Je profite de la sortie d’une vidéo de PsykoCouak encore absolument passionnante où il revient avec Mélanie Dolidon sur tous les mythes autour du haut potentiel intellectuel (ou quotient intellectuel), pour glisser quelques autres ressources et informations, notamment sur des questions de créativité, de racisme autour du QI, et d’appropriation bourgeoise du HPI.
Voici la vidéo en question, allez la voir vraiment, c’est un entretien limpide, très agréable et en plus très bienveillant envers toutes les perspectives autour du QI :
Attention à partir de maintenant, je vais faire comme si vous aviez vu la vidéo, donc mes propos pourraient apparaitre bizarre si vous ne l’avez pas vu.
À noter que c’est précisément les mythes autour du HPI qui pose un sacré problème, notamment le fait de rendre invisible d’autres diagnostics ou encore l’identification au fait d’être HPI, alors que cela ne dit pas grand-chose de l’identité de la personne, les HPI pouvant être totalement différents les uns des autres. Mais tout le monde a pu faire des erreurs en associant certaines caractéristique de personnalité et haut QI, car il y avait moins d’avancée et moins d’éclairages sur d’autres troubles neurodéveloppementaux comme l’autisme par exemple. Et je plaide coupable (pour des discussions en privé, je ne pense pas en avoir parlé en public), j’ai pu aussi avoir certains de mes profs de psycho le faire, confondant profil autistique avec HPI par exemple, puis corriger cette erreur plusieurs années après.
Une certaine représentation du génie et de la créativité ?
J’ai également l’impression que le stéréotype du HPI se confond avec des visions du monde que l’on peut avoir aussi sur le « génie » et la créativité en général, avec ce stéréotype du « savant fou » ou de « l’artiste torturé », du talent artistique ou scientifique qui semble inné chez des figures comme Einstein, Mozart, etc. Nos cultures occidentales ont eu tendance à associer talent/intelligence/créativité avec l’individu hors pair se démarquant par un talent exceptionnel, et s’opposant à une masse plus bête ou plus conventionnelle. À une époque, c’était associé au divin, puis cela s’est individualisé à partir de la renaissance jusqu’aux lumières, à une essence individuelle à développer. Le génie y a été associé à un rebelle, à quelqu’un qui pense différemment, qui est ostracisé pour cela (ou souffre de son talent hors norme)… bref vous voyez là réapparaître le stéréotype du HPI sous une autre étiquette qui est plus ancienne, qu’est celle du génie créatif.
Or c’est une représentation de la créativité qui est extrêmement réduite, car elle n’est formulée que par un occident très individualiste (autrement dit, encore plus prégnant aux USA, d’autres contrées occidentales peuvent avoir des visions plus collectivistes). Des lectures que j’ai pu avoir, la psychologie a malheureusement participé à individualiser la créativité, la conceptualiser comme une qualité voire comme une essence personnelle au début des recherches dans les années 50.
Pour démystifier ces idées de l’intelligence, du talent comme une essence qu’on aurait ou pas, je vous conseille vivement l’ouvrage de Samah Karaki qui, tout en démystifiant le mérite, est également incroyablement bien fait et salvateur :
Le QI, « l’arme » de l’extrême droite ?
Mais pour revenir au QI, il pose aussi un énorme problème lorsqu’il est digéré par des visions du monde autoritaire, qui vont interpréter les chiffres de façon raciste. Ces chiffres sont généralement fournis par des influenceurs d’extrême droite qui sont aller jusqu’à inventer des moyennes de QI pour certaines populations. Voici une formidable vidéo, très complète, qui permet de jeter une lumière sur ces manipulations d’extrême droite :
La encore, excusez moi, mais je vais faire comme si vous aviez vu cette deuxième vidéo très riche, qui revient sur tous les arguments et les raisons pour lesquelles l’extrême droite s’empare du QI et comment elle trafique tout pour sa propagande.
Ne croyez donc jamais cette carte des QI pour avoir une information sur votre propre intelligence, en fonction de la moyenne du pays dont vous êtes originaires. Que ce soit en votre faveur ou votre défaveur. D’une part, parce que quantité de chiffres sont faux, parfois inventés, parfois trafiqués de façon absolument malhonnête, et qu’ensuite un score national n’a aucune valeur de prédiction pour votre score personnel.
Votre score personnel ne peut être obtenu qu’en passation chez un psy qui le fera bien (et certainement pas sur internet), parce qu’il y a des épreuves uniquement orales, nécessitant une mémoire de travail qui n’est pas évaluable via internet.
Et en plus, ce score peut être amené à bouger : de nombreuses épreuves sont extrêmement sensibles à vos divers états, car elles mesurent la mémoire de travail et l’attention, hors celles-ci bougent en fonction de votre stress, de votre fatigue, d’état de dépression ou d’événement où seriez à plat, de pressions sociales que vous pourriez avoir sur le dos (par exemple, si vous faites partie d’une catégorie habituellement préjugée comme étant « stupide », que ce soit être une femme ou être une personne racisée, vous pourrez ressentir une pression supplémentaire ; les psys ne sont pas non plus à l’abri d’opérer inconsciemment leurs préjugés positifs et négatifs durant la passation).
Le gros QI, Arme de distinction bourgeoise ?
Une personne m’avait dit un jour qu’elle avait entendu que des familles bourgeoises payaient le prix fort pour obtenir un diagnostic HPI pour leurs enfants. Je n’ai pas d’informations françaises à ce sujet, par contre récemment j’ai trouvé ça pour les Usa :
Ceci est un site qui, pour un certain prix, prépare les enfants à tous les tests qu’ils pourraient avoir, scolaire, mais aussi les tests d’intelligence tels que passé par les psychologues.
Et en fouinant les commentaires des parents qui ont fait appel à ses services, le but est très clair : faire entrer leurs enfants dans les écoles spécialisées pour surdoués et petit génies, ou autres écoles qui demandent des performances et des scores très élevés.
Aux USA, les tests de QI mais aussi d’autres comme ceux de créativité, sont extrêmement utilisés pour le recrutement, l’acceptation dans certaines écoles. Comme les écoles publiques sont parfois peu argentées, mal notées, les parents font tout pour faire admettre leurs enfants ailleurs. Alors ils les entraînent à devenir des petits génies. Et c’est tout l’enjeu du test qui est renversé : alors qu’avant on utilisait ces tests pour détecter des facilités ou difficultés, voilà maintenant qu’il n’a aucune différence avec une épreuve scolaire dans laquelle il s’agit de performer. Et seuls ceux qui ont les moyens peuvent ainsi s’entraîner, ce qui augmente l’injustice.
À noter que je précise que les tests de créativité pourraient aussi recevoir leur lot de critiques, exactement comme celles qui lient le racisme avec le QI qu’on a vu précédemment avec la vidéo de PDH. Le test de Torrance est complètement dans une culture occidentale très individualiste, avec une conception extrêmement étroite de ce qu’est la créativité, à savoir une unique pensée divergente se distinguant des idées conventionnelles et faisant fi de la morale. Or dans les cultures asiatiques, par exemple en Chine, la créativité est conçue comme devant prendre son essor dans une tradition qui est renouvelée, et la nouvelle idée se doit d’être socialement utile, morale au regard du collectif. Ce qui peut induire le fait que la personne testée va donner moins de réponses variées, car elle exclue d’office les réponses immorales. Le test ne prend pas cela en compte du tout, car il se base sur le nombre d’idée originales que la personne peut fournir : autrement dit, une personne très sadique pourrait potentiellement obtenir un très haut score car elle pourrait générer des idées vicieuses que des gens non sociopathes n’ont pas. Et une personne très créative mais avec une culture chinoise pourrait avoir un score bas de créativité car elle n’évoquerais que des idées éthiques soigneusement choisie pouvant servir aux personnes en général.
A noter que la notion de créativité va de toute manière devoir évoluer très fortement, pour une toute autre raison (qui démontre ces failles à mon sens). Chat GPT obtient des scores beaucoup plus élevés que beaucoup d’humains aux tests de créativité (Torrance) :
L’originalité des machines : l’IA passe le test de Torrance – ScienceDirect
Ce qui ne veut pas dire à mon sens qu’il est plus « créatif » que nous (seulement qu’il arrive plus à mettre en œuvre une pensée divergente), mais qu’il y a une limitation aux tests de créativité qui sont basés sur une définition restreinte de la créativité.
Actuellement, j’étudie de nouveaux modèles de la créativité qui au contraire la situe hors de l’individu comme étant un phénomène social très collectif ; si cela vous intéresse quelques ressources pour voir ces modèles non étasuniens, non dans l’aveuglement individualiste, ou provenant de cultures qui ont d’autres définitions, plus collectives et sociales, de la créativité :
- [Modèle scientifique de la créativité sociale, non individualisant]
- Vlad Petre Glăveanu, Alex Gillespie, Jaan Valsiner – Rethinking Creativity_ Contributions from social and cultural (2014)
- Vlad Petre Glăveanu (2013) Rewriting the Language of Creativity: The Five A’s Framework https://citeseerx.ist.psu.edu/document?repid=rep1&type=pdf&doi=441cb02d1c44815288cc603e06678dbf41833dc1
- Vlad Petre Glăveanu Distribued Creativity, Thinking outside the box of the creative individual (2014)
- [un modèle scientifique de la créativité, d’un point de vue non individualiste et davantage systémique]
- Mihaly Csiskzentmihalyi (2014) , The system model of creativity
- [les différences de la perception de la créativité entre occident et la Chine]
- Weihua Niu, Robert J. Sternberg (2006) The Philosophical Roots of Western and Eastern Conceptions of Creativity
- Niu, W., & Sternberg, R. (2002). Contemporary studies on the concept of creativity: The East and the West.
- [la créativité chez les femmes artistes, écrivains, face à la question de la maternité ; on y voit de grandes différences de conceptions et de gestion entre les époques et les cultures]
- Julie Phillips, (2022) Baby on the fire escape
- [créativité, scientifique et artistique, chez les peuples autochtones ; le paradigme de la créativité y est totalement différent]
- Marie-Hélène Jeannotte, Jonathan Lamy, Isabelle St-Amand (2019) Nous sommes des histoires – Réflexions sur la littérature autochtone
- Shawn Wilson, (2008) Research Is Ceremony: Indigenous Research Methods
Faut-il tout jeter à la poubelle, QI, HPI ?
Aux démystifications du QI et du HPI, j’ai pu voir des gens sur le net jeter en bloc tout ce qui concerne le QI : oui, il y a en rejeter les mythes sapants, en première urgence à mon sens les associations racistes et discriminatoires qu’on peut en faire, qui sont intrinsèquement épouvantables et d’une fausseté sidérante. Se vanter de son haut QI sous prétexte d’une appartenance à un groupe est tout aussi ridicule, se vanter tout court de ça me semble ridicule : un score (au QI ou en créativité) ne prédit pas la réalisation géniale, le devenir « Einstein » ou autre génie, parce que ce qui est pertinent dans ces histoires de découvertes et d’avancée de la science, de l’art ou de la technologie, sont mille et un facteurs sociaux passés malheureusement sous silence. Et notamment des facteurs pas très jolis parfois, comme nécessitant l’oppression ou l’exploitation de tas de personnes pour en extirper la valeur et se la réapproprier.
Ceci étant dit, lorsque les tests de QI sont rangés à leur place, c’est-à-dire comme étant des outils parmi d’autres qui mesurent précisément une petite part de comment va la mémoire de travail, l’attention, le raisonnement perceptif et le raisonnement verbal à un instant T (ce qui n’est qu’une partie de ce qu’on appelle intelligence), que c’est situer dans un contexte bien renseigné, cela peut être utile pour aider la personne. Par exemple un enfant avec un TDAH pourrait avoir des scores bas en mémoire de travail et attention, ce qui peut aider à diagnostiquer le TDAH ou confirmer le diagnostic ; si celui-ci est par exemple très haut en raisonnement perceptif, cela peut donner une piste sur ce qui passera bien à l’école ou pour l’aider à apprendre. Un score haut à un endroit peut être l’indice de comment aider la personne à performer malgré une difficulté. Être conscient que le raisonnement verbal est composé de questions culturelles qui vont mettre en difficulté quelqu’un dont ce n’est pas la culture, permet de choisir d’autres outils (par exemple préférer les versions dans la langue et culture maternelle de la personne).
Être anti QI n’aidera pas à démystifier les mythes et à remettre l’outil à sa place, voire vraiment ce qu’il est : le problème est situé dans les usages racistes (et ça pourrait être le cas pour d’autres outils), les usages inégalitaires pour se distinguer (les pratiques d’entraînement dont on parlait), les mécompréhensions de l’outil qui ne mesure que très peu d’aspects de ce qu’on entend par intelligence.
Bref, le problème est à mon sens dans certaines visions du monde qui tronquent ou colorent les choses d’une façon qui sert des intérêts personnels ou idéologiques pas super pour quantité de personnes. En changeant de vision dessus, en augmentant les perspectives grâce à toutes ces démystifications et les diverses avancées, je pense qu’on peut tous y gagner. La créativité et l’intelligence, a mon humble avis, se perçoit dans la façon dont les gens arrivent à apporter un jeu particulier dans les games sociaux qu’ils peuvent vivre, puis il y a une intelligence ou une créativité qui émerge comme phénomène, grâce à l’interaction des personnes et ce qu’elles se donnent toutes ensemble. Mais ça, c’est une histoire dont je parlerais plus tard.
Je suis ce que tu décris (je pense) comme « anti QI », mais je pense ça parce qu’il me semble surtout que l’usage d’un score mènera invariablement a des usages inégalitaire.
Il me semble que l’usage même de l’outil (et ce que ce soit dans le champs scientifique ou populaire) pose trop de soucis pour continuer.
Par exemple dans la vidéo de PsychoKouac, Mélanie Dolidon explique a un moment que le QI est corrélé a tout plein de variables selon des études de cohortes. Et juste ensuite on passe d’un corrélation au fait que le QI aurait un effet protecteur sur toutes ces variables. Attendez on est bien sur de ça ? Là j’ai quand même 2 questions, soit cet effet protecteur est annoncé comme tel dans le papier de recherche avec des preuves supplémentaire pour le soutenir (j’ai choppé quelques papiers j’ai pas trouvé, mais bon j’ai pas fait une revue complète de la littérature sur le sujet), soit même une personne relativement critique des « usage inégalitaires » du QI à finalement invisibilisé les raisons sociales (probables) qui peuvent être un facteur confondant (et il me semble que c’est plutôt ça. La première fois que j’ai vu cette vidéo je me suis arrêté là parce que flemme j’ai écouté la suite afin de lire cet article uniquement).
Après, ton exemple sur un diag de TDAH me semble effectivement plutôt pertinent, et je suis convaincu que ça nécessite effectivement un outil ou des outils qui permettent ça. Cependant le QI c’est pas juste 4 tests de 4 facteurs différents, c’est aussi et, il me semble, surtout l’agrégation de ces multiples facteurs ensemble afin d’en sortir un score unique qui dans le nom même sous entends une inégalité. Avoir un test normalisé qui évalue 4 facteurs, la compréhension verbale, le raisonnement perceptif la mémoire de travail et la vitesse de traitement ne semble pas poser un quelconque soucis c’est uniquement le fait de transformer ces 4 tests en un score unique qui pose il me semble un très très gros soucis.
Concernant le dernier point sur le score unique, un psy m’avait dit que la plupart du temps il n’arrivait pas à fournir ce chiffre global parce qu’il y avait trop d’écart entre les résultats pour qu’une moyenne soit signifiante. S’il y a trop d’écart, un bon psy ne fournit pas une moyenne, on dit que le QI est hétérogène (et tous ces patients à qui il l’avait fait passer l’était). Ce chiffre global n’est sorti que si la personne a des résultats homogènes, mais tout le monde obtient un rapport détaillé qui fournit l’explication de chaque sous-épreuve, ce que le score par épreuves veut dire. ça représente un bon petit dossier d’une dizaine de pages, peut être plus, ça doit dépendre des psy. Et il y a une analyse approfondies des forces précises et des endroits ou c’est plus difficile, agrémenté de la connaissance du psy de son patient et d’indices liés à la passation (un psy peut décréter que telle épreuve n’entrera pas dans le compte parce que la personne était trop perturbée pour pouvoir montrer ces compétences, que ce soit la fatigue, l’agitation de l’enfant etc).
Et même dans une grande catégorie comme le raisonnement verbal, une personne peut être très hétérogène, ça peut être intéressant par exemple chez un enfant, parce que peut être il a très bien compris et acquis quelque chose (par exemple il réussit bien l’épreuve similitude qui est vraiment lié au raisonnement), et une autre chose lui passe totalement au dessus (l’épreuve vocabulaire). C’est intéressant parce que « similitude » montre les compétences verbales, donc si « vocabulaire » n’est pas réussit, c’est soit un problème de mémoire (et ça peut être vérifié avec les exercices liés à la mémoire de travail) ou c’est parce qu’il n’a pas accès à la culture testé par le QI pour une raison ou une autre. Et si c’était l’inverse, qu’il réussirait bien en « vocabulaire » et pas « similitudes », c’est que la mémoire fonctionne bien, l’enfant peut donner le changer en montrant des savoirs et les répétant, mais il est possible qu’il n’y comprenne rien du tout puisqu’il n’arrive pas à faire des associations entre des concepts. Là, il faudra investiguer davantage. Voilà c’est juste un exemple pour montrer comment en plus, on analyse chaque exercice entre eux en fonction de ce qu’on sait de la personne, le contexte de passation, son contexte de vie, etc. Cela peut être plus ou moins approfondi selon les psys, les personnes et leur demandes, etc.
Les bons psys et autres personnes qui pourraient être impliquées par le QI se foutent pas mal du chiffre global en fait, puisque ça ne donne aucune information pour comprendre la personne et l’aider dans la précision. Je n’ai vu cette obsession pour le chiffre global que dans les propagandes racistes et d’extreme droite : c’est pour cela que pour moi, pointer du doigt l’outil (qui pourrait être utilisé d’une bonne comme mauvaise façon) me semble peu pertinent, le problème est davantage les distorsions idéologiques des outils. L’extreme droite y voit un truc pour valider son racisme, le néolibéralisme et autre capitalistes une manne financière à exploiter, etc. La question, c’est qu’est ce qu’on met comme objectif dans les outils : si c’est de pleinement aider la personne, je pense qu’un psy saura très bien voir les limites de la WISC / WAIS et voir aussi les information intéressantes à en tirer, sans réduire la personne à un chiffre, ce qui ne lui saurait d’aucune utilité pour ses buts d’aider. Et il saura aussi quand c’est totalement hors sujet et qu’il y a besoin d’aider la personne sur un plan tout autre, que la passation de la WISC ou WAIS serait inutile pour cela.
Bein du coup on est « plutôt d’accord » au global. Comme un outil utilisé dans des conditions précises pour aider un diag ça me semble effectivement utile.
Juste que je sais pas bien pourquoi on continuerait a faire un test qui a un nom qui, il me semble, sous entend une inégalité, et qui mène (ou du moins peut mener, voir même « doit mener ») a un score global si les seuls usages pertinents de ce test, ne prennent finalement pas en compte ce score global. Je souhaite pas supprimer un outil pour le remplacer par « rien » (et j’pense pas que les « anti QI » souhaitent ça a majorité). Il me semble simplement que le QI dans sa construction actuelle et surtout la vision (et pas seulement la vision populaire, même dans la recherche ya énormément de trucs problématiques autour du QI, alors c’est très souvent de la « mauvaise » recherche mais ça garde une aura de science puisque revue par les pairs) qu’on en a actuellement pose trop de soucis pour continuer. A coté de ça je suis convaincu qu’il faut garder une forme de test permettant d’évaluer des difficultés psychologiques (et pourquoi pas même scolaires) permettant d’aider dans le diag de troubles psy. Et j’pense que c’est la dessus qu’il faut « revoir » le QI, étant donné qu’il existe des tests normalisés qui sont très utilisé par les psy ça me semble « assez simple » de normaliser aussi la suppression du score global et un changement de nom et de normaliser un usage plus bénéfique pour la personne testée.
Par contre j’ai vraiment l’impression, personnellement, que le QI en tant que score global d’intelligence est partout (pas seulement dans les propagande racistes) (et c’est sans doute pour ça que je me dis contre le QI). Entre les QI des personnalités (qui bien souvent n’ont jamais passé de test ou ne l’ont pas rendu public), les blagues et autodérision sur le QI, les discours et discussion sur l’intelligence qui mèneront quasi systématiquement au QI, les discours sur les troubles psy qui lient ça a un haut QI, et effectivement les propagandes racistes… J’ai vraiment l’impression qu’il est partout (est-ce mon entourage seulement ? Peut être, je sais pas)
« je suis convaincu qu’il faut garder une forme de test permettant d’évaluer des difficultés psychologiques »
Effectivement, mais c’est là aussi ou la wisc /wais peut être utile : elle permet de relever les points forts. Certains Hpi avec qui j’ai pu discuté avait par exemple était forcé par l’école de passer un test car ils étaient pris pour stupides et l’école souhaitait obtenir une preuve de leur inadaptation. Le test a permis de les défendre en montrant que non, il n’avait de problèmes pour apprendre, ce qui a permis de les laisser être scolarisé.
Un autre cas de figure que j’ai rencontré en me formant avec des professionnels de l’autisme, est qu’il y a beaucoup de préjugés dans l’éducation nationale (et la société en général) sur les capacités de ces enfants : comme tous les enfants avec difficultés, ils sont tentés d’être écartés, déscolarisés. Le test peut aider justement à prouver que non, ils ont des compétences bien suffisantes. Comme la wisc et la wais ont des items non verbaux, cela a permis aussi d’aider les neurotypiques à comprendre que les personnes avec un autisme sévère en fait pouvait avoir des forces de raisonnement perceptif, donc qu’un moyen de communiquer et d’aider pouvait se faire via ces moyens.
Les pros de l’autisme sont assez désarmés et certaines associations en sont venus à inventer en quelque sorte des bilans de compétences pour prouver à l’éducation nationale que les enfants avec autisme pouvaient faire ceci et cela, car sinon le personnel les en préjugeaient incapables ou estimaient que leur façon de faire était signe d’incapacité.
(ici un papier intéressant qui montre à quel point l’éducation nationale préjuge et met dans une case ces élèves, sans chercher à les comprendre en tant que personne : https://fr.in-mind.org/fr/article/tout-enfant-handicape-est-de-droit-un-eleve )
Concernant le fait que le QI soit partout, oui effectivement c’est dans le langage commun de parler de Qi, de rire dessus, perso j’ai tendance à séparer ça de la vraie notion et me dire que les gens emploient ça aussi avec une forme de second degré, comme on utilise des expressions sans y voir le premier sens. Des gens pourraient dire QI mais sans penser QI en termes scientifiques et faire la distinction. Ça dépend vraiment du contexte à mon sens.
La question médiatique de calculer les QI des célébrités passés ou présentes est clairement dans ce que j’appelle des dérives néolibérales/capitalistes : c’est une façon d’attirer l’attention, de vendre, avec du vent, comme ça peut le faire avec des dizaines d’autres sujets. Peut être que les vulgarisations de plus en plus présentes à ce sujet, comme les vidéos que j’ai partagé mais aussi de nombreux ouvrages finira par rendre commun que ce genre de sujet est une sorte d’arnaque. Il y aurait aussi à debunker la question du talent qui s’entremêlent à la méritocratie, et ça l’ouvrage de Karaki le fait super bien.
Disons que si c’est prégnant dans les discussions de ton entourage, y a peut être à voir à quel besoin ça répond chez eux, c’est quoi l’effet sur leur estime d’eux même, quelle vision du monde ils renforcent pas là même : parfois tous les debunkage du monde ne serviront à rien parce qu’il y a des croyances idéologiques derrière qu’ils veulent à tout prix maintenir parce que ça répond à leur besoins. Peut être qu’en essayant de savoir ce que eux, trouvent talentueux, intelligents, génial ou créatifs, en leur demandant pourquoi il le juge ainsi, et qu’ils puissent constater dans la discussion que d’autres ont des critères différents, peut les amener à comprendre à quel point c’est un sujet vaste et qui se discutera encore pendant des décennies, et que le réduire à un chiffre, certes semble pratique, mais peut être que c’est un peu trop facile pour être « la » vérité unique et absolue ? Que peut être même le QI lui même n’est pas qu’un chiffre mais toute une série de caractéristiques qui ont été choisies car testables et que peut être ils manquent encore d’idées pour tester d’autres intelligences (qu’ils pourraient d’ailleurs citer) ?
On ne peut parler des discriminations à l’école que parce qu’on les mesure. Elles se poursuivent, tout particulièrement s’agissant de l’autisme, dans le monde du travail.