⬟ Former des changeurs de monde… à l’école

« Que se passerait-il si les élèves apprenaient à résoudre des problèmes difficiles concernant leurs vies, leurs communautés et le monde en général ? Que se passerait-il s’ils pouvaient comprendre comment les facteurs d’un problème seraient liés et usaient de ces connaissances pour amorcer des changements positifs dans le monde ? »
Autrement, dit que se passerait s’ils devenaient… changeur de monde ?

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Il est aussi intégré dans ce livre disponible à l’impression :

Ne serait-il pas formidable si, dès onze ans, nous étions formés à changer le monde, avec esprit critique et réflexion, indépendamment des idéologies dominantes ou dangereuses ? Si on apprenait et on s’entraînait à être organisé, réfléchi… Si on expérimentait la collaboration avec tolérance et humilité autour d’une question ou d’un problème afin de rendre meilleure sa propre vie, celle des autres, voire résoudre et agir sur une question de société ?

Ce n’est pas un rêve farfelu, c’est une des visées de la bien réelle école Quest to Learn ainsi que d’autres « Quest Schools », des écoles « gamifiées », inspirées par le monde du numérique, notamment celui du jeu-vidéo (on en a parlé ici). Cette visée, c’est comprendre les systèmes, les analyser, les réfléchir et enfin, selon le problème, les améliorer, les corriger voire les annihiler. C’est un thème cher à notre cœur, puisqu’évidemment cela correspond presqu’au mot près à la définition du hacking social.

Ce thème des « systèmes » nous l’avions abordé au travers de la gamification et nous avions consacré un seul article dans le dossier sur Quest to Learn : ce n’était pas suffisant à notre sens. Nous y revenons via un autre sujet aujourd’hui, parce que nous éprouvons une véritable fascination pour cette école et ce qu’elle soulève comme possibilités. Nous y revenons également parce qu’il est primordial à notre sens de ne pas en rester à l’indignation, mais d’explorer des pistes, des alternatives concrètes et positives à ce que nous dénonçons par ailleurs. Les Quest schools, sous bien des angles, sont plus qu’une piste de solution, mais une véritable et concrète source d’inspiration.

Le pack proposé par Institute of play (là ou sont conçus les programmes, les jeux des Quest schools) sur lequel nous nous basons aujourd’hui pour cet article, propose des outils concrets et simples pour reconsidérer la façon de faire étudier un problème aux élèves. Il propose des outils qui apportent des compétences, de nouvelles potentialités aux élèves, qui les aident à penser le monde et eux-mêmes et, must du must, à agir sur des problèmes complexes, d’ordre social.

Plus que de la théorie, ce pack s’appuie sur des programmes déjà expérimentés par des élèves de niveau collège/lycée : il s’agissait pour eux de réfléchir, établir des stratégies et mettre en œuvre celles-ci pour baisser leur niveau de stress, casser le système du harcèlement scolaire, penser la prévention d’une guerre en Iran.

Avec ce présent article, je ne m’adresse pas qu’à des pédagogues ou des personnes liées au système scolaire : exposer les Quest schools, c’est pour moi montrer qu’on peut changer radicalement de conception dans nos façons de faire, d’envisager les choses – bref, changer de paradigme à plusieurs niveaux – et le faire avec une simplicité étonnante, avec humanité et bienveillance. C’est l’exemple concret d’une « révolution » sans heurts ni victimes, bienveillante et simple, c’est la concrétisation d’un changement total de perspective, de finalité : je me répète, mais c’est pour moi l’exemple d’un nouveau paradigme à l’œuvre.

Que cet élan épique ne vous y trompe pas : les Quest schools, notamment ce qu’on va voir aujourd’hui, ne sont pas forcément spectaculaires. Il s’agit de petites choses simples, mais qui, de la façon dont elles sont posées, proposées aux élèves, dont elles sont pensées et encadrées, cachent vraiment une nouvelle façon d’envisager l’éducation et ce qu’on veut apporter aux élèves. En cela, c’est un modèle inspirant, et pas que pour le domaine de l’éducation.

Aujourd’hui nous avons donc pour principale et volontaire source ce document : Q design pack, systems thinking ; bien qu’on en parlera souvent, nous n’approfondirons pas la pensée systémique, le but de cet article est d’observer le travail des Quest Schools à ce sujet, pas de théoriser sur ce point (bien que cela puisse être passionnant, cela nécessiterait tout un dossier et un autre angle adapté). Toutes les illustrations sont issues du pack, sauf exceptions signalées.


La pensée systémique


La pensée systémique est une pensée qui demande un recul, une vision d’ensemble interdisciplinaire, dans plusieurs champs possibles. Cette large vision définie, des points, des facteurs vont apparaître comme plus déterminants que d’autres, ou plus malléables : on va alors se focaliser sur ces points qui vont faire levier, et changer par rebond tout le système auquel ils sont reliés.

La pensée systémique considère que tous les éléments d’un système sont interdépendants et interconnectés : penser les relations entre les éléments est tout aussi important, ces relations étant également déterminantes.

Il suffit d’enlever ou modifier un seul élément pour qu’un système ne fonctionne plus ou fonctionne différemment, car tout est connecté et interdépendant.

Pour les élèves des Quest schools, il s’agit donc d’apprendre à avoir cette vision d’ensemble, voir les interdépendances et déterminer quels éléments il est possible de changer pour modifier tout le système étudié. Le but est pour eux d’améliorer leur propre vie, celle des autres, en finir avec des problèmes qui nuisent au plus grand nombre.

Les systèmes étudiés dans les Quest schools ne sont donc pas que mécaniques : ils peuvent être biologiques, psychologiques, sociaux et même politiques.


Comment pense-t-on de façon systémique ?


Le pack que nous étudions donne ces exemples :

Comme vous pouvez le constater, c’est une façon de réfléchir qu’adulte on peut utiliser fréquemment dans certains contextes, sans pour autant le nommer ainsi. Cependant, ce n’est pas une façon de réfléchir qui est immédiatement sollicitée chez les collégiens, parce qu’ils n’ont pas eu autant d’expériences de vie que les adultes et n’ont pas acquis de rigueur méthodologique. Cette « rigueur méthodologique » nécessite quelques mécanismes mentaux, que les Quest schools nomment « habitudes de l’esprit » :

  • chercher à saisir et comprendre une vision d’ensemble
  • chercher les modèles/tendances dans les systèmes
  • reconnaître comment la structure d’un système provoque un certain comportement
  • identifier les relations de cause à effet
  • émettre et tester des hypothèses
  • trouver des conséquences inattendues qui pourraient subvenir
  • trouver des points changeables qui pourraient changer le système étudié
  • résister à la tentation de tirer des conclusions trop rapides
  • Q design pack system thinking, Institute of play

 

Tout ceci peut paraître abstrait, car oui en effet, nous sommes dans l’abstraction pure, on parle bien de mécanismes mentaux particuliers à mettre en place pour raisonner d’une certaine manière. Alors passons directement à un cas concret de la pensée systématique avec son application dans une Quest school.


Rompre le système du harcèlement


Une des particularités des Quest schools est de programmer des semaines intensives autour d’un sujet, d’une quête : les niveaux de boss (plus de détail ici). Une de ces semaines avait pour thème le harcèlement, le but étant de trouver des solutions pour le vaincre.

La recherche à ce sujet, pensée de façon systématique, s’est déroulée ainsi :

  • Première étape : observation.
  • Deuxième étape : définition du problème
  • Troisième étape : Zoomer dans le problème, identifier les parties de celui-ci.

Les élèves notent tous les facteurs possibles impliqués dans le harcèlement sur des post-its ; ensuite ils rassemblent tous les papiers sur le sol de la classe et groupent les éléments qui se ressemblent. Ils commencent à parler ensemble des relations entre les différents facteurs dans les différents groupes d’éléments rassemblés.

  • Étape 4 : Regarder les relations. Chercher les modèles et les tendances.

En regardant les facteurs et leurs relations, les élèves ont cherché les relations entre ces facteurs, y ont extirpé des modèles et tendances. Rapidement, ils ont vu qu’il y avait des moyens de rompre le système du harcèlement qui est apparu comme un cercle vicieux : plus il y a d’enfants harceleurs et harcelés, plus cela génère encore plus de harcèlement (les harcelés devenant parfois harceleurs à leur tour). Ils ont donc découvert qu’il ne fallait pas entrer dans ce système, ce qui signifiait arrêter le harcèlement dès qu’il se produisait. L’importance d’aider ses pairs, l’importance de ne pas être un témoin passif, est apparue comme un levier pour casser ce cercle vicieux.

  • Étape 5 : identifier des points sur lesquels agir. Casser le système.

Ils ont donc pris l’initiative de créer un pacte à destination des élèves comme des enseignants et du personnel de l’école :

Les élèves se sont également dit que parler aux plus jeunes du harcèlement, de sa mécanique et de ses conséquences serait très utile pour empêcher le harcèlement. Ils ont donc organisé une rencontre sur ce thème avec l’école primaire voisine afin de partager leurs connaissances. [Les élèves des Quest schools sont très régulièrement amenés à aider les plus jeunes qu’eux, ils sont également encouragés à solliciter les classes supérieures. L’entraide fait partie de leur mode de fonctionnement intrinsèque]

[note : on peut voir l’intelligence et la future efficacité de ce « pacte » ainsi que de l’appellation du programme « break system » quand on a bien en tête les techniques d’engagement, que vous trouverez dans l’homme formaté ainsi que la notion de réactance qui est ici exploitée très positivement]


Les outils de la pensée systémique dans les Quest School


le BOTG

Behaviour Over Time Graph = Le comportement à travers le temps.
Il s’agit d’un simple graphique qui permet la compréhension de soi et ce qui nous détermine, notamment nos émotions :

Il permet de repérer des modèles, des tendances dans son comportement en fonction de certaines circonstances. Cela permet d’avoir une vue d’ensemble, puis d’émettre des hypothèses et ensuite les tester [une méthodologie qui ressemble à ce qu’on peut faire en psychologie positive, notamment pour étudier le bonheur. ici à toute petite échelle évidemment et avec moins de moyens]. Notons qu’il s’agit d’un graphique issu de cours de « bien-être » qui recoupe des thématiques comme la nutrition, le sport, l’étude des émotions, encore une spécificité des Quest schools assez importante.

Les élèves font leur graphique et l’étoffent de données, en se posant une série de questions. Ici :

> Qu’est ce qui a changé ?
Mes émotions ont changées.
> Comment cela a changé ?
J’étais heureux les jours 1, 2 et 4. Puis j’ai été triste le jour 3 et en colère le jour 5.
> Pourquoi ça a changé ?
Le jour 3 j’ai oublié mes devoirs de science à la maison et ça m’a causé des soucis. Le jour 5, j’ai encore oublié et parce c’est arrivé encore, j’étais en colère.
> Pourquoi ce changement est important ?
Parce que je peux voir que j’étais triste et en colère. Je peux essayer de me rappeler de ramener mes devoirs tous les jours. Ou je peux m’écrire une note pour me faire rappeler ça.

Q design pack system thinking, Institute of play

 

[Cela peut paraître évident vu ainsi, mais au quotidien on perd vite le fil de nos émotions, leurs origines – surtout quand on est ado – sans doute qu’ici, l’élève a découvert que cet oubli était plus impactant qu’il ne l’avait pensé ; possible qu’il se soit rappelé de l’événement a posteriori]

Ci-dessus, des graphiques faits par les élèves pour étudier leur niveau de stress en fonction des situations, des jours et des heures. Le BOTG peut être néanmoins utilisé dans des domaines où ils seront plus originaux : en littérature (« Comment l’auteur affecte vos émotions quand vous lisez Harry Potter ? ») ; en histoire (« est ce que la guerre a toujours fait partie de la civilisation humaine ? ») ; en science (« est-ce que le changement climatique se déroule actuellement ? »).

 

Collecter et Grouper (collect and cluster)

Il s’agit comme on l’a vu dans l’exemple sur le harcèlement de collecter toutes les idées autour d’un sujet, d’une question, d’un problème sur des post-its (une donnée par post it) et d’ensuite les regrouper par « famille » similaire. Il s’agit de voir comment la structure d’un système provoque son propre comportement, et de penser à des hypothèses et les tester.

Ici les élèves se sont attelés à la question « prévenir la guerre en Iran » puis ont regroupé en différentes catégories « mauvaises actions », bonnes actions, mauvaises conséquences, bonnes conséquences. Cette catégorisation a été faite pour mettre en valeur les bonnes actions, c’est-à-dire celles qui selon eux seraient profitables au peuple iranien et qui éviteraient la guerre.

Les élèves doivent répondre à deux questions « pourquoi avez-vous rangé les post-its ainsi ? » Comment cette classification vous a aidé à commencer à explorer le problème ? »

Cet exercice peut être utilisé dans différentes matières :

  • en science « Pourquoi la mare à coté de notre école n’a pas de poissons ? »,
  • en math « Est-ce que les façons d’épargner sont similaires ou différentes selon que les personnes aient de faibles revenus, appartiennent à la classe moyenne ou sont riches ? »,
  • en littérature « en quoi les personnages de Shakespeare sont similaires ou différents de vos personnages favoris de films/livres/téléfilms ? »,
  • en histoire « comment les gouvernements surveillent leurs citoyens dans la société d’aujourd’hui ? Et qu’en était-il dans le passé ? »
  • en cours de bien-être « comment les industries alimentaires vous influencent d’acheter leur nourriture ? »,
  • en cours de gestion de classe « qu’est-ce qui influence l’engagement des élèves dans ma classe ? ».

 

Boucles de rétroaction (feedbak loop)

Il s’agit de voir comment les parties d’un système affectent les autres, créant des boucles, des cercles (vertueux ou vicieux) s’alimentant l’un l’autre. Il y a deux natures de boucles : celles qui renforcent les boucles de rétroaction, créant la croissance ou le déclin dans le système ; celle qui équilibrent et maintiennent une stabilité du système en le corrigeant.

On pose d’abord un problème ici « pourquoi je suis fatigué tout le temps ? » puis on expose tous les facteurs liés au problème. La question à se poser est « Quand un facteur change (augmentant ou diminuant), quel est l’impact sur un autre facteur ? » : si on peut y répondre, c’est qu’il y a une relation sur les facteurs trouvés, il y a effectivement une boucle sur laquelle on peut réfléchir, puis changer.

On peut utiliser les boucles de rétroaction dans diverses matières et pour différents problèmes :

  • science « quel est votre impact sur l’environnement ? »
  • math : « comment une entreprise fixe le prix d’un objet que vous aimez ? »
  • littérature : « comment les actions des personnages impactent l’intrigue ? »
  • histoire/études sociales : « Quels sont les effets de la pauvreté aux états unis ?
  • bien-être : « pourquoi l’obésité est un problème aux États-Unis ? »

 

Les cartes causales

Elles montrent les relations dans le système, les relations entre les actions et les effets dans le système. Graphiquement, on peut voir qu’il s’agit de coupler de nombreuses boucles de rétroaction, mais on peut d’abord faire la carte causale puis en extraire des boucles spécifiques.

On identifie un problème, puis on liste tous les facteurs. Ensuite on lie ces facteurs, puis on répond à quelques questions ici, en fonction de la problématique qui est le bruit dans le hall.

Quelles relations voyez-vous dans la carte ?  Il y a un lien entre le nombre d’élèves dans le hall et le bruit du hall, les discussions entre élèves et le bruit du hall, les réunions de professeurs et le bruit du hall.
> Est-ce que vous y voyez des boucles de rétroaction ?  oui, le nombre d’élèves attendant l’ascenseur augmente le nombre d’élève qui se faufile furtivement sans passes dans l’ascenseur et augmente le nombre d’élèves qui vont dans l’ascenseur. Puis, encore d’autres élèves attendent l’ascenseur pour se faufiler dedans.
> Y-a-t-il des points qui peuvent faire levier dans la carte ? Si nous améliorons le système pour contrôler les élèves dans l’ascenseur, moins d’élèves attendront l’ascenseur (ou tenterons de s’y faufiler), donc il y aura moins d’élèves dans le couloir.

Q design pack system thinking, Institute of play

On peut utiliser des cartes causales dans d’autres matières et pour différents problèmes :

  • Science : « Comment la construction d’un nouveau gratte-ciel pourrait affecter le centre de Manhattan à New York City ? »
  • Math : « Comment les méthodes d’épargne impactent la vie des personnes ? »
  • Histoire/études sociales : « Comment l’oppression, le pouvoir et la rébellion pourraient-ils être des facteurs dans l’avènement d’une révolution ? »
  • bien-être : « Comment le gouvernement s’y prend pour changer notre alimentation ? »
  • gestion de la classe « Comment une classe construit sa confiance et son respect ? »

 

***

Enfin, on peut coupler tous ces outils pour traiter une question. Par exemple, pour une étude sur le stress, les élèves ont d’abord fait des graphiques de leur niveau de stress sur quelques jours (BOTG). Puis ils ont réfléchi à tous les facteurs engendrant du stress, les ont collecté et groupé (l’exercice avec les post-its). Ensuite, ils ont créé des cartes causales montrant tous ces facteurs et les relations entre ces facteurs. L’enseignant leur a demandé de dégager de ces travaux des boucles de rétroaction qu’on pouvait trouver dans les cartes causales créées. Une fois les boucles trouvées, les étudiants ont pu voir quels points ils pouvaient tenter de modifier pour changer tout le système. Ils ont testé ce changement puis ont à nouveau fait des graphiques de leur niveau de stress afin de voir si leurs hypothèses s’avéreraient efficaces.

 

Critiques


« Oui, mais on n’a pas le temps en France pour ça. Les programmes sont trop chargés »

Dans les Quest schools, la pensée systémique n’est pas un cours à part entière, c’est une modalité parmi d’autres pour étudier un problème, qu’il soit scientifique, littéraire, historique, social… Tous les apprentissages ou questions ne sont pas soumis à cette modalité, les enfants ne « post-it » que lorsque que le problème a un intérêt à être étudié ainsi. Là, c’est le rôle de l’enseignant de définir quelle question sera appropriée à un traitement via la pensée systémique.

« Quel problème est approprié pour la pensée systémique ?
Voici une checklist :
Est-ce que le problème est complexe ? Si oui, c’est un problème approprié à la pensée systémique.
Est-ce qu’il semble exister de multiples potentielles solutions ? Si oui, c’est un problème approprié à la pensée systémique.
Est-ce que le problème a une pertinence pour les élèves ? Si oui, c’est un problème approprié à la pensée systémique.
Si on peut googler la réponse, ce n’est pas un problème approprié pour la pensée systémique »

Q design pack system thinking, Institute of play

Cependant, il faut le reconnaître, le temps manque si l’enseignant se doit de faire quantité de cours magistraux. En classe inversée par contre (c’est-à-dire que le contenu théorique soit acquis à la maison et les exercices ou travaux faits en classe), les outils de la pensée systémique sont appropriés : autrement dit, les élèves jouent au chercheur ensemble, sont appuyés méthodologiquement par le professeur. Le savoir nécessaire, les idées peuvent être piochées dans les cours déjà appris et si ce n’est pas le cas, pour mieux « jouer » les élèves seront tentés d’aller se renseigner par eux-mêmes sur les questions étudiées. L’apprentissage du cours n’est plus la finalité pour l’élève, mais un moyen de parvenir à résoudre une question, faire un jeu, accomplir une mission. C’est un paradigme différent qu’on trouve dans presque toutes les modalités d’apprentissage des Quest schools.

L’apprentissage se fait via l’optique de répondre à une question, ce qui lui donne sens. La motivation est intrinsèque, liée à l’envie de répondre à la question ; l’apprentissage et le développement de compétences nait de cette motivation.

Mais oui, nos programmes sont beaucoup trop chargés ne serait-ce que pour pouvoir vraiment mettre en place une classe inversée efficace. C’est parce que les programmes sont trop chargés que les enseignants s’inquiètent de savoir si les élèves peuvent travailler chez eux ; cette question ne se poserait même pas si les programmes étaient plus légers, on aurait le temps de prévoir des temps de recherche ou de travail libre. Possible même, si les programmes étaient bien conçus, que tout puisse être faisable en classe, que le temps de travail à la maison ne soit qu’un renforcement non obligatoire.

 

« Est-ce qu’on ne risque pas à tout faire schématiser, quantifier et systématiser de faire perdre aux élèves une culture dionysiaque, poétique, littéraire ? »

Dans le parcours scolaire et universitaire, on peut percevoir deux clans : l’un faisant graphiques, schémas et exploitant règles, surligneurs et crayons de papier des élèves ; l’autre ne jurant que par le miel des mots se succédant avec grâce et logique en des paragraphes limpides, abhorrant au passage toute tentative abjecte de spatialisation, même sommaire comme celle des listes.

Ce serait un peu réducteur de les classer en littéraire VS scientifique, car j’ai pour ma part eu la chance de connaître des profs de neuropsychologie parlant de substance réticulée avec une poésie certaine, nous faisant tracer des schémas de neurones tout en parlant artistiquement des merveilles se déroulant dans les synapses. Autrement dit, certains enseignants sont des littéraires scientifiques, poètes mêmes face à un système décortiqué au niveau moléculaire.

Schématiser, quantifier, systématiser n’est pas intrinsèquement réducteur : tout dépend comment on en parle, dans quel cadre et avec quelles finalités on utilise ces outils. Le paragraphe dense n’est pas plus une modalité d’expression du savoir supérieure au schéma que l’inverse, ce ne sont que des outils appropriés ou non selon les questions traitées.

J’insiste néanmoins sur la finalité. On a beaucoup critiqué sur le blog et dans L’homme formaté la quantification du monde, notamment celui de l’entreprise, on a dénoncé des mises en systèmes dangereuses (théories des alliés, benchmark) : leur finalité est épouvantable, par exemple la théorie des alliés transforme l’équipe en échiquier à manipuler, avec des pions à abattre et d’autres à flatter, tout cela dans le but d’avoir plus de pouvoir et de soumettre plus de personnes. Ici, le système est créé de toute pièce pour changer une réalité. En plus, ce système est caché, du moins ces finalités et ces modalités ne sont pas forcément claires, parcourues d’injonctions paradoxales.
On a donc un problème radicalement différent : il ne s’agit pas de découvrir des relations de causes à effets, ni de découvrir des cercles vicieux ou vertueux pour résoudre des problèmes humains comme dans les Quest schools, mais d’imposer un système servant l’intérêt d’une poignée de personnes contre le plus grand nombre.

Pour revenir à l’école, apprendre à mettre en système, à découvrir les systèmes, voir tous les facteurs d’une situation, leurs effets, leurs conséquences, c’est apprendre aux élèves qu’il existe des déterminations extérieures, et qu’il n’y a pas qu’une seule cause à un problème, pas plus qu’il n’existe qu’une seule solution miracle. C’est apprendre à voir au-delà de sa propre personne, c’est discerner ce qui relève de l’influence positive comme de l’influence négative. C’est une leçon d’humilité essentielle pour comprendre, par exemple dans la vie professionnelle, que cette flatterie qu’on a reçue n’est pas seulement due à notre comportement, mais qu’elle entre peut être dans une stratégie plus large, liée à un système mis en place. En cela, former les enfants à voir les systèmes, c’est aussi leur apprendre à ne pas être dupes, à voir les déterminations, mais aussi voir là où ils peuvent agir sur elles. Autrement dit, ce serait une bonne formation préalable au hacking social…:)

Ceci étant dit, quel que soit l’outil utilisé dans n’importe quelle situation, il faut toujours s’interroger sur les finalités de ce qu’on veut faire. C’est la base de l’éthique, pour n’importe quelle activité. Et il faut le faire sans discours paradoxal.

La pensée systémique ne s’oppose pas à l’apprentissage de la littérature, le mode poétique et dionysiaque des paragraphes de nos cours ou de nos productions. Au contraire, je pense qu’elle peut être une modalité, une façon de faire qui aide à l’écriture, notamment à l’exercice de la dissertation. Elle peut aider à l’apprentissage des enchaînements d’arguments, des perspectives, des liants, de la logique, et généralement de la construction architecturale d’un écrit. Autrement dit, cela peut être un pré-plan, voire une alternative au plan. Il suffit par exemple d’aider les élèves à transformer les flèches d’une boucle en conjonction de coordination, adverbes, locutions… et on obtient un discours logique. Et avec de l’expérience, l’élève parviendra à un discours construit et logique sans recourir au schéma. C’est ce que l’on fait déjà, d’une autre manière, en France dans l’apprentissage de la dissertation, que ce soit en littérature, en Histoire, ou en philosophie : avant la dissertation, l’élève peut s’autoriser à brouiller des schémas, afin d’élaborer un plan.

Cependant, je comprends parfaitement que certains littéraires répugnent à spatialiser les données et leurs liants et donc en conséquence ne l’apprennent pas aux élèves : leur expertise, leurs expériences, leur maturité intellectuelle d’adulte très lettré font que la construction architecturale de leurs écrits, le « code » de la logique leur est devenu inconscient tellement c’est maîtrisé, intégré au cœur des mécanismes intellectuels. Si certains écrivains font des plans extrêmement détaillés, calculent et renseignent le moindre événement de leur histoire, d’autres, plus dionysiaques, laissent leur élan créateur tracer la route. Il n’en reste pas moins que même si tout semble se faire naturellement, les écrivains dionysiaques sont guidés par des logiques, donnent inconsciemment une architecture de sens et de logique solide à leurs écrits, ils suivent un « code » propre à eux souvent, mais un code qui n’est pas chaotique, qui est systématisé, mais difficilement explicable tant il est couplé à des mécanismes personnels.

Ces lettrés professionnels peuvent donc imaginer qu’il faut que les élèves réfléchissent selon les mêmes modalités que les productions attendues, c’est à dire au galop du stylo sur la route des lignes de la feuille. Seulement le but de l’école n’est pas forcément d’en faire de grands écrivains : s’ils apprennent déjà à organiser leur pensée de façon logique, s’ils apprennent à faire preuve d’habilité dans leur regard intellectuel en passant de l’holistique au détail, de l’égo à l’empathie en passant par la tolérance, et d’exprimer tout ceci, ils pourront produire des discours, des pensées et des écrits cohérents, intéressants, compréhensibles. Ce n’est pas négligeable, et cela ne les empêchera pas de tomber amoureux des belles phrases. Ils sont nombreux les scientifiques qui se délectent par la suite des classiques de la littérature, l’un n’est pas contraire à l’autre.

 

« Oui, mais c’est le genre de chose qui nécessite un cadre privilégié, des moyens à disposition…autrement dit, impossible à faire dans une école publique »

Quest to Learn, qui utilise les méthodes exposées, est une école publique. Le financement préalable a été fait par la ville de New York, ils récoltent des dons également.
Si ces autres quêtes demandent en effet plus d’investissement (voir l’article), ici les outils ne coûtent que de la préparation, du temps libéré, des bouts de papier.

 

« Oui, mais qui nous dit que les Quest schools ne sont pas un échec, que tous leurs docs, leurs reportages ne sont pas bidons… On n’a aucun moyen de vérifier si vraiment cela fonctionne comme ils le disent »

En effet, je n’ai pas les moyens ni la possibilité d’aller me faire une année scolaire à Quest to Learn. Je me base sur leurs documents écrits et vidéo que j’ai couplés à mes propres connaissances en psychologie du développement (de Piaget à Houdé), en psychologie cognitive (pour les questions de mémoire, d’attention, de perception), en psychologie sociale et en psychologie positive. Ainsi que de mes connaissances autodidactes en jeu vidéo, en tant que joueuse et friande de notions de game design.

Pour cet article, lors de la traduction et de la rédaction j’ai évincé ce qui est propre au style américain de nombreux essais, c’est-à-dire une sorte de « vente » du concept, ou les auteurs glorifient, s’enthousiasment de ce qu’ils présentent. Ce n’est pas une « manipulation », mais plutôt une habitude, une façon de faire, qu’on trouve dans quantité de productions américaines, liées à la volonté de faire passer des émotions, mais qui biaise le jugement. J’ai gardé en tête uniquement ce qui me paraissait objectif en fonction de mes connaissances, et ces données m’enthousiasment.

Concrètement, les résultats de Quest to Learn, c’est à dire le nombre d’élèves qui continuent les études après, les notations nationales, etc. sont dans les normes américaines, c’est-à-dire qu’il y a une réussite, mais elle n’est pas pour autant l’école numéro un de New York. Cela reste une école publique qui accueille toutes sortes d’élèves, dont beaucoup avec des handicaps ou des difficultés. Donc difficile de se baser sur les classements américains pour l’évaluer, la « réussite » est hors des chiffres à mon sens, et très difficilement mesurable. De plus, cela reste une école très jeune (depuis 2009 environ), le recul n’est pas suffisant.
Cependant, il y a maintenant d’autres écoles d’ouvertes sur le modèle de Quest to learn, ce qui est plutôt bon signe.
J’invite ceux qui doutent à explorer les liens en fin d’article.

 

Les avantages des outils de la pensée systémique des Quest Schools


– Le raisonnement hypothético-déductif

Les ados sont dans le dernier stade (selon Piaget) de développement de l’intelligence, le stade des opérations formelles. Il commence à 11/12ans et se termine autour de 15ans (mais certains n’arrivent pas à franchir cette étape). C’est l’apprentissage du raisonnement hypothético-déductif, autrement dit la capacité à l’abstraction qui permet de poser des hypothèses avec logique, entre autres compétences. Sans cette capacité, impossible de suivre en cours de philosophie, du moins d’être capable de rédiger une dissertation avec cohérence. Et pour avoir observé des copies d’élèves, force est de constater qu’à 17/18 ans, soit certains jeunes fument beaucoup trop, soit ils n’ont pas accédé à cette capacité à abstraire et jouer de logique. D’autres au contraire, l’ont acquise et sans avoir vraiment appris leur cours, arrivent à s’en sortir rien qu’en raisonnant.
La pensée systémique et les outils d’Institute of play permettent d’aider à développer ce raisonnement, en travaillant sur les causes et effets, en faisant prendre une perspective plus large, etc.

 

– l’autonomisation

En anglais « empowerment » – je le précise parce que la traduction du terme en « autonomisation » peut être moins claire que le terme anglais : il s’agit d’aider à ce que l’autre mette en œuvre ses « pouvoirs », qu’il s’autonomise, s’autodétermine (et cela n’est pas synonyme d’indépendance, on l’a expliqué dans cet article).
Dans les exercices qu’on a décrit, les élèves cherchent par eux-mêmes les solutions, les idées. Le prof est un guide méthodologique qui peut apporter des précisions, les aider à ouvrir d’autres horizons ou s’organiser, mais ce n’est pas lui qui fait les choses. Ce sont les élèves qui résolvent le problème, ce qui est un boost incroyable pour leur estime d’eux-mêmes (ils sont capables de résoudre ensemble de grandes choses !), pour leur sentiment de compétence et pour la proximité social. Autrement dit, c’est une façon de faire qui nourrit trois besoins fondamentaux nécessaires à l’autodétermination, à la motivation intrinsèque (défini dans cet article).

 

– le social

C’est bénéfique d’un point de vue social pour diverses raisons : tout d’abord ils apprennent à collaborer, à voir qu’autrui et son point de vue différent n’est pas un ennemi, mais quelqu’un qui peut permettre de voir un problème sous une autre perspective. Il voit qu’un point de vue n’est pas supérieur à un autre, c’est souvent le recoupement de tous, et l’interrogation sur la finalité qui permet d’appréhender une question complexe.
Les élèves apprennent également à mieux se connaître et à s’envisager dans un plus large horizon, donc être plus responsable pour soi et autrui.
Enfin, leur travail collectif n’est pas centré sur la classe, il est souvent pensé comme concernant la société et les élèves sont encouragés à mettre en œuvre leurs découvertes, hypothèses et actions hors de la classe. Ils sont déjà acteurs sociaux exerçant un pouvoir bénéfique à autrui.

Plus généralement, les quêtes des Quest schools génèrent plus d’enthousiasme, donnent plus de sens aux savoirs et compétences à maîtriser. Elles permettent de développer des compétences sociales (collaboration, prise de conscience d’une interdépendance riche d’aventures, etc.) et psychologiques. Le tout dans un esprit de tolérance, où les différences sont considérées comme des richesses, et avec une certaine simplicité rassurante : les Quest schools paraissent parfaitement normales, malgré ce changement de paradigme important, on y voit des enfants qui courent, rient, se déconcentrent ou s’ennuient, d’autres qui sont happés par une recherche, concentrés, agités, d’autres qui présentent fièrement leur travaux manuels et certains qui jouent en réalité augmentée sur des exercices de bio.

 

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Viciss Hackso Écrit par :

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20 Comments

  1. Kaeso
    24 novembre 2015
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    Aouch, sur la fin j’ai eu un peu de mal… Qu’est-ce que cette chose à pointer du doigt?
    ===|=>dionysiaque
    Les définitions d’internet, ça m’a pas vraiment aidé (même Larousse est dans les choux).

    Et question bonus. La pensée systémique est-ce à pratiquer en groupe? L’exemple le plus représenté ici c’est celui de l’école. Mais si chez moi je veux faire des schémas pour mieux comprendre des tendances externes. Est-ce que c’est pertinent que je le fasse seul? Ou est-ce que la moyenne et le regroupement de plusieurs avis est infiniment plus pertinent?

    Et en supposant que je ne puisse pas le faire seul, c’est parce que je n’ai pas encore ou n’aurai jamais les capacités hypothético-déductives nécessaires? Tristesse que la mienne…

    • 25 novembre 2015
      Reply

      Alors pas besoin d’être en groupe ou dans une institution scolaire pour utiliser ces outils:) Personnellement, je faisais certaines de mes fiches de révision à la fac sous des formes un peu similaire. L’autre exemple, c’est d’exploiter son mur pour chercher les causalités (on le voit souvent dans les films américains, ils étalent les photos/informations/cartes, cherchent qui cause quoi, qui est en lien avec qui). On peut aussi faire des Mind map, ça peut être plus simple que des cartes causales.
      C’est toujours utile de « croquer » un raisonnement, des idées, même seul, ça permet de faire naitre de nouvelles réflexions, découvrir des points auquels on avait pas pensé, des solutions. Plus généralement ça permet d’avoir une vision d’ensemble, de visualiser une multitude de facteurs d’un coup (alors qu’en les rappelant juste en mémoire on est vite submergé). Rassure toi, tout le monde peut le faire, suffit juste de pas se donner à traiter des questions énormes dès le début (toujours commercer par des trucs simples, on finit vite par toucher des systèmes complexes) , de faire les choses point par point.

      Le terme « Dionysiaque » est a cherché du côté de la philosophie ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Dionysiaque_%28philosophie%29 ) ; prenons un exemple concret : mes articles sur le blog sont généralement apollinien (l’opposé de dionysiaque), ils sont ordonnés, liés à la raison, j’écarte dans la mesure du possible ce qui a trait à ma personne. Le fait que je traite de psycho souvent, m’oblige à cette rigueur nécessaire pour servir convenablement le propos ; si je vous livrais une fiction, une poésie, j’agirais en dionysiaque, je serais complètement diluée dans les propos, les propos n’aurait plus cet ordre rationnel qu’on pourrait extirper en plan, ils suivrait une narration fougueuse et plus sensuelle (pas au sens sexuel, mais des sens). Mais ça ne serait pas n’importe quoi pour autant, on peut avec la fiction, un mode dionysiaque, décrire des choses avec une certaine « vérité » (du moins personnelle) impossible à traduire de façon apollinienne. L’une posture n’est pas supérieure à l’autre, quoiqu’on veuille souvent les opposés, elle livre toute deux des choses différentes.

  2. Sera
    11 avril 2016
    Reply

    En tant qu’animateur en centre de loisir, ce genre d’article donne des idées fraîches. Encore bravo et merci pour votre travail !

  3. Tunkasina
    14 juin 2016
    Reply

    Là ça m’a collé une baffe. Je viens enfin de comprendre pourquoi dans tout les jeux vidéo multijoueurs, c’est moi qui pilote et pas les autres. Pourquoi dans tout les problèmes complexes, je trouve les leviers sans réfléchir et pas les autres… Bref, en somme je viens de comprendre pourquoi la plupart des gens poussent devant les « Hauts potentiels ».

    Alors c’est pour ça.
    Tout ces cerveaux « normaux », qui ont ce besoin de détailler les systèmes pour les comprendre.

    Les HP n’ont pas ce besoin de détailler, c’est fait en tâche de fond, le cerveau fourni directement à la pensée active les leviers que les « normaux » doivent rechercher. Et c’est pour ça aussi que les tests de QI sont biaisés, nous donne des scores de dingues, alors qu’on ne se sent pas plus intelligents (et factuellement, on l’est pas franchement); ils mesurent la capacité d’analyse des systèmes et rien d’autre.

    • 19 juin 2016
      Reply

      (désolé pour le délai de réponse)
      Alors dans l’article on parle d’enfants, de jeunes adolescents, donc effectivement ils ont besoin de tout détailler pour appréhender ce mode de pensée avec lequel ils ne sont pas encore familiers. Je pense par contre que tout travailleurs ou personne qui a un fort domaine de compétence quelque part sait automatiquement « systématiser », voir l’ensemble d’un système, que ce soit un plombier, un traducteur, un musicien… Je dirais donc que les cerveaux qui ont besoin de tout détailler sont les cerveaux encore inexpérimentés à une certaine tâche/à certains evenement inconnus qui demandent de décrypter un système. Parce que même si on a le cerveau hyper rapide, on peut croire comprendre un système, mais l’absence de vécu met des œillères sur des données importantes (quoique trop de familiarité aussi peut faire cet effet « œillères »).

      Et oui, les HP ont des processus cognitifs de compétition, très rapides, ce qui crée d’ailleurs certains malentendus : par exemple un élève HP qui résout instantanément une équation difficile et à qui on a va demander de détailler les étapes pour y arriver peut ne pas réussir, car c’est « automatique » chez lui. Là est tout l’apprentissage des HP à faire, à retrouver les opérations qui ont été faite automatiquement par l’inconscient, parce que ces opérations sont importantes, ne serait-ce que pour apprendre à autrui comment il fait par exemple.

      Les tests de QI sont en effet biaisés si on considère qu’ils mesurent ce qu’on appelle intelligence dans la vie courante. Par contre, si on dit qu’ils mesurent les différents potentiels des processus cognitifs, il ne sont pas biaisés et permettent de localiser des difficultés ou des facilités. Le chiffre global ne sert par contre à rien, c’est les résultats par item, catégorie, qui sont utiles pour aider les personnes. A noter que le profil des HP sont également très variés, ce qui est assez peu connu ( http://www.centre-psyrene.fr/les-deux-formes-d%E2%80%99expression-du-haut-potentiel-intellectuel-chez-l%E2%80%99enfant/ ) avec des prédominances analytiques, ou plus creatif etc.
      Maintenant en psycho on considère plus une variété d’intelligence, cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_intelligences_multiples . Autrement dit, il y a beaucoup de moyens différents d’exprimer une forme d’intelligence, et oui, les cerveaux typiques sont tout à fait capable de génie aussi.

  4. […] comprendre cette notion de système je vous renvoie à un des articles sur Quest to learn qui enseigne la pensée systémique à ses élèves. Tout est système, que ce soit une lampe, une cellule, un programme, un groupe […]

  5. 27 août 2016
    Reply

    Article bien intéressant… Et si tout est est réalisable dans une école publique en prenant le temps!!! Et en cherchant en permanence à enrichir sa pratique! (voir l’article suivant sur mon blog: http://educaroline.fr/cm2/?e=3)

  6. 27 août 2016
    Reply

    merci à François Taddéi d’avoir partagé votre article!!!

  7. Louise Boucher
    3 novembre 2016
    Reply

    (Désolée si vous recevez le message une 2e fois, je ne sais pas trop si j’ai fait une fausse manoeuvre… :/ )

    Très intéressant à lire et assez facile à comprendre, merci !
    J’aimerais tout de même partager un fait qui pourrait vous intéresser. Au Québec, nous avons des écoles publiques alternatives dont l’enseignement est basé sur la pédagogie ouverte. Et cela, dès la maternelle (âge des enfants : 5 ans). Découvrir et expérimenter en groupe, voir comment le projet se développera (planifier), agir (tâches dévolues), revenir sur les résultats (comment on a fait, comment faire autrement). Poser des hypothèses, faire une recherche, vérifier. Bien sûr, à la maternelle, le projet est à la hauteur des enfants, ils ne vont pas résoudre une problématique mondiale. Mais dès les années scolaires primaires, tout ce processus est en développement, les apprentissages se font en commun, sont discutés par les élèves et sont vécus dans un monde concret (par exemple, autant les maths que la géographie!) Si bien qu’à l’âge de 11 ou 12 ans, ces enfants savent s’exprimer, développer une idée, mener un projet, travailler en équipe, résoudre des problèmes de groupe (très utile à l’adolescence), identifier leurs émotions, avoir une pensée fluide et être en état d’agir plutôt que de réagir. Ma fille a fréquenté ce type d’école il y a maintenant près de 30 ans. Elle n’en a retiré que des bienfaits. Je pense qu’il est important de transformer l’enseignement dès le primaire, car c’est à cet âge que l’enfant acquiert des habitudes (et des perceptions) qui peuvent malheureusement être coincées pour longtemps ou, au contraire, qui peuvent heureusement former des êtres entiers (pas seulement des cerveaux) et des citoyens dignes et actifs.

  8. Zxcv
    24 décembre 2016
    Reply

    Comme d’hab’, j’adore tout ce qui est fait ici.

    Est ce que tu sais ou est ce que je pourrais trouver un peu plus de théorie sur ses outils.
    Je suis allé voir sur le site de l’Institute of Play et de la Creative Learning Exchange, mais je n’ai pas trouvé plus que ce qui y est décrit dans l’article.

    Je m’intéresse à ce genre d’outils pour poser sur papier ce que je pense de façon visuelle (Les diagrammes sont tout à fait pratique). Cela permet de « décharger » certaines connaissances sur papier pour pouvoir réfléchir plus sereinement à certains détails du problème.
    Bref, la causal map me paraissait fort sympathique et je m’y suis essayé. J’ai voulut schématiser qu’est ce qui impacte ma motivation dans mon asso’ (Oui, je commence par le plus difficile, c’est pas drôle sinon… 🙂 ). Je me suis heurté a quelques difficultés.
    Comment est ce que je gère la temporalité ? Par exemple, il y a eu des événements qui ont eu un impacte sur les relations entre certaines personnes. Comment le schématiser ?
    En écrivant je me rend compte que la causal map est utile pour un système « intemporelle » – le système « bruit dans le hall » se reproduit chaque jour, alors que les relations humaines changent chaque jour.
    Du coup, je n’utilise peut être pas le bon outil.
    Peut être que tu connais un outil permettant de schématiser temporellement les évolutions d’un système.
    Je pense me renseigner un peu plus sur l’UML, sait on jamais.
    Sinon aurais tu des ressources – de la vulgarisation – sur la mind map ? J’aimerai bien apprendre à m’en servir aussi.
    Merci d’avance de prendre le temps de me répondre 😉

    • Viciss0Hackso
      24 décembre 2016
      Reply

      Ce qui est décrit dans l’article, c’est ce pack : http://www.instituteofplay.org/work/projects/q-design-packs/q-systems-thinking-design-pack/ ; Pour les relations humaines, il serait peut être possible de schématiser les situations à un instant T, il faudrait peut être deux schémas, l’un où ta motivation est au top, l’autre ou elle est down, et inscrire tout les éléments de la situation. Je ne peux pas vraiment te renseigner plus, je ne fais personnellement pas de schémas pour les problèmes de la vie quotidienne (mais plus lorsqu’il s’agit de synthétiser des connaissances par contre, mais j’emploie pas de méthode définie, ça change selon le truc à synthétiser). Observer attentivement l’environnement, ses transformations, ses événements peut aussi aider à comprendre des déterminants sur la motivation. Sinon sur la question de la motivation on a écrit ceci, ça peut peut être t’aider : http://www.hacking-social.com/2015/10/13/se-motiver-et-motiver-autrui-une-histoire-dautodetermination/

    • Sheela
      27 avril 2017
      Reply

      Je viens de prendre connaissance de cet article fort intéressant. D’autant plus intéressant que je suis actuellement en train de monter un projet pour former les enseignants et les éducateurs pour éduquer à la pensée systémique ou pensée complexe. Donc bravo encore pour cette description et ces arguments qui mettent en valeur la nécessité de la pensée systémique dans nos écoles. Je m’y intéresse depuis 3 ans et j’en suis plus que convaincue. Elle vise en effet un changement profond dans notre façon de penser afin d’avoir une meilleure lecture des situations complexes de nos quotidiens et des repères pour y réfléchir et agir de manière responsable et positive. Les méthodes et outils sont ludiques et exploitables en classe. Si cela peut vous intéresser, je suis en ce moment à la recherche d’un groupe d’enseignants/éducateurs/concepteurs de jeux qui voudraient bien se former à cette approche dans le cadre d’une recherche-action. Dans l’attente….

        • Sheela
          1 mai 2017
          Reply

          Bonjour et merci de ce retour. Ce serait bien de se voir pour échanger sur nos parcours et projets respectifs. Physiquement si possible en région parisienne, sinon sur skype. Mon skype id: [censuré pour que tu n’es pas de problème, mais je l’ai pris en compte :)]
          A bientôt, Sheela

  9. 12 juillet 2018
    Reply

    […] Chacun a une vision très différente de l’école. Changer la culture scolaire Références. Liberté d’expression des enfants, valorisation des émotions et coopération. Voici l’école bienveillante. Enseigner l’empathie à l’école pour apprendre le sens de l’autre. Albert Einstein, un exemple d’échec scolaire ! Former des changeurs de monde… à l’école. […]

  10. 12 octobre 2020
    Reply

    Bonjour,

    Juste wahou.. bravo pour votre travail. Actuellement enseignant en lycée pro, où je me suis engagé pour certaines raisons proches de ce que l’on peut voir dans cet article, je pense diffuser vos vidéos (pour eux le contenu vidéo est plus facile à appréhender) auprès de mes élèves car votre travail est d’une qualité remarquable.

    De plus, comme Gull, j’ai fait quelques études de philosophie que je n’ai pas pu pousser assez loin à mon goût (seulement la licence).

    Comme vous on tient un blog et une chaîne YouTube à deux, et je me rends bine compte de la qualité et la profondeur de vos écrits comme de votre montage vidéo. Merci sincèrement pour votre engagement, bravo à vous !

    • Viciss Hackso
      15 octobre 2020
      Reply

      Merci beaucoup !

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