▲Un artiste teste notre capacité à résister

 

Il était une fois un homme qui se tenait immobile dans les villes. À quelques mètres de lui, une table où s’empilaient 120 œufs et plusieurs emballages vides pouvant les recueillir. Aucune inscription ou signe distinctif ne signifiait que faire de cet espace inaccoutumé: la situation était hautement incompréhensible dans ces villes où les passants ne s’arrêtent que lorsqu’un banc, un rendez-vous, un feu rouge ou un commerce les y affordent1

Cependant, ils s’arrêtèrent. Testèrent. Rirent. Et l’homme, toujours immobile, finissait toujours couvert d’œufs qu’on avait jetés sur lui.

Malgré le style adopté pour cette accroche, je ne vous parle pas là d’une fiction, mais de l’œuvre bien réelle, bien vivante, d’un artiste, Jérémie Pujau. Vous avez peut-être croisé ses vidéos dans les sections « buzz », « insolite » des médias dans le figaro, rue 89, les inrocks2. Bien que nous ayons été fort intéressé par cette performance, nous n’en avons pas parlé immédiatement : comme nous ne sommes pas journalistes et que nous ne nous fixons pas d’impératif d’audience. Cette lenteur fut une bonne chose, parce que cette performance nécessite de se poser aux côtés de l’artiste, de s’immobiliser symboliquement avec lui et d’observer d’un bout à l’autre ses longues vidéos.

La performance-expérience

Voici une des vidéos que l’on a regardées :

Si vous ne connaissez pas l’expérience de Milgram, on vous conseille de consulter l’article que l’on a fait à ce sujet (ou dans le livre, c’est la même chose), car on fera beaucoup de parallèle avec celle-ci.

Mise à jour de 2023

On a aussi parlé de l’expérience de milgram dans notre dernier ouvrage : 

En toute puissance, manuel d’autodétermination radicale

Le premier questionnement des passants face à ce cadre inhabituel est l’immobilité de l’artiste : on les entend rire, mais ce n’est clairement pas un rire de moquerie, c’est un rire nerveux, une réaction plus que le témoignage d’une opinion. C’est le même rire que celui qui sort de notre bouche lorsqu’on voit une chute, c’est le même rire qu’ont les sujets de l’expérience de Milgram lorsque les décharges électriques qu’ils envoient à leurs collègues commencent à être douloureuses au point de lui arracher un cri. Notre grosse erreur, tant à ceux qui rient qu’à ceux qui les observent rire, est d’interpréter ce rire comme : je ris = je trouve cela drôle, cela me plaît ou il rit = il trouve ça drôle, cela lui plaît ou il se moque de l’autre. Un rire nerveux est au contraire signe d’un malaise, d’un conflit mental et il sort de la bouche des personnes pour soulager la tension. Cela a son utilité pour pouvoir abaisser le conflit mental et aider à l’action. Dans Milgram, l’horreur est que ce rire pousse à continuer d’obéir et de lancer sans conflit des décharges encore plus fortes.

Cependant, le premier groupe de filles rit, pense à la probabilité de jeter des œufs, mais ne le fait pas.

Plusieurs éléments empêchent les personnes de passer à l’acte : deux jeunes hommes semblent comprendre qu’il s’agit d’une performance et joue avec le cadre de celle-ci. Un se tient immobile devant les œufs, comme un miroir de l’artiste, l’autre se prend en photo avec l’artiste, ils disposent des œufs sur Jérémie puis les remettent en place, un semble dessiner sur les œufs. Ils expliquent également leur interprétation aux passants. Plus tard, d’autres personnes repèrent une des caméras cachées, elles ne jetteront pas d’œufs également : quand on sait qu’on est observé, on tient à avoir une bonne image (biais de désirabilité) ; dans le jeu de la mort (une version récente de l’expérience de Milgram), même s’il y a une assemblée, des caméras, les personnes continuent à obéir de façon destructive par soumission à l’autorité, qui prédomine sur cette question d’image (mais qui peut être interprété comme un biais de désirabilité vis-à-vis de l’autorité + de la peur + conditionnement à obéir, etc.).

Le premier « acte » est celui d’un homme passant à toute vitesse en vélo. Il jettera un œuf au pied de Jérémie et partira aussi vite qu’il est arrivé. Par la suite, le cadre posé par l’artiste semble appréhendé différemment : plus personne ne passe entre la table et lui, comme si les éléments en présence dictaient des règles à respecter bien qu’objectivement, il n’y en ait pas. Un groupe de personnes parlant une langue étrangère (qu’on n’a pas reconnu) ainsi qu’un groupe de jeunes s’approchent. Les jeunes cherchent « ce qu’il y à faire », un d’entre eux lance un œuf, mais il n’y a clairement pas de violence, il est dans un état d’esprit de test du cadre. Il décide après de détacher les emballages vides (personne n’y avait touché avant), il a des difficultés, car il y a eu une averse et ils semblent collés entre eux. Cela ne l’empêche pas de continuer et de remplir une boîte qu’il met de côté. Deux femmes du groupe parlant une langue étrangère suivent son exemple et dans une parfaite coordination, rangent tous les œufs dans les boîtes qu’elles ferment. On a là un cercle vertueux.

Mais l’absence de changement, l’immobilisme de l’artiste semblent décevoir les passants  » c’est pas ça qu’il fallait faire ». Un autre groupe arrive. Ils sont dans la même démarche de trouver ce qu’il faut faire. Certains demandent s’ils peuvent prendre les œufs, si c’est gratuit. L’absence de réponse ne les fait pas pour autant tenter de prendre les œufs. Tout s’enchaîne rapidement, le groupe est impatient et frustré de cette absence de réaction, de cette incompréhension de ce cadre. Ils jettent presque tous les œufs sur l’artiste. Un des hommes du début revient et jette tous les œufs à terre.
Dans cette séquence, on a noté beaucoup de comportements d’aide : Jérémie est essuyé, certains le protègent du carton, dans le groupe des lanceurs on entend des « arrêtez ! », et beaucoup de personnes tentent de communiquer avec lui. Dans un cadre habituel, cette volonté de communiquer peut suffire à trouver l’aide nécessaire, car les personnes interrogées répondent ou cela permet aux passants de savoir si une personne est mal en point afin d’appeler les secours.

L’artiste fait ensuite un debrief avec les jeunes, en leur posant beaucoup de questions. Et les jeunes semblent avoir été touchés de la méchanceté du jeté d’œufs.
Nous n’avons pas vu dans cette vidéo d’intention sadique, dénuée de toute empathie. Certes, la séquence du jeté d’œufs est violente, elle est un acte de violence, mais cette violence est issue non pas d’une intention de faire mal ou d’humilier Jérémie, mais de l’incompréhension du cadre, du test d’un cadre qu’on ne comprend pas, du silence incompréhensible pour les passants de l’artiste. Durant la vidéo on a pensé « la violence est réaction faute de savoir quoi faire » et cela reste encore une impression fort vivace.

 

Ce qu’en dit l’artiste

 

« Ce travail se positionne comme héritier de démarches artistiques développées durant la fin des années 70 et le début des années 80 comme le « Collectif d’art sociologique » (Hervé Fischer, Fred Forest, Jean-Paul Thénot), le groupe « Untel » (Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal, Alain Snyers), mais se nourrit aussi de recherches philosophiques, sociologiques, ethnologiques, anthropologiques et psychologiques (Hannah Arendt, Elias Canetti, Stanley Milgram entre autres). »

Jérémie Pujau parle de sa performance comme d’un travail de recherche, tant artistique que sociologique, mais aussi comme d’un appel à la mobilisation et à réfléchir ensemble :

« Évitons les malentendus et incompréhensions. Il ne s’agit pas ici de morale ou ni de juger qui que ce soit, mais bien d’essayer de comprendre et de rendre les clés de cette compréhension intelligibles à chacun. Pour que les erreurs du passé ne se reproduisent plus. Pour que chacun ait les armes nécessaires pour se lever et dire « non ». Il est important de garder cela en tête lors du visionnage des vidéos et photos rassemblées. N’oublions pas que, si certaines conditions sont réunies, toute personne est capable du pire. »

En cela, nous reconnaissons la même impression que donnent les expériences de Milgram et le visionnage renforce cette même douloureuse ressemblance : à moins de se positionner en juge, ce qui est une forme de déni à éviter si on souhaite vraiment comprendre, il est très dur moralement de nous voir dériver aussi facilement et de commettre de la violence aussi rapidement. Dans Milgram, c’est la simple présence d’une autorité qui arrive à nous transformer en tortionnaires, ici c’est l’incompréhension et la frustration mêlée à une tendance au conformisme (les personnes suivent les actes des autres pensant que c’est ce qu’il faut faire ; que ce soit dans le positif – ranger les œufs – ou le négatif – lancer les œufs sur l’artiste) qui nous fait commettre cet acte dégradant. Cependant, le cadre est très différent entre Milgram et cette performance, c’est le ressenti qui est par contre assez similaire.

 

Ce qu’en disent les psychologues

 

Les inrocks ont eu la sagacité d’interroger les psychologues sociaux Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, des spécialistes des questions de manipulation, d’influence et de soumission :

Ils estiment que :

“Les références à Hannah Arendt et à Stanley Milgram ne s’imposent vraiment pas. Il s’agirait plutôt d’une réponse de certains passants à ce que les chercheurs appellent une ‘demande implicite’ dans le cadre d’un spectacle de rue, réponse qui entraîne sur les autres un effet de conformisme (si quelqu’un se met à courir dans les couloirs du métro, tout le monde se met à courir). D’ailleurs les premiers œufs sont jetés sur le sol à proximité de l’artiste et pas sur l’artiste lui-même. Tout se passe donc comme si les gens cherchaient le bon comportement à tenir dans cette situation-là. C’est seulement lorsque l’artiste, en quelque sorte, les y “autorise” en ne réagissant pas (qui ne dit mot consent) que quelqu’un va s’enhardir et lui lancer un œuf. Dès que quelqu’un a commencé, que d’autres suivent n’a rien de surprenant. Les recherches sur le conformisme qui le montrent sont légion.”

En effet, les passants demandent souvent à Jérémie s’ils peuvent prendre les œufs, s’ils sont gratuits ou s’il faut les acheter : l’absence de réponse ne les fait pas pour autant prendre les œufs pour chez eux (parfois, ils le font, dans d’autres vidéos). Ce qui nous amène à nous poser cette question : est-ce que la norme « on ne doit pas prendre des objets sans avoir confirmation qu’on peut les prendre gratuitement » est plus forte que celle « on ne doit pas gaspiller de la nourriture » ou « on ne doit pas faire des actes dégradants sur une personne » ? On explicitera des théories plus tard.

“L’artiste n’a-t-il pas besoin qu’on lui lance des œufs pour effectuer sa performance ? Les lanceurs d’œufs ne sont-ils pas ses partenaires objectifs ? Sans eux (et sans œufs) pas de performance”, s’amusent Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois

Tout est une question de point de vue : si on cherche à uniquement observer comment la violence s’établit, en effet, les jeteurs d’œufs sont les acteurs indissociables de la performance ; mais si on se positionne de sans cet angle lié à la violence, même sans œufs (et jeteurs d’oeuf), cela pourrait être une performance permettant d’observer comment les passants réagissent à un cadre qui leur ait incompréhensible.

“Sa performance est spectaculaire et elle a le mérite de faire réfléchir à la façon dont collectivement les gens construisent du sens et se comportent dans une situation (ici de rue) ambiguë”, concluent les psychologues sociaux.

 

Ce qu’en disent les médias et leurs spectateurs

 

La vidéo qui a soulevé les médias est celle-ci :

Elle est plus violente que celle qu’on a décrite précédemment, mais le contexte est extrêmement différent : les passants acteurs y sont très jeunes (entre 15 et 18 ans) et en larges groupes (plus le groupe est grand, moins il y a de chances pour les individus aident, comme en témoigne l’effet spectateur ou témoin).

Mise à jour 2023 : Nous avons abordé l’effet spectateur ici : 

Il n’y a personne prenant l’initiative de tester, de montrer d’autres hypothèses que le jeté d’œuf. Cependant les ados comprennent au fur et à mesure ce qui se trame (notamment parce qu’ils repèrent la caméra) et la violence du jeté d’œuf (dans le visage de l’artiste, avec force) fait réagir certaines filles qui prennent les œufs et retirent finalement tout ce qu’il y a sur la table.
À noter qu’une personne âgée se précipite avec une joie manifeste pour jeter un œuf. Quand une jeune fille lui dit que c’est pour tester les personnes (elle parle d’humiliation) la personne âgée s’arrête et se dédouane aussitôt du comportement qu’elle a pourtant eu « j’ai horreur de l’humiliation ! ». Elle donne après des leçons sur la « connerie humaine », jugent avec vergogne les jeunes jetant les œufs…

Voici ce que titraient les médias pour présenter cette vidéo :

17/05/14 Charente libre  » Angoulême : les passants jettent des œufs sur l’artiste, un massacre sociétal »
20/05/14 Les Inrocks « un artiste se fait bombarder d’œufs pour interroger notre rapport à la violence »
22/05/14 Le Figaro « Un artiste se fait humilier publiquement dans une vidéo dérangeante »
23/05/14 Rue 89 « De l’effet de groupe. Et vous ? Auriez-vous aussi jeté un œuf sur cet artiste ? »

Si on s’en tient à comportement superficiel d’internaute inattentif (comme on peut tous en avoir selon les moments), c’est à dire lecture en diagonale, zapping sur la vidéo pour ne voir que le moment du jeté d’œuf et mémorisation que l’unique titre, on ne peut garder de cette performance que la vision d’un monde où il n’y a rien à espérer, car les gens sont des sauvages/sadiques et que l’artiste est masochiste.
Palme d’or du grand méchant monde au Figaro dont l’accroche est celle-ci « L’homme se place debout dans la rue, avec des œufs à disposition pour que les passants lui jettent dessus. Les images de l’expérience sont troublantes, tant chacun semble y trouver un malin plaisir. » S’en suivent des commentaires qui vont forcément dans le sens de l’article, étant donné que l’orientation de l’article code les réactions :

  • Interprétation par stéréotypes (les mauvais comportements sont commis par les femmes/les « jeunes à jogging », etc.) qui est typique d’une non-réflexion et qui est induite par l’orientation de l’article et sa pauvreté de contenu n’aidant pas à l’analyse. On voit très bien en regardant les autres vidéos qu’il n’y a aucun lien de cause à effet entre un type de personne et un type de comportement. Excepté pour l’âge.
  • Le « je ne ferais pas ça », les personnes se posent en juges et n’acceptent pas de s’identifier ou d’imaginer qu’elle puisse être capable de ce genre de comportement. Ce qui donc, facilitera l’émergence de ces comportements, parce que se croire au-dessus de la mêlée abaisse la vigilance, donc abaisse le self-control ; à ce titre la dame âgée jetant un œuf dans la vidéo d’Angoulême est typiquement dans ce profil.
  • Une accusation des volontés de l’artiste ou de son statut ( il fait ça pour se rendre populaire, pour justifier les indemnités qu’il touchera de par son statut d’intermittent du spectacle…) ; en accusant l’artiste, ils dénient donc ce qui est montré, l’annulent et donc se protègent mentalement du message en refusant de l’aborder.
  • L’accusation au sujet de la nourriture « c’est du gaspillage » ; on a lu également ailleurs que la nature des œufs était remise en cause ; là encore c’est une façon pratique de ne pas s’atteler à la compréhension du message, de s’identifier et donc de mettre sa conscience en danger de réflexion.
  • Et quelques rares et trop peu écoutés commentaires qui corrigent avec justesse les journalistes et appellent à regarder vraiment le site et les vidéos, car le travail est beaucoup plus intéressant que l’article laisse y paraître.

Les commentaires ne volent pas beaucoup plus haut sur Rue 89 où l’on compte massivement des traits d’humours. L’article est également orienté : il pousse l’internaute à se faire juge et à s’imaginer à la place des passants, ce qui est strictement impossible, car il connaît à présent l’expérience. L’intention n’est pas mauvaise, mais elle aurait pu être  prolifique si on avait demandé  » Et vous, qu’est-ce que vous feriez si un jour vous veniez à être confronté à ce genre de violence ? ». On peut réfléchir à la question, essayer de voir si dans d’autres situations on connaît ce genre de violence, et comment on pourrait réagir pour empêcher ces débordements.

Des internautes, autant sur Rue 89 que sur Le figaro, font le rapprochement avec le livre « Mangez-le si vous voulez » de Jean Teulé, rapprochement très intéressant, mais qui là aussi, excepté la profonde déprime et le cynisme qu’il génère (c’est une histoire vraiment traumatisante), ne produit pas d’idée pour résoudre ces situations de violence. On a tendance à se complaire dans l’observation du pire, à en rester là, or, excepté la prise de conscience qui est une bonne chose, il faut savoir sortir du marasme mental. Ne serait-ce que parce que ce marasme est désagréable, et que cela nous empêche d’imaginer des solutions concrètes qu’on pourra appliquer si on croise une situation de ce genre (le harcèlement au travail/ dans le milieu scolaire par exemple, qui peut tout à fait se rapprocher d’un jeté d’œufs sur un individu).
L’énorme défaut du traitement médiatique est d’en être resté à une seule vidéo, de ne pas avoir saisi les questions essentielles que posent la performance et les comportements des personnes. Il y avait pourtant de quoi faire un bel article même en restant sur une seule vidéo, avec des thématiques sur l’adolescence, l’influence sociale, l’effet de groupe, la passivité, la résistance (il aurait été passionnant d’interroger la petite demoiselle courageuse qui enlève les œufs seule, alors que tous ses congénères semblent avoir pris goût au jeu ; elle a eu un sacré courage de s’élever contre ces grands bonshommes pourtant en plein trip de violence).

Ce qu’on en dit

 

On trouve la performance de Jérémie Pujau brillante, passionnante et extrêmement inspirante. Cependant, elle nécessite de s’immobiliser avec lui devant l’écran, de se poser, d’accepter le passage du temps : c’est impossible pour les journalistes, non pas qu’ils soient mauvais, mais parce qu’ils ont la pression de l’actualité à suivre, d’autres domaines de prédilection (c’est pourquoi les inrocks ont été les seuls à prendre plus de temps pour traiter ce sujet, parce que l’art est dans leur ligne éditoriale, contrairement aux autres qui sont plus généralistes), parce qu’il y a des idéologies qui filtre le traitement du sujet, des contingences structurelles.
Notre époque a clairement besoin de plus de performances de la sorte, et d’art en général ; et les médias devraient nous en parler plus, prendre le temps de saisir toutes les questions qu’ils soulèvent, même quand l’œuvre n’est pas spectaculaire.
Nous avons eu beaucoup de passion à faire cette petite enquête autour de cette œuvre,  parce que celle-ci met en exergue les problèmes, les clarifie: les comportements violents ici naissent de l’incompréhension d’une attitude (l’immobilisme de l’artiste, son absence de réponse), du pur test (« est-ce qu’il va se passer quelque chose si je fais ça? »), du conformisme (si les autres jettent des œufs sur cette personne c’est que cela doit être la chose à faire), du manque d’imagination face à une situation étrange, de l’impatience, de l‘incapacité à supporter une situation incompréhensible, de l’incapacité à supporter le silence, de l’interprétation que l’on se fait d’une situation. Quoi qu’en disent les commentaires, ces problèmes sont indépendants des types de personnes : il n’y a pas de distinction entre les femmes, les hommes ou toute différence remarquable quand on regarde plusieurs vidéos. La seule différence remarquable, c’est l’âge : en effet, les jeunes, jusqu’à 30 ans, semblent plus propices à jeter des œufs. Et plus ils sont en groupe, plus ça dérape.

Jeunes et cons ?

On pourrait avoir des explications neuro face à ça : le cerveau se développe jusqu’à la trentaine, donc les jeunes seraient plus influençables, aurait apriori moins de self-control qu’un « vieux » ; avant 16 ans, se serait encore pire, car les zones liées à l’inhibition sont peu renforcées (ces zones permettent de bloquer certains de nos comportements à risque ; c’est aussi pour cette raison que les ados sont attirés par les situations à risques, le danger est moins bloquant chez eux). On le voit dans les vidéos, le cadre de la performance est vite transformé en test de son congénère ado « t’es cap ou pas cap ? », que tout le monde, je suppose, comprendra en fouillant dans ses propres souvenirs : c’est l’âge des constructions sociales, on veut être inclus dans le groupe, et parfois ça passe par ce genre de tests.
Attention cependant : des jeunes peuvent être très responsables comme des personnes plus âgées n’avoir jamais réussi à développer convenablement leur self-control ou leur empathie. Franchement, c’est plus difficilement excusable pour les personnes plus âgées d’avoir ce genre de comportement.

Autre explication à ce phénomène de sur-representation des jeunes dans cette situation : les plus de trente ans ont plus d’occupations, ils ont certainement des obligations professionnelles ou familiales qui les empêchent de s’attarder pour tester la situation ; c’est pourquoi on voit plus de jeunes participer à la vidéo.

Interprétation du cadre

Mais c’est avant toute chose le cadre posé qui détermine un certain nombre de possibilités ou d’impossibilités. Le cadre posé par Jérémie Pujau est comme un stand de tir de vieille fête foraine ou de kermesse, cependant on peut y voir aussi un marchand d’œufs et évidemment, l’immobilisme de l’acteur en présence peut tout de suite être accolé à une scène artistique. Le problème dans la vidéo d’Angoulême, c’est que les jeunes ont pris l’ interprétation stand de tir et ne l’ont pas remise plus que ça en question. Personne ne leur a inspiré d’autres hypothèses en agissant différemment, ce qui aurait pourtant pu changer toute la donne.
Prendre des œufs gratuitement semble être une impossibilité très forte, même si pourtant le cadre propose clairement cette possibilité (les emballages vides à disposition), cet interdit paraît bien plus fort que celui de le bombarder d’œufs. Cela peut s’expliquer par l’interdit général de voler, mais aussi parce que nous sommes conditionnés à trouver de la nourriture dans des endroits balisés, tels que le marché, le supermarché ou dans des buissons bien identifiés dans la nature. C’est absolument normal d’être méfiant envers de la nourriture non balisée socialement, car notre survie est dépendante de notre sociabilité, des codes qu’on a élaborés pour dire « ceci tu peux le manger, selon telle norme ». On est donc méfiant envers la nourriture dont on n’a pas les indications humaines habituelles.
Celui qui ose agir dans le cadre va donner le ton aux autres, à ceux de son groupe, et va influencer/inspirer les autres. Son action va dire ce que le cadre est. Dans le cas d’Angoulême, le cadre va devenir un « t’es cap ou t’es pas cap? » d’ados alors que dans la première vidéo (onzième) en tête de cet article, on en reste à un cadre mystérieux à tester. Le plus grand malheur de cette interprétation automatique et non remise en question est représentée par la dame âgée d’Angoulême : elle croit que le cadre est déterminé d’une certaine manière (qu’il est autorisé de jeter des œufs que c’est le but de cette disposition) donc se précipite avec joie dans le « jeu »; mais dès qu’elle apprend que c’est toute autre chose, elle dénigre le comportement des autres, comportement qu’elle a pourtant eu : autrement dit, dans son esprit, n’est humiliation que des comportements dans lesquels il n’est pas permis d’humilier. Autrement dit, recouvrir quelqu’un d’œufs n’est pas une humiliation tant que personne ne l’a pas décrété. À ce titre, elle parait bien plus dangereuse que ces ados.

Le cadre en présence inspire donc des règles, des interdits ou des permissions, mais l’influence sociale peut radicalement changer la nature de ces normes invisibles. Donc, la solution est dans la cause : qu’importe le cadre, on peut s’en abstraire et en décider d’autres règles, et nous donnerons ainsi de nouvelles possibilités à ceux qui hésitent sur la façon de se comporter. Et la performance de Jérémie Pujau teste fortement notre compétence à nous extraire de ce que l’environnement nous dicte d’emblée (le stand de fête foraine) pour chercher les possibilités plus prosociales (les emballages vides).

L’observateur et ses conclusions, une continuité de la performance

Cette performance continue même hors de la scène : les commentaires, le traitement des médias sont une continuité de l’expérience ; on y découvre que la violence est dans le jugement et ceux qui accusent les jeunes sont tous aussi violents qu’eux ; que certains journalistes ne voient là une confirmation que les autres sont dangereux, mauvais, idiots, ce qui est une représentation typique du syndrome du grand méchant monde. La violence, on la voit naître dans la vidéo, mais aussi dans l’observation de ceux qui observent la vidéo. Et cette violence occulte tout un pan d’explication, tout un pan de solutions, elle perpétue un cercle vicieux qu’on ne peut interrompre tant qu’on continue à penser que l’on est définitivement les animaux les plus mauvais de la Terre. Le problème n’est pas le comportement des jeteurs d’œufs. Le problème est qu’on ne voit pas ceux qui ne jettent pas d’œufs, qu’on ne veut pas accorder d’attention à tous ceux qui ont des comportements positifs, qu’on zappe tous ceux qui ont des comportements créatifs : or ce sont eux qui ont la solution à ces situations, ce sont eux qui méritent toute notre attention.

 

Solutions

 

On peut voir en cette performance une allégorie de différentes situations : scènes d’humiliation ou de harcèlement (un groupe qui s’acharne sur un individu, que ce soit au travail, à l’école, en institution ; avec l’entraînement ou non d’une autorité, par exemple un chef ou un prof motivant les personnes à s’acharner) ; scènes d’inconnus au comportement difficilement interprétable dans la rue (un homme à terre par exemple, qui peut être ivre, ou venant d’avoir un accident grave) ; scènes interprétées où tous disent « c’est cela qu’il faut faire » ou « c’est cela que la personne attend/mérite « et posent des certitudes là il y en a pas (par exemple la certitude qu’untel est un criminel et s’acharner en conséquence sur lui alors qu’il est innocent). Les « solutions » proposées ci-dessus ne sont que des pistes, et pour la plupart elles ont été déduites des vidéos elles-mêmes ; il est probable que si vous regardez une des vidéos en entier, vous en trouverez d’autres.

Se prémunir de devenir « un jeteur d’œuf »

  • En cultivant sa curiosité empathique, ses connaissances, son imagination, sa créativité, son esprit critique prosocial : il s’agit là d’ouvrir ses horizons afin d’avoir plus d’idées, d’interprétations diverses à disposition quand une situation étrange ou dérangeante se présente à nous. Le manque d’horizons crée des impressions de certitudes « il veut qu’on lui jette des œufs, ça peut être que ça ! », or cette apparente certitude n’est que le reflet d’une vision restreinte des choses, faute de pouvoir imaginer ou trouver d’autres images modérant cette certitude. On peut aussi ne pas supporter le stress de l’incertitude et donc s’accrocher à l’interprétation la plus saillante : là encore, s’être ouvert  intéressé et expérimenté avec respect mutuel, prosocialité à toutes sortes de milieux différents permet d’enlever ce stress : à la place, il peut même y avoir un fort enthousiasme à la découverte car on apprend à force d’expériences variées que l’inconnu, l’incongru, la situation difficile à comprendre d’emblée est potentiellement passionnante quand on commence à la comprendre.

 

  • En parlant, en échangeant avec l’autre, même et surtout s’il ne fait pas partie de notre groupe de référence : cela permet de trouver des idées à mettre en œuvre pour « résoudre la situation, pour l’interpréter, cela donne du courage pour agir (notamment quand il s’agit d’arrêter une situation où il y a souffrance).
  • En essayant de comprendre les émotions : ce n’est pas parce qu’il y a un apparent enthousiasme général qu’il faut être soi-même enthousiaste, en fait, ces rires ce n’est peut-être qu’une réaction nerveuse
  • En domptant notre tendance au conformisme. ce n’est pas parce que la majorité dit qu’il faut faire telle action que c’est la bonne chose à faire et que cela va nous plaire. Il y a à peser le pour et le contre, parfois la majorité est de bon conseil, parfois non. On le sait généralement théoriquement, mais on est tellement sociable qu’en situation, on se trouve des tas d’excuses pour faire comme les autres (« je sais que c’est con, mais je voulais faire pareil pour voir ce qu’ils ont en tête », « je voulais comprendre ce qu’il ressentait vraiment à faire ça »). A noter qu’un anticonformisme systématique n’est pas recommandable non plus, c’est vraiment à jauger situation par situation.
  • En étant autonome en se donnant ses propres lois : des tas de normes et règles sont imposées, suggérées par l’extérieur, l’autonomie est de décider lesquelles nous semblent fondamentales à respecter pour le plus grand nombre ou pour diverses raisons qu’on estime légitimes. On peut aussi en créer de toutes nouvelles en fonction des besoins et des adaptations. C’est important parce que l’autorité peut poser un cadre de règles nuisibles pour soi, pour l’environnement humain ou l’environnement tout court, et on peut  regretter de les avoir suivi au vu des conséquences. Il y a à soupeser les règles, traquer celles qui sont aussi implicites pour pouvoir décider, les réfléchir. Quel que soit la situation, on est toujours responsable de ses actes, donc le « mais c’est untel qui m’a ordonné de faire ça » ne marche pas. De plus, se donner ses propres lois permet de clarifier les situations même les plus confuses et de leur donner sens : si on s’est juré de « ne jamais humilier quelqu’un » et qu’on voit un dispositif incitant à le faire, on s’interdira d’y toucher autrement que pour empêcher les autres d’humilier. Si on s’est donné pour loi de « ne pas faire souffrir autrui », on ne pourra pas passer devant un homme à terre sans vérifier s’il a besoin d’une ambulance, on saura que la passivité peut être criminelle parfois. Viser autonomie donne sens à sa vie, ce n’est pas juste s’interdire de faire des choses, c’est également se donner un pouvoir d’action.

Mise à jour 2023

C’était un appel à l’autodétermination avant que j’en connaisse le terme et les recherches initiées par Deci et Ryan. Nous avons parlé d’autodétermination ici : 

En toute puissance, manuel d’autodétermination radicale

Empêcher les dérives

  • il y a à dépasser notre tendance à la passivité. Comme dit Jean-Léon Beauvois « qui ne dit mot, consent« , donc passer son chemin alors qu’il y a agression, continuer d’agir comme habituellement alors qu’un petit chef s’acharne sur un employé, rester spectateur muet, c’est donner sa validation au comportement en cours, c’est dire que la situation ne nous pose pas de problème, que tout peut continuer de la sorte. Cette passivité peut être considérée comme le comportement à imiter : « sil ne fait rien, c’est qu’il n’y a rien à faire » et cela peut mener à des drames. Même si la situation est bizarre, incertaine, mieux vaut tenter de petites choses : communiquer, questionner, tester, chercher d’autres avis. Dans les vidéos, on voit énormément de personnes qui tentent de communiquer avec Jérémie Pujau, ce qui est un excellent signe : s’il avait été victime d’une attaque cardiaque, s’il avait eu un accident ou un malaise, il aurait été sauvé.

En savoir plus sur cette « passivité » :

 

  • Dire non, poser d’autres interprétations et surtout, montrer comment le faire. Dans les vidéos, beaucoup de jeunes disent « arrêtez, non ! » sans que cela ait le moindre impact ; ce qui fonctionne le plus est de faire, de montrer les autres comportements possibles. Pas besoin d’avoir l’apparence d’un leader et d’avoir un charisme extraordinaire capable de convaincre les foules, il suffit de faire l’action, même sans forcément l’expliquer : les passifs suivront si cela leur semble une action correcte. La capacité à imiter est très fortement ancrée en nous, et c’est loin d’être une mauvaise chose, car cela permet à n’importe quel quidam de montrer le bon exemple, sans pour autant être dominant, convainquant, influent : c’est l’action en elle-même qui sera convaincante.
  • Changer le cadre. On parle ici de hacking social à proprement parler, car ce genre de hack s’attaque aux normes implicites invisibles qui nous posent des interdits ou des obligations sociales sans pour autant qu’il y ait vraiment une utilité ou une raison à celles-ci (ou alors des raisons qui desservent la majorité, mais servent une minorité). Un exemple bête : le parcours imposé d’Ikea nous dessert, car nous pousse à consommer et nous fait perdre du temps ; par contre cela sert grandement le profit de la boîte ; cependant on peut le hack en refusant le parcours, en utilisant le lieu différemment.

Par exemple, une série tournée dans un ikea pas du tout fermé pour l’occasion et sans l’autorisation d’ikea  : 

  • Le cadre, c’est d’abord les normes liées à l’espace physique, donc pour changer l’issue de la performance, on peut s’atteler à démanteler les normes invisibles : en changeant de places aux objets, en se plaçant soi-même au mauvais endroit (par exemple entre la table et l’artiste), en modifiant le décor (rajouter des objets par exemple une coupelle pour ramasser l’argent que pourraient laisser les gens voulant acheter les œufs, faire des annotations  » prenez-moi, je suis gratuit et bon » sur les emballages d’œuf..), en faisant un contre spectacle (s’improviser marchand d’œufs, conteur, faire une petite improvisation théâtrale autour de l’artiste, se faire conférencier, etc.), en filmant la scène ou en prenant en photo chacune des personnes participant, en s’improvisant journaliste, etc. Il y a énormément de façon amusante de désamorcer des situations qui peuvent être nuisibles, par contre oui, cela demande de s’affranchir du code du quotidien, de l’imaginer totalement autre, de le détourner et cela peut être une vraie prise de risque parfois (au travail tout particulièrement). Mais cela en vaut la peine, à tout point de vue.

Notes de bas de page


  1. affordance : faculté de l’homme, et de l’animal en général, à guider ses comportements en percevant ce que l’environnement lui offre en termes de potentialités d’actions (Gibson). Une chaise afforde le fait de s’y asseoir par exemple []
  2. par contre, nous n’avons aucune idée si cette vidéo est passée à la télévision, étant déconnectés volontaires de ce média []
Viciss Hackso Écrit par :

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25 Comments

  1. caligula63
    15 septembre 2014
    Reply

    Splendide!

    Juste une petite question – et je soumettrai mes revendications suivant votre réponse – car je n’ai pu voir que les 15 premières minutes de la 1ière vidéo: l’artiste garde t-il toujours la même position?

    • 15 septembre 2014
      Reply

      oui il reste immobile tout le temps, même un bon moment après qu’il n’y ait plus d’oeufs ; enfin parfois il a du mal à tenir vu la violence des jetés d’œufs dans certaines vidéos… 🙁

  2. caligula63
    15 septembre 2014
    Reply

    Bon pour le côté réunion en groupe et les bas instincts, on est d’accord. Par contre j’émettrai un petit bémol quan à la mise en scène. Sa posture ne vous rappelle rien? Droit, les bras le long du corps, tout en regardant devant lui? Mais non, pas la photo de Hollande! Un militaire au garde-à-vous…En moins rigide.

    Votre article sur la soumission aux costumes était excellent, mais il existe d’autres formes de soumissions: à l’autorité, aux lois même si elles sont iniques, etc…
    Mais les postures de la soumission? Très visibles au Japon, où l’inclinaison du corps pour le salut donne une idée de la soumission/déférence. Mais la plus reconaissable – et ce sur toute la planète – est le garde-à-vous. Une posture d’attente, de soumission absolue, soumission aux ordres et à la hiérarchie, mais soumission quand même.

    En fait, dans son test, il reprend exactement la même posture qui a fait la réputation des gardes anglais. Or il me semble que depuis l’invention du camescope on a jamais vu autant de film sur les tentatives de déridage de Horse Gards (?). Certes, cette position ne saurait à elle seule expliquer les actes des passants. Mais il aurait peut-être été intéressant de changer la posture; celle du penseur de Rodin aurait été sympa.
    Il y a aussi la distance à laquelle il se tient, elle n’est pas dûe au hasard. Plus près de la table, il aurait été pris pour un marchand; plus loin, il serait devenu hors de portée. D’ailleurs, un hacker social aurait pu prendre le temps de rapprocher la table jusqu’à toucher l’artiste, ce qui aurait éliminé directement la possibilité de jeter les oeufs…

    Enfin, pour revenir aux façons de ne pas devenir un jeteur d’oeufs, la base c’est la curiosité. Surtout ne jamais regarder une scène, comme celle montrée dans la vidéo, comme une photographie figée. Tout est une question de regard, de jeu des sept erreurs.
    Quand j’étais ado, je me suis intéressé à la Sémantique Générale. Il y a du bon et du mauvais, comme dans tout; mais ce qu’il faut retenir est que « La carte n’est pas le territoire » et que « Deux objets paraîssant identiques sont différent sur bien des points ». Et pourtant, de nos jours tout e monde confond la carte et le territoire. La preuve: les GPS qui fleurissent les pare-brise des voitures.
    Si vous voulez faire une expérience, en voici une simple: expédiez deux quidams dans une ville inconnue avec, pour l’un un GPS, pour l’autre, rien; donnez-leur une adresse et attendez. Le premier à arriver sera – en général – le possesseur du GPS; mais refaites la même manip le lendemain en inversant les rôles. Celui qui n’avait pas de GPS ira directement sur place sans allumer le bidule, celui qui avait le GPS sera incapable de retourner sur les lieux. Lorsque les gens regardent un écran de GPS, il ne regardent pas la route, idem s’ils se contentent d’écouter la voix de la charmante demoiselle qui leur sussure à l’oreille: DANS CENT MèTRES, TOURNEZ A GAUCHE! SCHNELL!!! (uniquement disponible sur les voitures allemandes)

    Donc, si la carte n’est pas le territoire, rien ne semble être ce qu’il est…
    L’imagination est importante aussi…

  3. 15 septembre 2014
    Reply

    C’est vrai j’avais pas pensé aux gardes anglais et en effet y a un bon parallèle ; l’immobilisme nous est insupportable…. a y penser je me demande si, en tant qu’animaux sociaux, on n’est pas codé d’un point de vue survie pour faire tout notre possible – même la violence – pour « réveiller » l’autre. En gros, voir l’immobilisme est synonyme -pour le reptilien social en nous – de voir quelqu’un de presque mort, ou en mauvaise posture, qu’il faut donc tout faire pour le réveiller, comme on donne des claques à quelqu’un qui s’est évanoui…
    Oui le changement de posture ce serait intéressant ; eh oui, un hacker social audacieux pourrait avoir la bonne idée de rapprocher la table ; là j’ai récemment pensé qu’une fleur sur la table pourrait peut-être influencer tout : le moindre symbole, même bizarre, pourrait suffire à orienter l’attitude des personnes, donner une indication (après pour l’interprétation, c’est autre chose…).
    Évidemment on a aussi imaginé ici s’il avait un costume… Je ne sais pas, dans le contexte social actuel, si les gens seraient encore plus violents plus rapidement ou au contraire ne penseraient pas à lui jeter un œuf de crainte du pouvoir supposé. Mais bon, là on sort du cadre artistique, je pense.
    Oh ton GPS allemand m’a l’air sacrément sexy 😀

    • 21 septembre 2014
      Reply

      Dis donc, gente demoizelle, je pensais à une chose: Si un hacker social venait à rapprocher la table, distribuer les œufs, mettre des fleurs, etc, etc, cela n’irait-il pas à l’encontre du but recherché par l’artiste? En gros, cela risque de lui casser son expérience, non?

      Sinon, pour ce qui est du hacker-empêcheur-d-expérimenter-en-rond, il y aurait une chose intéressante à faire, avec un complice: jeter les œufs, non pas sur l’artiste, mais sur ledit complice; avec humour et sous forme de blague…On ne sait jamais, cela pourrait faire boule de neige.

      Et pour ce qui est de mon GPS, je n’en ai pas un comme celui décrit. Je ne possède qu’une vieille française (je parle de ma voiture, pas de ma Dame… après réflexion c’est valable pour les deux), et donc le GPS a une certaine tendance à faire la grève… Ouais, bon d’accord! Je ne possède pas de GPS. Mais j’ai un PC tout neuf! Que c’est bôôôôôô. Je peux ouvrir une dizaine d’onglets sur Mozilla sans qu’il bug, mieux! je peux aller sur Mozilla!

      • 23 septembre 2014
        Reply

        Oui en effet, l’introduction de symbole enleverait toute neutralité au « protocole » ; ce serait une autre expérience.
        Mes salutations à la vieille-française-GPS, qui doit être ravi de ce statut ô combien flatteur 😀 ! Je suis bien contente pour ton PC, tu vas pouvoir rematter toutes nos vidéos en même temps sur tous tes onglets. Et tu peux sortir le champagne et faire une grande fête : j’ai l’honneur de t’annoncer que tu viens d’atteindre ton 100eme commentaire ici !

      • grumeau.couillasse
        23 septembre 2014
        Reply

        il est complètement dingue ce mec. On est en France quoi, la police guette, déplacer un meuble ou saccager de la nourriture envoie à la rate tout le monde le sait !
        j’entends la dame pouffer de rire derrière. merde c’est la mienne mille excuses.

  4. Nadia
    16 septembre 2014
    Reply

    Pour ma part, en tant que passante, je me serais imposée en vendeuse, et aurait donné l’argent à l’artiste…

    • caligula63
      17 septembre 2014
      Reply

      Une Bisounours!
      😀

      • caligula63
        18 septembre 2014
        Reply

        Je confirme!
        C’était une boutade. D’où la présence du smiley hilare…
        En plus, j’adore ce prénom…

  5. grumeau.couillasse
    16 septembre 2014
    Reply

    Réellement expert du contre-pied, Hacking Social. Malgré le peu de temps disponible j’ai fait le tour de mes blogs favoris et n’ai trouvé qu’un seul article « dans la ligne », du moins susceptible de déclencher une réaction altruiste ou inverse – liée à l’art ou la culture. [ Misère morale en Algérie : Le mimétisme ravageur d’un Occident dans sa dimension perverse, billet de chems eddine Chitour sur agoravox.]
    Je regrette vraiment de ne pouvoir lire les vidéos, c’est un gros manque dans ce genre d’article. Il faudrait que je puisse les télécharger, mon tout nouveau disque dur étant vierge de toute infraction je tiens à rester en équilibre sur le fil de l’épée et ne puis hélas en dire plus sur le sujet, risquant d’être 50% à côté ….
    Sauf que le spectacle de rue avec sa naïveté et son pouvoir interactif est une bonne médecine bio !

    • caligula63
      17 septembre 2014
      Reply

      Les vidéos ne sont pas si utiles que ça; elles sont très bien décrites par les auteurs.

      « Sauf que le spectacle de rue avec sa naïveté et son pouvoir interactif est une bonne médecine bio ! »
      Je dirai même plus! A mon sens, les spectacles de rue retrouvent leur lieux d’origine…la rue! Les preuves s’accumulent, sur tous les sites de fouilles archéologiques éparpillés un peu partout sur cette planète – et qui concernent la préhistoire – aucunes fondations d’un quelconque Zénith n’a été déterré, ni même un POPB, encore moins un Madison Square Garden. Preuve, s’il en est, que les spectacles avaient lieu dans le seul endroit visible de tous: la rue! Lrares bâtiments fermés était dédié à la/les religions.
      Il a fallu attendre la création du velours, de la crinoline et des souliers en satin pour que les spectacles soient enfermés dans des bâtiments…

      Sinon, que pensez-vous de l’utilisation des arts de rue à des fins d’expèriences scientifiques?

      • grumeau.couillasse
        18 septembre 2014
        Reply

        J’ai mis du temps à répondre, j’avais le velours mais pas de crinoline ni de satin .
        Bien sur qu’il faut expérimenter, dans les impasses, les sentes et autres traboules ! sortons les cornues !
        A vrai dire, l’artiste qui se montre en live – c’est par définition cela, tel qu’il est dans sa vie quotidienne sans beaucoup d’artifices – a toujours une démarche scientifique. Au minimum sa prestation lui permettra d’améliorer la suivante, son oeil et son oreille guettant le moindre indice.
        Après, si de vrais scientifiques s’en mêlent, ceux qui disent plôme et tout ça, moi je dis : méfiance. Ils peuvent très bien faire les guignols eux – mêmes. Au besoin s’ils sont trop déconnectés de la plèbe, un petit stage chez MedefMan on lui en causera deux mots à son retour.
        Dans la rue, une organisation minimale surprendra toujours le badaud, bien qu’il se sente en lieu conquis. C’est le terrain propice pour une démarche scientifique, le meilleurs des labos. D’ailleurs y’a peut – être pas que les artistes qui apprécient ce contexte à sa juste valeur, mais c’est un autre débat, beaucoup moins joyeux.

      • 21 septembre 2014
        Reply

        Bonne réponse. Enfin, je crois.
        J’ai cependant noté une erreur. Vous écrivez: « Après, si de vrais scientifiques s’en mêlent »… « S’emmêlent » eut été de meilleur aloi…
        Pour les traboules je suis d’accord; uniquement si on mange un morceau dans un bouchon…

  6. […] spectateur devient lui-même acteur, faisant directement l’expérience proposée par l’artiste (voir l’article sur Jérémie Pujaut). Un roman ou un film peuvent tout à fait contribuer à enrichir notre vision du monde, notre […]

  7. Adibou Honni
    23 décembre 2015
    Reply

    J’ai pas pu m’empêcher de penser pendant tout l’article « Et si on échangeait de place l’artiste et les oeufs? », « Et si on jouait aux cartes sur sa table pour tester sa patience? » « Et si on faisait une omelette? » « Et si on se prenait en photo avec le mec? ». J’aurais vraiment aimé être confronté à cette situation pour savoir quelle aurait-été ma réaction. Je ne suis pas certains du tout que j’aurais eu la bonne réaction. Je vais essayer de garder sa en tête si je suis un jour confronté à cette situation. Surtout la situation où la personne est déjà en souffrance, c’est celle où l’action peut être la plus bénéfique (effet ascenseur si je puis dire).

  8. Efad
    13 janvier 2016
    Reply

    « Le problème n’est pas le comportement des jeteurs d’œufs. Le problème est qu’on ne voit pas ceux qui ne jettent pas d’œufs, qu’on ne veut pas accorder d’attention à tous ceux qui ont des comportements positifs, qu’on zappe tous ceux qui ont des comportements créatifs : or ce sont eux qui ont la solution à ces situations, ce sont eux qui méritent toute notre attention. »

    Mais c’est normal car c’est le comportement le plus délétère ! Si on transforme les oeufs, en arme a feu, et qu’on laisse durer l’experience assez de temps pour retrouver ce qu’on voit dans cette video. Se focaliser sur les gens qui n’ont pas tiré ou on essayé qu’on évite qu’on tire ne sert a rien, car dans un laps de temps assez long, l’artiste serait mort de toute façon, et la réalité est là.

    Tout les comportements existent, alors je suis d’accord sur le fais qu’il ne faut pas dire que tout le monde est mauvais car c’est effectivement le cadre qui peut pousser des gens a commettre des actes différents de leurs valeurs, mais cela rends-il le monde sécurisé pour autant ?

    Et pour aller plus loin, ne vous êtes vous jamais posé la question de vous demander si la soumission au cadre, à l’autorité etc… était un comportement inhérent a l’être humain dont il nous était impossible de nous défaire, rendant la théorie de grand méchant monde juste ?

    (Ce sont bel est bien des questions, que je formule volontairement contre votre avis, mais je suis ouvert a toutes réponses pouvant me faire pencher d’un coté ou de l’autre !).

    • 14 janvier 2016
      Reply

      Je reformule le passage parce qu’apparemment, il y a malentendu vu que tu cites une éventuelle mort de l’artiste, ce qui n’est pas vraisemblable dans le cadre de l’expérience. En tant que spectateur devant son écran, je disais que nous avons trop tendance à nous focaliser sur les comportements agressifs dans cette expérience. Alors qu’il y a des individus qui, dans cette expérience, ont des comportements créatifs qui méritent davantage notre attention de spectateur, parce qu’ils nous apprennent à contrer d’éventuelles idées agressives, avec d’autres idées plus pacifiques et plus amusantes.

      La question de la sécurité du monde n’a rien à voir avec cette expérience. Être en sécurité, c’est être dans une situation où il n’y a pas de dangers explicites ni implicites ; être en sécurité, c’est se sentir bien avec son environnement social (lui faire confiance quant à sa non-violence), avec l’environnement physique (qu’il n’y ait pas des météorites dans le ciel par exemple…), bien avec soi-même, dans sa tête et son corps (quelqu’un qui sort d’opération et qui marche la première fois dans la rue ne se sent pas en sécurité, car son corps est fragile par exemple). Tout ça pour dire que la sécurité c’est une part de faits réels observables et une part d’idées, de cognitions, de croyances, de pensées. On peut se sentir en sécurité dans un pays en guerre, comme en insécurité dans le village le plus tranquille du monde. Cependant je ne vois pas le rapport avec la sécurité et l’expérience, il faudrait que tu développes le lien que tu fais pour que je puisse répondre convenablement.

      La soumission est un comportement social, appris, parce que nous vivons dans des environnements ou elle souvent nécessaire, parce que les autorités ne sont pas toutes mauvaises. C’est pour cela que les individus diffèrent, certains se soumettant sans problème, même avec joie d’autres détestant le moindre ordre, d’autres obéissant parfois, mais désobéissant dès qu’ils sentent que l’ordre ne convient pas. Ce n’est pas inhérent à la nature humaine, on le voit assez rapidement quand on est avec des enfants, cela demande un gros travail pour leur interdire de mettre leur doigt dans les prises de courant : si la soumission était codée dans nos gènes, ils obéiraient tout de suite. Si la soumission était codée dans notre ADN, nous serions tous des robots bloqués dans notre évolution : la créativité est liée à la désobéissance. A noter que les expériences de Milgram ( http://hacking-social.com/2014/10/07/de-lautorite-lexperience-la-plus-terrible-de-la-psychologie-restera-toujours-dactualite/ ), il y a toujours des désobéissants et beaucoup le font quasi instinctivement, c’est un automatisme pour eux de désobéir à des ordres qui mettent en danger autrui. Certes, ils sont peu nombreux, mais ils existent.

      Le syndrome du grand méchant n’est pas un syndrome nécessaire ou bon, pour la simple raison que la peur, les angoisses sont un poison pour le cerveau : cela nous bride, nous empêche d’utiliser toutes nos capacités de réflexion. Pour montrer à quel point vivre dans l’angoisse et la peur est délétère, chez les enfants maltraités cela bloque carrément la croissance… Pour prendre une image, essaye d’imaginer résoudre une très difficile question mathématique alors que tu es suspendu dans le vide ou de faire une dissertation avec une arme pointée sur toi et des menaces : c’est impossible de faire un travail convenable dans ces conditions, la peur nous empêche d’utiliser toutes nos compétences, savoir.

      Voilà ! Je ne sais pas si cela pourra t’éclairer:)

      • Efad
        18 janvier 2016
        Reply

        Si Si cela m’éclaire beaucoup !

        Et le lien que j’ai fais entre cette expérience et le sentiment de sécurité découle de la vidéo du syndrome du grand méchant monde, ou il est dit, qu’une personne « atteinte » de ce syndrome, ne se focaliserait que sur les mauvaises action et ne serait que peu réceptrice aux bonnes actions et verrait dans l’altruisme, une forme déguisé de marchandage etc… avec la fameuse phrase, l’homme est un loup pour l’homme.

        Selon moi, vous aviez fais le lien avec ce syndrome en disant qu’on ne se focalisait que sur les mauvaises actions du publique lors de l’expérience ci dessus. (Et que c’est donc un des « symptômes » du syndrome du grand méchant monde si je me base sur votre video).

        Mais c’est pour moi normal que les gens ne se focalisent que sur le coté négatif de l’expérience et sur les mauvais comportement (tout comme sur les mauvais cotés de la vie car je fais de cette expérience, l’analogie de la vie d’où ma comparaison avec une expérience pouvant inclure une action définitive, comme la mort de l’artiste); car ils sont plus fréquents, et visiblement, tout est fais dans la nature pour qu’on y aboutisse.

        En fait, j’aurais peut être du poster sur la vidéo du grand méchant monde; je suis d’accord qu’il n’est pas nécessaire dans le sens dont vous le décrivez et qu’il ne permets pas la production d’un travail de qualité, mais peut être que ce n’est pas qu’une illusion, peut être que le monde est vraiment méchant et par conséquent, ce syndrome devient une nécessité, nous permettant de nous protéger (quitte a ne pas être artiste).

        En définitive toute cette conversation me sers a savoir si ça vaut vraiment la peine de faire le travail sur soit que vous préconisez dans d’autres articles et vidéos.

        Sinon concernant la soumission, je suis d’accord avec vous.

  9. Julien
    29 septembre 2016
    Reply

    Bonjour,

    Je pose la question ici, même si l’article est « vieux » à l’ère de l’information ou tout va vite, tout ça tout ça. Mais bon le principe de ce blog est de prendre son temps alors peut-être revienrez vous discuter avec moi 🙂
    La situation m’a fait pas mal réfléchir. Je suis incapable de dire :  » moi j’aurais fait ça, et j’aurais engueulé les gens qui jette des oeufs, etc. » Pourquoi? Parce que comme dit dans l’article, une fois qu’on connait le « jeu », nos choix seront forcément différent. J’ai eu plusieurs réflexions dans l’article et je vais essayer de les exposer ici.

    J’aime bien la danse à mes heures perdue set il y a quelques jours j’ai regardé les vidéos d’une des plus grandes chorégraphes actuelles en danse « urban ». Elle a fait quelques prestations devant des immeubles ou coin à touristes. Et étonnamment, la plupart des gens préfèrent photographier l’immeuble (qui pourtant lui n’est pas vraiment éphémère), sans doute car à la base ils sont venu là pour ça et se sont auto-conditionné à ne faire que cela. Il y a de nombreuses vidéos sur le net où des gens célèbre dans leur milieu artistique (musiciens et danseurs le plus souvent) se font totalement ignorer malgré une prestation hors du commun. On imagine même certaines personnes passer à côté sans s’arrêter… et payer une semaine plus tard plus de 100€ pour aller assister à la même performances en loge VIP. Je pense que ce monsieur étant lui aussi un artiste, cela conditionne déjà de base beaucoup de gens à la scène : « il est street artiste donc je dois réagir ainsi » car je suis ouvert/fermé à l’art et que je considère avec plaisir/dégout l’art de rue. ».

    Ma dernière réflexion (car n’ayant pas de mémoire je ne me rappelle plus des autres)… Comment devenons nous Hacker Social? Comment est-ce que celà vous ai venu? Pour ma part, on va dire que « officiellement » j’ai commencé il y a deux ans et demi quand j’ai commencé une sorte de « nouvelle vie » et que j’ai découvert par la suite ce blog. Mais si je creuse dans mes souvenirs, je me rappelle d’un cours en école primaire (CE1 ou CE2). L’institutrice avait posé une question (aucune diée de quoi ça parlait) avec deux choix de réponse possible. Question posée à l’orale, à l’ancienne (instituteur sur son estrade, élève par rangée). J’étais placé à peu prêt au milieu, il fallait levé la main pour répondre donc j’aurais pu être influencé par les gens devant moi. Au contraire les gens au premier rang aurait sans doute été peu influencé. Il s’est avéré que j’étais le seul à lever la main sur une vingtaine d’élèves. S’en suis les moqueries habituelles de mes camarades. Qui ensuite lèvent tous la main au deuxième choix de réponse. Finalement, j’étais le seul à avoir la bonne réponse et tous mes camarades sont devenu étrangement silencieux, un silence pesant, et une petite fierté s’est laissé allé en moi. J’avais osé avoir confiance en mon choix et n’avait pas changé d’avis malgré les moqueries de mes camarades et leur supériorité écrasante.
    De ce jour, avant même de connaitre l’existence du hacking social, j’ai toujours pris une sorte de plaisir à me cultiver, à ouvrir mon esprit sur des sujets très divers, ne serait-ce que pour ce genre de situation. Il s’est avéré que c’est un moyen, pour moi, de faire réagir des personnes. Parfois je me suis « forcé » à paraitre faible, soumis juste pour ce moment où le « dominant » (seul ou en group) se rendait compte que celui qu’il avait trouvé faible, celui qu’il avait moqué, celui dont il avait profité par son statut de dominant, était finalement dans un sujet particulier « plus fort » que lui. Je crois que c’est un moyen de déclencher un déclic pour ceux qui vivent en profitant à outrance de leur statut de dominant.

    Je ne sais pas si j’ai été bien clair, mais j’attends vos avis là dessus, peut-être fais-je fausse route, qu’en pensez vous?

    • Viciss0Hackso
      30 septembre 2016
      Reply

      Alors pour répondre à ta question, je pense qu’il faut séparer la mentalité hacker du domaine d’action du hacking.
      Pour la mentalité, je l’ai décrite ici : http://www.hacking-social.com/2016/04/04/4-les-resistances-du-net-la-mentalite-hacker/ Mais pour résumer, c’est un état d’esprit qu’on peut trouver aussi chez les scientifiques, les chercheurs de tous poils, les amoureux de l’expérimentation et… les enfants. Tout part de la curiosité, on est intrigué, puis poussé par cet élan d’enthousiasme et de curiosité on bidouille dans le but de comprendre un système, que ce soit un objet, une connaissance, une situation sociale. Puis on peut voir des failles dans ce système, ou alors avoir des idées pour l’améliorer ou encore pour le détourner.
      Le hacking social, c’est cette mentalité appliquée à des situations sociales. Par exemple, quand on expérimente le fait de passer pour un idiot on voit que le comportement en face est différent ; quand on teste une attitude de bienveillance et de calme dans une situation sociale de stress, on voit que cela change la situation sociale. Etc…
      Et ce « hacking social » je le vois beaucoup chez des gens qui ne connaissent pas du tout cette notion, mais qui le font tout simplement parce qu’ils aiment les autres, aiment qu’autour d’eux ils y aient des rires et de la bonne humeur, parce qu’il ne supporte pas l’injustice, l’agressivité etc.
      Il y a hack social à partir du moment ou une situation sociale a été « bidouillée», réparée ou détournée et que cette situation est changée en mieux : résolution d’un problème qui minait le groupe, pacification d’un individu qui faisait « bugguer » l’environnement humain, amélioration de l’environnement humain, etc.
      Alors pour expliciter un peu tout ça, nous et ce que vous voyez de nous, nos productions ne sont pas du hack social : on délivre des connaissances, on les accouple entre elles et avec la société, on les accompagne pour qu’elle puisse être le plus opératoire possible et « servir » l’action, nourrir des hackers sociaux et les personnes qui s’y interessent. Mais cette activité n’est pas du hack social. Nous ne sommes pas là hackers.
      Dans le milieu du hacking informatique, on appelle hacker celui dont on a vu les hacks aboutis, qui ont eu un impact, des conséquences, qui sont donc des actions, des performances admirables. En HS, c’est pareil : quand je vois un collègue de travail, qui malgré un environnement de travail absolument stressant, pénible à tous les niveaux, insupportable, arrive néanmoins par ses seules actions, décisions, astuces et son comportement à rendre joyeux ses 4 autres collègues pourtant surmenés et à faire passer un bon moment à tout le monde, c’est une prouesse qui clairement peut porter le titre de hack social, parce qu’elle défie l’adversité, elle se défie des conditions horribles, elle défie la situation sociale pour créer un environnement social positif pour tous.
      Alors j’ai conscience que le fait d’étiqueter de hacker celui dont on a vu le hack réalisé (même si celui ci n’en a pas du tout l’air ni même parfois l’idée de la définition d’un hacker) peut avoir l’allure sévère, mais c’est parce que tout autant que la connaissance et la curiosité me semble primordiale, la mise en œuvre de cet élan mental me paraît absolument nécessaire à notre monde, que cette mise en œuvre soit le changement de son propre comportement, de son environnement de travail ou de vie en général. C’est la suite logique de la mentalité hacker, cette application dans le monde.
      Voilà, je sais pas si cela a pu t’aider ou te parler ; après je parle à la première personne du singulier, ce n’est pas une science dure, c’est juste mon point de vue lié à divers engagements. On pourrait réduire tout ceci au fait de bidouiller les situations sociales sans avoir de finalité à l’amélioration, juste parce que c’est possible, mais ce n’est pas mon point de vue sans pour autant qu’il y est de jugement de valeurs là dedans, c’est juste différent.

  10. Le Sociopathe Altruiste
    29 août 2018
    Reply

    Hello ! (Oui, c’est encore moi, je dévore vos articles ^^)

    J’ai eu vent d’une autre expérience / performance similaire : celle de Marina Abramović en 1974.
    Elle reste immobile dans une pièce contenant 72 objets et une pancarte « Je suis un objet. Je prends la responsabilité de tout ce qui se passera dans ce laps de temps. » La performance dure 6h.

    Dans les premières heures, rien ne se passe. Mais au fil du temps, le public commence à jouer avec certains objets et à déplacer le corps de l’artiste.
    3h après, on commence à lacérer ses vêtements avec une lame de rasoir, la mettant nue. On aboutira à des agressions sexuelles et un pistolet pointé vers sa tête.

    Une fois l’expérience terminée, l’artiste recommence à bouger. Ah tiens ? Le gens se rappellent finalement qu’ils ont humilier un être Humain ? Tous détournent le regard…

    Toutes les personnes du public ne sont pas fautives, heureusement. Des bagarres ont eu lieu pour justement défendre Marina Abramovic.

    Source : http://www.lastucerie.fr/marina-abramovic/

    • Viciss Hackso
      3 septembre 2018
      Reply

      hé bien, ça a bien dégénéré cette performance… merci pour le lien, je met de côté !

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