Changer le(s) système(s) : la Gamification [2]

Être contre ne suffit pas. Être anti ne suffit pas. Dénoncer ne suffit pas. S’insurger ne suffit pas. Imaginer, créer, construire, bidouiller, tester, expérimenter… Voilà des mots qui nous plaisent plus à Hacking Social,et qu’on essaye de ne pas oublier quand on dénonce quelque chose : toujours donner d’autres pistes, des idées. Au moins, essayer d’en donner. C’est pourquoi nous parlons de la gamification, tant parce qu’elle représente un espoir qu’elle est une menace pour le futur.

Article précédent : [1] La gamification, ce qu’elle est, ce qu’elle n’est pas

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L’epub : Changer les systemes _ La gamification – Hacking Social

Le PDF :Changer les systèmes gamification 1.5

 Quel que soit le type de jeu, qu’il soit classique (sur plateau, de cartes, avec des dés…) ou jeu vidéo, on a toujours quatre critères :

  • des objectifs clairs,
  • des règles,
  • un feed-back (ou rétroaction en français),
  • une participation volontaire des joueurs, une forme d’engagement dans le jeu (acceptation des points précédents, entre autres).

Si vous êtes lecteur régulier du blog, cela devrait immédiatement vous rappelez un autre sujet : le flow. Ces critères du jeu sont les mêmes que ceux nécessaires à l’accès au flow. Et les caractéristiques du flow qui ne sont pas présentes pour le jeu (une grande difficulté, un contrôle sur l’activité, la nécessité de se concentrer) découlent de ces quatre points : par exemple, un jeu trop facile sera ennuyeux et on l’abandonnera (il n’y aura plus de participation volontaire) ; si l’on n’a pas de contrôle sur le jeu et bien ce n’en est plus un, car il n’y a pas d’objectif à atteindre ; si l’on est déconcentré, inattentif, on ne joue plus, donc ce n’est pas une participation volontaire.

 

DES OBJECTIFS CLAIRS


 L’IRL manque parfois de clarté, il y a énormément de place dans certaines activités aux interprétations différentes, ce qui peut générer beaucoup de malentendus. Soit la personne est laissée à elle-même et manque d’information, de formation, comme si l’on embauchait quelqu’un mais qu’on ne lui disait pas un mot du travail, du métier qu’on veut qu’il exerce (mais un autotélique peut adorer ce genre de situation de liberté absolue, car il sait se donner des objectifs marrants/intéressants en toute circonstance).

Soit on lui donne un objectif, mais c’est mensonger, par exemple à un vendeur un employeur peut dire « le client est la priorité, faites tout pour lui ! » et en fait attendre qu’il l’arnaque, le manipule au maximum pour en tirer l’argent. Inversement, un vendeur peut suspecter d’emblée cet objectif et arnaquer le client alors qu’en fait l’employeur attendait une attitude altruiste et respectueuse.

Le jeu est lui, très cadré, très clair dans ses buts : notre attention sait vers quoi se focaliser, on sait sur quoi il faut se concentrer, comment le faire et comment agir. De ces objectifs découlent du sens, et d’autres objectifs qu’on déduit.

 

Ces objectifs découlent de l’univers lui-même : on les déduit de par les possibilités qui nous sont offertes et celles qu’on ne peut pas faire, les buts de la situation. C’est comme si IRL, on se retrouvait dans une salle de cuisine avec un couteau, une baguette, du beurre et du jambon : on saura que l’objectif est de faire un sandwich.

Cependant une situation claire, où l’on devine les objectifs et les moyens d’y parvenir, n’est pas forcément génératrice de flow et de sens :

 

Avoir des bons objectifs, clairs, sensés demande de penser la situation, de la cadrer, de la peaufiner, de la rendre attractive, séduisante. Et pour la rendre attractive, il faut que les objectifs apportent intrinsèquement quelque chose :

Alors, que faire pour gamifier le cassage de choux-fleurs ? Hé bien il faut que ça entre dans une démarche plus globale où le cassage de choux-fleurs peut avoir un intérêt intrinsèque :

  • un stand de tir où l’on casse du chou-fleur dans un supermarché,
  • un concours familial où chacun prend un chou-fleur et c’est le premier qui le détruit qui a gagné,
  • un atelier/activité en centre sportif :

Quant à l’usine, elle gagnerait sur tous les plans à supprimer définitivement cette « activité » en faisant réparer sa machine ou en s’inspirant de FAVI pour repenser son mode de fonctionnement.

 

DES RÈGLES


 Les règles sont des limitations sur la façon d’atteindre l’objectif ou des obstacles superflus qu’on rajoute. Par exemple, le fait que chaque pièce aux échecs ait un mode de déplacement différent rend le jeu très stratégique. Si on pouvait tout bouger n’importe comment, n’importe quand, s’il n’y avait pas d’obligation de tour par tour, ce serait à celui qui pique tous les pions de l’autre au plus vite. Autant dire que ça n’intéresserait que les petits enfants. Les règles nous poussent à développer des stratégies, à être plus créatifs, à envisager des actions plus marrantes pour atteindre les objectifs.

Le réalisme dans le jeu est une limitation, par exemple les développeurs auraient pu livrer d’emblée des mitraillettes, des chars d’assaut ou que sais-je aux joueurs. Non, il est réaliste donc les seules armes qu’on trouve dans l’environnement en début de jeu sont des poêles ou des rouleaux à pâtisserie : et c’est nettement plus plaisant et plus générateur de fierté d’envoyer valser un zombie d’un coup de poêle.

Project Zomboid, là je m’apprête à envoyer valser un zombi avec une poêle. Il y a des armes à feu dans le jeu, mais le bruit attire les zombis, donc la poêle est préférable, surtout au début.

 

 Cependant, trop de règles trop complexes tuent dans l’œuf le jeu, car il est quasiment impossible de les retenir, de les maîtriser :

Et également ici : http://www.wideo.fr/video/iLyROoafJ4qP.html

Reprenons notre activité cassage de choux-fleurs. On peut interdire d’utiliser le poing et instaurer l’obligation d’utiliser des armes insensées comme un carton de déménagement ou encore une spatule.
Le joueur va devoir faire usage de créativité et prendre la spatule à l’envers pour creuser le chou-fleur. Quant au carton de déménagement, il peut en fabriquer un outil ou l’utiliser comme tremplin pour le jeter contre un mur. Les limitations de possibilités créent du défi, du fun. Mais là encore, le gamifieur doit être également créatif et audacieux.

Un système de feed back


 

Autrement dit, ce sont des indicateurs objectifs de l’avancée des buts à accomplir. Par exemple, la position du pion dans un jeu de plateau indique immédiatement si on est proche du but ou non, s’il y a des dangers ou non ; le nombre de cartes en main est un indice sur le fait qu’on soit victorieux ou non ; etc. Le jeu vidéo bat tous les records en terme de feedback, car la machine peut calculer un nombre invraisemblable de paramètres : on a les classiques barres de vie, les barres de progression, les niveaux, les scores mais aussi toutes les statistiques de jeu, qu’elles concernent des événements importants, les échecs, les victoires comme les faits totalement inutiles mais fun (par exemple, la distance maximale de poulets lancés à coup de pied dans Fable).

IRL, il y a des feedbacks, mais ils changent selon les personnes ou les exigences de la situation (une personne va considérer qu’une pièce est suffisamment bien nettoyée alors que pour une autre elle est extrêmement sale), ils changent selon les cultures et habitudes (la crêpe considérée comme correcte à Paris sera considérée comme catastrophique pour un Breton), ils changent selon la sensibilité ou les connaissances des personnes (une personne trouvera le vendeur super sympathique alors qu’un autre verra qu’il essaye de les arnaquer) etc…

Il existe également des feedbacks qui paraissent objectifs, mais qui ne le sont pas tant que ça quand on creuse (cf sondages statistiques ) et pourtant on fonde des objectifs pour toute la nation avec eux (ou du moins ils servent de prétexte pour imposer des objectifs).

Il existe des feedbacks objectifs, enregistrés par les machines, mais, qui au lieu de nous motiver ou de nous amuser comme dans les jeux vidéo, nous tyrannisent totalement : on pense aux méthodes de benchmark, où tous les employés sont mis en concurrence en permanence, heure par heure, traqués par des enregistreurs de statistiques.
La réalité a d’énormes problèmes de feedbacks qui génèrent malentendus, mésententes voire harcèlement (dans le cas du benchmark). Soit ils posent problème par son absence, soit par son interprétation, soit il est excessif et démesuré.

Il faudrait définir ce qu’est un bon feedback :

  • il est clair, il n’a qu’un seul sens : par exemple, la barre de santé dans les jeux vidéo représente la vie. La vider c’est risquer l’échec et quand elle est remplie on est tranquille.
  • le feedback est un indicateur, juste un outil, pas un juge accusateur. Il témoigne d’une situation, c’est au joueur de prendre ou non une décision. Pour certains, avoir une barre de santé basse et continuer à taper des monstres est un risque qu’ils aiment à courir ; d’autres jouent plus prudemment et se soignent avant. Mais dans un cas comme dans l’autre, on ne dira pas de l’un qu’il est mauvais ou meilleur que l’autre. Ce n’est pas ça qui compte. Or, IRL, le feedback est souvent pris comme un juge : les ventes sont en dessous de la moyenne depuis ce matin = les vendeurs sont nuls, faut les engueuler. C’est ignorer tous les autres feedback IRL, comme le temps, les événements qui attireraient les clients ailleurs, les absents dans l’équipe, les travaux bruyants dans le magasin d’à coté…
  •  le feedback est un faisceau d’indicateurs qui aide à élaborer des stratégies, cependant il est « parlant » sans rien dire de ce qui est essentiel : on peut faire un score extraordinaire et s’ennuyer à mourir ; à l’inverse, on peut avoir un score épouvantable et vivre une aventure incroyable (et même gagner dans certains jeux). IRL, une entreprise peut fonctionner à merveille, être populaire et pour autant être haïe et générer plus de mal que de bien tant en interne qu’avec ses clients. Le feedback de réussite ne dit au fond rien de l’entreprise et de sa place dans le monde, si ce n’est qu’elle gagne de l’argent. Or il semblerait qu’il y ait beaucoup de confusion à ce sujet dans la société.

Sans même aller jusqu’à une gamification complète d’une institution, il semblerait qu’un travail sur la question du feedback résoudrait quantité de problèmes :

  • en traquant les feedbacks qui génèrent des conséquences négatives et en essayant de les diminuer au maximum :

Par exemple, on ne place pas une salle d’attente d’urgence médicale à coté d’une salle de pause aux murs minces : les patients en souffrance entendront rire, s’amuser, discuter les soignants et se sentiront abandonnés, voire moqués. Étant donné leur souffrance, évidemment ils vont avoir du mal à conserver leur self-control et il y a des risques qu’ils soient encore plus impatients et agressifs.

Les notes à l’école sont un problème : les basses notes sont vécus comme un échec fatal, comme un étiquetage « je suis nul en… » ; l’élève peut se coller ou se faire coller une étiquette de cancre. À l’inverse, la bonne note peut être crainte : là c’est l’étiquette d’intello que craint l’élève, parce que cela lui rend la vie difficile avec ses camarades. Les notes intermédiaires sont comme des sursis, des épées de Damoclès. Le système de notation actuelle accentue la pression, le stress et n’est pas forcément pertinent pour jauger de l’acquisition d’une compétence : par exemple en histoire, un élève a pu apprendre par cœur une leçon, avoir une bonne note et avoir tout oublié une semaine après ; l’essentiel, par exemple le fait de comprendre que l’antiquité a un impact sur son présent sera ignoré. Supprimer les notes n’est pas la solution : il faudrait envisager un système avec les mêmes mécanismes que le level up (parce que l’échec n’est pas stigmatisant et qu’il est un encouragement à réessayer autrement, parce que les compétences y sont vraiment acquises avant de passer à autre chose).

Les erreurs administratives ne sont jamais excusées : on accuse l’usager de ne pas avoir ceci ou cela, souvent dans un courrier froid standardisé, alors que l’erreur impacte gravement la situation de l’usager et qu’elle n’est pas forcément de son fait. Évidemment, cela crée des situations d’incivilités. Ici, rien que d’introduire la notion de doute dans un courrier pourrait aider.

Au travail, surveiller les employés est un feedback qui dit clairement « je ne vous fais pas confiance » ou « vous n’êtes pas autonomes, vous êtes incapable ». En cela surveiller continuellement ses employés c’est les rendre moins efficaces, les stresser, leur priver de toute possibilité de fierté, d’engagement dans leur travail, c’est les énerver, baisser leur estime, etc…

  •   en ajoutant des feedbacks :

Par exemple, un indicateur de temps restant à attendre à un arrêt de bus rassure l’usager sur le fait que la ligne est desservie, il peut envisager des activités si le temps est long, il est rassuré de voir qu’il n’a pas loupé son bus, etc. On pourrait appliquer ce feedback à toutes les salles d’attente.

Un compteur d’électricité « intelligent », c’est-à-dire qu’en plus du compteur traditionnel, permettant de voir en direct sa consommation et peut permettre de faire des économies d’énergie, de traquer les appareils trop gourmands. Le problème étant qu’actuellement ils sont connectés à Internet, ce qui pose problème en termes de confidentialité des données. Un compteur plus précis, plus simple, non connecté serait encore plus sain. Et on pourrait faire cela pour toutes les énergies, tout le monde se mettrait « au jeu » ne serait-ce par curiosité ou pour faire des économies.

Il y a fort longtemps j’étais tombée sur une petite application en ligne : on jouait avec le vrai budget d’une petite ville québécoise il me semble (si quelqu’un s’en rappelle, qu’il me fasse signe). On décidait d’ouvrir ou non la bibliothèque municipale le week-end, d’ajouter des services de nettoyage dans la ville, d’annuler ou d’ajouter des services, etc. On pouvait tester n’importe quelle politique budgétaire et c’était basé sur le vrai budget de la ville. C’était en soi un jeu très intéressant et amusant, même si on n’était pas du tout de la ville, et c’était également extrêmement instructeur. On pouvait tester n’importe quelle politique à échelle locale. Le jeu gardait en mémoire toutes les parties des joueurs et il était dit que le service de la mairie regardait toutes les bonnes idées proposées. Évidemment c’est profitable à tous.

  • en réajustant les feedbacks, en changeant de priorités aux indicateurs :

Un vendeur qui fait énormément de ventes un jour n’est pas forcément un bon vendeur : il a peut-être employé des méthodes agressives qui empêchent la fidélisation du client, salissant l’image de l’entreprise.
Se baser uniquement sur les chiffres (benchmark) empêche de voir la réalité qui pourtant fourmille d’indicateurs simples et clairs à appréhender : les problèmes environnementaux (chaleur, froid, bruit, odeurs…) qui, s’ils ne sont pas réglés vont avoir des conséquences sur la productivité, l’humeur des clients, etc… ; la mauvaise humeur générale (ou individuelle) qui indique clairement si quelque chose a posé problème. Si on l’ignore, qu’on ne cherche pas à comprendre pour aider les personnes à être plus heureuses, on laissera les problèmes prendre le dessus. À l’inverse une bonne humeur générale est un excellent feedback (et non un lâcher prise comme peuvent le penser les chefs autoritaires).

 

Une participation volontaire


On ne force pas quelqu’un à jouer. Certes, on peut faire jouer sous la houlette autoritaire, menace à l’appui, mais ce ne sera plus un jeu, la magie des mécaniques de jeu disparaîtra, même avec un jeu extrêmement immersif.
Le joueur n’aura plus de flow, il ne cherchera pas à gagner peut-être même qu’il fera tout pour perdre pour en finir au plus vite. S’il n’est pas « dedans », le joueur gênera les autres joueurs en oubliant les règles, en s’égarant, en n’aidant pas comme il le faudrait, en oubliant des actions à faire, etc.
Cette participation volontaire sous-tend une acceptation du cadre du jeu, c’est-à-dire d’accepter ses règles, ses objectifs, ses limitations : en cela le tricheur, certes participe, mais n’acceptant pas les règles, il brise le jeu, tant pour les autres que pour lui (les mécaniques ne fonctionnent plus si les règles sont brisées). Cependant ne confondons pas le tricheur avec le hacker social ingame qui lui ne triche pas mais fait autre chose ou se donne d’autres objectifs que ce que le jeu prévoit :

Par exemple, mettre des paniers sur la tête des PNJ, une attitude fréquente dans Skyrim

Ici chercher les limites de ce qui est faisable dans le jeu :

Celui-ci reste un joueur, avec le plaisir que cela suppose.

Les excellents jeux n’ont pas besoin que les joueurs soient très motivés et enthousiastes pour obtenir une participation volontaire de longue durée : il suffit que le joueur soit curieux du jeu et le teste. Le jeu se charge d’alimenter continuellement l’intérêt du joueur et génère un flow de plus en plus intense jusqu’à ce que les mécaniques soient toutes mises à jour et devenues lassantes.

Mais IRL, c’est bien plus compliqué, même pour les jeux, par exemple les ARG : le joueur peut résister à la participation volontaire parce que son corps va y être engagé, donc son image et ce que les autres peuvent en penser. De plus, le joueur peut se demander l’intérêt de faire semblant, de complexifier la réalité, de la déformer surtout dans le but de « jouer ».

Avec cette prise en compte de la nécessité de la participation volontaire, on voit assez rapidement que notre jeu de cassage de choux-fleurs a peu d’avenir : au mieux, l’adulte y jouera pour amuser ses enfants mais il n’y passera pas l’après-midi. La réalité fait concurrence, il y a mille activités plus intéressantes, plus utiles, moins fatigantes à faire. Pourquoi casser des choux-fleurs, même si c’est un jeu, alors qu’on pourrait faire autre chose ?
On aura beau mettre un cadre attrayant au jeu de cassage de chou-fleur, IRL, cette histoire paraîtra inauthentique, peu naturelle, forcée : on préfère s’amuser « par hasard », par la force des choses, que par le biais d’un jeu qui est, de plus, assez bizarre. L’aspect factice du jeu qui intervient dans la réalité est rebutant, il apparaît artificiel, faux, on a du mal à « entrer dedans », à jouer le jeu.
Mais le jeu vidéo n’a absolument aucun mal à convaincre le participant le plus involontaire qui soit : il suffit qu’il joue un peu et généralement, il s’y engage, s’y concentre et sans même s’en rendre compte il est dedans, au point d’avoir du mal à passer à une autre activité.

Alors qu’est-ce qui maintient ainsi le joueur, qu’est-ce qui l’engage ?

  • le monde des jeux vidéo est juste : tous les joueurs démarrent avec les mêmes chances ou malchances. Même dans les jeux de rôle, où l’on peut incarner des personnages radicalement différents tant par leurs races que leurs métiers et compétences, presque opposés en terme de faiblesses et de forces, il y a une forme de justice : un mage n’est pas supérieur à un guerrier, l’orc n’est pas inférieur à l’humain et même s’ils jouent différemment, ils sont égaux en chances. Les injustices sont rares et on parle de triche : par exemple, dans Civilization V, quand on veut augmenter de niveau de difficulté, les adversaires (IA) commencent avec un bonus de départ. Le joueur considère que l’IA adversaire triche car un adversaire plus doué devrait l’être en termes d’intelligence, de créativité, d’astuce, de stratégies et non de fortune.
  • Toujours avec cette question de justesse, tous les joueurs pour peu qu’ils continuent à jouer, peuvent accéder à des actions, des responsabilités complexes, épiques, importantes, impactant l’univers du jeu.
  • les aléas, positifs comme négatifs, sont suffisamment bien dosés pour que le joueur puisse gérer les problèmes et ne pas être blasé des chances qu’il peut avoir. Si le monde est juste pour les joueurs (qui sont tous égaux devant le jeu), il ne l’est pas forcément dans son environnement :

Mais ces aléas, s’ils sont bien dosés, sont la force qui nourrit l’engagement du joueur : il ressentira de la fierté d’avoir réussi face à une situation pourtant mal partie et la moindre petite chance sera reçue comme un cadeau gratifiant.

  • échouer est un plaisir. Les échecs peuvent être hilarants, apprendre sur la façon de jouer, ils peuvent permettre d’expérimenter de nouvelles actions, de découvrir de nouvelles facettes du jeu.
    Il y a évidemment d’autres raisons, mais nous avons gardées celles-ci pour leurs différences avec IRL et ce qu’on peut en apprendre.

À la différence d’un environnement réel, le jeu vidéo fait tout pour nous combler de bonheur, et pas d’un bonheur idiot, mais une expérience épique dont on a largement parlé dans l’article sur le flow. Le jeu vidéo fait tout pour que n’importe qui puisse accomplir de grandes actions qui lui auraient été impossibles de faire ou d’envisager de faire dans les premiers niveaux par exemple. Le jeu vidéo nous apprend à aimer l’adversité, à chercher une difficulté toujours plus importante et à ne pas être traumatisé par les échecs. Le monde du jeu vidéo est un monde où tous ont leur chance, où tout le monde a accès à un « travail » intéressant, complexe, épique, où tous ont une latitude décisionnelle importante impactant sur l’univers. Ici, tous peuvent se réaliser, développer leur potentiel et mener des actions qui changent le monde, le sauvent, le transforment.

En prenant ces critères pour « gamifier », cela suppose de changer, corriger les situations dans une institution pour que tous soient égaux avec leur différence, qu’on ne puisse pas tricher et progressivement laisser chacun accéder à des actions puissantes.

Un rêve n’est-ce pas ?

Encore faut-il que la mécanique de la gamification ne soit pas conçue dans un but d’exploitation du joueur et basée sur des mensonges, ce que nous verrons au prochain article.

Lire la suite, une gamification dangereuse

Viciss Hackso Écrit par :

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17 Comments

  1. caligula63
    20 avril 2015
    Reply

    Sloubi un, sloubi deux, sloubi trois… Sloubi trois cent quarante trois…

    D’ailleurs, je serai d’avis de changer le nom des articles consacrés à la gamifications et les renomer sloubi un, sloubi deux, sloubi trois… 🙂

    Ahhh. kamelott. J’les connais tous par coeur!
    Et l’araignée? Elle a fait des étincelles quand vous l’avez écrasée?? (le zoomorphe, certainement mon préféré)

    Qui est partant pour cul de chouette

      • caligula63
        20 avril 2015
        Reply

        « renommer les articles, c’est pas faux »
        Sérieux, c’est « article » que tu n’as pas compris?

        En attendant, je retiens le fait que tu vas les renommer. D’ailleurs, si tu ne le fais pas, je fais le voyage jusque chez toi et je te frappe avec le côté redondant d’une mouette…

        Aucune chance que tu t’en sortes!

        • 20 avril 2015
          Reply

          Oula vache, si c’est le côté redondant, oui c’est clair je suis foutue !!! C’est même plus la peine d’espérer être considéré en tant que tel.

  2. Mega Dragon
    20 avril 2015
    Reply

    On pourrait crée un jeux vidéo pour testé des modèle économiques est sociétal est pour sa il nous faut des développeurs des joueurs qui décide des règle du jeux il faut aussi intégré des ressource limité pour être plus réaliste.

    • 20 avril 2015
      Reply

      C’est une idée séduisante en effet, mais complexe ! Ce qui me semble plus vraisemblable actuellement pour le jeu vidéo ce sont des expérimentations ponctuelles, sur des petits points : par exemple la pandémie de WOW https://hackingsocialblog.wordpress.com/2015/04/14/changer-les-systemes-la-gamification-partie-1/ était sacrément intéressante, on pourrait faire des choses de ce genre volontairement, sur des points sociaux, politiques etc. En plus les joueurs, même pour une grave pandémie, ont particulièrement apprécié l’expérience. Mais Blizzard a pas donné suite aux demandes des scientifiques qui auraient voulu faire des test ingame.
      Cependant oui, une simulation de société où l’on puisse tout tester oui, je fonce la tester dès qu’elle existe 🙂

  3. RRRomain
    23 avril 2015
    Reply

    Cette histoire de gamification me fait penser à No Game No Life, une œuvre d’une qualité discutable mais qui rentre tout à fait dans le thème : les 2 personnages y décrivent la réalité comme un jeu interminable avec 7 000 000 000 d’adversaires, sans règles ni objectifs ni récompense ni paramètres réglables, dont les pénalités injustes empêchent de s’y amuser, et où on ne peut pas passer son tour.
    Je ne sais pas ce que donnerais un « vrai » monde (jveux dire un monde sans magie ni facilité scénaristique : ici on n’est pas dans une adaptation de light novel hélas) basé sur les 10 Engagements, mais en tout cas ça aurait le mérite d’être formidablement amusant ^^

  4. […] vous y donnez, comment vous le faites. Autrement dit, basez-vous sur les motivations intrinsèques (on en parle ici) que vous ressentez aux compétences demandées, aux études que vous avez poursuivies, à vos […]

  5. […] plus la TAD est fortement liée au concept de Flow, on peut même rapidement dériver sur le jeu-vidéo, ça peut être compliqué à gérer. Pour l’instant, le programme des vidéos futures (la […]

  6. […] Dans un dossier sur la gamification, j’avais appliqué la notion de boucle de jeu en game design à l’usine de choux-fleur. Voilà cette boucle unique décrit la totalité d’un métier que j’ai fait en interim pendant 2 semaines. Certains y passent des années voire des vies… […]

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