Vous pouvez changer l’école en mieux

Suite aux vidéos sur le harcèlement scolaire ( https://youtu.be/d2N28xLJKPw?si=tMAWN… ) , certains personnels de l’éducation commentent en disant que ça peut être difficile de mettre en place des modes favorisant l’autonomie.

Les vidéos en question : 

J’entends bien. Mais concrètement, il y a des actes peu couteux et accessibles pour tout le monde : non pas « faire » quelque chose, mettre en place quelque chose, mais plutôt ne plus faire certaines choses. Les comportements propre au cadre contrôlant sont clairement identifiés, et on peut déjà veiller tout simplement à les éviter dans ses propres pratiques. Ces comportements problématiques, en voici quelques-uns :

  • Monopoliser les supports d’apprentissage (=ne pas mettre à disposition facilement des ressources pédago)
  • Donner aux élèves trop peu de temps pour travailler de manière autonome à la résolution d’un pb.
  • Être dans l’injonction avec des formules comme «il faut», «tu dois», etc…
  • De ne pas permettre aux élèves de répondre à leurs besoins physiologiques: les empêcher par ex d’aller aux toilettes, boire de l’eau, garder des vêtements chauds en classe comme son blouson en hiver si la salle n’est pas assez chauffée.
  • Formuler, encourager et nourrir des buts via un système exclusif de récompenses et de punitions (ça détruit tous les besoins psy).
  • Avoir recours aux sanctions.
  • Tout miser sur la performance, c’est-à-dire sur les résultats, et non sur la maîtrise d’une compétence.
  • Mettre en compétition les élèves, notamment via des systèmes d’évaluations.
  • Réaliser des enseignements de manière verticale, sans accorder d’écoute et de confiance aux élèves
  • Ne pas expliquer le pourquoi des règles et des normes, leur sens, leur utilité sociale, leur raisons objectives voire même subjectives quand c’est le cas. [Reeve & Jeng 2001 ; Deci & Ryan 2017]

En terme d’humiliation scolaire, il s’agit aussi de ne pas reproduire les comportements présentées dans notre vidéo . Essayer de tendre à cela, non pas faire, mais ne plus faire, tout en encourageant ses collègues à ne + avoir recours à ces modes contrôlant, ce serait déjà un très grand pas, vraiment !

En parallèle, il est possible de tendre aussi à des comportements + positifs (je dis bien « tendre » et non « faire » au sens strict, ce qui serait très injonctif de ma part, là je parle de possibilités) :

  • Être à l’écoute des élèves, leur donner l’occasion de s’exprimer, permettre des commentaires, questions, qu’ils puissent prendre des décisions dans les activités, qu’ils puissent changer leur structure (très important: que les élèves puissent modifier certaines choses).
  • Leur apporter des feedbacks informatifs pour qu’ils puissent s’améliorer non centré sur l’égo ou la comparaison sociale [=par exemple «tu es le meilleur» « tu es meilleur que X enfants] sans que cela passe par des évaluations notées.
  • Encourager les efforts (sans comparaison).
  • Reconnaître les difficultés des élèves, leurs points de vue, c’est-à-dire prendre en compte ce qu’ils ressentent quand ça ne va pas, s’adapter à eux (éviter par ex des remarques comme « mais si c’est facile tu verras », dire cela à un élève en difficulté ne va pas l’aider).
  • Eviter des formulations contrôlante comme «il faut», « tu dois», en préférant des expressions qui ouvrent des possibilités d’actions comme « tu pourrais », «il est possible de…». Cela peut paraître très simple mais vous n’avez pas idée comme cela peut faire une grande différence. 
  • Fournir des explications claires, sensées, cohérentes, prosocialement utiles, surtout sur les règles et les normes (le contraire du SNU quoi).
  • Ne pas condamner la prise d’initiative.
  • Privilégier un modèle horizontal, autogouverné.

En résumé : 

Je reparlerai de tout cela dans la 4ème partie, mais il me semble important ici de rappeler que parfois ce sont des petites choses, ou le fait de ne plus faire certaines choses, qui peuvent permettre d’avancer.

Ne doutez pas de votre puissance d’action, surtout quand on voit ce que des enseignants parviennent à faire dans leur classe. Car si on est toutes et tous capable de ressortir des souvenirs de ce qui ne va pas à l’école, on est aussi nombreu·ses·x à pouvoir se remémorer de profs incroyables, qui ne collaient pas forcément avec la figure typique de l’enseignant tel qu’on se le représente, mais nous ont tellement apporté, voire sauvé pour certains. Ces profs qui font confiance à leurs élèves, les écoutent, ne sont pas du tout dans la course à la performance, proposent de nouvelles possibilités qu’on ne soupçonnait pas, nourrissent notre créativité et notre curiosité.

Perso, j’ai eu la chance de pouvoir en rencontrer quelques-uns durant ma propre scolarité. Sans eux, je pense que je n’aurais pu me reconstruire via mes précédentes expériences scolaires.

Merci à elles/eux, vous êtes une source d’inspiration et de motivation intarissable.

Pour aller + loin sur ces contextes contrôlant VS favorisant l’autonomie, on explique tout ça dans notre livre à disposition ici (les tableaux résumés en image ci-dessus sont issus du livre. Vous y trouverez toutes les références scientifiques des expériences et études, ainsi que des modèles alternatifs d’éducation) : 

📖 En toute puissance, manuel d’autodétermination radicale

Chayka Hackso Écrit par :

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3 Comments

  1. Morgane
    24 mars 2024
    Reply

    Merci pour la vidéo sur les causes structurelles du harcèlement, et pour ces propositions de pratiques assez simples à mettre en place en classe !
    Je me forme actuellement pour enseigner selon les principes de la classe adaptative, et je trouve que cela rejoint largement ces conseils pour tendre vers l’autonomisation en classe.
    Un point m’interroge, alors je me permets de poser la question ici : vous indiquez que « formuler, encourager et nourrir des buts » en utilisant uniquement les récompenses et les sanctions amenait à la destruction des besoins psychiques. Est-ce que l’utilisation de la récompense comme outil d’amélioration de certains comportements (féliciter avec précision et chaleur les comportements que l’on attend, ignorer si possible ceux qui sont négatifs, ou réagir avec une sanction légère et logique), dont l’efficacité semble être assez solide dans le consensus de recherche actuelle, rentre dans le cadre de cette mise en danger du psychisme ?
    Ou est-ce que c’est surtout le caractère exclusif d’un système punition/récompense dans la relation à l’enfant/ado qui pose problème ?
    Merci encore pour tout votre travail. 🙂

    • Viciss Hackso
      27 mars 2024
      Reply

      Merci !
      Les récompenses verbales sont celles qui sont le moins destructrices, si elle sont en rapport avec la compétence/l’effort, qu’elles sont informatives : ça peut être sapant si on retire la propriété de la réussite à la personne par ex « tu as réussit comme on s’y attendait » ou si c’est fait publiquement devant la classe (parce que ça amène à une étiquette « chouchou » du prof qui peut devenir motif de harcèlement) ou si c’est incohérent avec la compétence de la personne / l’activité (par exemple féliciter pour avoir réussit à fermer la porte un adulte qui sait très le faire depuis longtemps, la personne peut sentir qu’on achète sa confiance avec des compliments incohérents).
      Les sanctions sont toujours sapantes et aménent juste à performer au minimum pour les éviter, voire à la triche et à choisir ce qui est le plus facile à faire. Alors que dans les expériences où il n’y a pas de sanctions possibles, où on laisse à l’enfant choisir l’exercice qu’il veut, là il choisit les choses les plus difficiles au delà de son niveau (parce qu’en milieu où on se sent en confiance,sans menaces, on aime généralement les défis, tester de nouvelles choses ; c’est l’inverse en climat menaçant, on choisit ce qu’on sait déjà faire pour être sur de ne pas trop raté et avoir des punitions ou humiliations). Dans les modèles d’éducation sans sanctions, comme l’école Q2L si un collégien ne fait rien durant une phase de quête (un exercice, mais totalement ludifié) et bah il avance juste pas de niveau, sa progression reste au même niveau. Si le probléme est le comportement, les modéles alternatifs organisent ça d’une façon réparatrice : par exemple Alvarez disait que si des éléves s’insultaient, elle les reprenaient et les aider à construire des critiques constructives et des façons d’exprimer leur limites aux autres. Pour les collégiens à Q2L, c’était l’objet de cours entier pour comprendre les problémes systémiques comme le harcélement et c’était eux qui construisaient collectivement des solutions et organisait les politiques de l’établissement à ce sujet. Bref, c’était toujours leur donner des responsabilités de résolution au final, en leurs apprenant si besoin ou en les orientant vers les ressources et outils qui leur permettrait de trouver des solutions.
      A oui et je rajoute que ça ne vaut pas que pour les enfants ou ados : c’est sapant pour tout le monde, ces recherches ont été aussi menés sur des adultes et à travers le monde, au travail, dans les loisirs, le sport, la santé.

      Ce n’est qu’un échantillon des études, j’ai détaillé toutes les expériences sur les sanctions/récompenses ainsi que les modèles alternatifs qui nourrissent les besoins ici : https://www.hacking-social.com/2021/09/17/en-toute-puissance-manuel-dautodetermination-radicale/ tout particuliérement à partir de la page 129 du pdf (sur la motivation intrinséque) jusqu’à 191

      • Morgane
        4 avril 2024
        Reply

        Merci beaucoup d’avoir pris le temps d’écrire cette réponse très détaillée à mes questions ! Je vais m’ajouter la lecture de votre manuel dans les choses à faire bientôt. 🙂
        Je pressens que vous connaissez sans doute déjà le travail de recherche de Kazdin, je l’indique au cas où, car son livre sur l’éducation (https://ramus-meninges.fr/2023/08/30/eduquer-sans-sepuiser/) a été traduit récemment en français, et m’a permis de réfléchir à la place de la récompense et de la sanction dans ma relation aux élèves. Je vais continuer à pousser cette réflexion avec votre message et votre manuel.

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