đŸŽ„ Live « l’habit fait le moine » et FAQ

Et voici le live !
Ceux qui sont dĂ©jĂ  abonnĂ©s Ă  la chaĂźne ont dĂ» dĂ©jĂ  avoir accĂšs au replay, on poste sur le blog Ă©galement pour rĂ©pondre Ă  des questions posĂ©es durant le live et Ă  laquelle nous n’avons pas rĂ©pondu (ou pas assez). Malheureusement, nous n’avons pas pu copier/coller toutes les questions, dĂ©solĂ©e si nous avons oubliĂ© l’une de vos questions, c’est involontaire.

 

  • « On veut une annonce vidĂ©o !! »

Sur Youtube, il nous a Ă©tĂ© reprochĂ© de ne pas avoir fait d’annonce vidĂ©o pour prĂ©venir du live, car beaucoup d’abonnĂ©s ne consultent pas ce prĂ©sent site, ni les rĂ©seaux sociaux et ne vont pas voir dans la discussion de la chaĂźne.

Je comprends parfaitement le choix de ne pas frĂ©quenter les rĂ©seaux sociaux, cependant si c’est pour des raisons Ă©thiques nous sommes aussi sur diaspora* (dont l’ambiance est fort apprĂ©ciable), la consultation du Twitter ou de la page Facebook ne requiert pas d’inscription de votre part.

Mieux encore, vous pouvez utiliser la fonction RSS du blog, ça marche sur thunderbird en autres solutions et lĂ , vous n’aurez rien Ă  faire, vous recevrez les articles, les vidĂ©os et news sans avoir Ă  cliquer ou presque.

Le prochain live HS n’est pas pour tout de suite, par contre nous serons aux geek faĂ«ries on the web en janvier. Est-ce qu’on en fera une annonce vidĂ©o, une news ? On ne sait pas encore, mais promis on s’assurera de le crier sur tous les toits 🙂

 

Question sur « l’habit fait le moine »

 

  • kawazero : La banalisation du mĂ©pris social Ă  travers les tenues pros, ça participe pas au Brutalisme ambiant ?

Tout Ă  fait ! Surtout quand les tenues sont abaissantes, comme Ă  Mcdo oĂč les Ă©quipiers n’ont pas de poches (« il ne faut jamais faire confiance aux Ă©quipiers ! » dixit un directeur Ă  ses managers mcdo), volontairement ridicules, cela alimente le mĂ©pris, la supĂ©rioritĂ© des uns sur les autres. Et cette « supĂ©riorité » ou « infĂ©riorité » sont de plus une pure fiction ; toujours chez le grand M jaune, mĂȘme si les managers avaient un meilleur salaire, la plupart de nos collĂšgues refusait cette promotion, sachant pertinemment qu’ils y perdraient leurs pauses lĂ©gales (le contexte de travail empĂȘchant de se poser aux heures convenues la plupart du temps), qu’ils seraient en burn-out, qu’ils enchaĂźneraient les heures supplĂ©mentaires dont certaines non payĂ©es, etc… Au final, malgrĂ© la chemise et les poches obtenues, ce n’est pas un choix raisonnable, du moins lĂ  oĂč on nous travaillions Verso et moi. On a donnĂ© pleins d’exemples de cette fausse supĂ©rioritĂ© Ă  base de brutalisme et de mĂ©pris dans l’Homme formatĂ©.

 

  • bartcsprt : ON croise aussi la notion de soumission Ă  l’autoritĂ© non???

Oui, la notion de soumission Ă  l’autoritĂ© n’est jamais loin lorsque l’on parle des tenues de travail, que ce soit pour soumettre l’employĂ© aux clients ou Ă  ses supĂ©rieurs ou que ce soit (dans le cas d’une tenue valorisante) pour soumettre autrui :

  • Runreard  : je  me rĂ©pĂšte, mais indiquer les prĂ©noms des caissiers sur les  tickets de  caisse, ça va dans le mĂȘme sens que les badges nominatifs ?

Oui, quand le client pense Ă  observer le ticket…et c’est gĂ©nĂ©ralement en cas de problĂšme. Ou lorsqu’il est saoul et qu’il veut draguer la personne qui l’a servie. Dans les deux cas, ça augure des situations dĂ©plaisantes pour l’employĂ©(e).
A noter que la caisse n’est pas nominative dans tous les lieux de vente : parfois, c’est au nom des responsables, ou d’autres prĂ©noms enregistrĂ©s. Dans les entreprises tranquilles, les personnes n’ont pas de caisses attitrĂ©es et peuvent prendre l’une ou l’autre sans permission spĂ©ciale, les donnĂ©es de caisses (temps de service, temps d’inactivitĂ© et autres datas) ne sont pas inspectĂ©es (il n’y a aucune consigne de temps de service par exemple, c’est donc signe qu’il n’y a pas de surveillance, sinon les chefs ordonneraient de faire attention Ă  certaines manipulations de la caisse), parfois quand il y a une vraie confiance, ce sont les employĂ©s eux mĂȘme qui clĂŽturent la caisse sans ĂȘtre surveillĂ© par quiconque (c’est Ă  dire compter l’argent, voir le CA, faire les calculs et les tĂąches pour envoyer l’argent Ă  la banque).

 

  • Kliptow  : Peux  ĂȘtre rien a voir mais la suppression de « Mademoiselle » dans les  documents  officiel permet d’Ă©viter certaines dĂ©rives aussi non ?

Je pense pour ma part que cela n’a pas d’incidence particuliĂšre, si ce n’est que ça rend symboliquement plus Ă©gaux les hommes et femmes, du moins sur un symbole (dans le mĂȘme genre d’idĂ©es, on aurait pu aussi gĂ©nĂ©raliser le terme « damoiseau » pour les hommes, d’ailleurs :D).
Au fond, au travail, la soumission est la mĂȘme quand on t’ordonne des choses, que cela commence par « mademoiselle… », « madame » ou « monsieur », cela ne change pas les mĂ©canismes de domination et de brutalisme (quoiqu’on remarquera que le « monsieur » sera davantage utilisĂ© par respect et distance, lĂ  oĂč le « madame » et le « mademoiselle » intempestif peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme irrespectueux). Si le « monsieur » ou « madame » donne une certaine aura quand on l’emploie pour un enfant qui s’en fait une fiertĂ©, adulte, ça n’a plus d’aura (sauf si le « monsieur » est rĂ©servĂ© aux supĂ©rieurs, et interdit tacitement aux autres). L’appellation peut se parer de condescendance ou de drague comme ĂȘtre parfaitement neutre. LĂ , c’est surtout une question de ton de la part de celui qui l’emploi, de circonstances oĂč il est employĂ©, de mot qui l’accompagne.

 

  • M431 : En gĂ©nĂ©ral on dĂ©prime pas mal non quand on fait des choix dissonants ?

Oui en effet, faire des choix ou ĂȘtre forcĂ© de suivre des choix (ce qui n’est plus vraiment un choix) qui contredisent nos valeurs, nos pensĂ©es ou mĂȘme notre humeur, est pĂ©nible. Cependant, ĂȘtre dĂ©primĂ© Ă  ces choix dissonants, c’est un rempart contre la manipulation, une dĂ©fense mentale qui amĂšne Ă  rĂ©flĂ©chir, un rempart contre la rĂ©signation (si on Ă©coute cette dĂ©prime) et en soi, ce n’est pas mauvais du tout (si on prend le temps d’interroger les motifs de sa dĂ©prime, et que par lĂ  mĂȘme on surpasse cette dissonance).
J’explique, notamment pour ceux qui ne connaissent pas la notion de dissonance cognitive que j’emploie souvent sans forcĂ©ment avoir le temps de l’expliquer :
La dissonance est un Ă©tat pĂ©nible qui survient quand deux Ă©lĂ©ments dissonants, c’est Ă  dire qui se contredisent, interviennent dans notre vie. Prenons un exemple dont on a dĂ©jĂ  parlĂ©, l’expĂ©rience de Milgram, oĂč les sujets sont en dissonance :

  • Premier Ă©lĂ©ment : le sujet a pour valeur de ne pas faire mal Ă  autrui (on l’a Ă©duquĂ© dans ce sens, peut ĂȘtre qu’il a dĂ©cidĂ© d’ĂȘtre rĂ©solument pacifiste ou encore de ne pas faire Ă  autrui ce qu’il ne veut pas subir).
  • DeuxiĂšme Ă©lĂ©ment : le sujet s’est retrouvĂ© dans une situation oĂč il fait mal Ă  autrui.

Pour résoudre cette dissonance, il y a différents choix plus ou moins conscients qui vont se faire :

1. Changement du comportement/de la cognition et respect de l’attitude
La dissonance ne se rĂ©duit pas, le sujet vit un moment extrĂȘmement pĂ©nible, insupportable moralement. Il dĂ©cide d’annuler le deuxiĂšme Ă©lĂ©ment, c’est Ă  dire quitter la situation. C’est un mĂ©canisme trĂšs coĂ»teux psychiquement Ă  faire, mais la dissonance est telle, l’Ă©lĂ©ment numĂ©ro 1 Ă©tant tellement important, que ce choix coĂ»teux est choisi. Si vous vous rappelez de l’expĂ©rience de Milgram, trĂšs peu arrivent Ă  sortir de la dissonance ainsi, parce que c’est un choix trĂšs trĂšs coĂ»teux surtout si la personne est loin dans l’expĂ©rience. Pour certains sujets rĂ©sistants ça ne l’est pas, car ils ont l’automatisme du refus, de l’altruisme, donc ils arrĂȘtent la situation rapidement.

2. Justifier un comportement/une cognition en aménageant la cognition conflictuelle
LĂ , le sujet va se dire que ce n’est pas lui qui est aux manettes, la responsabilitĂ© incombe Ă  l’expĂ©rimentateur. C’est l’Ă©tat agentique, le sujet se dĂ©douane de sa responsabilitĂ©, donc la dissonance disparaĂźt. Si l’on regarde bien le jeu de la mort, on voit qu’une fois que les sujets ont atteint cet Ă©tat agentique (aprĂšs avoir bien demandĂ© si l’animatrice prenez la responsabilitĂ©) ils n’ont plus de tension, la dissonance a disparu avec cette justification.

3. Justifier son comportement/sa cognition en ajoutant de nouvelles cognitions.
Ce sont par exemple les sujets qui, aprĂšs coup, disent Ă  l’expĂ©rimentateur que de toute façon ils n’y croyaient pas, savaient que c’Ă©tait faux. Or, la tension est rĂ©elle, il y a tout un faisceau d’indices qui permet de dire avec certitude qu’ils croyaient en la situation.
Dans d’autres contextes, cela peut ĂȘtre de trouver des moyens de « rĂ©parer » l’Ă©cart entre le comportement et l’attitude (par exemple, si on a dĂ©cidĂ© de faire un rĂ©gime et qu’on mange un gĂąteau, c’est s’imposer un temps de sport).

Donc la dĂ©prime qu’on peut avoir Ă  faire des choix dissonants est un potentiel Ă  ne pas ignorer, c’est un appel interne Ă  Ă©couter et Ă  prendre en compte : c’est un appel Ă  rĂ©flĂ©chir pour trouver une solution en accord avec nos valeurs et non se rĂ©signer/dĂ©nier/rationnaliser. ForcĂ©ment, c’est plus coĂ»teux en terme d’énergie mentale, en terme de rĂ©flexion, en terme de rĂ©volution personnelle (voire de rĂ©volution tout court : quand un sujet dans Milgram quitte la situation, dĂ©sobĂ©it, il arrĂȘte toute la mĂ©canique mise en place, c’est en quelque sorte une rĂ©volution), en terme d’imagination et de crĂ©ativitĂ© (les situations rĂ©elles sont plus riches en choix que les situations expĂ©rimentales, donc on peut vĂ©ritablement inventer d’autres mĂ©canismes dans des systĂšmes).

D’autres explications pour le terme dissonance cognitive et la rationalisation :

 

  • TribunDeLaPlebe : @Viciss&Gull: une dissonance cognitive  non rĂ©solue mĂšne t elle au burn out?

Comme on l’a vu dans la prĂ©cĂ©dente rĂ©ponse, on peut trĂšs bien rĂ©soudre une dissonance cognitive sans qu’elle nous coĂ»te de l’énergie : par exemple en abandonnant ses valeurs ou en « rationnalisant »(au sens psychologique du terme). Le burn out peut Ă©galement se ressentir pour des activitĂ©s trĂšs agrĂ©ables voire Ă  flow, mais qui nous dĂ©bordent totalement ou qu’on n’arrive Ă  cadrer et oĂč l’on s’y Ă©puise. Le burn-out a pour synonyme le surmenage : on a trop, beaucoup trop Ă  faire.

Cependant, je crois voir ce que tu veux dire  : par exemple dans les mĂ©tiers liĂ©s Ă  la vente, au service Ă  la clientĂšle, les employĂ©s sont par exemple obligĂ©s de sourire, d’ĂȘtre aimable et cela mĂȘme s’ils n’ont pas eu de pause depuis des heures, qu’ils ont faim/soif, sont fatiguĂ©s, dans le bruit et la cohue et qu’en plus, le client en face d’eux commencent Ă  les accuser des prix du magasins qu’ils n’ont pas dĂ©cidĂ©s.
On est dans une situation de « taylorisme du sourire » (terme trĂšs juste de Paul AriĂšs, un penseur qu’on aime Ă  Ă©couter) voire carrĂ©ment de dictature de l’attitude : tout le corps et l’esprit de l’employĂ© nĂ©cessiterait de s’écarter de cette cohue, ne pas s’occuper du client hors de lui, mais il y est obligĂ© et avec le sourire. LĂ , le problĂšme n’est pas la dissonance, ni le conflit entre ordre et situation rĂ©elle, le problĂšme c’est le cadre d’activité : une entreprise sensĂ©e ne devrait pas laisser s’Ă©puiser ainsi ses employĂ©s, c’est totalement irrationnel de presser les gens comme des citrons.

Mais parfois, et il faut le reconnaĂźtre, les personnes elle-mĂȘme se pressent comme des citrons au travail, alors que personne ne les obligent que mĂȘme le travail n’a pas besoin de tant de leurs efforts. Il faut se questionner sur ce qu’on fuit dans ces cas-lĂ , pourquoi on a tant besoin de montrer qu’on se tue au travail, qu’a-t-on Ă  prouver ? Qui devons-nous convaincre ? Quelle pression sociale nous pousse ainsi Ă  nous tuer Ă  la tĂąche, alors qu’on pourrait tout aussi bien exceller sans s’y tuer ? Il y a des rĂ©ponses personnelles Ă  ces questions, d’autres plus sociales, liĂ©s au brutalisme ambiant, aux peurs sociales (peur du chĂŽmage, peur de perdre sa place
). Mais attention, ces entreprises aux mĂ©thodes douteuses prennent aussi cet argument pour protĂ©ger leur organisation alors qu’elle est directement liĂ©e au burn-out des personnes.

On a parlĂ© de tout ça dans l’Homme formatĂ©.

  • captncavern  : Ça existe les gens qui se servent des badges pour appeler les  vendeurs (ou autres) qu’ils ne connaissent pas  par leurs prĂ©noms ?

Oui ! Toujours Ă  Mcdo, j’avais des collĂšgues qui se faisaient appeler par leurs prĂ©noms, dans la rue, par des clients-dragueurs ou ivres. GĂ©nĂ©ralement, dans les milieux professionnels oĂč l’on cĂŽtoie des personnes ivres, c’est plus qu’habituel la familiaritĂ© dĂ©placĂ©e.

 

Autre questions

 

  • SkeletN : Quelles chaines youtube vous conseilleriez ?

  • Werther : vous connaissez d’autre chaĂźne de youtubeur sur la manipulation ou la psychologie social ?

On a répondu lors du live mais on remet les liens ; la tronche en biais explique trÚs bien certaines notions de psychologie sociale :

Il y a également psynect qui le fait super bien :

Pour de la psychologie plus clinique (mais pas que) et de la psychiatrie , il y a le psylab :

Pour l’aspect communication, il y a cygnification :

et son site : http://www.cygnification.com/

Sorti du contexte psycho, on aime également le stagirite :

Et, forcément, on aime Usul :

Et forcĂ©ment les headbang science qui commencent Ă  ĂȘtre bien remplis en sujets, et la vidĂ©othĂ©que d’alexandrie !

Tout d’abord merci ! J’ai eu peu de retour sur cet article, je ne savais pas s’il avait Ă©tĂ© lu et encore moins s’il avait intĂ©ressĂ© 😀 Alors comme tu l’as lu, l’article en soi parle de notions assez abstraites, la transmutation en vidĂ©o risque d’ĂȘtre trĂšs laborieuse si l’on veut qu’elle intĂ©resse. Sachant qu’en plus la TAD est fortement liĂ©e au concept de Flow, on peut mĂȘme rapidement dĂ©river sur le jeu-vidĂ©o, ça peut ĂȘtre compliquĂ© Ă  gĂ©rer. Pour l’instant, le programme des vidĂ©os futures (la « future box »:D) est complet. AprĂšs, ce qui peut ĂȘtre possible, c’est d’extraire une expĂ©rience de la TAD ou du flow pour un XP, ce serait dĂ©jĂ  plus facilement rĂ©alisable.

 

  • Werther : Pourrais ton faire un live sur votre vidĂ©o du syndrome du grand mĂ©chant monde ?

  • Runreard  -> vous pensez refaire des lives ?

Oui on en refera (sur quelle vidĂ©o, on ne sait pas encore), c’Ă©tait une expĂ©rience fort sympathique !
Merci Ă  tous ceux qui Ă©tait prĂ©sent sur le chat pour vos discussions, vos questions fort intĂ©ressantes, la bonne ambiance et la sympathie ambiante ! Vous nous avez fait cadeau de conditions idĂ©ales 🙂

Chayka Hackso Écrit par :

Gardienne de l'Ăźle d'Horizon, grande prĂȘtresse du culte du caillou. Si vous souhaitez nous soutenir c'est par ici : paypal ♄ ou tipeee ou ♣ liberapay ; pour communiquer ou avoir des news du site/de la chaĂźne, c'est par lĂ  :

4 Comments

  1. 25 septembre 2016
    Reply

    Tout d’abord, fĂ©licitations pour votre site, et pour vos vidĂ©os. MĂȘme si je m’apprĂȘte Ă  exprimer un profond dĂ©saccord sur un des points abordĂ©s — l’uniforme scolaire —, je tenais Ă  commencer par lĂ , et Ă  vous remercier. Moi aussi, je veux ĂȘtre un Bisounours.

    Mais l’uniforme scolaire, donc. Je crois que vous n’avez pas vraiment pris le temps de rĂ©flĂ©chir au sujet. Ce n’est pas la volontĂ© de lutter contre les discriminations qui est Ă  l’origine de l’uniforme. Commençons nĂ©anmoins par lĂ .

    Est-ce parce que le gĂ©nie humain n’est jamais Ă  court de motifs de discrimination qu’il faut critiquer une solution qui en supprime au moins un, les fringues ? Le boutonneux Ă  cheveux gras mal sapĂ© aurait de toutes façons Ă©tĂ© raillĂ© et pour ses boutons et pour ses cheveux et pour ses habits. Eh bien, avec l’uniforme, au moins ne serait-ce pas pour ses vĂȘtements.

    Je vois pour ma part quantitĂ© de vertus Ă  l’uniforme scolaire, qui au passage ne concerne pas que les adolescents — pourquoi limiter cette question au collĂšge et au lycĂ©e comme vous le faites en parlant d’adolescents ? Au Royaume-Uni, par exemple, l’uniforme scolaire se porte souvent dĂšs l’école primaire.

    En vrac.

    — Limiter la pĂ©nĂ©tration des marques dans l’établissement.
    Je ne suis certes plus tout jeune, mais pas encore non plus un vieux croulant. Durant ma scolaritĂ© au collĂšge, dans la seconde moitiĂ© des annĂ©es 1980, j’ai portĂ© l’uniforme, sous sa forme la plus basique et la moins esthĂ©tiquement recherchĂ©e qui soit : la blouse. Quand j’étais en troisiĂšme, un condisciple s’est ramenĂ© avec un blouson ridicule (marquĂ© d’un Ă©norme logo de marque Ă  la con). On s’est bien fichu de lui, le pauvre ! Enfin, dans son dos, surtout, ce qui n’est pas trĂšs glorieux. Je crois que ce port de la blouse par tous avait nourri en beaucoup d’entre nous un certain Ă©tat d’esprit de dĂ©fiance vis-Ă -vis de la mode vestimentaire et des marques tape-Ă -l’Ɠil.
    Il paraĂźt que la publicitĂ© est interdite Ă  l’école — sauf bien sĂ»r quand il s’agit de signer un partenariat avec l’entreprise cofondĂ©e par un certain Gates, par exemple. Eh bien, l’uniforme, c’est aussi le refus de voir les Ă©lĂšves transformĂ©s en hommes-sandwichs dans l’enceinte de l’établissement. Ne serait-ce que pour cette raison, je dĂ©fendrais l’uniforme scolaire.

    — Donner la chance aux enfants et adolescents d’ĂȘtre « bien habillĂ©s ».
    Pas avec la blouse, certes. Je pense ici aux uniformes anglais, qui souvent sont trĂšs jolis. Bon, question de goĂ»t, soit. NĂ©anmoins, porter veste, chemise et cravate (pour les garçons, mais parfois aussi pour les filles), etc. peut donner le sentiment d’ĂȘtre Ă©lĂ©gant Ă  des jeunes dont le milieu social d’origine ne les destinait pas forcĂ©ment Ă  vĂȘtir un jour ce type d’habit. Ce que je veux dire, c’est que le port d’un tel uniforme peut ĂȘtre valorisant pour les Ă©lĂšves, surtout ceux de milieu modeste.

    — CrĂ©er une coupure entre l’établissement scolaire et le reste du monde, contribuer Ă  une mise en condition. Conditionnement ? Oui. Mais je ne considĂšre pas cela comme forcĂ©ment mauvais. Tout dĂ©pend de ce qui en est fait. L’idĂ©e ici est de disposer Ă  l’apprentissage.

    — Contribuer Ă  la naissance et Ă  l’entretien d’un esprit de corps. Bien sĂ»r, dĂ©rives possibles. Mais le versant positif, c’est la mise entre parenthĂšses de son Ă©goĂŻsme, le sentiment de contribuer Ă  la vie d’un groupe plus important que sa propre personne. C’est la mĂȘme logique que les maillots d’une Ă©quipe sportive : mĂȘme les Ă©quipes de water-polo ont leur uniforme alors qu’il n’a aucune utilitĂ© pratique (on ne voit guĂšre les maillots depuis la surface et il suffirait de bonnets numĂ©rotĂ©s de couleurs diffĂ©rentes pour distinguer les deux Ă©quipes qui s’affrontent). Idem pour les chƓurs, souvent, qu’ils soient d’adultes ou d’enfants. Ou encore dans les monastĂšres et couvents.
    Une des failles des sociĂ©tĂ©s occidentales actuelles, c’est, me semble-t-il, la disparition du sentiment d’appartenance collective et l’encouragement Ă  l’égoĂŻsme, travesti sous le nom usurpĂ© d’individualisme.

    Pour ma dĂ©fense de l’uniforme scolaire, j’ajouterai que cet uniforme, on l’enlĂšve une fois sorti. Dehors, chez lui, l’élĂšve n’est plus Ă©lĂšve et s’habille comme il veut — ou peut. S’il estime que la construction de sa personnalitĂ© passe par quelques bouts de tissu plutĂŽt que par sa culture et ses actions, ce n’est pas l’uniforme qui va l’empĂȘcher de se vĂȘtir comme il l’entend l’essentiel de son temps.

    Apprentissage de la soumission, l’uniforme scolaire ? Peut-ĂȘtre. L’enseignement collectif industriel tel que nous le connaissons est une horreur de toute façon : l’uniforme n’y change rien, et au moins Ă  cet Ă©gard annonce-t-il la couleur. Bref, il a le mĂ©rite de la franchise : Ă©lĂšve, vous ĂȘtes soumis aux rĂšgles de l’établissement, point.
    Anecdote. Adulte, j’ai vĂ©cu deux ans dans un quartier chaud du nord de Paris, Ă  deux pas d’un Ă©tablissement secondaire. Il m’est arrivĂ© de passer devant en dĂ©but d’aprĂšs-midi. Quand la sonnerie retentissait, c’était un spectacle Ă©tonnant que de voir ces jeunes probablement difficiles, pour beaucoup, entrer en rang d’oignons, bien soumis et disciplinĂ©s Ă  l’appel de la cloche. « Des moutons tristes  », me disais-je. Sans jugement de valeur : eussĂ©-je, moi, eu le courage de sĂ©cher les cours, Ă  leur Ăąge, si je n’avais pas aimĂ© l’école ? Certainement pas. D’ailleurs, mĂȘme aimant l’école, n’eussĂ©-je pas prĂ©fĂ©rĂ© la plupart du temps rester Ă  la maison, ou me promener, Ă  me rendre ainsi en cours ? Ces Ă©lĂšves aux airs de gros durs mais soumis me renvoyaient Ă  ma propre docilitĂ©.

    Autre anecdote, pour finir. L’uniforme peut ĂȘtre l’occasion de formes d’insoumission paradoxales. Comme je le disais, j’ai connu le port de la blouse obligatoire au collĂšge et au lycĂ©e (Ă©tablissement catholique sous contrat). Chaque annĂ©e, nous accomplissions une sorte de petit pĂšlerinage appelĂ© « route de priĂšres ». Personne ne mettait alors sa blouse
 sauf moi. Un professeur me dit une fois : « Thomas, tu sais, aujourd’hui, tu peux enlever ta blouse. — Non, non, ça va, je prĂ©fĂšre la garder. » Je jubilais, parce que cet enseignant du coup ne voyait plus que dire ou faire, et je savais qu’on ne me punirait pas ni mĂȘme ne me rĂ©primanderait pour vouloir appliquer le rĂšglement Ă  la lettre : petite revanche de l’agneau.

    L’autoritĂ© est aussi ce sur et contre quoi l’on se construit.

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