tu nous dit toi-même de varier nos sources d’information. Comment pourrait-on le faire alors que tu es probablement l’un des très rares à traiter de tels sujets ?

Et pour ne pas paraître totalement contre tes propos, je vais réitérer les miens. Je trouve en effet que ton analyse sonne très juste et est parfaitement cohérente. D’autant plus que les sujets abordés sont rarement traités, ce qui rend les vidéos intéressantes d’autant plus.

Sur ce, bonne soirée.

Gull : Bonjour Gauvain Durinck,

Beaucoup de questions auxquelles il nous faut répondre. Je vais détacher tes questions et tes remarques afin de m’assurer que je n’oublie rien.

– « Comment sait-on que ton point de vue est détaché ? »

On ne prétend aucunement avoir un point de vue détaché. Tout discours, quel qu’il soit, s’enracine quelque part, partant d’une certaine position précise, d’un contexte, d’un corps. Nous parlons bien à partir d’une certaine perspective, comme n’importe quel discours, même celui qui tend à être le plus objectif. Quelle est notre position, d’où parlons-nous, et pour quelles intentions ? Au sens large, notre perspective, notre attache, est celle du hacking social.
Le simple fait d’avoir choisi un tel sujet « la télé », « le syndrome du grand méchant monde », n’est pas neutre. Pourquoi avons-nous choisi ce thème, et pourquoi l’avons-nous traité de cette façon ? Parce que nous constatons qu’il y a dans nos sociétés des présupposés conçus comme des évidences qui sont autant de périls pour l’avenir : la pensée réactionnaire (rétablir un ordre ancien) et qui ferme les possibilités présentes et à venir ; le mythe de l’homme-loup (l’homme est mauvais de nature) qui est au cœur du néo-libéralisme et des politiques de l’ultra-surveillance ; l’impression d’un déclin qui nécessiterait le retour d’une autorité forte et toute puissante, qui favorise la montée des extrêmes, particulièrement l’extrême droite ; la défiance des autres (des immigrés, parfois même de son voisin sous prétexte que ses opinions sont différentes des nôtres), engendrant un retour aux discriminations multiples, et qui rendent de moins en moins possible la solidarité et l’altruisme dans nos sociétés ; l’impression de l’augmentation de la violence, de la criminalité, de la délinquance…. On s’est donc posé une question simple : si ces idées, sentiments, impressions, ne s’enracinent pas dans la réalité (par exemple, l’explosion de la délinquance est un préjugé complètement faux, dans les faits la délinquance est stable, voire même en baisse, depuis plusieurs années), d’où viennent-ils ? C’est en nous posant cette question que nous sommes tombés sur la théorie de l’acculturation par la télévision (ou plus globalement par l’ensemble des médias) de G. Gerbner. Partant de là, nous avons essayé d’éclairer cette hypothèse par des recherches plus récentes, dans d’autres domaines, et nous avons trouvé des corrélations avec le marketing, les tenants de la société de consommation, la visée de l’audimat qui passe par une mise en scène de plus en plus spectaculaire, les mécanismes pour forcer l’intention….
Pour faire simple, nous sommes partis des problèmes auquel nous sommes sensibles, car il y a selon nous un véritable péril (montée des extrêmes, violence symbolique plus forte, brutalisme…) ; et nous avons essayé d’éclairer ce problème selon la méthode du hacking social : retrouver la structure dominante sous-jacente, la comprendre, l’analyser (pour le coup : la sphère médiatique liée à la publicité).
Voilà pour ce qui est de notre attache.
Ensuite, il y a des critères que nous voulons respecter, que ce soit dans nos articles ou dans les vidéos : avoir des sources solides, des documents, nous attacher au concret, ne pas parler dans le vide sur du vide ; de ne pas être dans une logique d’imposition d’un point de vue qui serait le nôtre, mais de proposition et d’invitation à la réflexion, à l’ouverture, via une perspective que nous voulons ouverte et positive; éviter justement la négativité dans notre propos, il ne s’agit pas de faire peur, il ne s’agit pas de pointer du doigt des « boucs-émissaires », mais bien d’analyser des structures, des mécanismes, déconstruire dans la visée de construire à nouveau.

-« Comment peut-on être sûr, selon les mécanismes mentaux que tu sembles présenter, que ce que tu nous dis est une analyse réelle et non une déformation plus ou moins grande des faits ? »

Je préférerais dire que notre travail tient plutôt de la synthèse, davantage que de l’analyse. Car les analyses sur les mécanismes mentaux que nous présentons sont issues de diverses sources reconnues, et notre travail a surtout consisté à les rassembler et les présenter le plus fidèlement possible autour de cette thématique du « syndrome du grand méchant monde », thèse des années 70 de G. Gerbner (et partant encore une fois de problématiques auxquelles nous sommes sensibles).
Si ce que tu demandes, ce sont des preuves supplémentaires, quant à la validité de ces analyses, je t’invite par exemple à retrouver l’émission Cash Investigation datant du 25/05/2012 traitant du neuromarketing [ici présente dans l’article]. Tu verras dans ce reportage des publicitaires, utilisant les travaux des psychologues, psychiatres, neurologues, pour manipuler le client… par la peur ! Dans ce reportage on voit bien le lien étroit entre peur primitive (relevant du cerveau reptilien) et consommation outrancière, et on s’aperçoit de plus que les publicitaires connaissent bien ces processus et en usent.
Tu pourras aussi vérifier les différents rapports dont nous faisons référence et qui sont librement accessible sur le net. Tu trouveras les références sur notre blog. Quand nous invitons les individus à vérifier les sources, cela vaut aussi pour nous J

-« Qui ne penserait pas à un tueur masquant sa voix au bout du combiné, téléphonant depuis une sombre cabine ? »

Oui, je le reconnais, Gull aurait tout du parfait psychopathe. On aime justement jouer avec les clichés, pour mieux les inverser. On peut voir Gull un peu comme le clown de ça (de Stephen King) mais à l’envers. Dans ça, King a pris une figure sympathique, apprécié des enfants, pour le transformer en figure terrifiante. Cela a si bien marché, qu’aujourd’hui le clown fait peur plus qu’il n’amuse. Gull incarne, dans sa tenue et sa voix, un personnage qui, a priori, serait sombre, aux intentions mauvaises, du côté de la peur ; au contraire nous inversons cette figure, et nous inspirons à ce qu’il soit humain, ouvert, non dans la négativité mais dans la positivité, non dans la force mais dans la douceur.
On retrouve là encore l’état d’esprit du hacking social : on détourne les symboles.

-« Par conséquent, ses symboles sont présents dans chaque plan t’incorporant, te présentant d’une manière précise »

Tout à fait. Il ne s’agit pas de renoncer au symbole, il ne s’agit pas de viser à la disparition des déterminants sociaux. Il y aura toujours des déterminants, on ne peut les supprimer, car nous sommes des animaux sociaux. Ce que nous proposons c’est d’une part d’en prendre conscience, et d’autre part, si besoin, d’en jouer en les détournant.

-à propos de la confrontation des sources « Comment pourrait-on le faire alors que tu es probablement l’un des très rares à traiter de tels sujets ? »

Les autres sources existent, mais elles sont disparates. Nous avons fait un travail de synthèse partant de différentes analyses qui nous viennent d’études en psychologie sociale, en neuromarketing, en sociologie, corrélés avec des thèses philosophiques.
Le problème n’est donc pas tant le manque de source, mais le manque de visibilité de ces sources.
Très souvent, on trouvera ces sources dans des ouvrages universitaire, parfois peu accessible dans les bibliothèques traditionnelles. Pour y avoir accès, rien de plus simple : les bibliothèques universitaires (les bibliothèques universitaires sont ouvertes à tous, n’hésitez pas à y faire un tour si cela n’est pas déjà fait). On donne beaucoup de liens dans les « sources » à la fin de nos articles également.

Voilà, j’espère avoir pu répondre à tes questions, et si tel n’est pas le cas, relance-moi !
Merci pour ton commentaire et tes remarques 😀

Gauvain Durinck : Ce commentaire répond parfaitement à mes questions. Je tiens à dire que certaines étaient posées à l’inverse de ma pensée, pour vérifier ce dont je me doutais…
Je suis également en train de visiter le blog que je trouve extrêmement ludique !
Merci pour cette réponse rapide, conséquente et très intéressante.

 

Y a pas que la peur à la TV


LittleGorille : Salutations, nous voyons ces derniers temps de nombreux reportages sur la solidarité, les actions communes autour de l’entraide ou les moyens économiques du partage et de l’échange. Comment l’interprétez-vous ?

Gull : Pour les reportages à la télévision (notamment sur Arte, France télévision…), on voit effectivement des reportages très intéressants et positifs (« l’Urgence de ralentir » par exemple, en septembre dernier). Et c’est une très bonne chose (tant que c’est pas accolé à une démarche publicitaire). Cependant, dans les grands JT, ces sujets sont encore très minoritaires, malheureusement.
Il existe de très nombreux mouvements, des associations, des initiatives, des alternatives, mais cela est si peu médiatisé (à côté d’un « tigre » en liberté, de la menace djihadiste, ou d’une Nabilla arrêtée) que le public ne mesure pas encore cet élan de solidarité. Heureusement, il y a Internet, où il est encore possible de mettre en lumière cette positivité. C’est en tout cas ce que nous essayons de faire dans nos vidéos ou sur le blog.

Viciss : Voici quelques productions Tv qui valent le coup d’œil :

https://www.youtube.com/watch?v=e3bKMJTaQn4

Si, il y a de quoi avoir peur [au sujet de « la France a peur »]


La personne qui écrit ce commentaire n’est pas du tout atteinte du syndrome du grand méchant monde, mais elle nous donne un bon témoignage de celui-ci :

Jean-Luc REMY : Mon père quand je lui montre la vidéo : Mais non c’est des conneries je ne veux rien entendre tu me gonfles les attentats sont partout, il y a la police partout et je me suis déjà fait agresser dans la rue, ton truc c’est du média, les gens qui font ce genre de vidéo veulent faire passer leurs idées, fous-moi la paix.
Moi : ??? J’adopte la stratégie du : Oui, oui bien sûr tu as mille fois raison.

***

La personne qui écrit ce commentaire n’est pas du tout atteinte du syndrome du grand méchant monde, mais elle nous donne un bon témoignage de celui-ci :

Milphide E : je pense qu’il était très clair dans la vidéo que vous ne défendez pas le « tous pourri » et que vous êtes à l’opposé des idées du FN et compagnie. C’est un détail mais j’insiste : faire la confusion me semble improbable au vu de ce que la vidéo développe. Et merci pour cette merveilleuse vidéo ! Ma mère, qui est pourtant immigrée et vit en banlieue, est crédule des médias et j’essaie de la raisonner depuis des années. Mais même elle commence à croire que les immigrés sont dangereux et les banlieues toujours en flamme ( elle justifie la tranquillité absolue de notre cité et de nos barres d’immeubles par le fait que c’est une exception. Elle explique que même cette exception est gangrenée par des trafics de drogue, ce qui est synonyme de violence. Pourtant les échanges se sont toujours fait dans un calme absolu, et le seul débordement qu’il y a eu en 5 ans de trafic a été une bagarre à la main entre un acheteur et un vendeur, qui s’ est assez bien finie finalement. C’est un comble que ces conneries qui se retrouvent partout justifient une vision névrosée du monde chez ma mère, qui a littéralement limité sa liberté et celle de ses enfants pour se préserver d’un fantôme. La horla moderne. ) Enfin bref, j’ai vu les conséquences réelles de la surdose de peur dans les médias, cette vidéo m’a beaucoup appris sur le sujet. Merci.

***

rucci92 : J’ai pas tenu 15 min il m’insupporte avec sa voix de merde ! Et qui plus est je regarde pas la TV ! Je me sens pas du tout concerné et je trouve que c’est l’auteur de ce doc qui prend les gens pour des cons ! Ce doc est bon que pour les fans de V for Vendetta…. Oui la TV a un rôle néfaste MERCI MR le génie ! Vous m’enlèverez pas de l’idée que ce monde pue la merde !

***

Swan Lost : Ils font tous un plat pour une violence qui n’existe pas mais , les corridas , les abattoirs , les cirques ? c’est pas une violence grave ça?
Rha on sait plus qui croire

***

Blederama : ma tante s’est fait cambrioler a`la campagne par des gens des pays de l’est. je me suis déjà fait agressé. J’imagine que c’est imaginaire. et aussi j’imagine que la situation économique de la France est florissante.

Gull : Non, pas du tout, je suis désolé pour ta tante ou pour ton agression. Moi-même j’ai déjà eu mon lot d’ennuis, mais pour autant il ne faut pas généraliser. Ce n’est pas parce que ta tante s’est faite cambrioler par des gens de l’est que ces personnes de l’est sont des cambrioleurs par nature. Là on fait un raccourci sans fondement, et qui dérive vers une véritable discrimination, une défiance contre les étrangers. Rappelons qu’en France, les délinquants et criminels sont majoritairement…. français.
Attention à cette méthode inductive qui consiste à passer des faits à des théories générales. Il m’arrive fréquemment de me cogner sur le rebord de mon lit (oui, je suis maladroit), ce n’est pas pour autant que je vais proclamer que les lits sont dangereux en disant: « regardez, les faits sont là ». Oui, les faits peuvent être là, ce n’est pas imaginaire, mais est-ce que cela prouve quoi que ce soit? Pas du tout. On peut dire des choses délirantes en partant de faits concrets. J’ai pris un exemple absurde mais ce n’est nullement par moquerie ou irrespect envers toi, je veux juste dire qu’il est important de prendre du recul, car je crois que ton sentiment tient davantage de ce que nous présentons dans la vidéo: l’heuristique de disponibilité.

Choisir la plage comme lieu de tournage est aussi une façon de prendre ce recul…. Le monde ne pue pas la merde. Si c’est le cas, il suffit d’aller s’aérer un peu.

 

Que faire pour changer les choses ?


Charlotte Cardonnel : Votre vidéo [la France a peur] (Qui est vraiment super, drôle et inintéressante, riche en réflexion !) m’a particulièrement touchée. J’ignorais toutes ces choses et c’est vrai qu’après y avoir réfléchi elles me semblent bien vraies.

Je suis moi même atteinte de ce syndrome du méchant monde (alors que je ne regarde jamais la télévision) et je cherche à me débarrasser de ces visions (par exemple à force d’avoir entendu parler de harcèlement de rue, etc, j’en viens à regarder avec crainte n’importe qui qui prend le même chemin que moi sur dix mètres). Je ne savais pas pourquoi les médias fourmillaient de mauvaises nouvelles et comme cette question me tournait dans la tête je suis absolument ravie d’avoir vu votre travail qui est vraiment super !
Ce qui m’a particulièrement frappée c’est lorsque vous avez parlé de l’étiquette de naïveté qui est collée aux bonnes actions ; je suis en 2nd et en anglais nous avions travaillé sur un texte qui parlait d’un garçon qui écrivait sur tweeter des compliments sur tout ses camarades de classe et j’avais été surprise de voir que la première et la seule réaction que ça a suscitée c’est : c’est gentil mais c’est naïf et bisounours

Moi qui commençais à devenir dubitative sur l’avenir de notre monde, à perdre espoir et fois en l’humanité. J’apprécie très sincèrement le travail que vous avez fait, car il éclaircit bien des points et me redonne du courage. Merci beaucoup pour ce travail de qualité et continuez à nous apprendre autant de choses

J’aurais une question, que pensez-vous qu’il serait bien de faire pour changer les choses ? (J’ignore si ce que j’écris est très pertinent…)

 

Gull : grande question! Nous n’en avons aucune idée, pour la simple raison que nous ne croyons pas en une solution qui réglerait tous les problèmes. D’autant que nous sommes très terre à terre: comment savoir ce qui fonctionne avant de l’avoir testé? C’est pour cela que nous invitons davantage à l’expérimentation, il faut essayer, chacun avec ses propres idées, avec des actions concrètes. Il peut s’agir de petites choses, pas besoin de crier « Révolution ». Ce sont les petites choses, modestes, qui, s’accumulant, peuvent avoir de grands effets.Mais pour cela, il ne faut pas réduire son champ de vision. D’où ce sujet sur le syndrome du grand méchant: celui qui refuse d’admettre l’altruisme, refuse de voir le meilleur, ne sera pas en mesure lui-même d’agir positivement. Quelqu’un qui essaye, sans prétention, de bien faire les choses, de respecter autrui, sera très vite traité de bisounours, de naïf. Il y a une pression sociale qui s’exerce sur ceux qui sont mûs par de bonnes intentions, et petit à petit les bonnes initiatives disparaissent, ou ne sont plus visibles (les grands médias ne s’y intéressant plus). Beaucoup sont persuadés que pour faire changer les choses, il faut taper du poing, crier le plus fort, avoir recours à la violence! Nous pensons tout à faire le contraire. Il est naïf de refuser de voir les problèmes en face, mais il est tout autant naïf de voir le pire partout. Il faut trouver un juste milieu. Et c’est, je crois, à cette condition que les bonnes idées, qui peuvent faire changer les choses, émergeront.Donc, pour répondre plus directement à ta question: changer de vision, s’ouvrir davantage sans tomber dans le catastrophisme ni dans le déni, c’est un bon commencement pour changer les choses 🙂

Changer les choses, c’est aussi changer les regards… Voir ce travail artistique en lumière : http://www.luzinterruptus.com/?p=2761
Globalement le collectif Luz Interruptus fait un travail très intéressant : http://www.luzinterruptus.com

 

Et les prochains épisodes ?


 

Dylan Vellut : déjà une idée du prochain sujet abordé ? Sa date de parution ?

Gull : On travaille sur plusieurs vidéos en même temps. Pour une vidéo du même format que celle-ci, ce ne sera sans doute pas avant avril-mai (c’est très long à faire). Par contre on aura du nouveau contenu (plus léger) début janvier (la semaine du 5 janvier, ou du 12 au plus tard). C’est dans pas longtemps:)

tidashdash : Très bon documentaire, un générique aux images rapides et scènes de violences qui permet de confirmer la technique d’amorçage expliquée dans votre vidéo. (joke)
Vous laissez entrevoir un futur documentaire ciblé sur la publicité et le temps de cerveau disponible ou je me trompe ? (ce qui serait une très bonne idée 🙂 )

Gull : Oh que oui! On reparlera à l’avenir du temps de cerveau disponible, du neuromarketing… mais pas tout de suite. On touche là un sujet si complexe qu’il y a beaucoup à dire, on est loin de faire le tour. Pour les toutes prochaines vidéos, nous allons sans doute explorer d’autres sujets (hormis peut-être un petit bonus qu’on essaye de préparer pour décembre prochain et qui devrait rouvrir un peu les volets de la petite lucarne au grand méchant monde 😉 ).

Chayka Hackso Écrit par :

Gardienne de l'île d'Horizon, grande prêtresse du culte du caillou. Si vous souhaitez nous soutenir c'est par ici : paypal ♥ ou tipeee ou ♣ liberapay ; pour communiquer ou avoir des news du site/de la chaîne, c'est par là :

14 Comments

  1. caligula63
    5 janvier 2015
    Reply

     » Nous avons eu énormément de commentaires sur YouTube depuis la
    parution de « la France a peur », intelligents, subtils, posant des
    questions très intéressantes et émettant des critiques très fines. »

    Qu’est-ce à dire que ceci?
    Si j’étais parano, je penserai que cela signifie que les commentaires postés sur ce site n’étaient pas aussi intéressant, intelligeant, inouïs etc, etc…
    Au temps pour moi. Ça m’apprendra à passer des heures à lire des articles et/ou regarder des vidéos.

    C’est décidé! Je fais mes valises et je m’inscrits de ce pas à Psychologie Magazine!
    Rectification, je m’abonne de ce pas à Psychopat; c’est plus dans mes cordes…

    • 5 janvier 2015
      Reply

      😀
      Le truc c’est que les commentaires sur YouTube sont…sur YouTube – ce si lointain pays – alors qu’ils concernent aussi le blog, du coup il fallait les rassembler ici. Mais les commentaires ici sont tout autant intelligents, subtils, fins. Je rajouterais qu’en plus, ici nous avons des excellents trolls de qualité comme MedefMan, Claire Enclocq,.. Et surtout qu’il y a pas mal de joie dans l’air !
      Je n’avais pas pensé compiler les commentaires d’ici parce que tout simplement ils sont déjà ici, mais oui, ce serait une excellente idée ; d’autant plus que tu as donné pas mal d’idées en terme de hacking social, quelques lecteurs m’en ont envoyé aussi, y vraiment moyen de faire un article qui serait de plus, assez joyeux. Merci pour l’idée !
      Je t’en supplie , tout mais pas psychologies magazine !!! c’est un coup à développer des névroses ce magazine, comme on devient tous hypocondriaque après une visite prolongée chez doctissimo. Si tu veux un magazine pour devenir psychopathe, y a des bonnes idées dans les mags « management » (qui est ouvertement pour la manipulation des subordonnés et qui a vanté l’affreuse théorie des alliés aussi > https://hackingsocialblog.wordpress.com/2014/12/01/hacker-le-chef-psychopathe-la-theorie-des-allies/ ), et « stratégies » (communication/marketing) est pas mal dans son genre. En tout cas, je loupe pas une seule de leurs sorties à ces deux là, ils sont une formidable source de contre-inspiration.

      • caligula63
        6 janvier 2015
        Reply

        Oui, bon, je m’a trompé. Je ne veux pas devenir psychopathe, c’est juste que j’ai mal ortaugraffié le nom! Il fallait lire: PSICOPAT.
        Voici d’ailleurs le lien… http://www.psikopat.com/

        Y’a pas trop de hacking social dedans, mais par contre il y a plein d’humour.

  2. 5 janvier 2015
    Reply

    Ouille ! beaucoup de lecture encore. Je vais m’y prendre par petits bouts.
    La première tranche digérée va me faire éructer : oui je sais, j’ai lu le titre de l’article, foire aux questions et réflexions, et pourtant je m’attendais à un peu d’originalité, quelques débordements de ce cadre mercantile. Attention, rappel, je n’ai goûté qu’ à l’entrée, la vraie gastronomie se cache sûrement plus loin dans l’article, au fond d’une vieille marmite en fonte dégoulinante de sauce ? car dans ces premiers échanges je ne discerne que félicitations et reconnaissance de soi-même ( ce sont deux bonnes choses) mais si peu de rebond…
    Content pour vous tout de même. Vous êtes lus. Par des affamés de vitesse et des grenouilles du bénitier mainstream mais vous êtes lus.
    Un très bon hack que cet article, et si certaines victimes sont méritantes d’autres remplacent à merveille le programme télé. Je suppose, n’ayant aucune idée de ce que cet écran diffuse.

      • Supertraducteur
        25 février 2015
        Reply

        « quelqu’un a mis la vidéo « la France a peur » à télécharger via torrent  »

        Oh, mais en voilà une magnifique idée… Je pense que je vais m’amuser à faire de même, tiens… 😀 (Ceci n’est absolument pas un troll… Non, vraiment !)

        • 25 février 2015
          Reply

          Tu peux ! Au contraire ça fait plaisir de voir ça sur torrent. Donc si qui que ce soit est motivé à la faire, pas de problèmes on sera super content !

  3. 6 janvier 2015
    Reply

    Seconde tranche de lecture, en sirotant un petit merlot. Des remarques fines et en réponse de bons arguments de Gull qui signe une excellente performance !
    bravo à Gauvain Durinck qui s’est décidé à explorer le blog . Et qui a l’air d’aimer.

    • Supertraducteur
      25 février 2015
      Reply

      Héhé, en effet 🙂

      Je suis tombé par hasard sur « La soumission au costume », j’ai regardé le reste des vidéos puis j’ai sauté sur le blog ensuite… Et aucun regret !

  4. Unaneauxnimes
    27 janvier 2015
    Reply

    Que de commentaires dont certains très intéressant en effet. J’ai remarqué que la question du pourquoi du costume porté par Gull a souvent été posé. Je pense que la question n’a pas vraiment lieu d’être. Du moins, lorsqu’on regarde la vidéo sur « L’habit fait le moine », on a tout de suite la réponse. A un moment de la vidéo, il dit très clairement que c’est à NOUS de ne pas voir les uniformes, mais plutôt la personne qu’il y a dans cette uniforme. Et je pense que c’est la même chose avec lui. J’avoue d’ailleurs que j’ai apprécié cet épisode. Je n’avais jamais réfléchi à ce point sur ces uniformes puisque je n’y prête pas la moindre attention. Quant aux enseignes où le port du prénom sur le T-Shirt/chemise/autre, je ne pense pas m’être fait prendre au piège dans le sens où, savoir le prénom de la personne ne me dit rien d’elle et je ne peux donc en aucun cas lui être supérieur. Ne me sentant pas supérieur, je ne suis pas spécialement incité à acheté plus. A ce propos, une astuce que je trouve intéressante lorsqu’on fait les courses est de se faire une liste mentale de ce que l’on veut afin de passer le moins de temps possible au supermarché. En plus de cette liste mentale, il est également intéressant de se poser des questions telles que « Pourquoi est-ce que je prendrais ce produit plutôt qu’un autre ? » ou encore « Est-ce que j’ai réellement besoin de cet objet ? Quel en serait son utilité ? ».
    De manière générale, qu’il s’agisse de faire ses courses, de regarder la télé ou autre choses, le plus important, selon moi, et de rester curieux et de prendre le temps de réfléchir. Réfléchir est malheureusement un luxe pour beaucoup de gens. Je suis issu d’une famille n’aimant pas réfléchir et qui n’est pas curieuse.
    En ce qui concerne la liberté, les réponses dites dans les commentaires résument, selon mon interprétation, ce que c’est. Être libre pour moi, c’est de se dire qu’on ne fait que des choses dont nous avons envies après avoir pris le temps de réfléchir afin de pouvoir afficher une fierté de la personne que nous sommes. Dans ce sens, cette vision de la liberté permet de s’affranchir un maximum de l’asservissement. Elle permet également de ne pas tomber dans les conformismes. Par conformismes, j’entends par là le conformisme basique ainsi que l’anticonformisme pur et dur. Au lieu de ça, on est à cheval entre deux conformismes ,qui ne s’opposent qu’en apparence, et également d’avoir une « norme » unique puisque chaque personne n’aurait pas la même définitions de liberté.
    Bien évidemment, ce n’est que ma propre vision des choses. Une vision née d’un cerveau psychopathe ayant passé beaucoup de temps à réfléchir et qui a appris à prendre du recul sur ce qu’il se passe autour de lui.
    Voilà ce qui termine donc mon pavé. A celles et ceux qui sont arrivés jusque là, je vous félicite pour votre courage.

    • 28 janvier 2015
      Reply

      Tu n’as pas l’air psychopathe en tout cas. Quant à la lecture du pavé, ne t’inquiète pas, les internautes qui sont ici sont habitués 🙂 ; les commentaires sur Youtube sont également à rallonge, c’est normal quand on veut exprimer une réflexion.

  5. Meryl
    14 avril 2015
    Reply

    Salutation belle compagnie! J’ai découvert votre site via Mr Mondialisation, un autre homme masqué. Les voix de Gull et de Technicien dans vos vidéos, me rappelle (et pas qu’un peu) les voix de Zangdar et du Nain, si vous voyez ce que je veux dire… D’ailleurs le créateur du Donjon de Naheulbeuk n’était-il pas Breton? Alors coïncidence, inspiration ou je viens de vous démasquer?

    • 14 avril 2015
      Reply

      😀 non, nous ne sommes pas les créateurs/interprètes du donjon de naheulbeuk !

  6. 16 septembre 2016
    Reply

    Je viens de voir votre vidéo sur la publicité et l’automobile. Je l’ai trouvée excellente.
    Je suis donc immédiatement venue sur votre site.
    Avant de lire en détail cette page que je viens de dégringoler d’une souris impatiente de vous applaudir, je vous adresse donc mes plus sincères félicitations. Votre vidéo confirme le talent, l’humour et le sérieux qui m’avaient régalée au festival antipub de Lille.
    A bientôt,
    Trax

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