âŠ.et plutĂŽt se relier Ă la vie avec eux ?
AprĂšs plus dâune dizaine dâannĂ©es Ă exercer sur internet, je nâai quâune idĂ©e floue et confuse de ce qui vous fait cliquer sur un contenu et y rester. Par contre, si vous ĂȘtes arrivĂ© via Google câest parfois plus clair. Ainsi, si vous venez dâune requĂȘte qui ressemble au titre de cet article, peut-ĂȘtre que vous en avez marre de trop jouer, peut-ĂȘtre que ça empiĂšte sur votre existence au point de vous faire honte ou de vous dĂ©tester. Peut-ĂȘtre que câest autrui que vous considĂ©rez jouer trop, au point que ça vous inquiĂšte pour son avenir.
Si vous venez des rĂ©seaux sociaux, il est possible que ce titre ait fait lâoffice dâun appĂąt Ă rage et que toutes dents dehors vous vous apprĂȘtez Ă dĂ©foncer un Ă©niĂšme contenu psychiatrisant le champ des jeux vidĂ©o ou les Ă©crans.
Peut-ĂȘtre quâau contraire, vous trouverez que câest une excellente idĂ©e que de sâattaquer Ă ces foutus jeux-vidĂ©o qui volent nos forces et temps de cerveau disponible, nous aliĂšnent ou nous Ă©cervĂšlent et quâil est grand temps dâarrĂȘter de nourrir cette industrie aliĂ©natrice qui empĂȘche de sâatteler Ă la rĂ©volution1 ou de gaspiller son temps alors quâon pourrait se consacrer Ă sâĂ©lever dans la sociĂ©tĂ© plutĂŽt que stagner dans une basse classe2. Peut-ĂȘtre que certains dâentre vous diraient que les jeux vidĂ©o ne sont tolĂ©rables que sâils prĂ©parent, entraĂźnent en mode simulateur Ă la guerre civile, voire « raciale »3.
Bienvenue Ă tous ! Ici il ne va pas sâagir de juger ni le jeu vidĂ©o, ni les joueurs, mais de comprendre ce que dit la recherche sur le « surjeu », ses dĂ©couvertes sur pourquoi il est qualifiĂ© de « trouble », comment il pourrait advenir et disparaĂźtre. On verra comment il a pu ĂȘtre « traitĂ© », notamment avec lâĂ©tude dâun camp de traitement en Chine et la sagacitĂ© dâun chercheur qui sâest intĂ©ressĂ© avec un magnifique respect Ă ces surjoueurs.
Tout au long du dossier, il y aura des surprises et on dĂ©couvrira des Ă©lĂ©ments trĂšs politiques de toute part, des Ă©lĂ©ments complĂštement sociaux et culturels, et finalement trĂšs peu « psychiatrisants ». Quitte Ă faire un spoiler, certains surjoueurs sont trĂšs conscients de ce qui se passe avec leur comportement, voire savent pertinemment comment faire pour changer les mondes non virtuels quâils fuient, contrairement Ă lâimage infĂ©riorisĂ©e que les sociĂ©tĂ©s reflĂštent dâeux. Comprenant progressivement ce que cache vraiment ce thĂšme de « lâaddiction » aux jeux, on va dĂ©couvrir ce qui permet dâavoir un rapport aux jeux beaucoup plus heureux, serein voire mĂȘme des usages qui servent littĂ©ralement la vie. DâoĂč le sous-titre que jâai ajoutĂ© « âŠ.et plutĂŽt se relier Ă la vie avec les jeux/divertissements ? ».
Franchement, pour tout avouer, je nâĂ©tais pas trĂšs motivĂ©e au dĂ©part dâexplorer cette question de « lâaddiction » aux jeux que jâavais associĂ©e Ă des paniques morales de personnes ne connaissant absolument pas lâexpĂ©rience des jeux. Mon mode dĂ©bunkage Ă©tait pleinement activĂ©, mais les angles des chercheurs ont Ă©tĂ© beaucoup plus renseignĂ©s et fins que les Ă©chos des mĂ©dias classiques sâalarmant de trop de jeux, dâĂ©cran, de divertissement.
Publier ce sujet en 2025 peut Ă©galement apparaĂźtre complĂštement Ă la ramasse au vu des actualitĂ©s dramatiques dâun fascisme aux USA, dâun gĂ©nocide commis actuellement par IsraĂ«l, dâun rĂ©chauffement climatique inquiĂ©tant et tant dâautres catastrophes que jâoublie. Les craintes Ă©cologico-numĂ©riques sont Ă©galement ailleurs, notamment avec le sujet de lâIA qui anime tout le monde, donc il est dĂ©calĂ© que je mâaccroche Ă ce thĂšme des annĂ©es 90. Ou pas. De toute maniĂšre, lâexploration du sujet mâa offert des outils trĂšs Ă©tonnants, alors pourquoi ne pas les partager ?
JâespĂšre que vous serez aussi Ă©tonnĂ© que je lâaie Ă©tĂ© et que cela puisse vous ĂȘtre utile pour mieux comprendre votre relation aux jeux et divertissements en gĂ©nĂ©ral, ou celle quâentretiennent les autres aux jeux, et comment sâautodĂ©terminer collectivement avec tout ça pour faire la paix avec nos Ă©crans ; voire mieux, quâils nous servent Ă plus quâon ne lâaurait imaginĂ© pour des thĂšmes sĂ©rieusement existentiels.
Pour lâinstant, je vous propose cette petite exploration, qui se transformera en hyperlien au fur et Ă mesure des publications :
đTous les articles du dossierÂ
1.Jouer, une drogue, vraiment ? (quâon va voir ici mĂȘme)
2.Quâest-ce qui pousse certains Ă surjouer ?
3.Jouer pour oublier ?
4.Jouer en collectiviste ou en individualiste ?
5.Un camp de traitement pour « lâaddiction Ă Internet »
6.Les darks patterns, une autre piste ? // Donc⊠ce qui fait le rapport empuissantant aux jeuxâŠ
X. Bibliographie
Jouer, une « drogue », vraiment ?
DĂšs quâon commence Ă aimer quelque chose de façon obsessionnelle, Ă ne pas en dĂ©crocher, on a tendance Ă se dire « accro », « addict » et Ă le dĂ©crire comme une « drogue ».
Dans le langage psy et mĂ©dical, on parle dâaddictions liĂ©es Ă une « substance » et celle « sans substance » : par substances, on parle ici de drogues Ă effet psychoactif. Elles sont nommĂ©es ainsi parce quâelles produisent chacune des phĂ©nomĂšnes particuliers et puissants sur le cerveau, elles jouent avec sa chimie de sorte Ă dĂ©sinhiber la personne, lui envoyer des hallucinations, la stimuler, la calmer. La personne consomme pour trouver ces effets trĂšs singuliers, qui sont, beaucoup plus intenses que le simple goĂ»t apprĂ©ciĂ© dâune grosse quantitĂ© de cheddar. Je ne sous-Ă©value pas le plaisir liĂ© Ă ce fromage, mais le cheddar nâest pas psychoactif en principe et ne vous offrira pas une expĂ©rience inĂ©dite.
« Les substances psychoactives regroupent Ă la fois les drogues licites (tabac, alcool, opiacĂ©s, produits de substitution, mĂ©dicaments psychotropes tels que hypnotiques, benzodiazĂ©pine, antidĂ©presseurs,âŠ) et non licites (cannabis, cocaĂŻne, ecstasy, MDMA ou amphĂ©tamine,âŠ). » https://www.has-sante.fr/jcms/p_3342082/fr/usage-des-substances-psychoactives-prevention-en-milieu-professionnel-note-de-cadrage
« Une drogue est un composĂ© chimique, biochimique ou naturel, capable dâaltĂ©rer une ou plusieurs activitĂ©s neuronales et/ou de perturber les communications neuronales. La consommation de drogues par lâhomme â afin de modifier ses fonctions physiologiques ou psychiques, ses rĂ©actions physiologiques et ses Ă©tats de conscience â nâest pas rĂ©cente. Certaines drogues peuvent engendrer une dĂ©pendance physique ou psychologique. Lâusage de celles-ci peut avoir pour consĂ©quences des perturbations physiques ou mentales. Pour dĂ©signer les substances ayant un effet sur le systĂšme nerveux, il est plus gĂ©nĂ©ralement question de psychotrope. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Drogue
Ainsi une substance psychoactive ou drogue nâentraĂźne pas forcĂ©ment une dĂ©pendance physique ou psychologique, câest par exemple le cas du pourtant trĂšs puissant LSD qui nâest pas addictif. Une substance psychoactive peut ĂȘtre lĂ©gale comme illĂ©gale selon les pays et leurs Ă©poques et cette lĂ©galitĂ© peut changer. Par exemple, le LSD a Ă©tĂ© lĂ©gal lorsquâil a Ă©tĂ© dĂ©couvert, les chercheurs se prĂ©cipitant dessus y voyant une solution Ă quantitĂ©s de troubles psycho, puis il a Ă©tĂ© rendu illĂ©gal, et depuis quelques annĂ©es on redĂ©couvre aujourdâhui des recherches Ă ce sujet parce quâil pourrait faire un bon traitement Ă certaines doses, dans certaines conditions, pour certains troubles ou problĂšmes4.
Lâeffet de dĂ©pendance Ă des substances psychoactives, câest lorsque la nature mĂȘme de la substance et/ou sa façon de la consommer peut ne plus aboutir Ă lâeffet recherchĂ© au bout dâun moment, car le corps sây accoutume, puis il en vient Ă en avoir besoin (psychologiquement et/ou physiquement) pour simplement retrouver dans un Ă©tat normal, et ce avec potentiellement des quantitĂ©s qui augmentent de façon exponentielle. Au dĂ©but, un expresso vous rendait tout fou et Ă©nergique, mais maintenant non seulement vous en avez besoin pour ne pas ĂȘtre complĂštement Ă la ramasse le matin, mais en plus il vous en faut 8 sur la journĂ©e, sans que ça vous surexcite.
Ainsi, il peut y avoir aussi une grande difficultĂ© au sevrage, puisque le sevrage aura des effets physiologiques et psychologiques trĂšs difficiles, voire violents, donc dĂ©courageants. Par exemple, chez les grands alcooliques, arrĂȘter brutalement lâalcool peut induire de forts dĂ©lires dangereux, le delirium tremens, potentiellement mortel sâil nâest pas pris en charge.
Selon la substance, la personne peut vouloir vraiment arrĂȘter, mais le sevrage est si insoutenable quâelle la reprend pour arrĂȘter de subir des symptĂŽmes trĂšs invalidants. Ainsi, dans ces addictions, la nature du produit est trĂšs importante Ă prendre en compte parce que le sevrage est totalement diffĂ©rent si on parle dâalcool, de cafĂ©, dâantidĂ©presseurs, de tabac ou dâhĂ©roĂŻne, ce ne sont pas les mĂȘmes pĂ©nibilitĂ©s, risques, et donc les solutions sont diffĂ©rentes, y compris selon la hauteur de consommation de la personne, la singularitĂ© de la personne et le cadre dans lequel elle vit.
Lâenvironnement social y compte Ă©normĂ©ment : si vos amis ne sociabilisent quâĂ travers lâalcool, ne se voient que pour boire, quâau boulot vous devez continuellement dĂźner avec des clients ou collĂšgues qui vous incitent Ă boire, et que votre famille prend comme une offense le fait que vous refusiez de boire avec eux, la forte pression sociale qui se rajoute est un dĂ©fi supplĂ©mentaire ajoutĂ© Ă la tĂąche de modĂ©ration ou de rĂ©sistance. En consĂ©quence, se rajoute la peur dâĂȘtre ostracisĂ©, de perdre tout le monde, comme si la consommation Ă©tait le passe-droit pour ĂȘtre ami avec ces personnes, les frĂ©quenter. Peut-ĂȘtre que si on nâa connu que ça, on nâa pas appris Ă sociabiliser en Ă©tant sobre ou Ă relationner dans un milieu sobre. Tout ça rajoute de la difficultĂ© au fait dâarrĂȘter de boire. Il y a besoin dâun temps et de conditions suffisamment favorables pour supporter ou accompagner les symptĂŽmes : lĂ aussi, les conditions que vit la personne dans sa sociĂ©tĂ© comptent.
Lâaddiction aux substances est donc fortement liĂ©e non seulement Ă la substance elle-mĂȘme, mais aussi Ă notre rapport singulier et social Ă celle-ci : on peut se mettre Ă boire du cafĂ© parce quâon nâarrive pas Ă ĂȘtre aussi Ă©veillĂ© rapidement que les autres et donc y trouver une solution. LĂ oĂč lâextraverti dĂšs son rĂ©veil nây verra pas dâintĂ©rĂȘt puisquâil est dĂ©jĂ en train de sâactiver festivement dĂšs 6 heures du matin.
Vous pourriez juste avoir attrapĂ© cette habitude par conformisme et curiositĂ©, Ă force de voir vos parents ou vos collĂšgues de travail prendre une pause avec une tasse de cafĂ©. La consommation de cafĂ© a pu devenir une solution Ă une problĂ©matique carrĂ©ment politique. Par exemple, si vous ĂȘtes dans un job pressant qui exige une vivacitĂ© dĂšs 6 heures du matin et que vos boss vous hurlent dessus si vous nâagissez pas Ă 140 Ă lâheure parce quâils ont une politique capitaliste-autoritaire, le cafĂ© va ĂȘtre saisi comme solution pour rĂ©pondre Ă cette pression â et dans dâautres cas, ça pourrait ĂȘtre la cocaĂŻne, qui est aussi psychostimulante, mais Ă une autre intensitĂ©. On pourrait aussi ĂȘtre nĂ© dans une culture qui a ritualisĂ© la consommation de cafĂ© dans un cadre spirituel uniquement5, cadre si rare que sa consommation nâentraĂźnera pas de dĂ©pendance.
Vous pourriez avoir aussi goĂ»tĂ© au cafĂ© par curiositĂ© puis dâemblĂ©e avoir eu une motivation intrinsĂšque au cafĂ©, car vous aimiez son amertume et ses effets dâĂ©veil, sans pour autant en avoir spĂ©cialement besoin ou que votre Ă©veil cafĂ©inĂ© soit exigĂ© par la situation.
Or, le jeu-vidĂ©o nâest pas une substance psychoactive.
Quand bien mĂȘme il aurait des effets sur le cerveau, par exemple activer le circuit de rĂ©ponse qui libĂšre des neurotransmetteurs qui nous font du bien, câest aussi le cas pour des centaines dâautres activitĂ©s ou situations. Ainsi, ne vous faites pas avoir par les exagĂ©rations au sujet de la dopamine6 : ce nâest pas parce quâune activitĂ© est liĂ©e Ă une libĂ©ration de dopamine quâelle est comparable Ă une drogue ou quâon tomberait addict instantanĂ©ment. Les neurotransmetteurs, tels que la dopamine, ont un rĂŽle et des interactions trĂšs compliquĂ©es. En plus les individus peuvent avoir des particularitĂ©s qui font que cette dynamique est trĂšs diffĂ©rente, pour des raisons de neuroatypie, de troubles, de gĂ©nĂ©tique, voire dâĂąge. Le fait de simplifier lâanalyse à « prĂ©sence de dopamine = risque dâaddiction ».

⏀ Zone dâengagement : Ce qui nous fait gĂ©nĂ©rer de la dopamine (ou autres) peut au contraire ĂȘtre une inspiration puisque câest lĂ quâil y a le plus de plaisir, de motivation, donc le plus de mobilisation de toutes nos forces (lĂ oĂč un dĂ©ficit, un manque rend tout plus difficile).
Parfois, les personnes manquent cruellement de plaisir et de joie en gĂ©nĂ©ral, et si une activitĂ© en suscite, câest plutĂŽt une excellente chose qui appelle Ă sâen inspirer pour corriger nos environnements dĂ©primants et dĂ©sespĂ©rants qui tuent toute motivation Ă agir.

â le plaisir comme poison : Croire que ce qui fait plaisir est forcĂ©ment mal ou une drogue dangereuse qui va faire perdre tout contrĂŽle
Ceci Ă©tant dit, oui il existe des addictions Ă des activitĂ©s ou comportements qui ne sont pas des substances psychoactives. Le trouble du jeu dâargent est par exemple reconnu et renseignĂ© depuis de longues annĂ©es. Mais Ă lâheure oĂč jâĂ©cris (en aoĂ»t 2025), il y a encore un fort dĂ©bat sur lâexistence ou non dâaddiction aux jeux-vidĂ©o, on parle plus volontiers de trouble du jeu-vidĂ©o sur Internet ou dâusage pathologique du jeu-vidĂ©o. Mais mĂȘme ces appellations font dĂ©bat, et certains articles scientifiques7 se demandent encore sâil y a rĂ©ellement trouble ou seulement une panique morale.
Le trouble du jeu-vidĂ©o a Ă©tĂ© nĂ©anmoins inclus dans la CIM (classification internationale des maladies, via lâONU) et le DSM-5 (manuel de rĂ©fĂ©rence des troubles pour la psychiatrie), Ă cause de sa prĂ©sence plus prĂ©occupante en Asie, tout particuliĂšrement en Chine et CorĂ©e du sud8.
La CIM caractérise ainsi le trouble du jeu vidéo :
« Le trouble du jeu vidĂ©o est dĂ©fini [âŠ] comme un comportement liĂ© Ă la pratique des jeux vidĂ©o ou des jeux numĂ©riques, qui se caractĂ©rise par une perte de contrĂŽle sur le jeu, une prioritĂ© accrue accordĂ©e au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur dâautres centres dâintĂ©rĂȘt et activitĂ©s quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dĂ©pit de rĂ©percussions dommageables.
Pour que ce trouble soit diagnostiquĂ© en tant que tel, le comportement doit ĂȘtre dâune sĂ©vĂ©ritĂ© suffisante pour entraĂźner une altĂ©ration non nĂ©gligeable des activitĂ©s personnelles, familiales, sociales, Ă©ducatives, professionnelles ou dâautres domaines importants du fonctionnement, et, en principe, se manifester clairement sur une pĂ©riode dâau moins 12 mois. » https://www.drogues.gouv.fr/loms-reconnait-officiellement-le-trouble-du-jeu-video-gaming-disorder
Le DSM 5 parle quant Ă lui dâ« usage pathologique des jeux sur internet » et centre donc le problĂšme sur les jeux en ligne :
« Utilisation persistante et rĂ©pĂ©tĂ©e dâinternet pour pratiquer des jeux, souvent avec dâautres joueurs, conduisant Ă une altĂ©ration du fonctionnement ou une dĂ©tresse cliniquement significatives. (âŠ) N.B. : Ce trouble est distinct du jeu dâargent sur internet, qui fait partie du jeu dâargent pathologique. (âŠ) Lâutilisation dâinternet pour des activitĂ©s exigĂ©es par un emploi ou une profession nâest pas incluse ; le trouble nâinclut pas non plus les autres utilisations rĂ©crĂ©atives ou sociales dâinternet. De mĂȘme, les sites internet sexuels sont exclus ».
Dans le DSM, il est expliquĂ© que ce nâest pas que les jeux hors ligne seraient sans dĂ©pendance, câest juste quâĂ©tant moins Ă©tudiĂ©s, ils ne peuvent pas lâaffirmer.
Pour que cet usage pathologique soit reconnu selon le DSM, le psy doit voir chez la personne au moins 5 manifestations parmi ces propositions :
« 1. PrĂ©occupation par les jeux sur internet (la personne se remĂ©more des expĂ©riences de jeu passĂ©es ou elle prĂ©voit de jouer ; les jeux sur internet deviennent lâactivitĂ© dominante de la vie quotidienne).
2. SymptĂŽmes de sevrage quand lâaccĂšs aux jeux sur internet est supprimĂ© (ces symptĂŽmes se caractĂ©risent typiquement par de lâirritabilitĂ©, de lâanxiĂ©tĂ© ou de la tristesse, mais sans signe physique de sevrage pharmacologique).
3. TolĂ©rance â besoin de consacrer des pĂ©riodes de temps croissantes aux jeux sur internet.
4. Tentatives infructueuses de contrĂŽler la participation aux jeux sur internet.
5. Perte dâintĂ©rĂȘt pour les loisirs et divertissements antĂ©rieurs du fait, et Ă lâexception, des jeux sur internet.
6. La pratique excessive des jeux sur internet est poursuivie bien que la personne ait connaissance de ses problĂšmes psychosociaux.
7. Ment Ă sa famille, Ă ses thĂ©rapeutes ou Ă dâautres sur lâampleur du jeu sur internet.
8. Joue sur internet pour Ă©chapper Ă ou pour soulager une humeur nĂ©gative (p. ex. des sentiments dâimpuissance, de culpabilitĂ©, dâanxiĂ©tĂ©).
9. Met en danger ou perd une relation affective importante, un emploi ou des possibilitĂ©s dâĂ©tude ou de carriĂšre Ă cause de la participation Ă des jeux sur internet.
N.B. : Seuls les jeux sur internet sans mise dâargent sont inclus dans ce trouble. »
Ce quâil faut savoir avec ce genre de liste, câest que le psychiatre ou le psychologue ne va pas se contenter de compter le nombre de critĂšres retenus pour statuer que câest ce problĂšme et pas un autre. En Ă©coutant le patient, il va aussi faire attention au temps de jeu et ses consĂ©quences psychosociales : Le DSM-5 prĂ©cise que lâusage pathologique implique typiquement 8 Ă 10 heures de jeux par jour et au moins 30 h par semaine, et que les obligations habituelles comme lâĂ©cole, le travail, la famille sont nĂ©gligĂ©es. Dans certaines Ă©tudes de cas, les personnes Ă usage problĂ©matique du jeu peuvent faire jusquâĂ plus de 16 heures de jeu par jour.

⏀ Cartographie des impacts : ce sont les effets dâun comportement sur lâindividu et/ou son entourage qui peuvent alerter sur le fait quâune activitĂ© soit un problĂšme pour elle ; une mĂȘme activitĂ© pourrait avoir des consĂ©quences ou effets diffĂ©rents sur dâautres.
Autrement dit, une personne pourrait remplir plus de 5 critĂšres pour Candy Crush, par exemple en y pensant beaucoup, Ă©tant irritĂ©e si elle ne peut pas y jouer, mentant Ă sa famille sur le fait quâelle y joue, croyant quâelle a un problĂšme de jeu, et continuer quand mĂȘme, mĂȘme si ça entache ses relations. Mais si sa pratique nâĂ©tait quâune demi-heure dans la journĂ©e, que câest parce que sa famille est hautement anti-jeu-vidĂ©o que les relations sociales sont devenues mauvaises et quâelle en vient ainsi Ă leur mentir, quâen plus elle-mĂȘme culpabilise en retour parce quâelle a intĂ©grĂ© un discours dogmatique anti-jeu, on nâaura pas un diagnostic de trouble du jeu. Lâexplication de cette pratique de jeu se trouvera peut-ĂȘtre dans lâexpression dâun besoin irrĂ©pressible dâautonomie vis-Ă -vis de cette famille trĂšs contrĂŽlante que cette personne a besoin de fuir. Peut-ĂȘtre que cette personne sent dans ce loisir singulier une façon dâĂȘtre soi-mĂȘme et plutĂŽt que la pĂąle copie de proches, ce qui la pousse Ă jouer pour se sauver du contrĂŽle autoritaire, mĂȘme si une part dâelle-mĂȘme nâa pas rejetĂ© comme mauvais le contrĂŽle autoritaire quâelle applique ensuite sur elle en se culpabilisant, en se faisant honte, en croyant quâelle a un trouble avec le jeu alors que son lien au jeu exprime une voie qui tente de la sauver du contrĂŽle autoritaire.
Le bon psy verra au contraire quâelle est victime de la duretĂ© de son entourage et des normes injustifiĂ©es quâon lui impose, que son temps de jeu est tout Ă fait raisonnable. Il pourra voir que le problĂšme est davantage dans la panique morale des modĂšles contrĂŽlants quâelle-mĂȘme a internalisĂ©e, au point de gĂącher son temps de jeu raisonnable et dâĂȘtre coincĂ©e dans deux mentalitĂ©s qui se contredisent entre elles, lâune cherchant un divertissement souhaitable et lâautre attaquant cette recherche comme mauvaise.
Quand bien mĂȘme on a ramenĂ© le DSM ici, il ne sâagit donc pas lĂ de psychiatriser toute pratique du jeu, mais de voir quand celle-ci peut devenir problĂ©matique et ĂȘtre le symptĂŽme dâun autre mal ĂȘtre plus complexe. Plus de 8 h de jeu par jour, hors pratique professionnelle, ça empĂȘche de vivre quoique ce soit dâautres que le jeu. Et contrairement au travail qui est forcĂ© dâĂȘtre pratiquĂ© Ă ces taux horaires, lui-mĂȘme Ă©galement affectant parfois aussi nĂ©gativement les autres sphĂšres importantes de la vie, il nây a pas avec le jeu, dâobligation Ă jouer sous peine dâĂȘtre virĂ©. Jouer 8 heures par jour ne survient pas Ă ses besoins comme payer le loyer ou remplir le frigo. Donc pourquoi sâaccrocher au jeu au point de tout laisser tomber, y compris des activitĂ©s essentielles Ă la survie et au bien-ĂȘtre ?
La suite : Quâest-ce qui pousse certains Ă ne faire que jouer aux jeux de leur vie ? [AJ2]
Note de bas de page
DĂ©roulez pour consulter toutes les notes de bas de page et la biblio â©ïž
La bibliographie complÚte est présente ici : Bibliographie [AJV]
L’image d’entĂȘte est issue de : How this Chinese « Quit Internet Addiction Center » abuse teenagers ) ( ! attention images violentes de vrais Ă©lectrochocs dans un camp de traitement)
1 Vous aurez reconnu des critiques du jeu et du divertissement en gĂ©nĂ©ral quâon trouve chez une certaine gauche (par exemple dans le livre « divertir pour dominer »). Ă lâinverse, dâautres courants de gauche plus libertaires ont un discours diffĂ©remment sur le fait de jouer, je pense aux situationnistes et plus rĂ©cemment lâouvrage Hyperjeu. LâĂ©thique des hackers a tendance aussi Ă mettre la question ludique comme une bonne chose Ă injecter dans la dĂ©sobĂ©issance et la rĂ©bellion.
2 Et lĂ câest une critique du jeu-vidĂ©o que lâon retrouve dans une droite bourgeoise estimant que le loisir doit servir lâĂ©lĂ©vation dans la sociĂ©tĂ© et ne surtout pas sâatteler Ă des divertissements populaires qui sont estimĂ©s creux ou ne permettant pas de remporter les faveurs de la haute sociĂ©tĂ©. On trouve cela dans les Ă©crits dâOlivier Babeau par exemple.
3On retrouve cette critique dans une extrĂȘme droite suprĂ©maciste, voire sâassumant parfois comme nĂ©onazie. Le forum stormfront par exemple contient parfois des discours anti jeu-vidĂ©o parce quâil faut se consacrer Ă sa « race » IRL prioritairement, dans lâaugmentation de la domination ou dans la dĂ©fense. Mais ils ne sont pas tous dâaccord Ă ce sujet, certains utilisent les jeux pour assouvir leurs fantasmes suprĂ©macistes ou corriger les jeux pour supprimer toute diversitĂ©, augmenter la capacitĂ© Ă massacrer des innocents ou autre. Le game design nĂ©onazi existe, mais mĂȘme leur public nĂ©onazi semble se plaindre de la qualitĂ© mĂ©diocre des jeux ou de leur pauvretĂ©, puisque le gameplay se rĂ©duit Ă massacrer des exogroupes sans autre possibilitĂ©.
4Lâhistoire du LSD est racontĂ©e dans « LSD mon enfant terrible » dâHofmann ; pour les recherches rĂ©centes, on a ici par exemple quelques Ă©tudes qui sâinterrogent sur le changement dâattitudes politiques ou de traits de personnalitĂ© (liĂ©s eux aussi Ă la question de choix politique) suite Ă lâusage de substances psychĂ©dĂ©liques : https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2021.733185/full?mibextid=Zxz2cZ , MacLean, K.A. â Johnson, M.W. â Griffiths, R.R. Mystical experiences occasioned by the hallucinogen psilocybin lead to increases in the personality domain of openness ;Lebedev, A.V. â Kaelen, M. â LövdĂ©n, M. ⊠LSD-induced entropic brain activity predicts subsequent personality change Hum Brain Mapp. 2016; Nour, M.M. â Evans, L. â Carhart-Harris, R.L. Psychedelics, personality and political perspectives ; Schmid, Y. â Liechti, M.E. Long-lasting subjective effects of LSD in normal subjects. 2018; Erritzoe, D. â Roseman, L. â Nour, M.M. ⊠Effects of psilocybin therapy on personality structure ; Erritzoe, D. â Smith, J. â Fisher, P.M. ⊠Recreational use of psychedelics is associated with elevated personality trait openness: Exploration of associations with brain serotonin markers ; Lyons, T. â Carhart-Harris, R.L. Increased nature relatedness and decreased authoritarian political views after psilocybin for treatment-resistant depression
5Câest juste un exemple imaginĂ©, sachant que diverses cultures peuvent utiliser diverses drogues dans des cadres uniquement rituel ; par exemples les natifs dâamĂ©rique utilisait le tabac pour un usage mĂ©dical et spirituel https://fr.wikipedia.org/wiki/Tabac_autochtone_en_Am%C3%A9rique
6La dopamine est un neurotransmetteur rĂ©sumĂ© souvent Ă une fonction de plaisir (or il ne fait pas que ça) et les rĂ©seaux sociaux se sont focalisĂ©s dessus Ă lâexcĂšs comme le montre trĂšs bien cette vidĂ©o : https://youtu.be/jfU2KunUUUc?si=ThuOun-4pGkMvqsL
7 https://ajp.psychiatryonline.org/doi/pdf/10.1176/appi.ajp.2016.16121341
8La prévalence du trouble en Asie, pour les adolescents de 15 à 19 ans serait de 8,4 % chez les garçons et 4,5 % pour les filles. (Fu et al. 2010)
Bonjour et merci pour cet article !
Il serait intĂ©ressant d’explorer aussi les aspects de « alter ego » observĂ©s parfois. L’exemple typique est l’utilisation d’un pseudo de la mort qui tue « DemonMangeurD’ame666 » alors que la personnalitĂ© dans la vrai vie d’un tel individu est un parfais ange.
Merci pour votre analyse détaillée.