Live « l’habit fait le moine » et FAQ

Et voici le live !
Ceux qui sont déjà abonnés à la chaîne ont dû déjà avoir accès au replay, on poste sur le blog également pour répondre à des questions posées durant le live et à laquelle nous n’avons pas répondu (ou pas assez). Malheureusement, nous n’avons pas pu copier/coller toutes les questions, désolée si nous avons oublié l’une de vos questions, c’est involontaire.

 

  • « On veut une annonce vidéo !! »

Sur Youtube, il nous a été reproché de ne pas avoir fait d’annonce vidéo pour prévenir du live, car beaucoup d’abonnés ne consultent pas ce présent site, ni les réseaux sociaux et ne vont pas voir dans la discussion de la chaîne.

Je comprends parfaitement le choix de ne pas fréquenter les réseaux sociaux, cependant si c’est pour des raisons éthiques nous sommes aussi sur diaspora* (dont l’ambiance est fort appréciable), la consultation du Twitter ou de la page Facebook ne requiert pas d’inscription de votre part.

Mieux encore, vous pouvez utiliser la fonction RSS du blog, ça marche sur thunderbird en autres solutions et là, vous n’aurez rien à faire, vous recevrez les articles, les vidéos et news sans avoir à cliquer ou presque.

Le prochain live HS n’est pas pour tout de suite, par contre nous serons aux geek faëries on the web en janvier. Est-ce qu’on en fera une annonce vidéo, une news ? On ne sait pas encore, mais promis on s’assurera de le crier sur tous les toits 🙂

 

Question sur « l’habit fait le moine »

 

  • kawazero : La banalisation du mépris social à travers les tenues pros, ça participe pas au Brutalisme ambiant ?

Tout à fait ! Surtout quand les tenues sont abaissantes, comme à Mcdo où les équipiers n’ont pas de poches (« il ne faut jamais faire confiance aux équipiers ! » dixit un directeur à ses managers mcdo), volontairement ridicules, cela alimente le mépris, la supériorité des uns sur les autres. Et cette « supériorité » ou « infériorité » sont de plus une pure fiction ; toujours chez le grand M jaune, même si les managers avaient un meilleur salaire, la plupart de nos collègues refusait cette promotion, sachant pertinemment qu’ils y perdraient leurs pauses légales (le contexte de travail empêchant de se poser aux heures convenues la plupart du temps), qu’ils seraient en burn-out, qu’ils enchaîneraient les heures supplémentaires dont certaines non payées, etc… Au final, malgré la chemise et les poches obtenues, ce n’est pas un choix raisonnable, du moins là où on nous travaillions Verso et moi. On a donné pleins d’exemples de cette fausse supériorité à base de brutalisme et de mépris dans l’Homme formaté.

 

  • bartcsprt : ON croise aussi la notion de soumission à l’autorité non???

Oui, la notion de soumission à l’autorité n’est jamais loin lorsque l’on parle des tenues de travail, que ce soit pour soumettre l’employé aux clients ou à ses supérieurs ou que ce soit (dans le cas d’une tenue valorisante) pour soumettre autrui :

  • Runreard  : je  me répète, mais indiquer les prénoms des caissiers sur les  tickets de  caisse, ça va dans le même sens que les badges nominatifs ?

Oui, quand le client pense à observer le ticket…et c’est généralement en cas de problème. Ou lorsqu’il est saoul et qu’il veut draguer la personne qui l’a servie. Dans les deux cas, ça augure des situations déplaisantes pour l’employé(e).
A noter que la caisse n’est pas nominative dans tous les lieux de vente : parfois, c’est au nom des responsables, ou d’autres prénoms enregistrés. Dans les entreprises tranquilles, les personnes n’ont pas de caisses attitrées et peuvent prendre l’une ou l’autre sans permission spéciale, les données de caisses (temps de service, temps d’inactivité et autres datas) ne sont pas inspectées (il n’y a aucune consigne de temps de service par exemple, c’est donc signe qu’il n’y a pas de surveillance, sinon les chefs ordonneraient de faire attention à certaines manipulations de la caisse), parfois quand il y a une vraie confiance, ce sont les employés eux même qui clôturent la caisse sans être surveillé par quiconque (c’est à dire compter l’argent, voir le CA, faire les calculs et les tâches pour envoyer l’argent à la banque).

 

  • Kliptow  : Peux  être rien a voir mais la suppression de « Mademoiselle » dans les  documents  officiel permet d’éviter certaines dérives aussi non ?

Je pense pour ma part que cela n’a pas d’incidence particulière, si ce n’est que ça rend symboliquement plus égaux les hommes et femmes, du moins sur un symbole (dans le même genre d’idées, on aurait pu aussi généraliser le terme « damoiseau » pour les hommes, d’ailleurs :D).
Au fond, au travail, la soumission est la même quand on t’ordonne des choses, que cela commence par « mademoiselle… », « madame » ou « monsieur », cela ne change pas les mécanismes de domination et de brutalisme (quoiqu’on remarquera que le « monsieur » sera davantage utilisé par respect et distance, là où le « madame » et le « mademoiselle » intempestif peut être interprété comme irrespectueux). Si le « monsieur » ou « madame » donne une certaine aura quand on l’emploie pour un enfant qui s’en fait une fierté, adulte, ça n’a plus d’aura (sauf si le « monsieur » est réservé aux supérieurs, et interdit tacitement aux autres). L’appellation peut se parer de condescendance ou de drague comme être parfaitement neutre. Là, c’est surtout une question de ton de la part de celui qui l’emploi, de circonstances où il est employé, de mot qui l’accompagne.

 

  • M431 : En général on déprime pas mal non quand on fait des choix dissonants ?

Oui en effet, faire des choix ou être forcé de suivre des choix (ce qui n’est plus vraiment un choix) qui contredisent nos valeurs, nos pensées ou même notre humeur, est pénible. Cependant, être déprimé à ces choix dissonants, c’est un rempart contre la manipulation, une défense mentale qui amène à réfléchir, un rempart contre la résignation (si on écoute cette déprime) et en soi, ce n’est pas mauvais du tout (si on prend le temps d’interroger les motifs de sa déprime, et que par là même on surpasse cette dissonance).
J’explique, notamment pour ceux qui ne connaissent pas la notion de dissonance cognitive que j’emploie souvent sans forcément avoir le temps de l’expliquer :
La dissonance est un état pénible qui survient quand deux éléments dissonants, c’est à dire qui se contredisent, interviennent dans notre vie. Prenons un exemple dont on a déjà parlé, l’expérience de Milgram, où les sujets sont en dissonance :

  • Premier élément : le sujet a pour valeur de ne pas faire mal à autrui (on l’a éduqué dans ce sens, peut être qu’il a décidé d’être résolument pacifiste ou encore de ne pas faire à autrui ce qu’il ne veut pas subir).
  • Deuxième élément : le sujet s’est retrouvé dans une situation où il fait mal à autrui.

Pour résoudre cette dissonance, il y a différents choix plus ou moins conscients qui vont se faire :

1. Changement du comportement/de la cognition et respect de l’attitude
La dissonance ne se réduit pas, le sujet vit un moment extrêmement pénible, insupportable moralement. Il décide d’annuler le deuxième élément, c’est à dire quitter la situation. C’est un mécanisme très coûteux psychiquement à faire, mais la dissonance est telle, l’élément numéro 1 étant tellement important, que ce choix coûteux est choisi. Si vous vous rappelez de l’expérience de Milgram, très peu arrivent à sortir de la dissonance ainsi, parce que c’est un choix très très coûteux surtout si la personne est loin dans l’expérience. Pour certains sujets résistants ça ne l’est pas, car ils ont l’automatisme du refus, de l’altruisme, donc ils arrêtent la situation rapidement.

2. Justifier un comportement/une cognition en aménageant la cognition conflictuelle
Là, le sujet va se dire que ce n’est pas lui qui est aux manettes, la responsabilité incombe à l’expérimentateur. C’est l’état agentique, le sujet se dédouane de sa responsabilité, donc la dissonance disparaît. Si l’on regarde bien le jeu de la mort, on voit qu’une fois que les sujets ont atteint cet état agentique (après avoir bien demandé si l’animatrice prenez la responsabilité) ils n’ont plus de tension, la dissonance a disparu avec cette justification.

3. Justifier son comportement/sa cognition en ajoutant de nouvelles cognitions.
Ce sont par exemple les sujets qui, après coup, disent à l’expérimentateur que de toute façon ils n’y croyaient pas, savaient que c’était faux. Or, la tension est réelle, il y a tout un faisceau d’indices qui permet de dire avec certitude qu’ils croyaient en la situation.
Dans d’autres contextes, cela peut être de trouver des moyens de « réparer » l’écart entre le comportement et l’attitude (par exemple, si on a décidé de faire un régime et qu’on mange un gâteau, c’est s’imposer un temps de sport).

Donc la déprime qu’on peut avoir à faire des choix dissonants est un potentiel à ne pas ignorer, c’est un appel interne à écouter et à prendre en compte : c’est un appel à réfléchir pour trouver une solution en accord avec nos valeurs et non se résigner/dénier/rationnaliser. Forcément, c’est plus coûteux en terme d’énergie mentale, en terme de réflexion, en terme de révolution personnelle (voire de révolution tout court : quand un sujet dans Milgram quitte la situation, désobéit, il arrête toute la mécanique mise en place, c’est en quelque sorte une révolution), en terme d’imagination et de créativité (les situations réelles sont plus riches en choix que les situations expérimentales, donc on peut véritablement inventer d’autres mécanismes dans des systèmes).

D’autres explications pour le terme dissonance cognitive et la rationalisation :

 

  • TribunDeLaPlebe : @Viciss&Gull: une dissonance cognitive  non résolue mène t elle au burn out?

Comme on l’a vu dans la précédente réponse, on peut très bien résoudre une dissonance cognitive sans qu’elle nous coûte de l’énergie : par exemple en abandonnant ses valeurs ou en « rationnalisant »(au sens psychologique du terme). Le burn out peut également se ressentir pour des activités très agréables voire à flow, mais qui nous débordent totalement ou qu’on n’arrive à cadrer et où l’on s’y épuise. Le burn-out a pour synonyme le surmenage : on a trop, beaucoup trop à faire.

Cependant, je crois voir ce que tu veux dire  : par exemple dans les métiers liés à la vente, au service à la clientèle, les employés sont par exemple obligés de sourire, d’être aimable et cela même s’ils n’ont pas eu de pause depuis des heures, qu’ils ont faim/soif, sont fatigués, dans le bruit et la cohue et qu’en plus, le client en face d’eux commencent à les accuser des prix du magasins qu’ils n’ont pas décidés.
On est dans une situation de « taylorisme du sourire » (terme très juste de Paul Ariès, un penseur qu’on aime à écouter) voire carrément de dictature de l’attitude : tout le corps et l’esprit de l’employé nécessiterait de s’écarter de cette cohue, ne pas s’occuper du client hors de lui, mais il y est obligé et avec le sourire. Là, le problème n’est pas la dissonance, ni le conflit entre ordre et situation réelle, le problème c’est le cadre d’activité : une entreprise sensée ne devrait pas laisser s’épuiser ainsi ses employés, c’est totalement irrationnel de presser les gens comme des citrons.

Mais parfois, et il faut le reconnaître, les personnes elle-même se pressent comme des citrons au travail, alors que personne ne les obligent que même le travail n’a pas besoin de tant de leurs efforts. Il faut se questionner sur ce qu’on fuit dans ces cas-là, pourquoi on a tant besoin de montrer qu’on se tue au travail, qu’a-t-on à prouver ? Qui devons-nous convaincre ? Quelle pression sociale nous pousse ainsi à nous tuer à la tâche, alors qu’on pourrait tout aussi bien exceller sans s’y tuer ? Il y a des réponses personnelles à ces questions, d’autres plus sociales, liés au brutalisme ambiant, aux peurs sociales (peur du chômage, peur de perdre sa place…). Mais attention, ces entreprises aux méthodes douteuses prennent aussi cet argument pour protéger leur organisation alors qu’elle est directement liée au burn-out des personnes.

On a parlé de tout ça dans l’Homme formaté.

  • captncavern  : Ça existe les gens qui se servent des badges pour appeler les  vendeurs (ou autres) qu’ils ne connaissent pas  par leurs prénoms ?

Oui ! Toujours à Mcdo, j’avais des collègues qui se faisaient appeler par leurs prénoms, dans la rue, par des clients-dragueurs ou ivres. Généralement, dans les milieux professionnels où l’on côtoie des personnes ivres, c’est plus qu’habituel la familiarité déplacée.

 

Autre questions

 

  • SkeletN : Quelles chaines youtube vous conseilleriez ?

  • Werther : vous connaissez d’autre chaîne de youtubeur sur la manipulation ou la psychologie social ?

On a répondu lors du live mais on remet les liens ; la tronche en biais explique très bien certaines notions de psychologie sociale :

Il y a également psynect qui le fait super bien :

Pour de la psychologie plus clinique (mais pas que) et de la psychiatrie , il y a le psylab :

Pour l’aspect communication, il y a cygnification :

et son site : http://www.cygnification.com/

Sorti du contexte psycho, on aime également le stagirite :

Et, forcément, on aime Usul :

http://dai.ly/x2qygtn

Et forcément les headbang science qui commencent à être bien remplis en sujets, et la vidéothéque d’alexandrie !

Tout d’abord merci ! J’ai eu peu de retour sur cet article, je ne savais pas s’il avait été lu et encore moins s’il avait intéressé 😀 Alors comme tu l’as lu, l’article en soi parle de notions assez abstraites, la transmutation en vidéo risque d’être très laborieuse si l’on veut qu’elle intéresse. Sachant qu’en plus la TAD est fortement liée au concept de Flow, on peut même rapidement dériver sur le jeu-vidéo, ça peut être compliqué à gérer. Pour l’instant, le programme des vidéos futures (la « future box »:D) est complet. Après, ce qui peut être possible, c’est d’extraire une expérience de la TAD ou du flow pour un XP, ce serait déjà plus facilement réalisable.

 

  • Werther : Pourrais ton faire un live sur votre vidéo du syndrome du grand méchant monde ?

  • Runreard  -> vous pensez refaire des lives ?

Oui on en refera (sur quelle vidéo, on ne sait pas encore), c’était une expérience fort sympathique !
Merci à tous ceux qui était présent sur le chat pour vos discussions, vos questions fort intéressantes, la bonne ambiance et la sympathie ambiante ! Vous nous avez fait cadeau de conditions idéales 🙂

Chayka Hackso Écrit par :

Gardienne de l'île d'Horizon, grande prêtresse du culte du caillou. Si vous souhaitez nous soutenir c'est par ici : paypal ♥ ou tipeee ou ♣ liberapay ; pour communiquer ou avoir des news du site/de la chaîne, c'est par là :

4 Comments

  1. 25 septembre 2016
    Reply

    Tout d’abord, félicitations pour votre site, et pour vos vidéos. Même si je m’apprête à exprimer un profond désaccord sur un des points abordés — l’uniforme scolaire —, je tenais à commencer par là, et à vous remercier. Moi aussi, je veux être un Bisounours.

    Mais l’uniforme scolaire, donc. Je crois que vous n’avez pas vraiment pris le temps de réfléchir au sujet. Ce n’est pas la volonté de lutter contre les discriminations qui est à l’origine de l’uniforme. Commençons néanmoins par là.

    Est-ce parce que le génie humain n’est jamais à court de motifs de discrimination qu’il faut critiquer une solution qui en supprime au moins un, les fringues ? Le boutonneux à cheveux gras mal sapé aurait de toutes façons été raillé et pour ses boutons et pour ses cheveux et pour ses habits. Eh bien, avec l’uniforme, au moins ne serait-ce pas pour ses vêtements.

    Je vois pour ma part quantité de vertus à l’uniforme scolaire, qui au passage ne concerne pas que les adolescents — pourquoi limiter cette question au collège et au lycée comme vous le faites en parlant d’adolescents ? Au Royaume-Uni, par exemple, l’uniforme scolaire se porte souvent dès l’école primaire.

    En vrac.

    — Limiter la pénétration des marques dans l’établissement.
    Je ne suis certes plus tout jeune, mais pas encore non plus un vieux croulant. Durant ma scolarité au collège, dans la seconde moitié des années 1980, j’ai porté l’uniforme, sous sa forme la plus basique et la moins esthétiquement recherchée qui soit : la blouse. Quand j’étais en troisième, un condisciple s’est ramené avec un blouson ridicule (marqué d’un énorme logo de marque à la con). On s’est bien fichu de lui, le pauvre ! Enfin, dans son dos, surtout, ce qui n’est pas très glorieux. Je crois que ce port de la blouse par tous avait nourri en beaucoup d’entre nous un certain état d’esprit de défiance vis-à-vis de la mode vestimentaire et des marques tape-à-l’œil.
    Il paraît que la publicité est interdite à l’école — sauf bien sûr quand il s’agit de signer un partenariat avec l’entreprise cofondée par un certain Gates, par exemple. Eh bien, l’uniforme, c’est aussi le refus de voir les élèves transformés en hommes-sandwichs dans l’enceinte de l’établissement. Ne serait-ce que pour cette raison, je défendrais l’uniforme scolaire.

    — Donner la chance aux enfants et adolescents d’être « bien habillés ».
    Pas avec la blouse, certes. Je pense ici aux uniformes anglais, qui souvent sont très jolis. Bon, question de goût, soit. Néanmoins, porter veste, chemise et cravate (pour les garçons, mais parfois aussi pour les filles), etc. peut donner le sentiment d’être élégant à des jeunes dont le milieu social d’origine ne les destinait pas forcément à vêtir un jour ce type d’habit. Ce que je veux dire, c’est que le port d’un tel uniforme peut être valorisant pour les élèves, surtout ceux de milieu modeste.

    — Créer une coupure entre l’établissement scolaire et le reste du monde, contribuer à une mise en condition. Conditionnement ? Oui. Mais je ne considère pas cela comme forcément mauvais. Tout dépend de ce qui en est fait. L’idée ici est de disposer à l’apprentissage.

    — Contribuer à la naissance et à l’entretien d’un esprit de corps. Bien sûr, dérives possibles. Mais le versant positif, c’est la mise entre parenthèses de son égoïsme, le sentiment de contribuer à la vie d’un groupe plus important que sa propre personne. C’est la même logique que les maillots d’une équipe sportive : même les équipes de water-polo ont leur uniforme alors qu’il n’a aucune utilité pratique (on ne voit guère les maillots depuis la surface et il suffirait de bonnets numérotés de couleurs différentes pour distinguer les deux équipes qui s’affrontent). Idem pour les chœurs, souvent, qu’ils soient d’adultes ou d’enfants. Ou encore dans les monastères et couvents.
    Une des failles des sociétés occidentales actuelles, c’est, me semble-t-il, la disparition du sentiment d’appartenance collective et l’encouragement à l’égoïsme, travesti sous le nom usurpé d’individualisme.

    Pour ma défense de l’uniforme scolaire, j’ajouterai que cet uniforme, on l’enlève une fois sorti. Dehors, chez lui, l’élève n’est plus élève et s’habille comme il veut — ou peut. S’il estime que la construction de sa personnalité passe par quelques bouts de tissu plutôt que par sa culture et ses actions, ce n’est pas l’uniforme qui va l’empêcher de se vêtir comme il l’entend l’essentiel de son temps.

    Apprentissage de la soumission, l’uniforme scolaire ? Peut-être. L’enseignement collectif industriel tel que nous le connaissons est une horreur de toute façon : l’uniforme n’y change rien, et au moins à cet égard annonce-t-il la couleur. Bref, il a le mérite de la franchise : élève, vous êtes soumis aux règles de l’établissement, point.
    Anecdote. Adulte, j’ai vécu deux ans dans un quartier chaud du nord de Paris, à deux pas d’un établissement secondaire. Il m’est arrivé de passer devant en début d’après-midi. Quand la sonnerie retentissait, c’était un spectacle étonnant que de voir ces jeunes probablement difficiles, pour beaucoup, entrer en rang d’oignons, bien soumis et disciplinés à l’appel de la cloche. « Des moutons tristes  », me disais-je. Sans jugement de valeur : eussé-je, moi, eu le courage de sécher les cours, à leur âge, si je n’avais pas aimé l’école ? Certainement pas. D’ailleurs, même aimant l’école, n’eussé-je pas préféré la plupart du temps rester à la maison, ou me promener, à me rendre ainsi en cours ? Ces élèves aux airs de gros durs mais soumis me renvoyaient à ma propre docilité.

    Autre anecdote, pour finir. L’uniforme peut être l’occasion de formes d’insoumission paradoxales. Comme je le disais, j’ai connu le port de la blouse obligatoire au collège et au lycée (établissement catholique sous contrat). Chaque année, nous accomplissions une sorte de petit pèlerinage appelé « route de prières ». Personne ne mettait alors sa blouse… sauf moi. Un professeur me dit une fois : « Thomas, tu sais, aujourd’hui, tu peux enlever ta blouse. — Non, non, ça va, je préfère la garder. » Je jubilais, parce que cet enseignant du coup ne voyait plus que dire ou faire, et je savais qu’on ne me punirait pas ni même ne me réprimanderait pour vouloir appliquer le règlement à la lettre : petite revanche de l’agneau.

    L’autorité est aussi ce sur et contre quoi l’on se construit.

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