[Table Ronde] OnVautMieuxQueCa : présentation et débat autour de la question du travail

Viciss Hackso Écrit par :

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7 Comments

  1. DELASALLE
    16 mars 2016
    Reply

    Bonjour,

    Je souhaiterais réagir par rapport à la théorie du deuil que vous jugez comme mauvaise. Je peux effectivement comprendre que cette théorie est utilisée par certains managers pour mettre la pression aux employés.

    Cependant, il ne faut pas faire de généralité. Je ne vous cacherai pas que je suis effectivement formé à utiliser cette forme managériale.
    La théorie ne dit pas qu’il faut pousser à bout les employés mais bien que cela doit être un accompagnement, dans la gestion du changement dans l’entreprise (modification du poste de travail, des horaires, etc …).

    Le manager se doit d’être à l’écoute du personnel, de prendre les avis de ceux-ci et d’amener le changement nécessaire à l’entreprise avec les demandes des employés. Ce doit être un travail de groupe basé sur le ressenti de l’employé.
    Cette théorie représente simplement les différents stades par lesquels tout être humain passe, à plus ou moins long terme, face à un changement qui touche à son quotidien. Elle est là pour permettre au manager de comprendre les différents comportements et accompagner les personnes suivant le stade où elles se trouvent dans l’évolution du changement.

    Le but premier des formations à cette méthode managériale est justement d’échapper à cet effet « expérience de Milgram ».

    Tout cela pour signifier qu’effectivement il y a des abus certains, mais il ne faut pas détruire une théorie qui, lorsqu’elle est parfaite menée permet au contraire d’améliorer le quotidien des employés, via une écoute, une prise en compte de leur avis.

    Etienne DELASALLE

    • Equipehackingsocial
      16 mars 2016
      Reply

      Alors pour plus de précision, voici ce que nous avons écrit dans « l’homme formaté » à ce sujet (à consulter p395 ici pour l’intégralité http://hacking-social.com/wp-content/uploads/2015/07/lhomme-format%C3%A9-red-3.2.pdf ) :

      Dans le cadre d’une recherche sur les maladies en phase terminale, Élisabeth Kübler-
      Ross psychiatre et psychologue, conçoit les « cinq phases du mourir » ; ces étapes sont
      également les mêmes – selon elle – lors de pertes catastrophiques (mort d’un proche, perte
      d’emploi, divorce, annonce d’infertilité…). Elle parle donc, avec ces étapes, d’un ressenti face
      à l’adversité, d’événement inéluctable, qu’on ne peut ni modifier, ni changer.
      Cependant, on retrouve ce schéma partout appliqué aux changements dans l’entreprise,
      [,,,]
      Par ce schéma, on délivre en filigrane aux managers des apprentissages clairement dou –
      teux :

      — Les changements doivent être imposés aux salariés.
      — Ces changements ne sont pas négociables.
      — Ces changements sont forcément une fatalité irréversible qu’il faut faire passer en force,
      qu’importe si le salarié passe par la case colère et dépression, il finira par l’accepter.
      — Connaître les différents états d’âme du salarié durant ces phases de changement impo-
      sées permet de se détacher, de ne pas être influencé par leurs révoltes/sabotages/demandes de
      négociation/dépressions : ils finiront par accepter.
      — Il ne faut absolument rien faire, si ce n’est hocher la tête ou écouter, c’est le temps qui
      finira par faire accepter aux salariés la situation changée.
      — Le salarié subit le changement, il n’a aucune prise sur lui, du moins on ne lui en laissera
      pas (on ne répond pas à la phase marchandage/négociation/argumentation). Donc, certes, le
      manager se doit de le nommer « collaborateur », mais dans les faits il est un subordonné subis-
      sant, devant obéissance et abnégation.
      — Le salarié ne peut être acteur dans le changement.
      — Le manager n’est qu’un outil de plus appliquant le changement décidé par de plus hautes
      instances. Lui non plus ne doit pas « marchander » ou remettre en cause le changement. Il sert
      en quelque sorte de pare-feu à ses supérieurs : il doit subir les états d’âme des salariés, résister à
      la tentation de prendre en compte leurs arguments pour imposer le changement, faire preuve de
      fausse empathie pour que la colère et la dépression ne s’expriment pas de façon trop virulente
      (une vraie empathie autoriserait les négociations).
      « [étape dépression/tristesse] Une étape décisive, mais délicate en entre-
      prise : la tristesse peut y prendre la forme de l’abattement, du découragement,
      de la nostalgie. Elle croit progressivement jusqu’à la « dépression ». Paradoxe
      de cette étape : elle donne l’impression d’aller vers le pire, alors qu’elle clôt la
      descente et mène au renouveau ! C’est l’étape de transition vers la phase as-
      cendante. Un déclic au cours de cette phrase annonce la fin de la descente et le
      début de l’ascension. — fin de la phase de descente, début de l’ascension — »
      Source : http://ccformation.com/tag/accompagner-le-changement/
      — La dépression est ici le signe avant-coureur de l’acceptation… Donc si le collaborateur
      cumule les arrêts maladie, les cachets, ce serait bon signe selon les dires de ce schéma appliqué
      à l’entreprise…
      Non. La dépression n’est jamais le prélude d’un bien-être, c’est une situation qui peut virer
      au drame rapidement. La dépression n’a rien d’une petite tristesse et l’ascension qui la suit mène
      parfois « au ciel »…
      Prendre un schéma destiné à des situations dramatiques pour l’appliquer à des situations de
      changement en entreprise entretient une confusion entre des termes qui ne sont pas à prendre
      à la légère : « dépression », « deuil »… ; mais plus que tout autre chose, les changements en
      entreprise ne sont pas inéluctables : ils ont été décidés par des humains, on peut donc les chan-
      ger, les négocier, les construire ensemble. Pour reprendre la confusion induite par l’utilisation
      erronée de ce schéma, c’est comme si un médecin disait que votre bras cassé n’était pas répa-
      rable, qu’il fallait s’y adapter ; qu’il refusait vos idées de plâtres ou autre traitement ; que lors de
      votre phase de dépression il se contentait de dire « oui, c’est triste de devoir faire le deuil de son
      bras droit » et qu’il vous encourageait juste à écrire de la main gauche à présent. Il impose le
      fatalisme d’une situation qui vous nuit alors qu’il pourrait gérer cela tout autrement, voir vous
      guérir s’il avait pris en compte vos solutions.
      Ce schéma appliqué à l’entreprise est clair : vous subirez nos décisions et, vos cris, vos
      arguments, votre comportement, n’y changeront rien, et cela même si vous avez les plus bril-
      lantes des solutions, de toute façon on ne les écoutera que pour vous calmer, certainement pas
      pour les mettre en œuvre.
      Cependant, ne soyons pas mauvaises langues, il existe effectivement des changements
      inéluctables en entreprise : dans l’exemple du tableau, c’est le départ d’un directeur qui était
      aimé de tous. La coach en déduit que dans une telle situation, le manager n’a pas de mesure à
      prendre, qu’il n’a pas à intervenir, qu’il doit juste être à l’écoute. En effet, il ne pourrait pas, de
      toute manière, faire revenir le directeur en question et ne peut que rassurer ou informer. Soit.
      Mais quel intérêt alors de prendre appui sur un schéma destiné aux personnes affectées
      par un traumatisme ? Le directeur n’est pas mort, les départs sont courants en entreprise, rien
      n’empêche les salariés de le revoir dans d’autres situations. La seule angoisse peut être de se
      retrouver avec un mauvais directeur, mais cela, seul le temps le dira. Cela n’a – en apparence –
      strictement aucun intérêt dans une telle situation. Cependant c’est révélateur : avec ce schéma
      on rationalise les états d’esprit perçus chez autrui, donc on les distancie de soi, on les observe
      comme des phénomènes quasi-mathématiques. Cela permet de ne pas être affecté par autrui,
      ou si on est psychopathe ou autiste, de comprendre ce qui se déroule. Cela permet de savoir
      quoi faire, ici, c’est-à-dire rien. Cela cadre donc les sadiques qui seraient tentés de se mettre
      en colère ou de punir ceux dont l’humeur lui déplaît. Ce schéma pallie donc à l’incompétence
      ou à la pathologie mentale, aux troubles de la personnalité. Si les managers ont besoin de tels
      schémas pour des situations de changement si quotidiennes, c’est qu’il y a un énorme problème
      de recrutement, de promotions : l’humanité, l’empathie, la compréhension naturelle du genre
      humain ne sont clairement pas à l’ordre des priorités chez le recrutement du manager, or c’est
      ce qui devrait prédominer étant donné la fonction sociale de ce métier.
      Mais on peut raisonner ce problème différemment : à force d’apprendre aux managers à
      utiliser ces outils, rationaliser tout et n’importe quoi, notamment ce qui n’est pas de l’ordre du
      rationnel, on les déforme à perdre tout sens commun permettant d’exercer naturellement et
      correctement son empathie.
      Ceci dit, nous ne pensons pas que ce schéma est là pour pallier un manque d’empathie
      ou de compréhension ; il n’est pas là pour cadrer les dérives des managers ni qu’il a pour but
      de faire rationaliser les banals changements; toute son utilité est clairement révélée dans les
      situations où il faut imposer le changement traumatique (licenciement, réorganisation, muta-
      tions…) et prendre ce schéma réservé au deuil n’est pas juste une terrible maladresse, c’est un
      parallèle qui porte une vérité dérangeante : oui, imposer le changement revient à imposer de
      faire passer par un traumatisme. Cependant, ce que masque ce schéma, lorsqu’il est appliqué
      à l’entreprise, c’est que le changement pourrait ne pas être subi aussi violemment, il pourrait
      être « marchandé », négocié, construit avec les victimes du changement. Ce schéma ne sert
      donc que le pouvoir des décisionnaires, enlève tout pouvoir aux subordonnés, aux managers
      sur la situation.
      En résumé :
      — Ce schéma sert le pouvoir des décisionnaires : leurs décisions se font passer pour des
      faits inéluctables qu’on ne peut que subir, managers comme subordonnés.
      — Ce schéma, appliqué à des faits cette fois irréversibles (départ d’un collaborateur…) n’a
      strictement aucune utilité.
      — Ce schéma entretient de graves confusions en entreprise : la dépression est vue comme
      une étape positive qui mène à l’acceptation ; de là il n’y a qu’un pas pour penser qu’il faut que
      le salarié passe par la dépression pour accepter un changement dans l’entreprise, ce qui est
      gravissime.
      — Ce schéma prive de toute voix les subordonnés et managers : leurs arguments, idées,
      leurs actes sont certes écoutés, mais certainement pas considérés comme possiblement appli-
      cables.
      Donc… ce schéma est signe d’un échec
      Pour avoir besoin d’un tel outil, c’est qu’on a laissé les problèmes de l’entreprise évoluer,
      que les décideurs n’ont pas su s’adapter au fur et à mesure des changements ou encore que le
      commanditaire qui met en place ce schéma est autoritariste ou a un problème avec son pouvoir
      (il veut le prouver par exemple).
      Il n’y a pas de traumatisme quand on sait s’adapter, qu’on règle les problèmes quand ils
      arrivent : mais cette capacité d’adaptation qui nécessite d’être en cohérence avec le présent, a
      également besoin que les salariés soient le plus autonomes possible, qu’ils soient responsabili-
      sés et qu’il y ait une organisation favorable à la communication, avec peu de postes à niveaux
      intermédiaires par exemple. Cela nécessite une transparence : les décideurs doivent partager
      leurs idées, leurs stratégies avec le bas ; cela nécessite que le bas puisse influencer le haut et
      impacter les stratégies en fonction des domaines de connaissance qu’ils ont chacun. Cela né-
      cessite de ne pas avoir de plan rigide, d’organisation rigide, et que chacun ait plus de plaisir
      à réfléchir à l’activité plutôt qu’à son profit ou pouvoir personnel. Utopique ? Pas du tout, on
      verra à la toute fin que des entreprises fonctionnent ainsi, et même de très grandes entreprises.

      —————————————————————————————————————-

      Voilà pourquoi nous pensons que le schéma de deuil appliqué à l’entreprise est une catastrophe:)

      • DELASALLE
        16 mars 2016
        Reply

        Effectivement, je suis en accord avec la plupart de vos arguments. Ce que j’essayai de faire passer comme info à travers mon commentaire c’est qu’on peut utiliser ce schéma sans en arriver à la dépression, etc … en préservant la santé des employés en empêchant de leur faire subir un changement non-négociable.

        Lors de changements nécessaires à l’évolution de l’entreprise, en terme de chiffre, de sécurité, etc… il est possible d’enrayer ce processus vicieux via la création d’un groupe de travail intégrant les personnes concernées et de discuter avec eux des améliorations qu’ils estiment nécessaires à de bonnes conditions de transition.

        Les premiers à être impactés quotidiennement doivent évidemment peser dans la balance. Le but de ce groupe est donc de mettre en place un système prenant en compte leurs demandes, en essayant sur une période donnée les idées en jaillissant, puis conjointement, de valider ou bien de modifier le système jusqu’à ce qu’un compromis soit trouvé.

        J’ai pu moi-même mener ce genre de projet en PME et cela fonctionne, personne n’a fait de dépression, et évidemment il y a eu un temps d’adaptation pendant laquelle un suivi est nécessaire, et chaque idée d’amélioration se doit d’être pris en considération par ce même groupe de travail.

        Un gros point sensible par rapport au groupe de travail est le rapport des employés, portes-parole, présents au groupe de travail et ceux qui n’y sont pas. Il peut apparaître un rejet de ces portes-parole, de la part de leur collègues : « T’es avec eux ! », « Vendu ! », « Ça y est t’es de leur côté maintenant ? T’as oublié d’où tu viens ! ». Il est donc nécessaire de faire avant toute chose une réunion explicitant clairement le but du projet, et demandant une participation volontaire basée sur cette collaboration et ayant pour but de connaître leurs besoins. Sans eux, le projet n’aboutirait clairement pas. Il est concrètement impossible de réaliser les véritables problèmes quotidiens des employés si ils ne les exposent pas ou si l’on n’a jamais été à leur place.

        Tout n’est donc pas mauvais dans ce management et des entreprises sont déjà positionnées sur une véritable écoute et prise en compte des besoins des employés. Les annonces sur les décisions sont en effet indispensables et de véritables discussions (débats et prise en compte des avis) sur ces décisions doivent être possibles entre la direction et les employés.

        • Equipehackingsocial
          16 mars 2016
          Reply

          Alors aussi bienvaillantes soit les utilisations du schéma du deuil (et c’est à tout à ton honneur), c’est le fondement même d’employer un outil réservé aux personnes subissant des situations inéductable qui me semble indécent : rien n’est ineductable en entreprise, même quand il y a faillite, on peut négocier, faire des arrangements (à l’inverse dans le schéma de deuil en psychologie, on peut pas faire des arrangements avec un cancer en phase terminale).
          Donc non seulement cela me semble inutile d’employer le schéma de deuil en entreprise, mais dangereux d’assimiler une situation qu’on peut négocier à quelque chose qui serait inchangeable.
          Voilà ce que j’avais proposé à la place, qui me semble beaucoup plus respectueux (c’est la suite de ce que j’avais copier/coller précédemment) :
          Un contre-schéma de deuil pourrait se présenter ainsi dans une entreprise souple, plus horizontale, moins autoritariste :
          1. Communication des problèmes auxquels s’attendre, des problèmes survenus. Le haut comme le bas se préviennent mutuellement, au plus rapidement, pour ne pas laisser le pro-
          blème s’étendre.
          2. Partage des idées pour solutionner le problème, pour faire de l’ennui un avantage ; le bas comme le haut apporte son point de vue. Cela peut être des astuces du « bas » pour faire
          des économies sur le matériel, pour le rendre plus efficace ; ou encore des idées pour avoir des gains supplémentaires…
          3. Tri/vote/négociation : les gestionnaires comme les salariés réfléchissent à l’opérationnalisation des idées, leurs limites, puis choisissent ensemble les solutions qui semblent les
          meilleures pour l’entreprise et les personnes.
          4. Expérimentation des solutions, avec résultats visibles pour tous (par exemple, s’il s’agit de faire louer les bureaux inutilisés pour faire face à une baisse du chiffre d’affaires, on affiche
          les économies et fait voir si elles arrivent à contrer la baisse du chiffre d’affaires).
          5. Adoption des solutions expérimentées qui ont résolu les problèmes.
          Impossible de suivre un tel schéma dans des grandes entreprises ? Il suffit de diviser en groupes, en petits secteurs, en équipes-projet, en « cellules » spécialisées autour d’une question. Le changement n’est plus un « traumatisme », il est un défi, une aventure et une possibilité d’évolution positive, d’innovations, d’expression de la créativité et d’amélioration de l’organisation. Cela implique les salariés, rend plus intéressant leur quotidien, les responsabilise, leur fait développer et exprimer des compétences que leur travail habituel ne permettait pas, fait d’énormes économies (moins d’appel à des services extérieurs), cela évite le conflit et sauve
          des emplois ; le seul « sacrifice » est celui du fantasme d’omniscience et d’omnipotence des décideurs et chefs, des préjugés sur le « bas ».

  2. pharmacienne
    20 mars 2016
    Reply

    Bonjour.

    Je voulais vous remercier d’avoir lu mon témoignage. Ça peut vous paraitre bizarre, mais le fait d’entendre mon témoignage lu par verso m’a donné l’impression qu’une distance s’est créée entre cette mauvaise expérience et moi. Enfin, je ne sais pas comment l’expliquer, mais c’est comme si le fait d’avoir écrit tout cela (et de l’entendre lire aussi, peut être) m’avait permis de poser ces mauvais moments à coté de moi.
    Enfin voilà, juste merci.

  3. Seb
    27 mars 2016
    Reply

    Bonjour,

    Juste une petite question vous parlez de 200 de suicides dans la période de 2008/2009 chez France Telecom, j’ai l’impression que c’est plutôt une quarantaine non ? Comment avez vous trouvé ce chiffre ?

    Merci

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