Selon les contextes, les domaines d’activité et les points de vue, le chef psychopathe (c’est-à-dire le chef sans empathie) peut être également désigné comme « le connard », « le winner », « le sadique », « le killer ». On l’accuse de harcèlement moral, de sadisme, d’inhumanité, de manipulation mentale, d’être « calculateur ». Ailleurs, on vante ses prouesses à avoir été autoritaire, à terroriser tout le monde, à avoir réussi à virer des milliers de personnes et ne pas avoir l’air d’en ressentir le moindre regret (dans les livres et magazines de management).
Sujet de détestation ou modèle à suivre, le chef psychopathe – qui peut être également un collègue, un sous-chef, un manager ou le type du service voisin – peut n’exercer qu’à mi-temps, et être psychopathe selon les circonstances ou selon les personnes en présence. Caméléon, le chef psychopathe peut être fort agréable dans d’autres environnements que la sphère professionnelle, il est même possible qu’il eût été doux comme un agneau avant d’intégrer cette entreprise/ce service/ce poste/, etc.
[lire cet article en pdf :hack-strategie-allic3a9s-hacking-social ]
Cependant, encore une fois, on ne va pas chercher à catégoriser cet individu, à le cibler, à le personnifier : autrement dit, nous n’allons pas parler d’un chef psychopathe, mais d’un code de conduite préconisé par quantité de manuels de management et autres formations au management, à savoir cet outil qu’est la théorie des alliés.
S’attaquer à une personne n’a pas d’effet. C’est le mécanisme qu’elle emploie, le code qu’elle suit, qu’il faut hacker : tout simplement parce le manager psychopathe, désigné ainsi par les actions d’apparence sadiques qu’il effectue, n’est peut être qu’un instrument servile, un pion à la fois manipulateur et manipulé et non un réel psychopathe. Si on s’attaquait à lui, un autre prendrait sa place et il en serait absolument de même : c’est le code prescrit qui pose problème, pas forcément les individus. Le chef psychopathe dont nous parlons est avant tout un personnage conceptuel permettant la compréhension d’une mécanique.
Aujourd’hui, nous allons donc décrire la stratégie des alliés, expliquer en quoi elle est un outil dangereux pour l’environnement humain de l’entreprise, en quoi elle entraîne, pousse, motive les managers à se comporter en psychopathes. Étant donné que la théorie des alliés est un véritable code, on va passer du temps sur la façon de briser ce code, le détourner, l’empêcher de fonctionner.
Pourquoi le casser à tout prix ? Car cette stratégie, notamment la version qu’on va présenter aujourd’hui (y en a de moins extrêmes, mais ça reste néanmoins un très mauvais outil), entraîne des risques socio-psychologiques pouvant déboucher à des conséquences très graves pour les individus concernés. Nous n’hésitons pas à dire que c’est là un devoir moral que de s’opposer à cette stratégie.
On va donc faire parler également hacking social, un « HS » facilement applicable par n’importe qui à son travail s’il est confronté à ce genre de situation. L’objectif est donc d’empêcher les dérives, si possible avant qu’elles n’adviennent : à savoir l’abus de pouvoir, la manipulation mentale et le harcèlement. Bien évidemment, on ne peut pas être exhaustif : les situations au travail varient énormément, et un bon hacking demande une connaissance parfaite des acteurs en place, leur comportement, une connaissance des lieux, des règles explicites et implicites, cela demande de faire des tests, etc.
Avant de commencer rappelons clairement que :
- Nous ne pensons pas que tous les managers et tous les chefs sont psychopathes : nous en avons connu d’excellents chefs, très humains, à l’attitude admirable tout en faisant tourner leur entreprise à merveille. Ceux-ci ont renforcé notre conviction que les psychopathes (ou ceux qui se forment à leur ressembler) n’ont aucune raison valable d’occuper tant de postes à responsabilités sachant que ce n’est aucunement profitable à l’entreprise.
- Nous ne pensons pas que toutes les entreprises soient mauvaises ou malveillantes : certaines sont exemplaires d’humanité, de simplicité et de justesse et de juste mesure vis-à-vis du monde.
- Nous ne pensons pas que tous les individus qui sont soumis à des codes, des techniques, des process malveillants deviennent pour autant malveillants : fort heureusement certains managers, malgré un fort endoctrinement, une pression terrible à suivre des stratégies déshumanisantes sur leurs subordonnés, arrivent à résister, désobéir et rester humain avec leurs subordonnés. Chapeau à ceux-ci, car ils sont strictement dans le même rôle que les résistants dans l’expérience de Milgram, ce qui est demande parfois un énorme courage.
- Contrairement à l’habitude saugrenue de certains médias, quand nous parlons travail, nous ne parlons pas que du monde des bureaux : la stratégie des alliés est par exemple utilisée dans les supermarchés (enseignée aux chefs de rayons), dans les magasins de meubles (pour gérer les vendeurs), les restaurants, le milieu médical, etc. La théorie concerne aussi bien les cadres encadrés que les employés supervisés.
- La théorie/stratégie des alliés peut être utilisée sans pour autant être nommée de la sorte : les vrais psychopathes suivront sans formation de telles stratégies, car il est « normal » pour eux de calculer et manipuler les relations sociales, ils ne connaissent pas le naturel ou l’authenticité, étant privé de cette compétence qu’on nomme empathie. Il est possible que les formateurs ou les entreprises diffusant cette stratégie lui aient donné un autre nom ou tout simplement qu’il ne la nomme pas, mais ordonnent de suivre un tel code. Il est possible que l’entreprise ou l’organisme de formation ait changé un peu le modèle, ses termes ou ses étapes, c’est monnaie courante dans le monde du management. Le hacker social devra donc en premier lieu apprendre la théorie, faire énormément d’observations sur le terrain et quelques tests afin de voir si les individus suivent le protocole de la stratégie des alliés.
La théorie des alliés
La théorie des alliés (également nommée stratégie des alliés) est une méthode pour gérer ses « partenaires », convaincre de la nécessité d’un changement, amener à rallier autour d’un nouveau projet. Elle est également appliquée à la gestion quotidienne des subordonnés par le manager, comme cela a été le cas à Conforama et à Carrefour (cf les sources en fin d’article). Dans les faits, cette stratégie est employée au quotidien comme le code de conduite du manager vis-à-vis de ses subordonnés, comme la « bonne » façon de gérer ses relations avec son équipe. Ce qui fait de la stratégie des alliés une méthode de management, on le verra, de stricte manipulation mentale, aux accents qui ne sont pas sans rappeler la façon dont procèdent les politiciens. Attention, ce n’est pas une méthode qui n’est appliquée qu’à Conforama ou Carrefour, en toute fin dans « sources » vous verrez quantité de liens vantant ce code de conduite qui n’a rien d’éthique.
Cette stratégie se déroule en plusieurs étapes :
« 1 – Recenser ses alliés
– si l’on en a pas, il faut s’en créer
2 – Évaluer ses alliés en jeu commun, jeu personnel, crédit d’intention et procès d’intention pour l’objectif visé » Source : analyse de situation humaine « stratégie des alliés », Ergesis
Il s’agit là pour le manager de se questionner sur les subordonnés : adhérent-ils à son management, est-ce que le subordonné est dans le camp de l’entreprise, de quelle manière est-il engagé, est-ce qu’il est obéissant ou résiste-t-il aux injonctions, jusqu’à quel point peut-il être zélé ou non, quel acte est-il capable de réaliser pour l’entreprise ou le manager… De manière plus simple, on pourrait résumer cela à une seule affirmation : le subordonné est mon allié s’il est en mon pouvoir, m’écoute, me suit et dépasse les objectifs qu’on lui donne, s’il est engagé dans la démarche que je lui propose. Autrement dit, s’il est soumis au pouvoir du manager, de l’entreprise et qu’il a intégré (et sublimé) cette soumission comme sienne (l’engagement).
« 3 – Prendre ses alliés tels qu’ils sont
– on a trop tendance à négliger ses alliés, voire à les rejeter, car ils ne sont pas comme on voudrait qu’ils soient
4 – Considérer ses alliés (développer leur jeu commun et leur crédit d’intention)
– leur donner du pouvoir
– passer 99% de son temps avec eux
– consacrer une part beaucoup plus importance de son énergie à conforter et développer ses alliances qu’à se préoccuper de son adversaire
5 – Mobiliser ses alliés
– ne pas dire « je vais faire quelque chose pour toi » mais « tu vas faire quelque chose pour notre objectif » Source : analyse de situation humaine « stratégie des alliés », Ergesis
Si les points 3 et 4 pourraient être résumé en « faites du favoritisme et sachez appréciez vos alliés les plus déplaisants, parce qu’ils sont néanmoins vos alliés, aussi idiots soient-ils », le point 5 est par contre très révélateur de ces petites manipulations quotidiennes qu’on trouve en entreprise : alors que le manager était prêt à faire quelque chose pour le subordonné, voilà qu’on lui conseille plutôt de donner des ordres au subordonné au nom d’un objectif qui serait commun ; or l’objectif est généralement celui du manager, objectif qu’on lui a également imposé de façon manipulatoire ; il y a donc dans ce glissement sémantique une volonté de faire internaliser les objectifs du manager au subordonné et au passage, de renforcer ou d’amorcer l’idée de clan avec le « notre ». Autrement dit, on dit au manager « ne rendez pas service et ne faites pas de cadeau a votre cour soumise, faites faire à vos subordonnés dociles des actions pour une cause supérieure, abstraite ». Cause supérieure abstraite qui peut être « maintenir l’entreprise la tête hors de l’eau », « faire fi de la crise et maintenir les emplois », « faire du profit pour ne pas se faire écraser par la concurrence », etc. Mais cela cache souvent des « causes » beaucoup plus concrètes et servant bien moins l’intérêt général, à savoir la prime du manager, sa promotion, son bénéfice, sa quête personnelle de pouvoir, etc.
« 6 – Utiliser ses alliés pour se faire de nouveaux alliés (en les faisant agir sur les partenaires instables, les hésitants)
– faire passer vos messages dans un service grâce à vos alliés (en général, les opposants font de la rétention d’information) » Source : analyse de situation humaine « stratégie des alliés », Ergesis
Cette « utilisation » permet au manager d’éviter une confrontation pénible, de déléguer les disputes de la cour : cela protège le manager qui se dédouane de ces inimitiés, cela fait se sentir responsable au subordonné allié et renforce le « clan ». Quant à l’opposant qui ne reçoit les messages que via les laquais du maître, il percevra cela comme du dédain, de l’insulte, voire l’aveu d’une crainte « il n’ose même pas me parler en face ». Cela renforcera son opposition, mais la stratégie des alliés ne parle pas de ses effets secondaires. Autrement dit, ici il y a eut auparavant « diviser pour mieux régner » (car la stratégie des alliés considère qu’il y a deux camps) et maintenant « renforcer son clan pour mieux écraser les méchants et les évincer ».
« 7 – Utiliser ses alliés pour contrer ses opposants
– leur fournir des arguments et des conseils pour contrer les opposants » Source : analyse de situation humaine « stratégie des alliés », Ergesis
Là encore, il s’agit de déléguer la guerre du clan, mais tout en gardant une maîtrise du conflit ; le manager se dédouane de toute responsabilité, ce qui lui permet d’être à l’abri de toute accusation s’il venait à y avoir des dérives envers les opposants (le harcèlement par exemple). Évidemment, dans le cas du harcèlement ce sont les manipulés alliés qui seront mis sur le banc des accusés, pas l’investigateur du conflit utilisant la stratégie des alliés.
La stratégie des alliés catégorise également les individus selon leur adhésion au manager/à l’entreprise/au projet afin de savoir comment jouer avec eux, pour réduire leur influence ou les influencer ; en premier lieu on copie-colle la stratégie des alliés et directement à la suite on a mis des pistes pour hacker la stratégie.
Attention, ces pistes sont non-exhaustives, et évidemment toute autre idée est la bienvenue ; ces pistes sont générales, il faut savoir les adapter en fonction des situations, des individus. Malheureusement, on ne peut pas aller dans le strict détail, car il faudrait connaître tout du background de la situation (de ces acteurs, des actions possibles et impossibles, des habitudes, du lieu, des possibilités du lieu…) pour établir un plan d’attaque précis face à cette stratégie).
Les gentils et les méchants

1 – Les passifs
S’ils ne sont pas concernés par le projet, par le changement ou par la « grande cause de l’entreprise » (c’est-à-dire qu’ils travaillent sans engagement mental pour l’entité abstraite que représente l’entreprise), il est normal que ces « passifs » ne se forment pas d’opinion et qu’ils ne se positionnent pas ; quand on sent qu’un débat est houleux, mais qu’on nous oblige à prendre parti, on l’évite pour préserver, notamment, sa bonne entente avec tous, éviter les conflits ou rester en sécurité.
Ils ne se rangent que du côté de l’opposition au manager ou de l’alliance du manager que s’ils sont convaincus, influencés ou manipulés.
Le comportement recommandé au manager face au « passif » est en quelque sorte du « léchage de bottes », en singeant une forme d’amitié et de considération. Il ne s’agit pas de nourrir une vraie considération : les guillemets à « problèmes » montrent un vrai dédain envers ceux-ci.
Autrement dit, le manager veut le ranger dans son camp via l’amitié/la sympathie/la flatterie : les arguments, la nature du projet n’est pas la question.
Si on se retrouve dans ce portrait…
On va au boulot pour gagner de l’argent contre un travail et on peut réserver l’engagement mental pour d’autres causes, comme sa famille, ses amis, ses activités extraprofessionnelles, des causes autres. Être catégorisé de « passif », par la stratégie des alliés est plutôt bon signe : on est resté à l’écart des guerres de clan parce qu’on a autre chose à faire ou à penser.
De plus, on n’aime pas être pris à partie pour quelque chose qui ne nous concerne pas et il est parfaitement légitime de vouloir éviter des débats qui nous seront inutiles. Cependant, ne pas prendre les devants c’est laisser une porte ouverte à la manipulation : pour éviter cela, on peut soi-même aller chercher des arguments concrets liés au projet, se renseigner dans tous les camps pour se faire une réelle idée de ce qui se trame. Attention, se forger une opinion n’est pas synonyme de parader sous une bannière, mais de se forger une vision objective des deux camps, quitte peut-être à visualiser le problème totalement différemment des deux camps. À ce titre, le « passif » peut être le mieux positionné pour trouver une nouvelle voie liée au projet, n’étant pas concerné directement par le projet.
On le verra plus tard, le « passif » ou « non-concerné », peut jouer un rôle clef pour contrer des manœuvres de harcèlement ou de manipulation mentale. Il suffit pour cela de se sentir concerné, non par ce qui est pointé du doigt par les acteurs du conflit, mais là où il y a de la souffrance, pour tenter de la neutraliser.
Le passif doit aussi savoir exercer son esprit critique : les flatteries, le soudain intérêt pour lui, la présence à ses côtés doivent être passée au scanner d’authenticité. Généralement, si un manager s’intéresse à vous du jour au lendemain, qu’il y a un changement de comportement soudain, cela mérite d’être inspecté avec critique : il y a sûrement des enjeux, des intérêts derrière.
2 – Les hésitants
Les hésitants sont des libres-penseurs qui se font une idée par eux-mêmes et qui réfléchissent par eux-mêmes, en cherchant par eux-mêmes des preuves aux arguments des uns et des autres. En cela, en effet, ils peuvent choisir un clan ou un autre, tout dépend des propositions de chacun.
Ici, il est proposé au manager de les transformer en référents ; la stratégie employée est de jouer sur l’ego de ces libres penseurs « tu es important, je t’écoute, je t’informe en priorité ». Si l’hésitant est vraiment un libre penseur, cela ne l’influencera pas : seule la nature concrète du projet comptera, donc il ne changera d’opinion que si le projet lui semble convenable ; de plus ce « léchage de bottes » peut être très mal perçu par le libre penseur qui y verra très clairement une tentative de manipulation.
Si on se retrouve dans ce portrait…
Félicitations ! C’est le rôle idéal pour un peu de hacking social, parce que le manager psychopathe a du mal à vous catégoriser, il vous dit hésitant, mais peut être que êtes-vous au clair avec ce qu’il y a faire et ne pas faire, mais que vous brouillez déjà les pistes pour mieux hacker le territoire. Votre rôle peut être décisif en cas de harcèlement, car comme le manager-psychopathe tente de gagner votre voix, vous pourrez peut-être réussir à l’influencer. De plus vous obtiendrez énormément de renseignements que vous pourrez diffuser à qui vous l’entendez. C’est assurément une place de contre-pouvoir, cependant attention à l’ivresse, il faut rester « hésitant », hors-clan, et c’est terriblement difficile. Cela demande de l’astuce, certains sacrifices (rester à l’écoute du manager psychopathe, ce qui peut être très dur), et surtout de l’action discrète rudement bien menée (aider les opposants, casser les stratégies de harcèlement, brouiller les communications, etc.). Car sans action, la position d’hésitant est malheureusement vaine.
3 – Les déchirés
Le déchiré est décrit ici un esprit de cour. Le subordonné est soumis et en admiration aveugle devant le pouvoir ; cependant le terme « déchiré » montre également que si une partie de ses collègues est en désaccord, il peut se joindre à l’opposition au manager. Son cœur balance entre l’amitié de ses collègues et l’admiration pour le chef. Il est donc très influençable.
La manager est enjoint à les diriger en « rênes courtes », autrement dit « raccourcir la laisse du chien pour lui laisser moins de liberté ». La théorie des alliés nous fait encore preuve de son incroyable dédain vis-à-vis de l’environnement humain…
Si vous vous reconnaissez dans ce portrait :
Félicitations également, prendre conscience d’avoir ce rôle est extrêmement courageux ! Cette prise de conscience est une première étape nécessaire pour changer et trouver ou retrouver un certain libre arbitre et couper ces « rênes », en cela c’est vraiment une très grande évolution dont peu de gens sont capables. Bravo ! Vous pouvez vous inspirer du portrait « hésitant » maintenant.
Si vous reconnaissez votre collègue dans ce portrait :
Ces personnes ont besoin d’être rassurées sur un plan social, c’est-à-dire que les collègues leur montrent qu’ils garderont leur amitié même s’ils ne sont pas d’accord sur un point. On peut les entraîner à débattre sur des sujets assez neutres au début pour leur apprendre à séparer l’affect des opinions, qu’ils voient qu’on peut s’entendre même avec des avis divergents. On peut leur apprendre à développer leur propre réflexion, sans les influencer en leur demandant leur avis sur des situations, sur ce qu’ils feraient et cela sans les juger ou les orienter. Il s’agit de les émanciper intellectuellement, leur donner une confiance en leurs arguments. Cependant, cela peut être un travail de longue haleine.
4 – Les révoltés
Il est ici conseillé au manager de « placardiser » le révolté « faites le maîtriser par vos alliés » la sentence est particulièrement guerrière. Il s’agit ni plus ni moins que d’incitation à la destruction de l’individu au travail en lui ôtant toute existence. Autrement dit, ces conseils de la théorie des alliés sont une incitation au harcèlement moral.
Si le révolté est si opposé au projet, ce n’est pas forcément par esprit de révolte ou par jalousie : peut-être qu’il est lésé dans le projet, que le projet est objectivement mauvais… S’il est si passionné dans sa révolte, c’est qu’il y a quelque chose qui le met sur les nerfs ou qu’il pressent un danger.
Manager non-psychopathe, ce que tu devrais plutôt faire…
Au contraire de ce que préconise la stratégie, il faudrait mettre un point d’honneur à écouter sa révolte et prendre en considération ses désaccords. Le « révolté » a peut-être des informations, des analyses que le manager ne connaît pas et qui donnent une autre envergure au projet. En ce cas, l’écouter peut permettre d’éviter un échec cuisant ou de lourdes conséquences ; si c’est une révolte personnelle, le conflit peut être facilement réglé avec quelques négociations, ce qui permettrait de retrouver un climat plus propice au travail.
Il y a tout à gagner d’écouter les révoltés, cependant cela nécessite de mettre son ego de chef de côté, accepter qu’on ne soit pas omniscient et que nos décisions ne soient pas forcément les meilleures.
Si on se reconnaît dans ce portrait…
On est une cible, une personne à harceler. Autant dire que la vie au travail va devenir rude, voire totalement invivable si ce n’est pas déjà le cas. On n’est également pas la personne la plus apte à faire changer les choses, à faire changer le manager psychopathe ou ses projets, tout simplement parce qu’on est l’ennemi numéro 1 et que ce sont les passifs ou les hésitants qui seront le plus à même de faire changer les choses.
N’hésitez pas à fuir, à négocier un licenciement rapidement, à préparer votre chômage, à appeler à l’aide des autorités compétentes (inspection du travail, syndicats, médecine du travail, CHSCT) : il ne s’agit pas de baisser les bras, mais d’éviter une lutte plus que pénible, destructrice, dangereuse pour votre vie. Aucune vie ne mérite d’être brisée par un emploi, un harcèlement. Fuyez, cependant n’oubliez pas : médiatisez IRL et en ligne l’événement, écrivez-le, prenez des photos, collectez des preuves de toute sorte. Ce n’est pas au travail que vous changerez la donne (car vous êtes ciblé), mais à l’extérieur, avec des appuis extérieurs, avec des actions extérieures. Faites sortir les affaires internes en externes.
On peut douter de la nature du harcèlement (qu’on en soit la cible ou qu’on soit témoin), voici les agissements qui caractérisent le « mobbing » (c’est à dire un harcèlement en groupe sur une ou plusieurs personnes) : https://harcelementmoral.wordpress.com/2013/02/18/les-45-agissements-constitutifs-du-mobbing/
On reparlera du harcèlement plus en détail dans le futur sur le blog.
Si vous repérez un collègue devenu « cible »…
Il va sans dire qu’il faut le soutenir. De toutes les façons qui soient, et il faut aussi convaincre tout le monde de le soutenir. Il y a des actions de hack social qu’on peut réaliser sans conséquence : par exemple, briser toutes les conversations-ragots qui visent à détruire la cible (en changeant brutalement le sujet « tu me dis qu’untel est un gros con, ça me fait penser à Hollande/Sarkozy/Le Pen, vous avez entendu dans les infos… » ; en s’énervant « tu me dis qu’untel est un gros con, mais bordel moi j’ai tel dossier/travail qui attend et vous bavassez alors que j’ai besoin d’aide ! » ; en étant bizarre, etc.) ; en refusant l’idée de placard et en allant voir le collègue comme si de rien n’était, et cela fait même perdre du temps (quitte à se plaindre auprès d’un autre responsable de la perte de productivité que cela engendre) ; en se choquant bruyamment des ordres du manager psychopathe et de façon très entendue « Mais qui a envoyé untel nettoyer cette salle à la brosse à dent alors qu’on est débordé ici et qu’on a besoin de main d’œuvre ! Quel est l’incompétent qui a fait ce choix ! » (c’est particulièrement efficace si le manager-psychopathe est sadique de sa propre initiative) ; tout simplement en aidant la cible à collecter des preuves de son harcèlement, à la protéger des agressions, à l’accompagner dans ses démarches administratives, en la soutenant moralement, en se faisant témoin, en lui expliquant qu’il n’est pas responsable de ce qui lui arrive, etc.
5 – Les opposants
Nous n’avons pas trouvé ce qu’était le « complexe de la pie » ; on suppose qu’il s’agit là de se laisser entraîner dans des bavardages sans fin, ou alors de se sentir obligé d’argumenter.
[Le complexe/le syndrome de la pie consiste à ne voir que ses opposants et pas ses alliés ; source : http://www.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1295877017934 merci à Unaneauxnimes pour avoir trouvé cette information !]
Là encore, la théorie des alliés conseille de fermer tout débat même s’il est explicitement dit que les arguments sont crédibles : or si les arguments sont crédibles, c’est que le projet a un problème, donc fermer le débat, refuser de changer, d’adapter le projet, c’est imposer un projet qui sera un échec sur les points soulevés.
Là encore, on incite le manager à penser avec son ego plutôt qu’à l’efficacité de ce qu’il propose, on l’incite à suivre un biais d’auto-engagement. Or il est totalement absurde de ne pas tenir compte des bons arguments qui peuvent éviter des échecs ou des problèmes futurs. C’est également une perte que d’écarter des subordonnés qui sont ouverts à la discussion, qui réfléchissent avec discernement sur leur environnement : en faire des collaborateurs proches serait au contraire fort riche d’évolution pour l’entreprise.
Si vous reconnaissez votre collègue dans ce portrait ou que vous vous reconnaissez dans ce portrait
L’opposant est quelqu’un de réfléchi, qui agit et qui semble intelligent (il est dit que ses arguments étaient bons). Si vous n’êtes pas lui, il suffit de faire tout l’inverse de ce que préconise le « votre comportement » de la théorie des alliés : à savoir faire exister ces bons arguments, les populariser en toute intelligence. L’opposant sait gérer lui-même ses stratégies, cependant il a besoin de soutien moral, il n’est pas à abandonner à la moindre menace de la part du manager psychopathe ou à la moindre promesse de promotion. Seuls comptent les arguments valides.
6 – Les grognons
Il est question ici de renverser l’énergie du râleur pour en faire un publicitaire du projet. Il est qualifié de « formidable source d’information » parce que l’expressif peut avoir une tendance à la délation : il se plaint de Untel, critique tel autre, explique les événements à l’aide d’informations sur la vie des personnes, se base sur des rumeurs… Ces informations pour le manager-manipulateur permettent d’exercer plus de pouvoir sur l’environnement social afin d’imposer le projet.
Si vous reconnaissez votre collègue dans ce portrait ou que vous vous reconnaissez dans ce portrait
Tout le monde devrait encourager le grognon à l’action. Dès qu’il se plaint, par exemple d’une façon de faire, il faut l’inciter à l’action « Ok, tu as raison on va essayer différemment aujourd’hui ». Les tests, expérimentations d’actions vont l’inciter à réfléchir avant de râler, ce qui étayera sa réflexion et le responsabilisera. Il faut en faire de même avec les informations liées aux personnes « Ok, tu n’aimes pas comment Untel t’a parlé aujourd’hui, viens on va en discuter avec lui ».
Il faut l’inciter à exprimer plutôt les solutions aux problèmes pour lesquelles il se plaint et le reprendre dés qu’on commence à sentir qu’il ne fait que répéter des ragots, des faits qu’il a obtenus du manager psychopathe : en lui demandant ce qu’il ferait lui, en demandant en quoi le fait que « untel trompe sa femme » affecte la productivité ou le gène dans son travail, en l’interrogeant gentiment sur les incohérences de son discours (des incohérences, il y en aura, s’il a été manipulé).
N’oublions pas qu’un bon râleur est celui qui va au-delà de la plainte et qui essaye de résoudre les problèmes. Il fait la part des choses entre les vrais problèmes au travail et les faux (le caractère d’untel, les histoires de tel autre et autres « on-dit »)
7 – Les militants
Selon la description qui en est faite, il ne s’agit pas de militants aux engagements internes forts, mais de personnes à l’esprit critique peu développé, zélée et soumises ou fascinées par le pouvoir. « Elles sont parfois peu crédibles » et nécessitent « qu’on les accepte telles qu’elles sont ». La stratégie proposée au manager est alors de les éduquer à être plus convaincant et en faire des soldats plus dignes, plus présentables. On voit encore un véritable dédain du manager vis-à-vis des personnes qui pourtant l’admirent le plus.
L’antagonisme dans la théorie des alliés est décrite ici dans un autre document et consiste à ce que le « militant » développe ses activités : « Être convaincu d’avoir raison, être insensible aux critiques, décider rapidement, être ferme dans l’action, mener son projet avec détermination, jusqu’à son terme, compter avant tout sur soi, … ; Interrompre une conversation, refuser un rendez-vous, critiquer de manière systématique, mettre en doute sa bonne foi, créer une ambiance stressante, manifester sa colère, insulter, … ». Autrement dit, la stratégie des alliés recommande au manager de pousser le « militant » à devenir un horrible personnage harcelant les personnes qui ne sont pas dans le camp du manager…
Si vous reconnaissez votre collègue dans ce portrait
Étant donné l’état de soumission de ces malheureuses personnes, on peut les contre-engager sur des questions plus universelles. Il s’agit de les contre-manipuler à devenir libre en utilisant les stratégies d’engagement sur des thèmes telles que l’indépendance, l’altruisme, l’autonomie, l’empathie… Vous l’aurez compris, là on préconise des stratégies de manipulation, mais pour les libérer d’une emprise : on les met doucement sur la voie de l’indépendance, pour qu’elles puissent par elles-mêmes prendre conscience de leur soumission au manager psychopathe et se défaire de son emprise pour développer leurs propres opinions.
Cependant, s’ils sont déjà passé de l’autre côté, que leur « antagonisme » est développé, il s’agira plutôt de les empêcher de faire des dégâts et combattre leurs stratégies de harcèlement….
8 – Les membres du triangle d’or
Ce sont les alliés irréductibles du manager. À noter qu’il est conseillé de les aider à réaliser leur « jeu personnel » : dans un autre document explicitant la théorie des alliés, cette notion est expliquée ; c’est une posture d’antagonisme, où l’autre est considérée comme un objet. Donc le manager doit encourager ses alliés à « Être convaincu d’avoir raison, être insensible aux critiques, décider rapidement, être ferme dans l’action, mener son projet avec détermination, jusqu’à son terme, compter avant tout sur soi… » (lettre sociodynamique, la stratégie des alliés, JC Fauvet et Y. Jaunet)
Si vous reconnaissez votre collègue dans ce portrait
Étant donné la rigidité de leurs opinions ou de leurs attitudes, il s’agit là d’abord de les décontracter, de les amener à s’amuser, d’essayer de les faire considérer l’environnement de travail moins au sérieux. Il faut essayer de les convertir à l’appréciation d’une bonne ambiance, de l’amitié, du plaisir d’être hors sujet, du bonheur qu’il peut y avoir à ne pas être en guerre perpétuelle. On peut s’amuser tout en travaillant bien, parfois même on ne travaille bien qu’en étant bien avec les autres, avec une bonne ambiance. Argumenter ne servira pas, il faut leur montrer, leur faire vivre des bons moments et qu’ils voient, ressentent par eux-mêmes, constatent que c’est non seulement plus agréable, mais plus profitable pour l’intérêt général et même l’efficacité de l’entreprise. N’oubliez pas que ce sont les actions qui font les idées, donc faites les vivre.
Ce que la stratégie des alliés nous « apprend »…
On peut constater que la stratégie des alliés à Conforama est la même. Source Rue89 : http://rue89.nouvelobs.com/rue89-eco/2013/03/15/conforama-le-pays-ou-les-salaries-rebelles-sont-fiches-240562
On a donc là tous les pions et autres pièces du jeu d’échecs que doit œuvrer le manager soumis à ce modèle réducteur de la réalité sociale au travail. Cette stratégie nous apprend que :
- Les subordonnés sont soit méchants (les opposants) ou gentils (les alliés/militant) ou neutres, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas choisi de camp (en apparence).
- Les gentils sont ceux qui suivent la logique du manager (ou de l’entreprise), qui adhérent à ses idées, qui remplissent et vont au-delà des objectifs prescrits. C’est l’inverse pour les opposants.
- L’important n’est pas la nature du projet, du changement, de l’organisation du travail, de la teneur des objectifs et du travail en lui-même, de la vie du groupe au travail, de la bonne ambiance au travail, il s’agit pour le manager/l’entreprise d’avoir le maximum de laquais engagés et cela quelque soit ce qu’on leur propose.
- L’important est donc pour la stratégie des alliés l’influence que l’on a sur les autres ; une influence telle que les alliés-laquais ne puissent plus faire preuve d’esprit critique, ne puisse plus mettre en œuvre un discernement pouvant contredire avec justesse les directives. Il s’agit de placardiser ceux qui contredisent les projets de l’entreprise/ du manager, de couper toute voix pouvant remettre en cause l’organisation, les directives, les projets.
On a donc ici une stratégie qui ne sert que le pouvoir, pas l’organisation ni le profit, pour la simple raison que rien ne peut évoluer si on tue toute opposition. Or une entreprise se doit d’évoluer si elle veut perdurer ou faire du profit. Autrement dit, les chefs d’entreprise, même ceux qui sont uniquement motivés par le profit, devraient y réfléchir à deux fois avant d’opter pour un modèle de conduite de ce genre pour leurs managers.
Évidemment, la vision de l’environnement humain proposée par la stratégie des alliés est catastrophique, réductrice : l’homme y est un loup pour l’homme, c’est la loi de la jungle, le manager y est un dieu qu’on ne peut pas contredire même s’il a tort et même s’il ordonne de foncer dans le mur, les subordonnés sont considérés comme des crétins, des outils, mais pas comme des personnes vivantes pouvant souffrir, souffrir à tel point que le suicide semble être la seule voie de libération. Comme c’est un modèle de conduite, un déterminant social, une vision qui est mise en œuvre, appliquée au quotidien, en effet, le lieu de travail vire alors vite en territoire de guerre. Donc la théorie, en application, crée sa réalité. Appliquer un modèle différent (ou opter pour une absence de modèle), par exemple quelque chose d’humain où l’on collabore plus qu’on ne se fait des croche-pattes et cela deviendra réalité. Et il est même probable que cela sera plus profitable au long terme pour l’entreprise, tant en profit qu’en termes d’évolution, d’adaptation aux changements, etc.
Conséquences négatives de la stratégie des alliés

- Cela entraîne une surveillance et une récolte de données illégales et discriminatoires :
À Conforama par exemple, les subordonnés sont classés en trois couleurs ; rouge pour les opposants, verte pour les alliés et orange pour ceux qui penchent un peu en direction des opposants. Des fichiers illégaux listent ces données, agrémentées de commentaires discriminatoires justifiant cette classification « syndicaliste », « à dégager »…
C’est coûteux (frais de justice), mauvais pour l’image de l’entreprise, preuve de peur et de bêtise de la direction ayant mis en place ce genre de système.
- Mettre en œuvre au quotidien cette stratégie, c’est considérer que la vie au travail est une guerre perpétuelle et cela installe et nourrit cette guerre de clan : les simples râleurs, les « pas très engagés » vont se transformer en véritable opposant et nuire au travail, car la stratégie des alliés les poussent dans leurs retranchements ; cela pousse les « alliés » à harceler les opposants, à attaquer tout ce qui diffère du « clan ».
Résultat, l’ambiance sera globalement mauvaise, le turn-over plus conséquent (ce qui entraînera des coûts de formation et fera perdre de bons éléments), les clients ne se sentiront pas à leur aise (une mauvaise ambiance se ressent, qu’importe les sourires factices qu’ils reçoivent), on donnera des pouvoirs et de l’importance à des gens intolérants ce qui est clairement mauvais pour l’image de l’entreprise, les arrêts maladies vont être très courant, des affaires de harcèlement pourront émerger, l’organisation du travail stagnera, s’embourbera dans ses préjugés, les nouvelles idées ou représentations étant attaquées avec virulence.

envoyé spécial, 28 février 2013 France 3
- à favoriser les guerres de clan, on favorise chez les individus la soif de pouvoir, du profit personnel : le « professionnalisme », le goût du travail bien fait, le plaisir de bien réaliser l’activité, le plaisir de travailler en harmonie avec son équipe/ses collègues, passe alors au second plan voire est évincé. Si les performances peuvent être apparemment au rendez-vous, le travail ne sera pas pour autant bien fait : l’individu aura peut-être trouvé un moyen de « voler » les clients de ses collègues, il aura peut-être trouvé des techniques de vente irrespectueuses, il aura peut-être négligé la qualité du travail fourni pour pouvoir donner l’apparence de belles « performances ».
- adopter une telle stratégie aussi réductrice, aussi cloisonnante est un véritable piège : il sera très difficile de faire marche arrière ensuite, parce que les alliés et les opposants seront lancés dans une guerre mutuelle. Impossible d’en faire une bonne équipe soudée ou de tester d’autres changements : cette stratégie pousse les individus à être bornés, têtus et certainement pas souples et adaptables aux changements. C’est aussi fermer la porte à mille stratégies plus positives qui, elles, laissent aux individus leur potentiel de collaboration, d’entraide, d’adaptabilité, fort plus profitable à l’entreprise, son évolution, son profit, ses innovations et son adaptabilité.
Hacker la stratégie des alliés
On a déjà donné quelques pistes en fonction des rôles perçus par le manager psychopathe, mais si le terrain professionnel est déjà aussi compartimenté en « gentils » et « méchants » c’est que le manager psychopathe a déjà eu trop de latitude décisionnelle : l’idéal est d’empêcher la moindre mise en place de clans et de guerre de pouvoir.
Pour éviter cela, il faut toujours mettre un point d’honneur à être solidaire, maintenir une cohésion, faire en sorte que les personnes travaillant ensemble, aient plaisir à être ensemble même si elles sont très différentes : l’amitié est le meilleur rempart aux manipulations et c’est franchement plus agréable au quotidien.
On peut également mettre un point d’honneur à traquer la moindre souffrance sur le lieu de travail pour l’empêcher, et cela en aidant le collègue, le manager ou le type du service voisin qui souffre. À noter que même les clients peuvent vraiment bien aider à cette tâche, en soutenant un caissier qui se fait engueuler injustement, en offrant des pauses aux salariés, en étant sympathique et compréhensif, etc.
Il peut être important de ne pas être catégorisable, de rester gris aux yeux du manager, ne serait-ce que pour l’éduquer, le conditionner à faire de bons choix : par exemple obéir ou le remercier de se préoccuper de tel problème quand l’initiative est bonne et lui désobéir dans d’autres situations.
Il ne faut pas s’attaquer à l’homme, mais à la mécanique, au code. Donc, s’il est nécessaire de s’énerver, par exemple si on trouve un collègue forcé d’effectuer une tâche inutile ou dégradante, on peut par exemple appeler tout le monde pour finir cette tâche au plus rapidement pour passer à quelque chose de plus important : on renforce la solidarité au passage et on décrédibilise ce genre d’ordre sans pour autant attaquer frontalement les personnes responsables, ce qui leur laisse une occasion de se rattraper, d’avoir une conduite moins « sadique » par la suite.
Cependant, il est vrai qu’il y a des situations désespérées et désespérantes : on pense par exemple à l’époque de France Télécom-Orange où le contexte était de pousser à la démission plus de 22 000 personnes, où des managers étaient recrutés dans cet unique but de « faire le ménage » : quand le harcèlement prend ces proportions, c’est à l’extérieur qu’il faut agir, trouver de l’aide, pour médiatiser les histoires, faire éclater la vérité. C’est à l’extérieur qu’il faut renouer la solidarité avec les collègues et s’entraider. C’est à l’extérieur qu’il faut trouver des plans de fuite qui ne sont pas pour autant un oubli du sadisme à l’œuvre. Notons au passage que ces managers, embauchés pour faire régner la terreur durant cette époque, ont également souffert (dépressions, tentatives de suicides…) : la responsabilité des souffrances n’est pas qu’une question de personnes sadiques, mais de mécanique, de structure, de code imposé. Cette précision est très importante parce que souvent les entreprises s’en sortent en justice en accusant une ou deux personnes désignées comme les coupables, sans pour autant qu’elles changent quoi que ce soit à leurs méthodes, méthodes qui pourtant créent des guerres, incitent au harcèlement, à la manipulation, à faire souffrir les personnes ou à créer des bourreaux.
PS : Si vous avez des idées de hack, si vous avez été confronté à la théorie des alliés (incité à l’utiliser ou forcé de la subir), partagez-nous votre expérience ! On se fera un plaisir de gonfler l’article.
SOURCES
Au sujet du harcèlement :
• Elisabeth Grebot, Agir contre le harcèlement moral au travail, Le cavalier Bleu, 2010
• pour savoir si on est victime de harcèlement, un inventaire des agissements constituant le harcèlement : https://harcelementmoral.wordpress.com/2013/02/18/les-45-agissements-constitutifs-du-mobbing/
• quelques conseils de contre manipulation face à un manipulateur-harceleur : http://www.doctissimo.fr/html/psychologie/bien_avec_les_autres/16259-harcelement-moral-travail.htm
• point de vue juridique : http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F2354.xhtml
Si vous êtes manager ou entrepreneur et que vous ne souhaitez pas tomber dans ces travers. On vous conseille la lecture :
• Dason Fried, Heinemeier Hansson, Rework ; on a également fait un article à ce sujet ici
• « Pourquoi le travail nous emmerde… et comment faire pour que ça change ! », de Cali Ressler – Jody Thompson
On peut également abandonner cette idée de management, de pouvoir et d’autorité, et réduire au maximum la ligne hiérarchique :
• un exemple avec Gore Tex, qui a un système démocratique très intéressant http://www.capital.fr/enquetes/strategie/chez-gore-tex-chaque-salarie-est-son-propre-manager-837156
• Sogilis, petite entreprise qui fonctionne à merveille sans chef, http://www.lefigaro.fr/vie-bureau/2014/02/27/09008-20140227ARTFIG00065-le-management-sans-managers-c-est-possible.php. et http://blog.sogilis.com/post/82777936927/retour-sur-la-vitrine-dexcellence-du-numerique-iserois#disqus_thread.
• un exemple génial avec Favi, cette fois dans le milieu de l’usine http://www.favi.com/managf.php
Sources expliquant/montrant/décrivant des entreprises où la stratégie des alliés est recommandée/utilisée/préconisée/étudiée ; la liste est loin d’être exhaustive car cette stratégie est très populaire :
• À Conforama : StenkaQuillet et Charles Maumy (real.) Envoyé spécial. Entreprises : les patrons mettent-ils trop la pression ? France Télévisions, 28/02/2013.
• Rue 89 confirme la pratique à Conforama : http://rue89.nouvelobs.com/rue89-eco/2013/03/15/conforama-le-pays-ou-les-salaries-rebelles-sont-fiches-240562
• A carrefour ; le chef de rayon dit avoir été formé à la théorie des alliés (et bien d’autres outils de la sorte) : Grégoire Philonenko et Véronique Guienne, Au carrefour de l’exploitation, DescléeDeBrouwer, 1997.
• Les extraits utilisés dans cet article proviennent d’un PDF conçu par Ergesis, qui est un consultant/coach en management. On avait trouvé le document d’abord cité à cette adresse : http://www.ergesis-solutions.com/wp-content/uploads/2011/06/ERGESIS-analyse-de-situation-strat%C3%A9gie-des-Alli%C3%A9s.pdf, cependant il n’est plus accessible gratuitement, on le trouve ici : http://fr.scribd.com/doc/220474279/ERGESIS-Analyse-de-Situation-Strategie-Des-Allies Si vous voulez le voir, demandez-nous par mail.
• Site de consultant qui « accompagne les collectivités territoriales dans le développement de leur système d’information. » : http://www.vicq-consultants.fr/eadmin/Documentsli%E9s/Lettre%20sociodynamique%2020%20-%20Strategie%20des%20allies.pdf
• Livre de management, « 65 outils pour accompagner le changement individuel et collectif », ed Eyrolles http://www.eyrolles.com/Chapitres/9782212548433/Mot-A_Tonnele.pdf
• Organisme de formation continue qui se dit « basée sur l’éthique de réciprocité et la coformation » et qui propose un stage autour de la stratégie des alliés dont l’objectif est que les encadrants se fassent des alliés http://www.chagot-formation.com/pdf/management-la-strategie-des-allies.pdf
• « mon hôpital numérique » dont l’objectif est de « de diffuser les bonnes pratiques au plus grand nombre » la théorie des alliés semble être une bonne pratique selon eux : http://www.monhopitalnumerique.fr/medias/Objets/Fichiers/carte-des-allies.pdf
• un logiciel pour se former à cette stratégie par le « leader canadien de la formation à distance » http://ellicom.com/boutique/cours/accompagnement-du-changement/gerer-le-changement-la-strategie-des-allies/
• livre de management « Transformer par les processus : Le pilotage du changement étape par étape » Par Michel Raquin,Clément Artiguebieille http://books.google.fr/books?id=4SsBAgAAQBAJ&pg=PA292&dq=strat%C3%A9gie+des+alli%C3%A9s&hl=fr&sa=X&ei=xxF3VKOyOdOu7AbHqYCACg&ved=0CC4Q6AEwAg#v=onepage&q=strat%C3%A9gie%20des%20alli%C3%A9s&f=false
• livre de management : Le manager joueur de go : Nouvelle édition revue et complétée Par Jean-Christian Fauvet, Marc Smia http://books.google.fr/books?id=3eYAAAAAQBAJ&pg=PA82&dq=strat%C3%A9gie+des+alli%C3%A9s&hl=fr&sa=X&ei=xxF3VKOyOdOu7AbHqYCACg&ved=0CFsQ6AEwCQ#v=onepage&q=strat%C3%A9gie%20des%20alli%C3%A9s&f=false
Sur france télécom-orange :
• Vincent Talaouit avec Bernard Nicolas, « Ils ont failli me tuer », Flammarion, 2010.
• « ils m’ont détruit », Yonnel Dervin
A reblogué ceci sur raimanet.
Excellent article ! Bravo !
J’ai réussi à trouver ce qu’il entendait par le « complexe de la Pie ». Il s’agit en fait du syndrome de la pie ce qui fait qu’on ne voit que ses opposants et plus ses alliés (Lien : http://www.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1295877017934). Il y a d’ailleurs une description de toutes les parties décrites dans cet article.
Merci beaucoup !! Je vais mettre à jour l’article, le lien est en plus un très bon complément.
[…] régulation externe peut malheureusement croire aux bienfaits des carottes et bâtons : car si le manager psychopathe cesse de hurler des ordres, cesse les humiliations et les menaces, il est probable que […]
[…] du monde, notamment celui de l’entreprise, on a dénoncé des mises en systèmes dangereuses (théories des alliés, benchmark) : leur finalité est épouvantable, par exemple la théorie des alliés transforme […]
[…] Sur une stratégie de management assez psychopathe : http://hacking-social.com/2014/12/01/hacker-le-chef-psychopathe-la-theorie-des-allies/ […]
Bonjour,
merci pour cet article.
J’ai une bonne expérience de la stratégie des alliés pour la pratiquer. Je dirai que ce qui est important n’est pas la méthode en soi, mais plutôt ce que nous en faisons ou comment nous l’interprétons (votre exemple des « révoltés », bien sûr il faut prendre en compte leur grief !). Et forcement, le manager « pervers narcissique » transforme l’essence même de cette méthode en quelque chose de nuisible, … effectivement !
Et pourtant à la base, elle a la vocation de faciliter les rapports humains, à les comprendre, et à donner une place plus importante à l’Homme dans les organisations. C’est dans cet esprit que son créateur (JC Fauvet) l’a créée et l’a toujours abordé : « apporter un peu plus « d’humanisme » dans les entreprises » … il est vrai que les dérives que vous évoquez sont totalement révoltantes.
Je découvre juste le hacking social avec votre blog, je me sens clairement un défenseur des discriminations, un combattant des rapports de dominations, un militant pour remettre l’individu à sa juste place dans l’entreprise … et j’utilise la stratégie des alliés 🙂 non pas pour diviser, mais pour rassembler, et défendre ceux, sans qui l’entreprise n’existerait pas.
Au plaisir d’échanger sur le sujet
Bonjour, savez-vous comment je peux trouver un exemple de questionnaire pour évaluer et faire la carte ds alliés? Y a t il une autre méthodo que le questionnaire ? Merci de votre retour. Emmanuel
[…] La théorie des alliés : nous montrons comment elle peut être nuisible, comment elle est « jeu d’échecs » où les salariés sont des pions à jeter ou à manipuler. […]
C’est très intéressant, mais j’ai beaucoup de mal à voir la mise en oeuvre de tout cela.
Je bosse en SSII, et je pense entrer dans la catégorie des grognons, bien que de nombreux indices me font penser qu’on m’a plutôt mis très à droite en bas du graphique, dans la catégorie des ennemis à placardiser (alors que je ne sais pas trop quel mal je leur ai fait). Mon manager direct est dans le triangle d’or, mon autre collègue direct est plutôt passif en apparence, mais je le pense plutôt en bas du triangle d’or lui aussi.
Et tout le monde sera heureux de me voir partir, y-compris les collègues déchirés ou clairement en opposition. Sauf que la crise, tout ça, faut bien que je bouffe…
Du coup, je ne sais pas trop quoi penser de cet article…
[…] régulation externe peut malheureusement croire aux bienfaits des carottes et bâtons : car si le manager psychopathe cesse de hurler des ordres, cesse les humiliations et les menaces, il est probable que […]
Bonjour, et merci pour cet article fort intéressant (et qui tombait à point nommé pour moi).
A l’occasion de recherches plus poussées sur le sujet (vive Internet!), j’ai trouvé une précision légèrement différente sur le syndrome de la pie : « […] le syndrome de la pie, qui est attirée par ce qui brille, précieux ou pas. Ce qui attire votre attention en tant que manager, c’est la force argumentative et la réactivité de vos opposants. »
(source : http://www.wikimanagement.net/pages/42-gerer-lopposition-dans-son-equipe.php)
[…] La théorie des alliés […]
[…] certes, imaginer ou vous présenter des hacks possibles dans certaines situations (par exemple théorie des alliés, les conférences…), mais seul un acteur d’une situation peut en voir tous les déterminants et […]
[…] Hacker le chef psychopathe : la théorie des alliés. Selon les contextes, les domaines d’activité et les points de vue, le chef psychopathe (c’est-à-dire le chef sans empathie) peut être également désigné comme « le connard », « le winner », « le sadique », « le killer ». On l’accuse de harcèlement moral, de sadisme, d’inhumanité, de manipulation mentale, d’être « calculateur ». Ailleurs, on vante ses prouesses à avoir été autoritaire, à terroriser tout le monde, à avoir réussi à virer des milliers de personnes et ne pas avoir l’air d’en ressentir le moindre regret (dans les livres et magazines de management). […]
[…] pour cracker de la théorie des alliés, une méthode de management nuisible à l’environnement […]
Merci pour votre très très riche article. Par contre je suis en recherche d’un questionnaire type permettant dévaluer la catégorie des personne et donc de réaliser la cartographie des alliés. Savez vous où puis-je en trouver un pour l’exemple ? merci de votre aide. Emmanuel
Alors la catégorisation des personnes par celui qui emploie la théorie des alliés est parfaitement subjective, c’est le cœur de son problème (entre autre méfaits). Dans l’article, nous dénonçons cette méthode qui s’emploie à détruire la solidarité au travail. Perdre la solidarité entre les personnes au travail est de l’ordre du très mauvais management, sans empathie, d’où le titre qui mentionne le mot « psychopathe ». Vous pouvez trouver des méthodes de management beaucoup plus saines et humaines ici :
https://www.youtube.com/watch?v=NZKqPoQiaDE
On en aborde à la fin de l’homme formaté : https://www.hacking-social.com/2015/05/28/lhomme-formate-manipulations-commerciales-mediatiques-et-professionnelles/
et dans cet article : https://www.hacking-social.com/2014/06/10/un-management-sain-si-si-cest-possible/