Vendez-vous ! Ou le formatage du marketing de soi…

Dans nos recherches, nous avons pris pour habitude d’étudier tous les documents à disposition sur les sujets qui nous intriguent, nous intéressent ou pourraient apporter des réponses à des questions que l’on se pose. Dans cette démarche, nous lisons aussi des livres qui nous déplaisent, avec lesquels nous ne sommes pas en accord voire que nous répudions avec force.

Le livre dont nous allons parler aujourd’hui fait partie de cette dernière catégorie.

Si nous avons choisi de l’éplucher aujourd’hui, c’est parce qu’il a la franchise d’être ouvertement idéologique, couplant à la fois une idéologie managériale et publicitaire. Il compile tous les travers que nous relevons à la fois dans notre section travail que dans le commercial. Cette notion, le « marketing de soi » (ou self branding, personnal branding) se répand sur les pages web comme une connaissance parmi tant d’autres, sans critique, comme un virus dans un corps privé de défenses immunitaires. Personne ne s’y oppose, tout le monde répète gentiment la notion sans la remettre  en doute.

Nous allons donc ici tenter de nous faire globule blanc.

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Introduction : tu dois devenir un produit à vendre parce que tu es un looser


… et écoute bien notre publicité pour vendre le concept de marketing de soi.

Dans ce livre, il y a 3 choses sur lesquels le critique doit s’attarder : le bouquin est à la fois une publicité pour le concept de marketing de soi et emploie donc des techniques publicitaires pour se vendre à l’esprit du lecteur, le convaincre, le persuader, l’influencer de la bienfaisance de cette notion pour lui ; le livre diffuse également cette théorie que l’humain doit se considérer comme un produit et se vendre (ce qui vous l’imaginez bien, pose quelques soucis) ; et enfin l’ouvrage considère le patron, l’entreprise ou le recruteur comme la télévision considère ses téléspectateurs, c’est à dire incapable d’être rationnel, ne comprenant qu’un langage inconscient et bondé de biais de jugement.

Dès son introduction, le livre commence par culpabiliser ses lecteurs, en procédant par étapes bien manipulatrice :

« Nous sommes des professionnels sérieux et compétents. Nous savons parler de notre métier, de notre secteur d’activité, de l’entreprise qui nous emploie, de façon adaptée, bien informée et talentueuse. La plupart du temps, nous sommes capables de transmettre à nos interlocuteurs une partie de la passion ou du vif intérêt qui nous animent. [d’abord un étiquetage positif] […] Malheureusement, pour la plupart d’entre nous, dès qu’il s’agit de gérer notre propre trajectoire professionnelle et parler de nous-mêmes, nous sommes gauches, inhibés et inefficaces.[…] Nous éprouvons des difficultés à parler de nous de façon positive et synthétique. Discours flou, brouillon, dépréciatif ou emphatique, logorrhéique… [puis la culpabilisation] »

Le livre commence par dorer l’égo du lecteur afin qu’il s’identifie à ces « professionnels sérieux et compétents », et ainsi qu’il active ses mécanismes d’identification au discours. Comme ça, il peut mieux prendre pour lui les critiques suivantes et donc adhérer à la seule solution au problème, c’est-à-dire ce que les auteurs vendent, le marketing de soi.

Une fois bien culpabilisée et misérable, la personne est plus crédule, elle baisse ses défenses afin de trouver de quoi retrouver son estime de soi.

« Nous nous présentons sur le marché de l’emploi avec un simple CV, outil de communication “du pauvre”, qui ne permet aucune différenciation, abrasant nos particularités. »

Les auteurs osent même jusqu’à essayer de culpabiliser le lecteur avec quelque chose dont il n’est pas responsable. Ils oublient que toutes les annonces d’emploi le demandent, cet « outil de communication du pauvre » et qu’aucun chercheur d’emploi ne fait son CV dans le but d’épater l’employeur de cette stratégie qu’il imaginerait riche, originale, créative.

Le livre oublie provisoirement que le CV est une norme imposée tant par les employeurs que par les agences pour l’emploi, qu’il est une carte d’identité professionnelle aussi obligatoire qu’une clef pour ouvrir une porte fermée à double tour.

Cette phrase a donc une véritable volonté d’inférioriser le lecteur, lui dire à quel point il est nul. Elle est également la toute première injonction paradoxale que l’on trouve dans cet ouvrage : on accuse la personne de faire quelque chose qu’elle est obligée de faire. Quoiqu’elle décide, elle a toujours tort.

L’injonction paradoxale est typique de l’idéologie managériale, on la trouve dans les discours, les ouvrages et aussi sur le terrain, au travail, au quotidien. Quoiqu’il fasse, l’individu se trouve coincé, il est toujours dans le faux, il est toujours nul, il n’arrivera jamais à satisfaire quiconque, étant donné qu’on lui ordonne de faire quelque chose qu’il ne doit pas faire. Le paradoxe n’est pas forcément verbal en entreprise, mais il peut être institutionnalisé : par exemple, l’employé réalise au quotidien un travail collectif, mais on l’évalue individuellement ; dans sa formation on lui apprend qu’il doit être aimable avec les clients, mais la procédure de vente inclut des injonctions qui ne peuvent qu’être désagréables aux clients.

L’injonction paradoxale est très grave, car si la personne ne se rend pas compte de cette folie : qu’elle tente d’y répondre rationnellement ou avec respect, elle sera forcément dans le faux, toujours. Son estime d’elle-même va baisser, donnant la légitimité à la culpabilisation que génère l’injonction paradoxale. L’école de Palo Alto pensait que les injonctions paradoxales étaient à l’origine de la schizophrénie, c’est dire les dégâts qu’on prête à ce langage paradoxal…

Quelques lignes plus tard, on retrouve un autre paradoxe :

« Il va de soi, mais encore mieux en le disant, que le marketing de soi n’est en aucun cas un camouflage de l’incompétence, ni de l’obsolescence de savoirs acquis à une autre époque, ni de comportements inadaptés ! »

Ah bon ? Et pourtant c’est exactement ce que fait le marketing publicitaire : il camoufle les défauts et problèmes des produits, il invente des fictions et mensonges pour le rendre plus séduisant qu’il ne l’est, il omet volontairement de donner des informations péjoratives. Cela ne va donc pas du tout de soi. Cependant ce « il va de soi » est un bon indice quand on traduit ce petit paragraphe :

Traduction : Cela ne pas de soi, mais nous voulons vous faire croire que se vendre comme un produit à l’entreprise ce n’est pas se camoufler, mentir, omettre, même si cela l’est. Ce message est paradoxal, mais on doit le dire pour nous dédouaner des conséquences malheureuses du marketing de soi, tant pis si ça paraît incohérent du moment que cela nous défend.

 

Comment se transformer en produit et faire sa publicité pour persuader le patron irrationnel


Je pense que vous l’aurez compris de vous-même, le marketing de soi, c’est se vendre de la même manière qu’un publicitaire vend son produit. C’est-à-dire mettre les phares sur les points forts, transformer les points faibles en merveilleuses histoires et trouver des cibles acheteuses tout en se démarquant de la concurrence. Outre le fait que ce qui fait le plus beau de la nature humaine est dénié par la conception des choses du marketing de soi (par exemple que nous soyons des êtres doués de sensibilité, aimant, changeant, etc.), elle considère le milieu professionnel comme un terrain de guerre, de compétition : on est, sans l’ombre d’un doute, dans une conception du monde brutaliste. L’homme y est un loup pour l’homme, sauf qu’ici, en plus, il doit se soumettre à manipuler le grand loup alpha, le patron, l’entreprise ou le recruteur.

Se marketer à tout âge

Le livre considère implicitement que l’on n’est pas encore convaincu de la nécessité suprême de se considérer comme un produit à vendre et continue sa propagande publicitaire dans ce chapitre « marketer à tout âge ». Il s’agit juste là de vendre le marketing de soi à tous les âges.

« Pour la plupart la vie professionnelle a déjà démarré [à 25ans]. Certains ont fait des stages ou étudié en alternance. Très souvent, ces opportunités ont été trouvées par relations, et c’était déjà très bien. »

En effet, les auteurs consacreront tout un chapitre au « réseau », c’est-à-dire le piston et comment augmenter les chances d’être pistonné. L’idéologie managériale se contrefout bien de la notion égalité des chances qu’elle écrabouille au tank depuis des années : gagne sa place celui qui arrive à se faire ami avec Untel, et « c’est très bien ». Qu’importe si en sortent grandement favorisés les « fils de », qu’importe si son nom, sa couleur, son quartier ou tout simplement le hasard fait que beaucoup ne pourront jamais accéder à ce noyau de relation qui offre tout sur un plateau, sans mérite particulier ni rationalité. Qu’importe si on se retrouve qu’avec des amitiés hypocrites, uniquement intéressées. C’est très bien. Continuez ainsi.

[note : attention, on ne culpabilise pas ceux qui ont de la chance d’avoir des contacts – tant mieux pour eux. Mais il faut appeler les choses par leur nom, c’est de la chance ; donc ceux qui n’ont pas de contacts ne sont pas des loosers, des ratés. Les circonstances jouent peut-être en leur défaveur, comme la chance peut nous sourire, soyons rationnels et ne tombons pas dans l’erreur fondamentale d’attribution]

« Mais il est temps alors de se poser la question du métier et du secteur, au risque de passer toute sa vie dans un domaine que l’on n’a pas choisi. Et rien de tel que le marketing de soi pour chercher à incurver sa trajectoire dès cet âge-là. »

Il faut comprendre ici que ce n’est pas le bonheur, le plaisir d’un métier, ses petites choses qui font de notre quotidien au travail quelque chose qu’on pourrait nommer une vie sympathique qui est important, mais de bien choisir son domaine. Selon ce livre, c’est vraiment un problème que d’être dans un domaine non choisi et cela qu’importe si on y est heureux ou pas. D’ailleurs, ce livre de 211 pages n’emploie le mot heureux que dans des discussions-exemples sur le réseautage, et le mot bonheur que pour les personnes qui ont modifié leurs apparences jusqu’à la chirurgie (on y reviendra). Mais soit, c’est un argument fallacieux, arrêtons-nous là.

Cette phrase culpabilise une nouvelle fois les personnes qui n’ont pas choisi leur parcours professionnel ou qui sont dans leur métier par hasard, mais qui grâce à leur autotélisme, y trouvent leur bonheur et leur flow. Et ces heureux-là seraient dans l’erreur. Car dans l’idéologie managériale, on a une propension quasi-religieuse à la norme d’internalité, quitte à en souffrir.

L’internalité, on en a déjà parlé un peu dans l’article sur la réactance ; pour rappel, quand nous donnons des explications aux phénomènes soit on cherche des réponses externes (« j’ai raté cet examen parce que les questions étaient anormalement dures ») ou des réponses internes (« j’ai raté cet examen parce que je n’ai pas assez révisé »). Notre société valorise les personnes internes, Jean-Léon Beauvois parle même de norme d’internalité : on se doit d’être interne dans notre société.

Ces internes – à l’extrême – sont des personnes qui renient les circonstances favorables ou défavorables et qui se pensent responsables de tout ou qu’autrui est responsable de tout ce qui lui arrive. Par exemple :

  • un employé fait une superbe performance, le manager interne pensera que c’est grâce à son management.
  • un employé fait une performance des plus médiocres, le manager interne pensera que c’est parce que l’employé est nul.

Ces deux explications internes nient totalement le contexte, protègent l’égo du manager et peuvent passer à côté du vrai facteur en cause : peut être qu’un jour il y avait beaucoup de clients et que l’autre jour il n’y avait pas assez. L’accusation du salarié, le fait de lui attribuer la responsabilité d’un échec dont il n’est pourtant pas responsable, c’est aussi ce que l’on nomme erreur fondamentale d’attribution en psychologie (je le rappelle parce qu’on en a parlé aussi dans l’homme formaté).

Pour l’interne, le hasard, les influences (même bonnes) qui ont eu du pouvoir sur sa vie (s’il le reconnaît) sont à supprimer parce c’est une menace pour son système de pensée. Il lui faut « choisir son domaine » quitte à sacrifier le bonheur au passage.

Or, surfer sur les hasards, s’y adapter, construire son bonheur, composer avec les bizarreries de la vie sans pourtant « subir », c’est aussi prendre sa vie en main, c’est aussi se forger des outils qui permettent de fabriquer sa liberté et son bonheur en toutes circonstances. L’exemple de Joe, dans l’article sur le bonheur en est un excellent exemple.

De plus, changer de domaine parce qu’une idéologie nous dit qu’il faut choisir… ce n’est pas un choix, mais l’obéissance à une injonction implicite. Et on revient encore à un paradoxe.

Vous noterez au passage la novlangue managériale « incurver sa trajectoire ». Cette expression n’a d’utilité que de donner à ses auteurs un cachet d’expert, de professionnel, d’autorité. Comprenez par ce genre de novlangue que ces personnes sont trop supérieures pour avoir encore l’amabilité de parler un langage commun compréhensible à tous.

Malheureusement pour eux, l’effet est assez risible, parce qu’ils ne semblent pas avoir compris que les mots compliqués, quand des spécialistes les emploient, c’est parce qu’ils désignent quelque chose de compliqué ayant besoin d’un mot ou d’une expression attitrée. Or ici, il n’y a rien de compliqué au fait de « changer sa voie », l’expression « incurver de trajectoire » ne sert que la volonté de briller des auteurs.

Réduis-toi à ta promotion

Maintenant que l’on est bien convaincu que seul le marketing de soi peut nous sauver des vicissitudes professionnelles, peut nous extraire de notre médiocrité intrinsèque, les auteurs vont enfin nous apprendre comment faire pour que l’humain que nous fûmes soit réduit au produit qu’il doit être. Il lui faudra ensuite faire la promotion de ce produit afin de devenir une ressource appétente pour l’entreprise et ses engeances.

Le livre nous offre généreusement un test afin de savoir si nous sommes déjà un bon publicitaire de nous-mêmes. Nous en reproduisons juste certains items, afin d’alléger cet article qui risque encore une fois d’être trop gros (si pour une raison ou pour une autre vous les voulez, demandez dans les commentaires) :

Catégorie 1 : Mieux se connaître pour mieux se vendre  Traduction : savoir se réduire à ses belles histoires pour mieux se vendre.

1. Pouvez-vous citer cinq succès professionnels remportés (qui soient une réussite pour l’ensemble des parties concernées : entreprise, collègues, clients, vous-même…) ? Traduction : Savez-vous vous attribuer les mérites d’une réussite collective à vous tout seul ? Note : c’est également l’attitude typiquement odieuse des manipulateurs [voir dans L’Homme Formaté, chapitre médias/politique et chapitre harcèlement]

2. Savez-vous vous présenter professionnellement en trente secondes en ne parlant qu’au présent et en mettant en évidence ce que vous avez de spécifique ? Traduction : Avez-vous un slogan publicitaire ?

3. Savez-vous raconter et expliquer vos échecs dans votre parcours professionnel ? Traduction : Savez-vous transformer des événements inintéressants/médiocres/de looser en formidable aventure qui ont fait de vous un héros ?

4. Votre style personnel (garde-robe, coiffure, etc.) est-il en adéquation avec votre positionnement métier/secteur, et adapté à votre cible ? Traduction : Arrivez-vous à avoir une tenue et un physique stéréotypés ?

5. Votre bureau et votre environnement de travail sont-ils en adéquation avec votre positionnement métier/secteur ? Traduction : Votre bureau est-il bien stéréotypé ? Arrivez-vous à vous tenir loin du piège du poster de Bob Marley ou du maxi-crayon géant rigolo ?

6. Avez-vous un plan pour diminuer, éliminer ou compenser vos points faibles (qui freinent votre propre succès) ? Traduction : Avez-vous un plan pub pour diminuer, camoufler, ou sublimer vos points faibles en point forts ?

Catégorie 2 : Cibler mes contacts de façon proactive Traduction : savoir s’adresser aux entreprises appropriées Note : On ne reporte pas cette partie du test, peu intéressante d’un point idéologique : il ne s’agit que de voir si les recherches d’emploi sont réalisées en mode aléatoire ou non. Le terme « cible » pour désigner le futur employeur est néanmoins assez révélateur du brutalisme. On a relevé une seule question, assez intéressante pour sa novlangue :

1. Avez-vous une vision de ce que vous voulez de votre trajectoire professionnelle à moyen-long terme ? Traduction : Savez-vous paraître ambitieux ou savez-vous vendre du rêve ?

Catégorie 3 : Concevoir mes outils de communication différenciants Traduction : Être plus impressionnant que Monsieur Tout le monde.

1. Avez-vous refait votre CV récemment, et l’avez-vous fait relire par plusieurs personnes ? Note : Alerte injonction paradoxale ! Rappelons-nous que les auteurs nous disaient que le CV était l’outil de communication du pauvre… mais s’il n’est pas à jour et pas classe, nous sommes également des loosers ne sachant pas se vendre. Comme nous l’avions dit, quoi qu’on fasse, l’injonction paradoxale nous met toujours en tort.

Le reste de questionnaire vérifie si vous vous vendez bien sur Internet, que vous avez des sites promotionnels de vous, une activité intéressée, mais qui a l’air sincère sur les réseaux sociaux (c’est dire feindre l’amitié sincère alors que l’objectif est de nouer des contacts professionnels) des cartes de visite, si vous participez à des éventements associatifs/philanthropiques pour soigner votre image (bah oui, l’intérêt intrinsèque et/ou désintéressé et hors de propos, tout doit servir) etc.

L’outil aussi révolutionnaire qu’un Iphone : les 4P

Le livre se propose d’exporter une méthode marketing à soi, un moyen mnémotechnique afin de se rappeler ce qu’on a à faire en tant que chercheur d’emploi : Produit Promotion Place Prix. On a inversé l’ordre des citations afin de bien prendre la mesure pour bien saisir l’horreur de la conception proposée :

« Dans notre contexte, le produit, c’est chacun d’entre nous, avec nos caractéristiques et nos facteurs de différenciation. En tant que potentiel collaborateur dans une entreprise, nous représentons une solution pour elle. »

« Le produit est le terme utilisé de façon générale pour désigner un produit (yaourt, voiture, vêtement), ou un service (bancaire, médical, de maintenance, de transport…). D’une façon générale, le produit représente une solution pour celui qui l’achète, l’utilise ou le consomme. »

Donc, Laurent l’employé, est un yaourt qui se doit de séduire un patron qui l’achètera, l’utilisera et le consommera. On a là pour Laurent une soumission sans pareille face au monde de l’entreprise et le fait d’avoir nommé l’employeur « cible », de ce langage si guerrier, n’est qu’un vernis bien pauvre pour décrire à quel point il se devra de ramper au pied de son entreprise.

« Mais que le terme de marketing ne vous induise pas en erreur : vous ne vendrez pas ce produit (vous-même) si vous manquez de compétences, ou si votre “emballage” (c’est-à-dire votre apparence, votre comportement et vos modes de communication) ne correspond pas aux codes en vigueur. »

Autrement dit, ne soyez pas un yaourt hors-norme ! Si vous connaissez 99 francs, on revit là la scène où le créatif propose une pub assez originale et fort sympathique pour le yaourt, mais qu’il se fait rapidement remettre en place par le directeur qui l’oblige à faire une pub affreusement stéréotypée et sans intérêt.

La pub qu’il propose :

et le script qui sera accepté par le directeur :

Soyez conformistes, faites comme les autres ou comme les choses ont toujours été faites, bref ne choquez pas la ménagère de moins 50 ans imaginaire qui est ici le patron, l’entreprise, le recruteur. Et tout cela en se différenciant évidemment ! Eh oui, nous avons là encore une injonction paradoxale massive : d’un côté on vous répète tout le long du livre d’adopter la tête de l’emploi, d’être un stéréotype ambulant (jusque dans la déco du bureau), de correspondre aux attentes, donc d’être dans une conformité absolue et d’un autre côté, il faut se différencier de Monsieur tout le monde. Autant dire que la marge de manœuvre est extrêmement limitée et que quoi que vous fassiez, vous serez toujours un looser. Et le monde du management et de ses coachs, tout comme la société de consommation adore que nous nous sentions nuls, car ainsi nous consommons toujours plus pour tenter de devenir ce winner impossible à être… Quant au reste de cette méthode des 4P, elle consiste à bien choisir les postes et les entreprises pour lesquels on postule (excepté que tout ceci est exprimé en novlangue managériale). Même prise au premier degré, cette application des 4P à l’homme devenu yaourt ne convainc pas, ne fait strictement rien apprendre, n’est utile en rien.

De l’importance de ton emballage

Vous l’avez peut-être déjà pressenti, il n’y a pas que la future ressource humaine qui est prise pour un yaourt : le patron, le recruteur, l’entreprise sont également moqués implicitement par cette conception étroite et réductrice de la vie professionnelle. Dès le début du chapitre, les auteurs abordent un biais majeur des entretiens d’embauche :

« À la question : “À combien estimez-vous le poids de l’apparence dans le cadre d’un recrutement ?”, près de 80 % des recruteurs répondent que ce critère est le plus important ou assez important. “Pour départager deux candidats de mêmes compétences, quels sont vos critères de choix ?” Ils sont 82 % à répondre : “La façon de se présenter”, et 64 % : “L’apparence physique générale 2 .” »

On le sait tous, que l’apparence joue et je ne connais personne qui ose aller en entretien d’embauche en tongs vieilles de plusieurs années, avec l’équivalent olfactif d’un Roquefort dans la bouche et portant ce fameux tee-shirt qui a assisté à tous les plus gros travaux de notre vie.

« Avant d’aborder le langage des différents éléments de communication, n’oublions pas que le soin et la propreté sont des socles indispensables. »

Malgré l’irrespect manifeste envers leurs lecteurs qui sont suspectés de venir non lavé depuis une semaine à leurs entretiens d’embauche, nous allons passer là-dessus sans plus de commentaire. Parce que la suite est bien pire. Ce chapitre est parsemé de banalités, de sens communs mille fois redits :

« La première chose est d’accepter ce corps “naturel”. » « Les personnes bien dans leur peau rayonnent à l’extérieur et transmettent des qualités de bonheur et d’enthousiasme. » « De la beauté intérieure naît une beauté extérieure. »

Banalités certes, mais pas nocives, voire assez respectueuses de l’humain. Mais cela ne va pas durer. Plutôt que de trouver des parades au biais de jugement des apparences – qui est évidemment un gros problème, sources de discriminations voire de racisme-, les auteurs proposent au contraire de se soumettre à ce biais, de l’intégrer, de se l’approprier comme s’il était un excellent mécanisme de raisonnement.

« Que penser de cheveux sales, de chaussures non cirées, d’une jupe fripée, d’une chemise mal repassée, d’une ceinture élimée, d’un maquillage excessif, d’une cravate mal nouée ou tachée, d’ongles rongés ? Ces détails sont interprétés : stressé, pas organisé, pas soigné, désinvolte… »

Ici on a une double attaque : on suspecte le chercheur d’emploi d’être froissé de la tête au pied et on suspecte implicitement le patron de faire des associations folles au point d’associer une jupe fripée à un manque d’organisation.

Il est probable que ce genre de fou existe, mais ce serait oublier que l’entretien est aussi un temps, normalement, où le recruteur pose des questions, écoute les réponses. Un bon recruteur, informé du métier pour lequel il recrute, posera des questions précises sur le métier, et ce sont les réponses du futur employé qui compteront. Bien plus que la vision d’un pli sur sa chemise. Et s’il est assez fou pour croire qu’un malheureux pli est un manque d’organisation et non le fait d’avoir été assez assis un temps, mieux vaut le rater, cet entretien, au risque d’avoir une vie professionnelle infernale par la suite.

Les auteurs nous parlent de beauté intérieure, mais n’en ont pas la même définition que le commun des mortels :

« … la façon dont nous vivons, l’alimentation, les activités, la culture… font que nous devenons acteur de notre corps [admirez la norme d’internalité à l’œuvre.]. Nous pouvons en prendre soin de plusieurs manières : faire du sport, mener une vie saine, pratiquer un régime adapté. Et si vraiment il y a un élément gênant, faire appel à la chirurgie esthétique. »

Non, vous ne rêvez pas. Il faut se conformer au point donc de passer sur le billard pour enlever les défauts qui viendraient chatouiller le regard tatillon des recruteurs…

« Si vous êtes fort, évitez de mettre des vêtements qui accentuent vos rondeurs ; inversement si vous êtes maigre, choisissez des formes qui vous donnent du volume. » « Le poil est du côté du dévêtu, de la pulsion et de l’animalité. Le vêtu se réclame du progrès et de la culture. [implicitement, rasez-vous intégralement ou cachez ce poil immonde de vos bras, qu’il soit duvet ou barbe drue] » « Une silhouette petite et fine exige un volume [de cheveux] plus léger qu’une silhouette ronde. » « mieux vaut suivre les règles suivantes : les cheveux longs vieillissent et attristent l’expression, les cheveux courts rajeunissent et dynamisent un visage et une silhouette. Ce qui vient couvrir votre visage, que ce soit les cheveux (mèche ou frange), la barbe, la moustache, pourrait être interprété comme un désir de dissimuler ou un manque de confiance en soi. »

Bref, invoquez la beauté intérieure, l’acceptation du corps n’était qu’une façon de se dédouaner pour les auteurs de toutes les injonctions que nous venons de voir, de faire bien, de ne pas choquer la bienséance, afin que le lecteur gobe la suite. En résulte encore une injonction paradoxale massive « soit naturel, suis le modèle que je te donne quitte à faire de la chirurgie esthétique ».

Comble du comble, le livre nous vante les mérites des biais liés à l’apparence et tente de nous faire croire de la portée émancipatrice de la belle apparence :

« L’image permet de trouver son identité et de manifester un accomplissement personnel. Les valeurs du paraître et les valeurs de l’être finissent par se confondre. […] Ne doit-on pas alors ajuster notre curseur identitaire face aux besoins exprimés par l’environnement professionnel ? La connaissance des codes et leur acceptation, loin d’enfermer l’individu, lui permettent de grandir et de mieux exercer sa liberté. »

Il y a incitation à croire et appliquer le biais de jugement « ce qui est beau est bien » (on pourrait l’appeler le biais Rolex également « ce qui est cher prouve que je suis un winner de la vie ») en plus d’un paradoxe qui atteint des sommets : être coincé dans un moule où il faut porter des vêtements larges quand on est maigre, avoir un faible volume de cheveux quand on est petit, ne pas avoir de poils ni de barbe, ni aux bras, se faire opérer du moindre défaut, avoir interdiction d’avoir des cheveux longs passé 40 ans, avoir interdiction d’avoir une frange, ce serait ça, être libre ????

Oui, la connaissance des codes est nécessaire. Mais pour les hacker, s’en jouer, les casser, les déconstruire, les modifier, etc. Là est là liberté. S’y soumettre n’offre aucune liberté.

 

Non, franchement, nous ne sommes pas des produits… et pas à vendre


La suite du livre donne des conseils comme on peut en trouver n’importe où. C’est du bon sens, cela n’a rien de nouveau que de se renseigner sur une entreprise avant d’y postuler, pas plus que d’être poli avec tous les contacts qu’on peut nouer. La maîtrise des réseaux sociaux s’apprend en y étant, et réfléchir suffit pour savoir que mettre une photo de soi ivre dans son profil Facebook ne va pas plaire à sa future entreprise. Là encore, c’est de l’ordre du bon sens, il suffit de prendre le temps de réfléchir avant d’agir pour « bien » agir.

Il ne vous aura pas échappé que ce livre nous a bien énervés : sachez que l’auteure principale se dit psychologue et que ses collaborateurs sont coachs et l’un est sociologue… Ce livre est donc d’autant plus dramatique que les injonctions paradoxales qui parsèment tout l’ouvrage ne sont pas dues à l’incompétence. S’ils sont réellement psychologues et sociologues, ils doivent savoir ce qu’est une injonction paradoxale, ils doivent pertinemment savoir l’impact désastreux que cela a sur la personne. Voilà pourquoi aujourd’hui il nous a fallu nous indigner, parce que ce discours est indigne de sociologues ou de psychologues. Et même de coach, d’ailleurs.

« Oui, mais on est bien obligé de se vendre quand même… »

Non. C’est un formatage entretenu depuis que le chômage est dense dans notre société : il faudrait qu’on se vende à l’employeur pour « gagner » notre poste contre l’autre chômeur.

Cependant oui, on peut avoir du mal à parler bien de son parcours, de ses compétences. Cela peut être tout simplement de la timidité, un manque d’assurance ou un manque d’estime de soi. Le théâtre (et là c’est un rare point sur lequel je rejoins les auteurs) peut être très utile pour libérer la parole, la personne que l’on est du carcan de la timidité ou du stress. Mais il ne s’agit pas d’apprendre à jouer un rôle de winner.

Si ce n’est que du stress, de l’angoisse, on peut s’entraîner avec des amis : il jouera le recruteur exécrable, qui pose des questions épouvantables, qui est dédaigneux, qui manifeste un désintérêt total ou qui est agressif. Il s’agit là de s’entraîner au pire du pire pour calmer les angoisses et, quand le moment fatidique arrive, être soulagé de voir un recruteur qui paraîtra être un ange à côté. On peut s’entraîner à tous les cas de figures, et l’ami peut prendre le rôle du recruteur fou, trop gentil, taiseux ou aussi avide de réponses qu’un policier en enquête. Il est important que cet ami soit gentiment sincère après coup, qu’il n’hésite pas à vous dire si vous avez des tics gênants (par exemple frapper des doigts d’agacement la table, les répétitions d’un même mot sans raison, etc.). Prenez-le comme un jeu, il s’agit juste d’apprendre à rester en pleine possession de ses capacités face n’importe quelle situation, pas de prouver qu’on est un bon produit.

« Oui, mais on est bien obligé de jouer un rôle… »

Si vous n’êtes pas très narcissique, que vous êtes humble, que vous aimez rester authentique, c’est très bien, vous n’avez pas besoin de jouer au winner orgueilleux durant l’entretien. Ce qui intéresse l’employeur – même s’il ne formule pas forcément comme ça – c’est votre façon d’être et de faire au travail, pas votre personnalité, votre moi profond ou, que sais-je, votre âme. Donc il faut se concentrer sur son rapport au travail, à la compétence pour laquelle on postule, à ces moments du métier, du travail, qui nous animent, qui nous plaisent et nous motivent. Ce n’est pas vous que vous présentez, mais cet espace intermédiaire entre vous et le travail, c’est comme la définition du jeu par Winnicot (à la fin de cet article sur la gamification). C’est cet espace que vous devez présenter, les plaisirs que vous avez à y jouer, quelles règles vous vous y donnez, comment vous le faites. Autrement dit, basez-vous sur les motivations intrinsèques (on en parle ici) que vous ressentez aux compétences demandées, aux études que vous avez poursuivies, à vos expériences passées et à ce que vous imaginez du futur avec l’entreprise pour laquelle vous postulez  : non seulement vous brillerez naturellement de passion, d’enthousiasme et de motivation, mais cela pourra aussi masquer le fait que vous postuliez uniquement pour une motivation extrinsèque (l’argent par exemple ; ce n’est pas un problème en soi, certains employeurs le savent très bien, mais d’autres peuvent se sentir vexés que l’entreprise n’intéresse que pour l’argent qu’elle peut donner aux employés). Et là, il n’y a pas de vente, vous n’êtes pas un produit, mais un sujet qui vit, ressent et qui est authentique, sincère. Et ça, c’est attractif pour l’employeur, car il est un humain. Il vit lui aussi et il est capable de ressentir cet élan vital sincère et ainsi arriver à s’imaginer comment c’est de vivre et faire des actions professionnelles à côté de vous.

« Oui, mais quand même c’est dégueulasse d’être méchant avec le Marketing de soi, les auteurs voulaient sûrement bien faire… »

On ne peut pas affirmer quelle est la volonté des auteurs ni de ceux qui ont défini le marketing de soi, mais pas contre, on ne peut que constater l’immense formatage que démontrent ces écrits. Un formatage de la société de consommation, vendant concept de vente de soi devenu produit. Le serpent idéologique managérial-marketing s’en mord la queue.

Ce livre nous déplaît au plus haut point, cependant il nous aura permis de dégager des indices clairs de formatage à l’idéologie managériale. Ainsi, nous avons appris que cette idéologie se dégage lorsque l’on constate :

  • la présence d’injonction paradoxale ou de discours paradoxaux (si vous les rencontrez au travail, au quotidien, fuyez ou rebellez-vous. Tenter de s’y soumettre, c’est prendre le risque de perdre sa santé mentale),
  • une novlangue creuse, c’est à dire des expressions pauvres de sens, mais à l’allure « experte » (vous trouverez des idées de la contrer dans cet article sur la vidéosurveillance),
  • la présence d’indices indiquant une forte propension à la norme d’internalité,
  • la présence d’une mentalité brutaliste (cf les bisounours)

On reviendra sur tous ces points importants dans le futur, au gré des sujets et de leurs nécessités. Si vous souhaitez plus d’informations sur les citations du livre, sur les autres sujets traités par le livre, si des points de notre argumentation ne vous semblent pas assez étayés, si vous êtes partisan du marketing de soi, n’hésitez pas une seconde à exploiter la possibilité de commenter ! On se fera un plaisir de discuter plus du sujet, toute critique argumentée sera accueillie avec joie et discutée avec pacifisme enthousiaste 🙂

 

Sources /Pour aller plus loin :


…et pour creuser davantage sur la question de l’idéologie managériale :

  • Antoine Darima, Guide pratique pour réussir sa carrière en entreprise avec tout le mépris et la cruauté que cette tâche requiert, Zones, 2008. On peut le lire gratuitement ici : http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=62
  • Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac, Le coût de l’excellence, Seuil, 2007. [sociologie]
  • Michela Marzano, Extension du domaine de la manipulation, de l’entreprise à la vie privée, poche, 2010. [philosophie]
  • Michel Perreault, Je ne suis pas une entreprise, Les empêcheurs de penser en rond – La Découverte, 2011. On en avait déjà parlé dans cet article.
Viciss Hackso Écrit par :

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39 Comments

  1. Le Polybe
    15 septembre 2015
    Reply

    Avec le marketing de soi, on a là l’expression direct du « marché du travail ».

    « Séparer le travail des autres activités de la vie et le soumettre aux lois du marché, c’était anéantir toutes les formes organiques de l’existence et les remplacer par un type d’organisation différent, atomisé et individuel. » Karl Polanyi, La Grande Transformation, 1944

    Pour l’auteur, le marché du travail (=marchandisation de l’homme) peuvent conduire à la destruction de la société.

  2. Helina
    15 septembre 2015
    Reply

    Super !
    Bon, et les trucs que j’ai relevés (xD) :
    *comment faire pour que l’humain que nous fûtes soit réduit au produit qu’il doit être
    *et là c’est un rare sur lequel je rejoins les auteurs

  3. 15 septembre 2015
    Reply

    Un excellent article ^^ Merci beaucoup pour votre travail, excellent.

  4. Lauren
    16 septembre 2015
    Reply

    Salut !
    Dans le fond je suis persuadée que vous êtes dans le juste.
    Mais je trouve que votre façon de critiquer en décrédibilisant et par la sur-interprétation systématique du propos de l’auteur – qui semble relativement simpliste et s’adresser à des personnes en demande de ce genre de « coaching » – vous dessert. Autrement dit, j’ai une forte impression de subjectivité et votre argumentaire ne semble pas très pro. C’est dommage…
    Exemple dès le début : vous assimilez réseau et piston, qui sont fondamentalement différents. (L’auteur confond peut-être aussi ceci dit, donc mauvais exemple :D). Quoiqu’il en soit vous tenez des propos virulents dans ce paragraphe et ça me semble inopportun.

    • Equipehackingsocial
      16 septembre 2015
      Reply

      Tout d’abord un grand merci, j’attendais que l’on me signale cette virulence 🙂
      Avant de commencer, petite précision : au vu des exemples donnés dans l’ouvrage, l’auteur s’adresse à des cadres, et j’ai peut être une trop haute estime des chercheurs d’emploi, mais il me semble que personne n’ait besoin d’un coaching de ce niveau : du bon sens suffit et personne ne mérite qu’on lui assène des injonctions paradoxales toutes les deux pages.
      Ma virulence s’explique pour cela, à titre déontologique, à titre de congruence personnelle, à titre de cohérence avec mon travail de rédactrice à hacking social, je me dois de dénoncer et de m’indigner quand je vois des pratiques, des propos qui sont aussi malsains pour l’esprit que les injonctions paradoxales.
      Peut être qu’il y a mésentente sur ce que l’on fait à hacking social, je ne pense pas qu’on puisse nous qualifier de pro, de professionnels ; la définition n’est pas appropriée. Certes quand nous présentons des expériences, nous nous devons à l’objectivité : le sujet le requiert. Il n’est pas envisageable une seule seconde d’en appeler à une objectivité scientifique dès lors que l’on parle du domaine de l’humain, et ça aussi nous le dénonçons. Un individu ne se réduit en aucun cas à une force productive, à une ressource, à un produit. Prôner une objectivité dans ce cas de figure revient à nier l’individu, sa singularité. Les prédicateurs d’une hyper rationalité économique le font très bien, prétextant le réalisme et l’objectivité, mais une telle perspective est inconciliable en psychologie sociale, encore moins de par notre engagement. Cependant, la notion d’honnêteté intellectuelle nous tient à cœur : on cite toujours nos sources, on explique pourquoi on pense que ce mécanisme est en jeu (par exemple l’injonction paradoxale ici), etc.
      Donc, lorsque par exemple un livre s’avère un poison pour l’âme, nous le dénonçons avec virulence, c’est un devoir que nous nous octroyons. Par engagement non pas par conviction, mais par responsabilité. Parce que pour certains vieux sages maintenant partis, un premier pas vers une avancée du monde, c’est de s’indigner. Notre petit truc éditorial en plus, c’est par contre de toujours donner d’autres pistes, plus saines, plus positives à notre sens ou du moins des inspirations. Nous ne nous indignons non pas par ressentiment, mais par une volonté toujours vive de construire, d’ouvrir un horizon des possibles.
      C’était ici d’autant plus une raison de s’indigner de ce concept de « marketing de soi » car tout le Net diffuse cette idée comme si c’était une excellente chose, alors que même dans ces versions « soft » le marketing de soi me semble une belle arnaque rapportant beaucoup d’argent à certaines personnes, alors que de simples cours de théâtre ou match d’impro seraient plus efficaces, moins chers, plus enrichissants pour les personnes.
      Réseau et piston ne sont pas fondamentalement différents : les pistonnés ont un réseau sans effort, parce qu’ils sont bien nés avec le bon entourage, dans le bon quartier ou simplement de la chance . Le réseau peut être évidement « construit » avec des efforts pour contrer la malchance et facilité les opportunités, et ce réseau « pistonne » ensuite, c’est certes plus louable que juste profiter de sa chance, mais le résultat est le même : celui qui n’a pas les bonnes connaissances, le bon entourage n’accède pas à l’emploi. Même en étant surqualifié [précisons d’ailleurs qu’on a là à nouveau une injonction paradoxale à l’échelle de la société qui nous vante le mérite et l’égalité des chances, alors que la réalité du monde du travail, du moins pour les postes les plus importants, tient davantage du réseautage, des parrainages et copinages. Certes, celui qui est dans le réseau accroît ses chances d’opportunités, mais cela au détriment de ceux et celles en périphérie qui sur le plan professionnel sont tout aussi compétents, parfois plus]. Cette tendance au réseautage force tout le monde à resauter. Or dans la forme de réseau du livre du « marketing de soi » (que je n’ai pas décrite ici afin de ne pas faire un trop gros article – d’ou l’appel à me critiquer d’ailleurs, afin que j’explique certains points négligés), est une forme d’hypocrisie totale dans toutes les relations interpersonnelles. L’auteur appelle à fréquenter le maximum de gens, de côtoyer des associations pour des causes uniquement de façon à espérer ce futur piston ou faire joli dans sa présentation pro. Elle appelle a instrumentaliser toutes les relations, être amicalement hypocrite avec tout le monde (même le voisin de pallier), dans le but de décrocher le bon poste un jour. Opter pour ce genre d’attitude au quotidien – et là je pense que je n’ai pas besoin d’argumenter – c’est se faire du mal et faire du mal aux autres, sans parler des relations en général qui ne seront teintées que de déceptions et de méfiance. L’interaction sociale est assujettie à des logiques instrumentales, évacuant spontanéité et gratuité. Encore une fois, l’individu, la personne et sa singularité, s’effacent derrière l’intérêt.
      Après, si le réseautage est cadré, explicite, par exemple comme il possible de le faire sur Linkd, pas de problème, là il y a une forme de transparence: on se côtoie pour le boulot, pour les futurs boulots, on s’entraide professionnellement, etc. Ici on ne fait pas croire à de l’amitié, contrairement au réseautage que les auteurs proposent qui est même parfois explicitement décrit comme le fait de manipuler autrui (avec encore des injonctions paradoxales) ; je cite le livre :
      « Le réseau est un outil qui s’appuie sur nos contacts. On distingue plusieurs cercles dans nos contacts.
      Le premier cercle, ou R1, est constitué des membres de notre famille, de nos amis, des anciens élèves d’écoles ou d’universités, des dirigeants et collègues de nos précédentes sociétés, des membres de clubs ou d’associations, des fournisseurs ou clients, des voisins… [R1 est donc opportunité de piston…]
      Le second cercle, R2, et les suivants, Rn, sont constitués des relations de nos relations. Le passage d’un cercle à l’autre s’effectue par les liens forts, par opposition aux liens faibles.
      Un lien fort se caractérise par la fréquence du contact, la réciprocité de l’échange, l’intensité émotionnelle et l’intimité. Le but d’un entretien réseau est d’obtenir des informations et des introductions.
      L’attitude réseau [à avoir] est une posture comportementale fondée sur l’intérêt sincère pour l’autre, l’ouverture d’esprit, la curiosité, la durée, le fait de donner avant de recevoir.
      Le réseau marche aussi avec un code réseau. Le code réseau est tout aussi important que l’attitude réseau. Le code réseau repose sur quelques principes : ne pas venir en demandeur (de job, de business…), mettre l’autre au centre de l’entretien en lui demandant de parler de son expérience, peu parler (20 % du temps, celui qui reçoit 80 % du temps), se présenter de façon simple et précise en mettant clairement en avant la valeur ajoutée que l’on apporte (surtout pas de présentation chronologique). »
      Alors on remarque très clairement l’injonction paradoxale : on demande d’avoir des liens forts avec le futur pistonneur, réciproques, et manifester un intérêt sincère. Or le but est d’avoir un emploi de lui, mais il ne faut pas venir en demandeur d’emploi… Ce qui est une injonction paradoxale qui conduit à l’hypocrisie des relations.
      Reprenons cette simple phrase : « L’attitude réseau [à avoir] est une posture comportementale fondée sur l’intérêt sincère pour l’autre, l’ouverture d’esprit, la curiosité, la durée, le fait de donner avant de recevoir. » Or, on est bien dans le contexte d’une recherche d’emploi, ou d’une promotion, ou d’une opportunité de carrière… Bref, on a là un paradoxe qui ne peut se résoudre que par l’hypocrisie des relations mues par un intérêt tout sauf sincère puisqu’il faut tenir une certaine « posture comportementale » que présente le livre. Dès qu’il y a artifice, on ne peut plus parler de sincérité.

      Bref je vais m’arrêter là, je pense que cela fait suffisamment de justifications 😀
      Désolée de t’avoir pris pour « tremplin », mais merci encore de m’avoir ainsi permis d’expliquer ce qui en effet, manquait à cet article. Je le répète, toute critique est la bienvenue, et tu as bien fait. Je m’excuse par avance si tu perçois la longueur de ce commentaire comme de la virulence, ce n’est clairement pas dirigé vers toi, mais bien vers le livre que je dénonce 🙂
      Bienvenue sur le blog-aux-pavés 😉

  5. 16 septembre 2015
    Reply

    Bonjour,
    « Cette notion, le « marketing de soi » (ou self branding, personnal branding) se répand sur les pages web comme une connaissance parmi tant d’autres, sans critique (…) Personne ne s’y oppose, tout le monde répète gentiment la notion sans la remettre en doute. »
    Si, si, rassurez-vous, il y a d’autres globules blancs. 😉
    Voici, ce que j’écrivais en 2012 :
    http://bit.ly/1KSmygh

    Bienvenue au club des esprits critiques et bravo pour votre article.

    • 17 septembre 2015
      Reply

      Ah formidable ! Merci cela fait plaisir à lire (et ça soulage de voir que tout le monde n’accepte pas cette folie du marketing de soi !), le Net a besoin de globule blanc comme tu as pu l’être.

  6. Peuf
    18 septembre 2015
    Reply

    Ce type de dérive managériale n’est en fait qu’un des détails du néo-libéralisme et de la forme de domination qu’il aspire. Si on a depuis de nombreux siècles, observé de nombreuses formes de dominations, peu ont pour le moment conscience que « l’économie de marché » consiste à vendre bien plus que des produits, mais des humains au service de ce même marché.
    Le marketing au départ est une stratégie visant à donner une plus value à un produit, qui comme vous le dites, vise à mettre en avant ses qualités et à minimiser voire cacher ses défauts, par tous les moyens nécessaires. Je pense que le marketing de soi n’est qu’une sorte d’acting, une facette, un masque qui vise à jouer un personnage fictif… une hypocrisie envers son recruteur si on veut. Mais de là à ce que l’acteur devienne dominé par son personnage, oui cela serait vraiment la finalité de ce projet, mais quel est son impact aujourd’hui? Quelle proportion d’individus a vendu son humanité jusqu’à ce point?
    Personnellement, j’aurai plus ouvert le sujet sur le phénomène de standardisation.
    Le fait que la standardisation a pris une part importante dans nos vies, que ce soit au niveau technologique (modèle d’ordinateur, de voiture, de lave-vaisselle…) alimentaire (riz complet contre riz blanc, farine complète contre farine blanche), économique (mondialisation), sociale etc…
    Le problème des standards, comme de la farine complète raffinée en farine blanche, est que malgré qu’elle ai le même goût partout dans le monde, celle-ci doit perdre les riches nutriments qui la composait. Tout le concept est là, une perte de richesse (et non une perte de pognon, qui n’est qu’un symbole de richesse, et non une richesse en soi). Le dilemme ici, si on le rattache au monde de l’entreprise est que nous voulons de la farine blanche et pauvre, mais qu’elle soit aussi riche en goût et en nutriments que la complète.
    Le problème est que ce non sens est malheureusement ancré dans un des principes même de l’industrie actuelle qu’est la relation de l’homme avec l’outil.
    La machine est devenue tellement complexe, précise, performante que l’homme ne l’a comprend plus et ne comprend plus le lien qui la sépare.
    Pourtant sa fascination est telle que l’homme s’en inspire, lui donne des responsabilités, et prend même conseil sur elle, de là à mobiliser des machines pour faire du trading haute-fréquence et lui confier le prix du café, du pétrole… de calculer des statistiques et de lier des méta-données pour avoir un avis statistique du monde (mais trop biaisé car ne prenant pas en compte la psychologie humaine), et même à penser son mode de fonctionnement pour se l’approprier.
    Combien de métiers sont soumis aux procédures? Combien même de métiers « libéraux » sont-ils soumis à des recommandations qui deviennent des procédures, car risquant la procédure pénale en cas de non respect? (et dans mon domaine qu’est le médical, y a de quoi avoir peur).
    Je veux dire par là que tous nos métiers (ou la plupart) connaissent l’essor de procédures repensant nos activités de façon machinale.
    Je me perds peut être un peu mais le marketing de soi, qu’il s’agisse d’un entretien d’embauche ou d’une vie professionnelle n’est qu’un des autres aspects de la standardisation, car il sera de toute évidence confrontée à la standardisation de sa profession, qu’il ai vendu son image ou non. Mais la standardisation concerne tant l’employeur que l’employé puisque le procédé en soit même est une perte de richesse, qui même résiduelle s’exprime difficilement de par les structures hiérarchiques de son entreprise (dont la standardisation a bien sur abaissé la hiérarchie du standardisé).

    Personnellement, je vois toutes ces dérives arriver du fait que nous ne pensons plus notre lien avec l’outil, et que cette non pensée nous aliène au point que nous devenons dépendant de celui-ci, pour notre soi disant confort.
    Aussi ironique que cela le devient, nous sommes dans une période pré-Matrix ou notre dépendance avec la machine devient presque une domination de la machine, au point que son mode de fonctionnement inspire notre société pour qu’elle devienne machinale à son tour, et que les sujets qui la régissent deviennent des machines organiques, dépourvues de ce qui les différenciait auparavant en être humain.

    Bon ok j’adore construire des pavés. J’avais juste envie de tapoter sur mon clavier, bien que cela soit BEAUCOUP trop court vu le nombre de concept à penser, repenser, croiser entre eux, citer des exemples aussi risible que le gus de base accro à son smartphone « kipeupavivresan ». On pourrait tant parler de la « pensée unique » que du « dominant dominé par sa domination » etc… mais mon manque de temps m’oblige à m’arrêter là –> Et le temps nous manque de plus en plus chaque jour dans nos tâches alors qu’il ne manque jamais. J’espère qu’un jour nous trouverons ce « temps qu’il nous manque » pour nous remettre à penser, on en a bien besoin, moi le premier vu que j’utilise un ordinateur pour taper ce message.

    • 18 septembre 2015
      Reply

      Merci pour ce commentaire passionnant ! Nous sommes tout à fait d’accord, le parallèle métaphorique avec la farine est rondement bien emmené et oui, prendre cette question sous l’angle de la standardisation aurait été très intéressant (mais cela ne nous ai pas venu à l’esprit) merci donc de l’avoir fait !

      « J’espère qu’un jour nous trouverons ce « temps qu’il nous manque » pour nous remettre à penser, on en a bien besoin, moi le premier vu que j’utilise un ordinateur pour taper ce message. »
      On peut penser en tapant à l’ordinateur, mais pas de la même manière qu’avec une plume, la pensée est galopante sur ordinateur, rythmée par les bruits du clavier, enivrante parfois, parce que le fil de la pensée se synchronise avec
      ce rythme. Alors qu’avec une plume, on est forcé à la lenteur de notre poignet, contraint par les vicissitudes de l’encre qui ne coule plus assez rapidement, stoppé par les accrocs du papier qui décident de faire barrage à nos mots. Si certes, cela contribue à ralentir la cadence donc à réfléchir plus (ce qui est un excellent point), je ne considère pas, pour ma part, à ce que ce soit une pensée plus supérieure qui en découle.

      Comme disait je ne sais plus qui, le son ne vient pas la guitare, mais des doigts ; autrement dit, qu’importe le support, la qualité vient de la compétence, la passion et tout un tas d’autres caractéristiques liées à l’humain.

      J’ai beaucoup comparé mes productions soit juste sur papier, soit juste écrites sur ordinateur et ni l’une ni l’autre n’est supérieure (quoique que je suis fort mal placée pour en juger), elles sont d’une nature fort différente, dans le rythme, la structure, les liens. Au final j’ai opté pour les deux, écrivant mes jets sur papier, plus ré-écrivant sur ordinateur le jet, l’augmentant et le tranchant au passage.

      Autrement dit et pour revenir à notre « matriXe », l’outil au quotidien, il faut aussi s’en faire maître et le dompter en même temps que soi, en décider ses utilisations ou s’en restreindre. Faute de pouvoir le comprendre dans son intégralité -donc d’en être totalement maître-, apprenons à en être un utilisateur non-aliéné qui peut tromper l’écran de son téléphone avec l’observation de l’extérieur, par exemple.

      Mais que cette digression ne cache pas mon accord, oui il y a ce quelque chose qui vient des machines qui inondent la vie sociale et la transforme, l’exemple du trading à haute fréquence est flagrant en la matière.

      Au plaisir de relire encore tes « pavés » !

      • Peuf
        18 septembre 2015
        Reply

        Exact, la plume bien que moins facile à partager est plus sage et réfléchie au départ que son homologue électronique, bien que la combinaison des deux fasse bien la paire.
        Disons que l’outil de nos jours devrai faire l’objet d’une réflexion plus fréquente, dans le rapport que nous avons avec l’outil, en tant qu’objet de consommation, de moyen de transport, de survie médicale… de sa dispensabilité ou de son indispensabilité et des conséquences qu’il a sur notre vie, et en se demandant un jour si celui-ci ne va pas nous transformer lui même en outil, au service « d’autre chose » (pour prendre un raccourci, on pourrait parler de ces riches PDG ingrats de banques ou de multinationales, mais qui subiraient eux même une certaine forme de domination dont ils n’ont pas conscience, la leur. Ils seraient eux même au final des outils de cette spirale de perversion humaine, qui est probablement enfouie en chacun de nous, à laquelle certains résistent, et d’autres y succombent).
        Un être vivant au final reste un système de vie, qu’il soit uni ou pluricellulaire, ces cellules disposant de leurs propres « outils », qui constituent un tout, qui est lui même l’outil de chaque individu qui nous permet de vivre et d’évoluer dans cette cohésion (ou incohésion) de systèmes.
        Mais il convient de garder cette étincelle qui nous distingue tant en tant qu’être vivant, quel que soit le nom qu’on lui donne, et quel que soit le domaine dans lequel elle s’exprime.

        Si certains n’ont toujours pas la réponse concernant ce qui nous caractérise en tant qu’être vivant, je pense que rien que de nous penser ET de nous REpenser en tant que tel peut faire la différence dans notre existence.

        Merci en tout cas à vous les Hackso de tenir la flamme par vos actions. Sans pour autant être pyromane, ce feu a le mérite de se propager.

  7. Neko
    18 septembre 2015
    Reply

    Je sais maintenant d’où vient ce que j’ai pu entendre à la mission locale ou pas Pôle Emploi…
    De sociologues, psychologues et coatchs.

    Je vous dis ironiquement bravo les experts!

    Merci pour ce (tout) petit article encore très intéressant 😉

    • 18 septembre 2015
      Reply

      Justement aujourd’hui même, alors que je lisais un message de BB sur « paul emploi » sur le forum, je me suis rendue compte (et tu me le re-confirme) que nos institutions reprennent de plus en plus ce langage managérial abscons, ainsi que leurs techniques/recommandations. Ce qui est parfaitement dramatique…
      « Je sais maintenant d’où vient ce que j’ai pu entendre à la mission locale ou pas Pôle Emploi… » tu as des exemples précis en tête ? Car cela nous intéresse.

      • 20 septembre 2015
        Reply

        Hihih, quel déconneur ce Paul <3. Toujours à user des bonnes strats du privé.

        Non sans déconner, tout ce qui est sur-valorisation de soi, compétitivité outrancière, conformisme à ce que devrait être l'employé modèle… bref toutes ces conneries, qui t'empêchent de faire un entretien d'embauche effectif (c'est à dire un qui montre ce que tu vaudrais vraiment sur le terrain) et franc, c'est passé à la trappe. On n'aime pas la vérité là dedans. Arranger la vérité, légèrement, pourquoi pas, mais littéralement se foutre de la gueule de ton probable future employeur, n'est rien de plus qu'une infâme putasserie et le meilleur moyen pour que ton futur boulot soit de la merde et pour te faire embaucher pour un truc qui va te surgonfler.

        'fin ce n'est qu'un avis extrêmement tranché d'un garçon n'ayant pas encore eu d'expérience positive du taffe… mais je ne dirais pas ça à mon contacte avec Paul. C'est sans doute le meilleur moyen p)our qu'elle me choppe par les cheveux et m'éclate la tronche sur son bureau (ou qu'elle explose en disant "Mon dieu vous avez raison" et qu'elle me saute dessus en arrachant ses habits (chose qui me tente à peu près autant que de me faire énucléer à vif)).

        • chapon
          26 février 2016
          Reply

          Je suis tout à fais d’accord avec toi. Il y a deux ans j’étais tellement désespéré de trouver un job après mon DUT que je ne résistais plus à l’idée de me « vendre », d’en rajouter de manière à plaire au recruteur. Un jour j’en ai tellement rajouté que j’ai commencé à mentir franchement sur la moitié de ma vie. Le recruteur à semblé intéressé et j’ai sauté sur l’occasion. De calembredaines en billevesées, j’ai réinventé la moitié de ma vie. Je suis resté un an dans cette boite et je ne te cache pas que c’était une catastrophe monumentale.

          À part ça, bravo pour cet article, vous êtes une vraie source d’inspiration pour moi.

          #OnVautMieuxQueCa

      • Tunkasina
        14 juin 2016
        Reply

        en même temps, les fonctionnaires de PE regardent la même TV que tout le monde, au mains des grands capitaux …

        Forcément, ça rentre dans leur tête aussi, et vu que le but de pôle emploi est de caler les chômeurs dans les cases des emplois dispo chez les entreprises …

  8. La Mangouste
    25 septembre 2015
    Reply

    Déjà merci pour l’article.

    Ensuite, passons aux coquilles trouvées :
    * « Cela ne pas de soi » -> « Cela ne va pas de soi »
    * « cela qu’importe si on y heureux ou pas. » -> « cela qu’importe si on y est heureux ou pas. »
    * « Le reste de questionnaire vérifie si vous vous vendez bien sur Internet […] » le paragraphe est en double.

    Les remerciements, c’est fait. Ma contribution à l’amélioration de l’article, c’est fait. Passons à la discussion autour de ce présent billet.
    Je ne vais pas descendre ce livre sur quelques extraits choisis et une critique qui ne me semble pas toujours très objective (sur-interprétation de certains passages), mais je ne peux que confirmer, d’expérience, la tendance au formatage du « marketing de soi » lors d’entretien.
    Cela est surtout vrai dans les grandes entreprises, où le premier entretien se fait souvent en compagnie d’un RH, n’ayant pas nécessairement les compétences techniques pour vous évaluer sur vos connaissances propres. De plus, la quantité de candidats à un poste peut amener à rationaliser les entretiens en les formatant.
    C’est à ce genre de choses que veut préparer le livre. Son approche semble, d’après ce qui ressort de l’article, stéréotypée et ne fait qu’inciter les recruteurs à continuer dans cette direction, mais dans l’immédiat cela doit servir le lecteur à obtenir un emploi, nécessaire dans la société actuelle.
    Après, il ne faut pas tout dénigrer. Préparer à se « marketer » (je déteste cette anglicisation des termes liés à la vente) permet de se poser des questions intéressantes sur son expérience, et ainsi de mieux se rendre compte de ce que l’on peut attendre de son prochain emploi et ce que l’on souhaite éviter (bon ça c’est quand on a le luxe du choix).

    • 26 septembre 2015
      Reply

      « Le premier entretien se fait souvent en compagnie d’un RH, n’ayant pas nécessairement les compétences techniques pour vous évaluer sur vos connaissances propres. » Oui en effet, et c’est un problème à mon sens. Celui qui recrute se devrait de connaître le métier, donc si le responsable ne peut connaître le métier, il faut que ce soit un pair qui procède au recrutement comme dans Gore TEX et Sogilis (entreprises qui fonctionnent à merveille sans managers tels qu’on les conçoit actuellement ; on en parle ici : http://hacking-social.com/2015/03/03/le-bonheur-nest-pas-celui-quon-nous-vend-la-preuve-par-le-flow/ et dans le livre : http://hacking-social.com/wp-content/uploads/2015/07/lhomme-format%C3%A9-red-3.2.pdf ).

      « Préparer à se “marketer” (je déteste cette anglicisation des termes liés à la vente) permet de se poser des questions intéressantes sur son expérience, » C’est justement ce qui me gêne au plus haut point, et pas seulement dans le livre. Cette idéologie managériale-marketing pollue complètement les rapports humains sains, en commençant par répandre un vocabulaire totalement inapproprié à des êtres humains (et comme le disait Anne, les hommes qu’on vend, ce sont les esclaves) : se marketer, et même en français « se vendre » est un terme épouvantable. Je ne le dis pas seulement à titre esthétique, ce n’est pas un délire littéraire de ma part que de répudier ce mot collé à l’humain. Les mots définissent notre monde, définissent les attentes des personnes sur d’autres, elle « formate » le quotidien, le balise.
      Or, si on se vend, qu’on soit un produit « yaourt » ou « rolex », on se réduit à être un consommable figé, où le packaging vaut plus, où la marque a plus d’impact que les actions sociales que l’on peut mener au travail. Être le produit consommable de l’entreprise, c’est au-delà de la subordination légale, c’est être à totale soumission, en état agentique. C’est craindre d’être périmé, donc ne plus oser dire non – par exemple au harcèlement – par peur d’être jeté aux ordures.
      Et je l’ai vu dans ma vie professionnelle variée, dans mes recherches où j’ai épluché des dizaines de témoignages tous plus dramatiques les uns que les autres : étant la propriété de l’entreprise, les personnes n’osent plus dire non à des ordres qui pourtant sont odieux (un éboueur à qui l’on demande de jeter toutes les affaires des SDF par exemple) ; étant des consommables, ils ne sont plus entiers, alors que toute la variété de l’humain, sa capacité à avoir des dizaines de rôles différents, son adaptabilité serait une richesse pour la vie au travail et pour l’entreprise.
      En entretien, je refuse de me vendre. Je refuse de faire ma promotion en arguant des qualités que j’aurais en packaging, donc de façon superficielle. Je refuse de me créer une fable réductrice. Je me refuse à l’internalité totale, où je pourrais dire « si je suis compétence ce n’est que grâce à moi même ».
      En entretien, au lieu de se vendre, on peut se raconter. On peut expliquer. On peut parler de cet espace intermédiaire entre notre moi et le travail, ce rapport au travail. On peut parler de ses motivations intrinsèques. On peut parler de ces moments qu’on préfère, on peut se projeter ensemble (avec le recruteur) sur le futur, on peut questionner. Et plus qu’autre chose, on peut se rencontrer et échanger. En cela, je refuse que l’humain se vende à une organisation, parce qu’il y a mille et une actions à faire qui sont plus saines pour tous et mille et un mots qui donnent au monde des résultats plus bénéfiques pour tous.
      Ce n’est pas qu’un mot, « vendre », c’est un indice parmi mille autres d’un formatage idéologique managérial, formatage qui créé parfois d’épouvantables situations (cf L’homme formaté : http://hacking-social.com/wp-content/uploads/2015/07/lhomme-format%C3%A9-red-3.2.pdf )

      Alors, comme pour l’autre grand commentaire, ne prend pas ma passion pour de la virulence envers toi:) c’est bien contre ce que j’accuse que je m’étends. Au contraire, je te remercie vivement pour m’avoir tendu une perche afin de préciser ma pensée à ce sujet.

      Merci pour ton intérêt et tes corrections:)

  9. Sylvie Protassieff
    25 septembre 2015
    Reply

    Merci pour votre lecture attentive
    Sylvie Protassieff

    • 26 septembre 2015
      Reply

      Et merci pour la vôtre ! Comme je le disais en fin d’article, nous sommes ouvert à la critique et à la discussion, et il serait plus que légitime de votre part d’intervenir:) Sinon, nous avons également un mail admin[at]hacking-social.com

  10. Guillaume de Lapierre
    28 septembre 2015
    Reply

    J’apprécie l’immense courage du donneur de leçon bien planqué derrière un pseudo et sans aucune photo. Je n’ai pas lu le livre, mais au moins les auteurs ont le courage d’avancer à nom et à visage découvert. C’est assez génial Internet, n’importe qui s’improvise du jour au lendemain censeur et juge de paix, bien planqué derrière un pseudo. Quel courage pour un donneur de leçon!

    • InspectionGénéraleDesTrolls
      28 septembre 2015
      Reply

      @Guillaume de Lapierre : Bonsoir.
      Le troll « vous vous cachez derrière un pseudo, c’est facile » est malheureusement devenu un poncif, stéréotypé au même titre que le traditionnel « appel à Hitler » appelant au fameux point Godwin. Nous appelons ce poncif le point « Nadine Morano » en référence à son troll sur Twitter (http://www.numerama.com/magazine/22782-nadine-morano-veut-interdire-l-anonymat-sur-twitter.html ).
      En tant que membre honoré et honorable de l’inspection générale des Trolls, j’en demanderais à re-solliciter votre imagination car cette accusation n’a plus aucun effet sur l’énervement des personnes en présence, le dérivé vers une autre discussion et autre missions salvatrices du troll. Par exemple, il aurait été bien plus original d’user d’une théorie du complot franc-maçonnique, les lettres du présent site apportant en plus une preuve incontestable de ceci.
      Mais je vous fais confiance à votre capacité à troller néanmoins : taxer de courage les auteurs que vous n’avez pas lu car ils donnent leurs noms et leur image est relativement original et amusant comme faux argument d’autorité ! Evidemment, on risque de vous renvoyer à l’antiquité avec Homère (un anonyme !), ou encore à Johnny Hallyday (il n’a pas courage de donner son vrai nom !!) mais cela a au moins le mérite de détourner la conversation, ce qui reste toujours un objectif trollesque certes peu ambitieux, mais honorable.

  11. Guillaume de Lapierre
    28 septembre 2015
    Reply

    J’apprécie l’immense courage du donneur de leçon bien planqué derrière un pseudo et sans aucune photo. Je n’ai pas lu le livre, mais au moins les auteurs ont le courage d’avancer à nom et à visage découverts. C’est assez génial Internet, n’importe qui s’improvise du jour au lendemain censeur et juge de paix, bien planqué derrière un pseudo. Quel courage pour un donneur de leçon!

    • InspectionGénéraleDesTrolls
      28 septembre 2015
      Reply

      Ah la classique répétition de commentaire pour faire masse ! Bien joué, ainsi on sent l’impatience, l’énervement ce qui rajoute un bon background au personnage. Vous auriez pu en rajouter un autre « ET EN PLUS ON ME CENSURE !!!!!! », un classique toujours appréciable dans tout troll qui se respecte.

  12. Caligula
    28 septembre 2015
    Reply

    Un Troll???
    Où ça??
    Où ça??
    Ahhh… Guillaume de Lapierre…
    Booooof. Pas vraiment un Troll. Les Trolls se caractérisent en général par des pseudos assez ahurissant. Ce n’est pas le cas ici, ou alors il y a un jeu de mots que point je saisis.
    Bon, ben je retourne me coucher…

    Sinon, il est pas mal cet article, faudra que je m’abonne à ce site, un de ces jours…

  13. 29 septembre 2015
    Reply

    Bonsoir et merci pour cet article,
    Un article qui me fait me poser bien des questions. Je dirais pour résumer que je pense à mon sens qu’il y a des torts et des vérités des deux côtés.

    Sans vouloir faire l’avocat du diable, je pense que « L’art de se vendre » est une notion mal formulée, ce serait plus « L’art d’extérioriser nos qualités » (je ne parle pas des défauts car, ceux-là, les autres savent très bien les voir).
    Objectivement, ce n’est pas « un mal » de vouloir exposer ses qualités devant un recruteur, un potentiel prospect ou patron. C’est valorisant vis-à-vis de soi (ne serait-ce qu’en se réappropriant ces qualités qu’on oublie bien souvent), et cela plaît à autrui, que demander de plus ?
    Là où le bât blesse c’est la trop grande conformité à des stéréotypes qui à l’excès n’ont plus de sens. Par exemple, être habillé « convenablement » à un entretien est une règle implicite que personne n’irait contredire, parce que c’est l’occasion de se montrer sous un jour agréable, représentatif de l’emploi que l’on veut acquérir. Se raser complètement, couper ses cheveux à une certaine hauteur (comme certaines chaînes de distribution) là on tombe dans le ridicule et l’aliénation. Tout n’est question que de mesure au final.
    Les conseils de cet ouvrage ne sont pas mauvais, les respecter à la lettre de manière dogmatique l’est, mais ça c’est le cas de tous les concepts existants.

    Vous avez également été virulents et l’avez justifié par une dimension humaine et un biais de jugement parce que vous avez côtoyé beaucoup de demandeurs d’emplois (ou l’avez été), mais au final les auteurs de cet ouvrage pourraient reprendre votre article point par point et y faire la même critique inversée.

    Je pense pour ma part, qu’il y a des choses intéressantes des deux côtés, et je fais mon propre bonhomme de chemin en piochant sans juger ce qui colle avec mes valeurs personnelles (tout aussi biaisées, en humain que je suis).
    Je salue le travailleur de toute personne qui a su exposer sa pensée aussi clairement, autant les auteurs de ce livre que vous.

    Au plaisir de vous lire à nouveau.

    • 29 septembre 2015
      Reply

      Alors dis-moi si je me trompes, mais peut-être que tu supposes que ma virulence face à ce que véhicule cet ouvrage est due au fait que je sois en colère contre les entretiens ou les personnes qui les réalisent, voire le monde du travail dans sa totalité, pour ne pas fournir au chômeur des emplois convenables ? Bon si tu as lu l’article sur le chomage, tu comprendras rapidement que je n’ai absolument pas de ressentiment contre les entreprises qui ne recrutent pas, au contraire 🙂 ( http://hacking-social.com/2014/01/30/chomage-solution-crise/ )

      Si c’est cela, et bien il y a malentendu sur le fond de l’article : ce que je dénonce, ce sont des idéologies et des mécanismes (injonction paradoxale, internalité, individualisme au sens publicitaire du terme et non au sens « voltarien »). Je n’attaque pas les entretiens, je n’attaque pas les personnes, mais bien ce qu’inconsciemment (ou peut être consciemment) elles véhiculent et qui nocif pour la santé mentale, mauvais pour le bonheur de tous. Autrement dit, le formatage à l’oeuvre.
      Je n’ai rien contre les entretiens en eux-même, certains se passent à merveille, avec échange des parties, explications des compétences et de mode de travail, bref une discussion ou l’on se raconte (et non on se vend!) l’un l’autre. Quelque chose de simple, de sain, de humble et qui apporte à tous des informations concrètes. Je n’ai pas de ressentiment à leur égard, j’ai peut être eu le malheur de subir des questions sexistes inappropriés mais globalement j’ai une expérience positive à ce sujet parce que j’ai eu la chance de m’entretenir avec des gens qui connaissait le métier pour lequel je postulais.

      On pourrait parler longtemps des dérives de certains entretiens, mais là n’est pas le sujet. Ici, dans cet article on parle idéologie et mécanismes, et elles ne sont pas partagées par tous les recruteurs, les patrons bien heureusement (par exemple rework : http://hacking-social.com/2014/06/10/un-management-sain-si-si-cest-possible/ ; je pourrais citer également Favi, sogilis, gore tex, les futurs entrepreneurs de simplon.co etc…)
      Là est l’erreur formatée : croire que tous les patrons, recruteurs et organisations attendent que l’on se « vendent » à eux et attendent qu’on soit leur produit. Au contraire, et c’est ce qui est formidable (et également le pourquoi je m’insurge des mécanismes dans l’article) certains, dans l’entretien et après, attendent des humains authentiques, avec tout leur variété, leur authenticité, leurs histoires, leurs défauts qui sont aussi des richesses dans les interactions variées d’une organisation.
      Si je suis « biaisée », ce n’est pas une question de chômage, de fréquentation des chromeurs ; ce serait plutôt un biais bisounours VS brutaliste (voir ici : http://hacking-social.com/2014/01/15/qui-veut-la-peau-des-bisounours/) Parce que la question du chômage est hors sujet, il s’agit d’un problème de conception de l’humain qui est mis en exergue dans l’article.
      Merci pour ta critique constructive et respectueuse:)

  14. Vilerio62
    29 septembre 2015
    Reply

    Profiter d’un concept désastreux du monde du travail afin de pousser quelques bonnes poires à le rendre encore plus désastreux, ou en profiter pour mettre en avant son nom afin de se faire mousser grâce à des connaissances astronomiques dans le domaine du « chômeur » pour se faire un peu de blé ?

    Intéressant 🙂

  15. […] produit, l’épanouissement devient tout son contraire : la vente de soi (je vous invite à lire l’article de Viciss sur le « marketing de soi »). Les fins poursuivies étant pour l’individu des fins irrationnelles par rapport aux finalités […]

  16. […] du moins ces finalités et ces modalités ne sont pas forcément claires, parcourues d’injonctions paradoxales. On a donc un problème radicalement différent : il ne s’agit pas de découvrir des […]

  17. […] au dernier article basé sur un ouvrage (le marketing de soi), nous ne reprochons rien à « Very Bad Buzz », que ce soit son contenu ou sa forme. Il est […]

  18. […] nous avons débattu tous ensemble des questions de langage, pour notre part de novlangue (comme se vendre soi, vendre du rêve… on avait défini la novlangue dans cet article) et de bien d’autres […]

  19. […] du moins ces finalités et ces modalités ne sont pas forcément claires, parcourues d’injonctions paradoxales. On a donc un problème radicalement différent : il ne s’agit pas de découvrir des […]

  20. l'obscurité est l'absence de lumière
    7 janvier 2017
    Reply

    Salut,
    (je te tutoies, c’est moins formel, espérant que tu n’y vois pas d’inconvénients)
    Je voulais juste titiller sur une expression utilisée « afin d’alléger cet article qui risque encore une fois d’être trop gros ». Tu nous dit cela pour expliquer pourquoi tu ne mets pas tous les items du livre « le marketing de soi », ce qui est raisonnable et compréhensible mais je voulais juste insister sur le point suivant : la longueur d’un article ne doit pas constituer un obstacle pour un lecteur qui est réellement intéressé par le sujet. Tes articles sont généralement longs et tant mieux, car je trouve que cela est nécessaire pour expliquer de façon claire des notions assez difficiles ou spécialisés pour le grand monde. Il est vrai que, nous, internautes préférons lire rapidement des articles et ne pas y passer trop de temps seulement avec cette démarche, je doute que nous pussions comprendre en profondeur toute les subtilités et par conséquent construire un réel savoir.

    Cordialement,
    l’inconnu

  21. mstrm
    12 mars 2017
    Reply

    Hello Viciss0Hackso 🙂

    J’arrive à peine sur votre site et j’ai voulu lire ton article en premier, vu que je connais bien la communication en entreprise.
    J’ai été surpris par la tournure de l’article, plutôt à charge contre l’ouvrage.
    Pour moi, le marketing de soi EST du hacking social. Et pour qu’il soit efficace, il est ESSENTIEL qu’il soit basé sur la nature humaine.

    Je m’explique en citant d’abord « Réintroduction au Hacking Social » :
    « Nous n’avons pas choisi notre embarcation (nous n’avons pas choisi d’être homme ou femme, d’être né en tel lieu ou à telle époque, d’être né en bonne santé ou avec un handicap…), pas plus que nous choisissons les conditions climatiques. Bref, nous devons « faire avec », chacun partant d’une condition particulière avec sa propre singularité. »
    « Le hacking social cherche à comprendre ces courants, ces vents, apprendre à colmater les brèches de notre bateau. À défaut de pouvoir changer les conditions climatiques, à défaut de pouvoir troquer notre barque contre un paquebot, nous pouvons apprendre à les utiliser à notre avantage. »

    Et voilà quelques lignes du début de ta critique :
     » le livre diffuse également cette théorie que l’humain doit se considérer comme un produit et se vendre (ce qui vous l’imaginez bien, pose quelques soucis) ; et enfin l’ouvrage considère le patron, l’entreprise ou le recruteur comme la télévision considère ses téléspectateurs, c’est à dire incapable d’être rationnel, ne comprenant qu’un langage inconscient et bondé de biais de jugement. »

    « le marketing de soi, c’est se vendre de la même manière qu’un publicitaire vend son produit. C’est-à-dire mettre les phares sur les points forts, transformer les points faibles en merveilleuses histoires et trouver des cibles acheteuses tout en se démarquant de la concurrence. Outre le fait que ce qui fait le plus beau de la nature humaine est dénié par la conception des choses du marketing de soi (par exemple que nous soyons des êtres doués de sensibilité, aimant, changeant, etc.), elle considère le milieu professionnel comme un terrain de guerre, de compétition : on est, sans l’ombre d’un doute, dans une conception du monde brutaliste. »

    **

    Tout au long de ton article, tu évoques l’idéal de l’entreprise ou du recruteur, qui serait rationnel, sans biais, qui s’intéresserait à tous les aspects de chacun de ses employés. Tu dénonce la concurrence du milieu professionnel et une certaine objectification des individus.

    — Le monde est imparfait par nature ———-

    Je vois le monde d’une manière moins idéaliste. Plus rationnelle et désabusée.

    Il y a une concurrence réelle sur le marché du travail.
    Les employeurs, patrons, managers, rh, ont de multiples activités, de multiples contraintes de temps, ils sont sollicités par des dizaines d’interlocuteurs. Ils n’ont pas le temps de prendre en compte tous les éléments, ils vont donc vers ce qui leur parait le plus simple, même s’ils savent que ce ne sera jamais parfait, ce sera même forcément imparfait. Ils s’en satisfont, parce qu’ils ne pourraient pas faire mieux.
    Ils peuvent avoir les meilleurs sentiments du monde, il ne n’auront jamais assez de temps et d’énergie pour prendre en compte toute l’humanité, toutes les qualités et tout le travail de leurs collaborateurs.
    Et oui, comme tout être humain, ils sont rarement rationnels. Plutôt autocentrés, ils sont le plus souvent biaisés par une chose ou une autre qui accapare leur attention. C’est déplorable, mais tout simplement humain !
    Voilà ce que j’appellerais les « conditions climatiques ».

    On peut, et il faut critiquer le monde du travail, mais cela ne le changera pas pour autant. Une première étape est de l’accepter, comme vous le présentez dans la « Réintroduction au Hacking Social » : « A défaut de pouvoir changer les conditions climatiques […] nous pouvons apprendre à les utiliser à notre avantage »

    — Utiliser les conditions climatiques à notre avantage ———-

    C’est justement là tout l’intérêt du fameux « Marketing de Soi ».
    Si les patrons (ou d’autres collaborateurs d’ailleurs) ont toujours la tête dans le guidon et sont irrationnels car ils n’ont pas le temps d’être rationnels, si l’on attend quelque chose d’eux, c’est à nous de leur faciliter le travail en simplifiant et en optimisant notre communication.
    A mes yeux, le marketing de soi EST du hacking social.

    — Le marketing de soi EST du Hacking Social, basé sur la nature humaine —

    Quelques mots ont retenu mon attention :  » le plus beau de la nature humaine est dénié par la conception des choses du marketing de soi ».
    La beauté nécessite contemplation pour être appréciée, et le monde du travail est brutal et n’a pas le temps pour ça.
    Cela ne veut pas dire que le marketing de soi nie la nature humaine. Je dirais même que LA NATURE HUMAINE EST A LA BASE du marketing de soi.
    On constate la faiblesse humaine de nos interlocuteurs par rapport à nos idéaux, et on met notre propre nature humaine dans notre communication

    Le marketing de soi doit partir … de soi. C’est à dire de nos valeurs, de nos motivations personnelles et professionnelles, de notre manière d’être.
    Il ne sert à rien de « vendre » ce qu’on n’est pas. Les incohérences sautent aux yeux.
    En pratique si nos valeurs et nos qualités ne seront pas « placardées » comme dans une mauvaise pub, elles doivent transparaître dans notre communication et dans nos actes.

    Tu dis : « ce que fait le marketing publicitaire : il camoufle les défauts et problèmes des produits, il invente des fictions et mensonges pour le rendre plus séduisant qu’il ne l’est, il omet volontairement de donner des informations péjoratives. »
    Il est logique d’appuyer sur ses points forts. On n’a jamais rien réussi à construire en s’appuyant sur ses points faibles. Il serait ridicule d’afficher en priorité nos erreurs et nos failles.

    En entreprise, le marketing de soi c’est effectivement savoir présenter simplement et rapidement ses réussites, pour montrer notre valeur aux managers qui n’ont jamais le temps de tout suivre, même si ça devrait être le coeur de leur travail.
    C’est aussi faire le lien entre nos ambitions, projets personnels et professionnels, ce qui nous inspire, et les ambitions de l’entreprise : « voilà où je veux aller, peut on trouver une trajectoire commune ? ». Il y aura toujours des managers old-school qui se moquent de co-construire avec leur employé. Mais dans une logique business « idéale » l’employé performant, impliqué qui veut créer de la valeur pour l’entreprise, doit être maintenu heureux. Pourquoi lui refuser de prendre une direction gagnant-gagnant ?

    « Pourquoi cet idiot qui ne fait rien a eu une prime après avoir parlé au boss et pas moi ? » : Oui, c’est injuste. Le boss devrait savoir que ton collègue n’a rien fait. Sauf qu’il n’a pas le temps d’être partout, ou il est préoccupé par d’autres choses. Si tu ne prends pas un peu de temps pour parler de ce que tu fais, il est rare qu’un autre le fasse pour toi.

    Une part importante du marketing de soi est de garder une communication régulière (pour rester visible) simple / courte (pour qu’elle soit retenue) et naturelle. Et tout ca n’est pas naturel au début. Comme le vélo, ça s’apprend, ça s’intègre et ça devient petit à petit naturel.

    — Quelques mots sur l’apparence —

    Le jugement sur l’apparence est l’un des principaux biais humains selon moi. On commence par juger sur l’image. Il parait même que tout se joue sur 30 secondes.
    Image, attitude corporelle, manière de parler, puis contenu de l’échange…

    Dans cette partie, cher Viciss0Hackso, on te sent embarqué dans ton rejet du système, au point où je trouve que tu commences à beaucoup manquer de recul.

    Citation du livre: « Que penser de cheveux sales, de chaussures non cirées, d’une jupe fripée, d’une chemise mal repassée » :
    Ton analyse: « double attaque : on suspecte le chercheur d’emploi d’être froissé de la tête au pied »
    Ah ? N’est-ce pas un commentaire biaisé ? Pourquoi le prendre de manière si extrême? Le livre ne se contente-t-il pas simplement rappeler les principes de base qui nous donnent une meilleure image ? Bien sur, il n’est pas nécessaire de cocher toutes les cases. On peut être très bien habillé en jean !
    Mais réfléchir un peu à son apparence est important. Surtout si on a ou si on vise un poste ou le relationnel est important.

    Un peu plus loin : « Nous pouvons en prendre soin de plusieurs manières : faire du sport, mener une vie saine, pratiquer un régime adapté. Et si vraiment il y a un élément gênant, faire appel à la chirurgie esthétique.  »
    Ton analyse: « Il faut se conformer au point donc de passer sur le billard pour enlever les défauts qui viendraient chatouiller le regard tatillon des recruteurs… »

    Pour avoir peu à peu ajouté des éléments d’une vie saine à mon rythme de vie. C’est vrai que ça nous donne plus confiance en nous.
    Mais c’est pas parce que je fais 8mn d’abdos tous les matins, que je rentre pour autant dans un moule. Chacun sa manière d’apporter un rythme de vie plus sain, chacun son sport, le régime qu’il a envie de suivre, quand il veut le suivre. L’ouvrage ne semble pas excessif.
    Quant à la chirurgie esthétique… J’interprète l’ouvrage comme un encouragement à sauter le pas, si on considère quelque chose comme VRAIMENT gênant…. pour NOUS. Je ne vois pas en quoi cela devrait être une question du regard des recruteurs. La fin de ce texte devient un peu trop à charge 🙂

    ***

    Bref, voilà mon avis, cher Viciss0Hackso.
    On sent que tu as des valeurs, que tu es emballé par tes idéaux, mais quelque part, j’ai eu l’impression que tu perdais en cohérence par rapport à l’idée du site :
    – oui, tu décomposais et critiquais une certaine idée du travail, mais ce faisant
    – tu rejetait les « conditions climatiques » réelles au nom de tes idéaux,
    – tu rejetais les outils suggérés par le livre en leur attribuant une volonté négative, alors qu’un outil en lui même est neutre, libre à nous de l’utiliser de la bonne manière
    – tu ne proposais pas d’autres outils alternatifs pour répondre aux problématiques qu’adressent ces outils

    Ta critique semble s’être portée sur la société, quand l’ouvrage critiqué (qu’il soit bon ou mauvais – mais apparemment incomplet) propose justement des outils pour contrer certains de ses lacunes, inhérente à notre société et à notre nature humaine imparfaite.
    Le « marketing » n’est qu’un outil pour aider le sujet central: « soi ». L’être humain ballotté qui essaye tant bien que mal d’avancer dans un monde du travail déshumanisé.

    Voilà. Désolé pour le pavé, j’espère qu’il aura un sens pour toi et d’autres lecteurs.

    Bonne journée !

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