⬛ Bashing, tous concernés

Ce qui vient d’être publiquement révélé par Mediapart (voire vidéo ci-dessous) m’incite à inviter chacun et chacune à la plus grande précaution concernant ces rumeurs sur les RS qui participent à nuire à la réputation de nombreuses femmes.

Ce schéma de bashing sur des meufs me semblent tristement récurrent, et très souvent quand les faits sont dévoilés (comme présentement) on voit apparaître les effets destructeurs que cette entreprise de dénigrement a pu avoir sur elles.

Plus encore, ce type de bashing participe à silencier la parole de celles ayant été abusées, à les isoler, à les empêcher de contacter d’autres femmes qui auraient pu être abusées, ne leur permettant pas de trouver ne serait-ce qu’une oreille pour les écouter avec bienveillance.

C’est une arme redoutable, perfide, lâche, que les agresseurs peuvent utiliser dès lors qu’ils ont un peu de notoriété et d »influence sur la toile.

Et à ceux qui encore posent la question « pourquoi elles en ont pas parler plus tôt? », voilà un exemple très concret.

Ce type de bashing, ce n’est pas un phénomène isolé, et il est tout à fait possible que cela se réitère encore dans ce milieu des vidéastes/créateurs sur le web (comme ailleurs).

Ainsi, si vous voyez sur les RS des femmes très précisément ciblées par des rumeurs dénigrantes comme pour délégitimer leur parole, leur création, leur travail, via des rumeurs, des discours méprisants les faisant passer pour incompétentes, manipulatrices, « folles »(etc.)

SVP, n’y participez pas ! Et si vous rétorquez: « oui mais on ne peut pas savoir, comment distinguer le vrai du faux? », eh bien c’est simple, la question du vrai du faux n’a même pas à se poser, il suffit tout simplement de ne pas participer à ce dénigrement.

A titre très personnel, quand je vois ce type de bashing disproportionné que ce soit sur les RS, mais aussi en interne sur, par ex, des discords de créateurs, j’ai plutôt le réflexe d’y voir un indice d’alerte, surtout quand je vois les dynamiques sociales qu’il y a derrière, surtout quand je vois les mêmes discours infondés et que ceux qui les propagent ne savent même pas pourquoi ils le font (et avouent, quand je les interroge, ignorer ce qu’il y a derrière), je redoute d’être là face à une entreprise de bashing du même type.

Ce qui vient d’être publié hier doit donc collectivement nous alerter, tout autant pour les vidéastes/créateur·rices que pour les viewers et n’importe qui sur les RS: quand il y a tant de dénigrement sur une femme, où tout est flou, où les personnes qui propagent eux-mêmes ces rumeurs peinent à savoir pourquoi ils le font, c’est là un gros indice que quelque chose ne va pas. Vraiment !

Lors d’une intervention récente à un évènement où je parlais de la croyance en un monde juste, j’évoquais ce qu’on nomme la  » victimisation secondaire »: « Réactions négatives envers la victime d’une agression de la part des personnes à qui elle parle de l’agression, se confie ou demande de l’aide. » [Joane Turgeon, 2003].

Le bashing orchestré par le ou les agresseurs vient comme enclencher ce type de réactions négatives avant même que la victime n’ait pu pleinement se faire entendre, en lui accolant une « mauvaise réputation », ce qui ajoute à sa crainte de ne pouvoir publiquement en parler y voyant déjà les conséquences négatives. Plus encore, cela mène la victime à internaliser cette réputation, finir par croire qu’elle en est responsable, ce qui est destructeur.

Tout le monde sur les RS peut jouer un rôle quant à la parole des victimes, à la possibilité pour elles de prendre la parole. Quelques conseils en vrac :

  • Ne pas participer à ce type de bashing très facilement identifiable (souvent une meuf qui quoiqu’elle dise sera dévalorisée)
  • Suite à un témoignage, bien avoir à l’esprit que les réactions négatives à l’encontre de la victime sont destructrices (=victimisation secondaire), que vos commentaires seront potentiellement lus, repris, et participeront à s’empiler avec d’autres.
  • Vous ne savez pas que faire quand ces témoignages sortent publiquement ? Un petit mot de soutien c’est déjà pas mal, et quand ces soutiens s’empilent, ça donne de la force aux victimes, et ça contrebalance la victimisation secondaire.
  • Vous ne voulez pas prendre part, en mode « c’est parole contre parole », « on ne sait pas ». Ok. Alors assumez le, ne prenez pas part. Soyez neutre jusqu’au bout si vous le souhaitez en vous abstenant d’intervenir.

J’ai vu passer aussi des commentaires du type « présomption d’innocence », ce qui m’incite à vous partager ce récent Thread de @Lawphilisee :
https://twitter.com/Lawphilisee/status/1540075718104727554

Soutien à nouveau aux personnes qui ont pris la parole, et soutien (par avance) à toutes les autres personnes concernées par ce type de violence, aujourd’hui comme demain.

Ceci était initialement un thread, disponible également ici : https://twitter.com/ChaykaHackso/status/1540249849840472064

Chayka Hackso Écrit par :

Gardienne de l'île d'Horizon, grande prêtresse du culte du caillou. Si vous souhaitez nous soutenir c'est par ici : paypal ♥ ou tipeee ou ♣ liberapay ; pour communiquer ou avoir des news du site/de la chaîne, c'est par là :

4 Comments

  1. Anonyme
    24 juin 2022
    Reply

    Bonjour Chayka,
    Je suis tout à fait d’accord avec le fait qu’une victime n’a pas à être dénigré et qu’aucun bashing n’est tolérable.
    Cependant, est-ce que tu considères que, bien souvent, le soutien de la victime passe aussi par le dénigrement de l’accusé ?
    Les exemples d’hommes voyant leur vie sociale profondément détruite ne manque pas et même lorsqu’ils sont innocentés, la plupart du temps leur réputation sont souillés à jamais ( et aucun article médiapart n’ira l’a rétablir bizarrement).
    J’ai l’impression (mais peut-être que je me trompe ?) que le statut de victime devient sacré. Et je ne suis pas sur que cela soit une bonne chose pour nos sociétés.
    J’aurais plutôt tendance à défendre la suspension de tout jugement en attendant un verdict judiciaire.
    Les victimes doivent avoir un soutien psychologique, mais je ne vois pas pourquoi s’exprimer publiquement est nécessaire puisque cela polarise et déclenche des émotions positive pour la victime mais extrêmement négative envers l’agresseur supposé. (Ou l’inverse en fonction du capital sympathie de l’accusé ou de la victime même si on peut constater qu’être une femme victime donne un crédit supplémentaire et enclenche tout un tas de sanction sociale pour l’accusé immédiatement). Parfois Cela donne deux camps qui s’affrontent comme cela a pu être le cas avec l’affaire depp / amber ou chacun défend son favoris.
    C’est à la justice et elle seul de trancher, pas la foule des RS ni médiapart.

    • Anonyme 2
      30 juin 2022
      Reply

      « J’aurais plutôt tendance à défendre la suspension de tout jugement en attendant un verdict judiciaire. »
      C’est contraire à la pensée critique. La justice n’a rien à voir avec la science et n’a aucune valeur de preuve ; surtout que bien souvent dans ces cas-ci il n’y a pas de plainte (et donc aucune décision judiciaire).
      Si on devait se baser sur les décisions de justice pour établir des connaissances, on serait bien dans la mouise.

      Il faut suspendre son jugement puis remonter jusqu’à la source, et si on est dans le cas d’un manque de preuves (témoignage contre témoignage), alors il faut analyser la cohérence, la crédibilité et la probabilité.

      Si on estime qu’on manque d’éléments, alors ne pas se positionner, mais dans ce cas-là ne pas se mêler du débat, la neutralité servant toujours le/la coupable.

      Dans le contexte présent, en creusant on voit bien qu’il n’y a aucun doute sur la culpabilité de l’accusé.

  2. Anonyme
    29 juillet 2022
    Reply

    Bonjour,

    Suite à la lecture de cet article il me vient une petite série de question. Car il m’a toujours semblé étrange de vouloir donner son avis sur une situation, dont on ignore bien souvent les tenants et les aboutissants réels. Que ce soit lorsqu’il s’agisse de personnalités public ou semi-public, ou tout simplement quand on en connait pas ou mal les personnes. Je me demande toujours lorsque ce genre de phénomène parait, qu’est-ce qui fait que tout le monde a envie de donner son avis ? Qui plus est, en ayant bien souvent comme premier réflexe de juger.

    Quel est l’intérêt du bashing collectif ? Qu’est-ce qui fait que les personnes se rangent dans le camps des « basheurs », alors que souvent ils ne connaissent même pas la victime et qu’elle ne leur a peut-être rien fait.
    Est-ce rassembleur ? Cela donne-t-il un semblant d’impression d’appartenir à une même communauté, à un groupe d’opinion commun ?
    Est-ce la même avec le fait de donner son avis publiquement et de juger sans vraiment savoir, une fois que les faits sont mis en lumière ?

    (Je n’ai pas fouillé le site pour voir si dans vos précédents articles un début ou même une réponse complète à mon étonnement s’y trouvait.)

    Vraiment ça m’intrigue toujours autant, alors que pourtant c’est un phénomène extrêmement courant.

    • Anonyme
      9 avril 2024
      Reply

      Salut,

      Perso je fais pas mal de lien avec les notions d’ethnocentrisme, erreur ultime d’attribution (il y a une vidéo là-dessus sur leur chaîne). En gros tu trouverais dans la « communauté de bashing » des gens qui renforcent ton opinion, ta vision du monde, mais aussi tu te crées une nouvelle identité sociale qui sera renforcée si tu adoptes des comportements jugés bons par le groupe (ici le fait de basher)

      Il y a aussi les notions d’internalité et d’allégeance qui me semblent assez intéressantes (tu peux trouver un article sur la norme d’allégeance, ou cherche simplement ces termes sur le blog) car dans des actes de bashing, la faute est jetée en bloc sur les personnes sans rendre compte des déterminations sociales qui ont menées à la situation. Que l’on soit d’accord, il ne s’agit en aucun cas de déresponsabiliser les individus de leurs actes, mais de comprendre ce qui les a menés à les réaliser, cela permet notamment d’ouvrir une voie vers un changement plus global.

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