đŸŽ„ [A1] Les autoritaires : Les premiĂšres enquĂȘtes

Quand on parle d’autoritarisme, on pense spontanĂ©ment Ă  une forme de gouvernance, on s’imagine les dĂ©rives autoritaires d’un chef, d’un gouvernement, d’une institution, etc.

Or, cet angle nous fait parfois omettre d’autres perspectives, notamment la question de l’autoritarisme chez les individus lambda, non pas sous une perspective exclusivement idĂ©ologique, mais via un angle psycho-sociologique. Et c’est prĂ©cisĂ©ment Ă  cet angle que nous allons ici nous intĂ©resser.

Cette vidĂ©o est la premiĂšre partie d’une sĂ©rie consacrĂ©e aux Ă©tudes portant sur la personnalitĂ© autoritaire. Dans cette partie, nous nous concentrons sur les premiĂšres enquĂȘtes, sur les Ă©tudes d’Adorno et de ses collĂšgues, initiĂ©es dans les annĂ©es 40 alors que la Seconde Guerre Mondiale faisait encore rage. Nous allons y prĂ©ciser leur premiĂšre phase qui demeure sur le terrain des opinions, les chercheurs voulant dĂ©limiter les attitudes associĂ©es Ă  l’autoritarisme, ce qui leur permettra d’élaborer trois Ă©chelles de mesure : une Ă©chelle de l’antisĂ©mitisme, une Ă©chelle de l’ethnocentrisme et une Ă©chelle de conservatisme politico-Ă©conomique.

La deuxiĂšme partie, prĂ©vue dans plusieurs semaines, se concentrera sur la deuxiĂšme phase de leur enquĂȘte : l’échelle F.

Sur youtube (qui impose maintenant des pubs alors qu’on est dĂ©monĂ©tisĂ© volontaire 🙁 ) ; n’oubliez pas d’activer votre bloqueur de pubs :

Sur vimeo (téléchargeable, version plus longue, sans pub) :

Les autoritaires p1 – Les premiĂšres enquĂȘtes (version longue) from Gull Hackso on Vimeo.

Sur peertube (sans pub ) :


Important : les diffĂ©rentes versions de l’épisode


Cette vidĂ©o a la particularitĂ© d’exister en deux versions : une version standard (celle de Youtube) et une version longue (disponible en dehors de Youtube).

Pourquoi deux versions ?

Ce n’est pas un choix de notre part, mais une consĂ©quence de la politique Content ID de Youtube qui a bloquĂ© la version originale en raison d’extraits d’archives. La version Youtube est donc un montage oĂč l’on a retirĂ© les illustrations « problĂ©matiques ». En l’état, cette suppression des illustrations ne changent rien au contenu de la vidĂ©o, vous ne serez donc pas lĂ©sĂ©s si vous regardez la version Youtube.

Cependant, nous avons voulu rendre disponible la version originale, qui devient donc en quelque sorte une version longue (4 minutes en plus).

Pour accéder à cette version, trois solutions :

  • Le tĂ©lĂ©chargement direct (non seulement vous aurez la version longue, mais vous bĂ©nĂ©ficierez d’une qualitĂ© supĂ©rieure aux versions Internet) :

https://mega.nz/file/rds00BrS#gshwR1EyIPCST69ceUUi-alT962yskoFDVG5V990KE4

 


Pourquoi avons-nous choisi de consacrer toute une série sur ce thÚme ?


Ce n’est pas la premiĂšre fois que nous travaillons sur l’autoritarisme : Viciss avait ouvert la voie en 2017 en publiant un long dossier sur la PersonnalitĂ© Autoritaire (que vous pouvez retrouver ici : https://www.hacking-social.com/2017/01/16/f1-espece-de-facho-etudes-sur-la-personnalite-autoritaire/). DĂšs la publication de ce dossier, Viciss et moi avons discutĂ© pour l’adapter en vidĂ©o, mais Ă  l’époque je ne me sentais pas apte Ă  traiter un tel sujet.

D’une part, je ne savais pas sous quel angle le dĂ©velopper, quel ton adopter. Par exemple, il Ă©tait difficile pour moi d’envisager d’y Ă©crire des scĂ©nettes humoristiques comme j’avais l’habitude de le faire sur d’autres thĂ©matiques. Je ne dis pas qu’il n’est pas possible d’aborder ce sujet sous un ton lĂ©ger, ce que je dis plutĂŽt c’est que pour cela il serait nĂ©cessaire de possĂ©der une finesse d’esprit et d’écriture que je n’ai pas la prĂ©tention de possĂ©der.

D’autre part, un tel sujet nĂ©cessiterait qu’on rĂ©alise plusieurs heures de contenus, d’oĂč de nombreux problĂšmes d’organisation (un tel projet nous occuperait des mois, si ce n’est plus).

VoilĂ  quelques exemples de problĂšmes, d’interrogations, qui m’ont poussĂ© Ă  ranger dans un tiroir l’adaptation de ce dossier.

Pourquoi donc rouvrir le tiroir ?

Peut-ĂȘtre me fallait-il un temps de maturation avant d’aborder ce sujet. Étonnamment, j’ai commencĂ© Ă  Ă©crire un premier script sur un coup de tĂȘte, comme ça, comme une Ă©vidence. Mon hĂ©sitation et ma frilositĂ© de 2017 se sont muĂ©es en une sorte de nĂ©cessitĂ© Ă  faire, sans que je puisse prĂ©cisĂ©ment expliquer pourquoi, bien que je puisse partiellement soupçonner quelques motifs qui m’ont dĂ©terminĂ©.

L’un de ses motifs tient tout simplement du fait qu’il me semble que le concept d’autoritarisme et ses dĂ©clinaisons, telles que le fascisme, ont bien souvent une acception et un usage confus, notamment Ă  l’époque d’une forte polarisation sur les rĂ©seaux sociaux. On peut voir les uns et les autres, quels que soient leurs bords politiques ou leurs convictions profondes, usaient d’étiquettes telles que « facho », « alt right », « autoritaires », « totalitaire » [et j’en passe] pour dĂ©signer tout et son contraire.

Qu’il y ait des divergences d’opinions entre des groupes, ou Ă  l’intĂ©rieur des groupes, n’a rien de nouveau, mais invoquer le soupçon « d’un fascisme inavoué » dĂšs qu’il y a simples divergences d’opinions me paraĂźt ĂȘtre un terrain glissant.

Ainsi, traiter de l’autoritarisme via les diffĂ©rentes recherches en psychologie me paraĂźt utile : cela permet de prĂ©ciser Ă  quelles opinions idĂ©ologiques sont connectĂ©s les attitudes et comportements autoritaires. L’idĂ©e n’étant en aucun cas d’imposer une dĂ©finition de l’autoritarisme, car il y a dĂ©bat et dissension dans les milieux universitaires, mais plutĂŽt de proposer cet angle des sciences humaines et sociales pour interroger les nombreux questionnements qui peuvent encore nous traverser et qui peuvent permettre de mieux comprendre le pourquoi de ces confusions contemporaines.

Ainsi, lorsque ce projet vidĂ©o a Ă©tĂ© rĂ©activĂ©, pour rĂ©pondre aux prĂ©cĂ©dentes problĂ©matiques j’ai Ă©tĂ© au plus simple :

  • Puisqu’une seule vidĂ©o serait insuffisante, et qu’il me faudrait traiter d’études qui vont au-delĂ  de la personnalitĂ© autoritaire d’Adorno, autant en faire une sĂ©rie. Nous ne sommes donc plus dans une simple adaptation du dossier de Viciss, mais davantage sur une extension du dossier de 2017.
  • Puisque j’ignorai quel ton donnĂ© aux vidĂ©os, j’ai laissĂ© le sujet me donner le « la ». J’y ai intĂ©grĂ© mes propres hĂ©sitations et doutes, notamment Ă  travers Technicien qui dĂ©couvre ces petits bouts de papier sur la plage, oĂč encore Ă  travers Gull qui prend son temps pour prĂ©senter les choses, dĂ©finir les mots, conscient des malentendus possibles.

Ainsi commence l’aventure du Projet F (nom provisoire de la sĂ©rie sur l’autoritarisme) en fĂ©vrier 2020. Cette date est importante, car elle prĂ©cĂšde le premier confinement. Autrement dit, ne cherchez pas dans cette sĂ©rie des messages cachĂ©s ou implicites faisant Ă©cho Ă  la situation actuelle de crise sanitaire.


Questions


  • Parlez de l’autoritarisme sous l’angle de l’individu, n’est-ce pas sous-estimer, voire dĂ©nier les dĂ©terminants socio-culturels ?

C’est l’une des critiques qui a pu ĂȘtre faite aux auteurs de la PersonnalitĂ© autoritaire dĂšs sa publication dans les annĂ©es 50, et nous prendrons le temps dans la partie 2 et la partie 3 d’expliquer ces critiques.

Mais pour donner quelques Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse, en attente d’un dĂ©veloppement plus poussĂ©, les recherches en psychologie sociale et politique sur l’autoritarisme n’ont aucunement la visĂ©e de sous-estimer ou nier les dĂ©terminants socio-culturels, on peut mĂȘme dire que c’est tout l’inverse. L’angle psychologique ne consiste pas Ă  isoler l’individu comme s’il Ă©tait un atome sans porte ni fenĂȘtre, dĂ©connectĂ© de son environnement ; au contraire, l’individu est pleinement ouvert Ă  son environnement, ses pensĂ©es, ses opinions Ă©tant influencĂ©es, orientĂ©es, par son propre vĂ©cu, ses expĂ©riences, ses actes, son environnement familial, son environnement social et politique


Si les premiers travaux d’Adorno n’ont pas toujours dĂ©veloppĂ© la question de l’influence de l’environnement, les futurs travaux combleront ces lacunes (par exemple Stephen Sales, 1972, 1973, examinera l’autoritarisme via des stimulations environnementales, observant que les attitudes et comportements autoritaires augmentent dĂšs lors que l’environnement gĂ©nĂšre chez les sujets un sentiment de menace).

Dans les annĂ©es 80, Altemeyer, un psychologue ayant apportĂ© une contribution importante avec ses travaux sur le RWA (l’autoritarisme de droite), montrera l’importance de l’apprentissage sociale, du rĂŽle de l’expĂ©rience, de l’environnement social, dans l’augmentation ou la diminution des attitudes et comportements autoritaires.

Nous aurons l’occasion d’évoquer tout cela dans les prochaines parties, mais pour rĂ©sumer l’ensemble de ces recherches, les attitudes et comportements autoritaires sont examinĂ©s en terme d’interaction : interaction entre les besoins psychologiques et le contenu des idĂ©ologies disponibles ; interaction entre l’individu et son environnement social et culturel, ses expĂ©riences, ses relations, son Ă©ducation, son statut social


  • Alors que nous traitons de l’autoritarisme, la premiĂšre partie semble se focaliser principalement sur les discriminations (racisme, sexisme, antisĂ©mitisme
). Pourquoi ?

Les premiers travaux se sont faits dans un contexte trĂšs particulier : celui de la Seconde Guerre Mondiale. Les chercheurs ont donc dans un premier temps menĂ© une enquĂȘte des diffĂ©rentes opinions politiques associĂ©es aux attitudes et comportements autoritaires de l’époque. Ainsi, l’antisĂ©mitisme, le racisme, et autres discriminations ont Ă©tĂ© l’une des portes d’entrĂ©e par laquelle les chercheurs ont commencĂ© leurs investigations.

Est-ce Ă  dire que ce choix n’est que purement contextuel, historique, mĂ©thodologique ? Pas du tout, trĂšs vite les chercheurs vont se rendre compte de l’importance de l’ethnocentrisme chez les profils autoritaires. Cela va ĂȘtre confirmĂ© par les travaux ultĂ©rieurs que nous examinerons plus tard.

Autrement dit, ethnocentrisme et autoritarisme sont Ă©troitement associĂ©s. D’ailleurs, les Ă©chelles de mesure actuelles telles que le RWA (autoritarisme de droite) et le SDO (Social Dominance Orientation) sont parmi les outils de mesure les plus performants pour identifier chez l’individu une forte adhĂ©sion Ă  des prĂ©jugĂ©s.

  • À quand la deuxiĂšme partie et ses suites ?

Initialement, la seconde partie est prĂ©vue pour fĂ©vrier. C’est la date que je me suis donnĂ©e, mais je me rĂ©serve la possibilitĂ© de dĂ©caler cette date en raison des diffĂ©rentes contraintes que je pourrais rencontrer, notamment en ce contexte de pandĂ©mie oĂč les mesures sanitaires ne me permettent pas toujours de travailler de maniĂšre optimale, comme nous tous.

Si vous voulez avoir un aperçu de ce qui y sera abordé, vous trouverez à la fin de la premiÚre partie un petit teaser :

En attendant, pour les plus impatients d’entre vous, le dossier de Viciss pourra rĂ©pondre Ă  vos nombreuses interrogations ( https://www.hacking-social.com/2017/01/16/f1-espece-de-facho-etudes-sur-la-personnalite-autoritaire/ ) ainsi que cet article qui rĂ©sume l’autoritarisme et vous donnera une idĂ©e de la destination de la sĂ©rie (https://www.hacking-social.com/2019/09/02/mcq-le-potentiel-fasciste-lautoritaire-et-le-dominateur/ ).


Pour aller plus loin


  • Le live oĂč nous prĂ©sentons le projet F :


Bibliographie


  • The Authoritarian Personality, Studies in Prejudice Series, Volume 1 T.W. Adorno, Else Frenkel-Brunswik, Daniel J. Levinson and R. Nevitt Sanford, Harper & Brothers, Copyright American Jewish Committee, 1950
  • Études sur la personnalitĂ© autoritaire, T.W Adorno, Allia, 2007
  • The Authoritarian, Bob Altemeyer, 2006
  • L’Autoritarisme, Deconchy, Dru, PUG, 2017
  • Strength And Weakness: The Authoritarian Personality, Stone, Lederer, Christie, 1993
  • « Qu’est-ce que le fascisme ? », Baruch Marc Olivier Critique, 2005/6 (n° 697-698), p. 535-548.
  • An experimental and statistical study of the relationship of prejudice and certain personality variables. Thelma T Coulter , 1953
  • Ideological Asymetries and The Essence of Political Psychology, Jost, 2017
  • Psychologie sociale, Vincent Yzerbyt, Olivier Klein, Deboeck, 2019
  • Stanley Milgram, Obedience to Authority : An Experimental View, Harper Collins, 2004
  • Chapter Two – The Why and How of Defending Belief in a Just World, Advances in Experimental Social Psychology 51, Hafer & Rubel, 2015
  • Observer’s reaction to the « innocent victim »: Compassion or rejection?, Lerner & Simmons, 1966
  • Psychologie sociale, de Vincent Yzerbyt, Olivier Klein, Deboeck supĂ©rieur, 2019

 


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Chayka Hackso Écrit par :

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11 Comments

  1. remi
    4 janvier 2021
    Reply

    Je fais ce commentaire essentiellement car j’ai moi mĂȘme un peu Ă©tudiĂ© la question, sans doute sous un autre angle.Je vais Ă©vacuer dĂ©jĂ  les parties qui fĂąchent : racisme / sexisme, ce n’est pas de cela dont je vais parler.

    Par contre, j’en suis venu Ă  la conclusion que si tout le monde dit dĂ©sirer la libertĂ©, les choix qu’ils font tendent Ă  montrer le contraire : beaucoup prĂ©fĂšre moins de libertĂ© pour supporter moins de responsabilitĂ© individuelles. Ok, c’est dur Ă  avaler comme ça, mais voyons voir plus en dĂ©tail :

    Je vais maintenant parler d’une notion qui me semble fondamentale : la thĂ©orie de l’information et la mesure de la complexitĂ© via l’entropie telle que dĂ©finie en thĂ©orie de l’information.

    1 – ComplexitĂ© / entropie / libertĂ©

    Pour rĂ©sumer, toute structure ou tout systĂšme, qu’il soit technique ou sociĂ©tal peut ĂȘtre mesurer selon sa complexitĂ© et cette mesure s’appelle l’entropie. Prenons un exemple d’un jeu de cartes, si j’ai 100 cartes, mais qu’il n’y a que des as, 25 par couleur, on peut considĂ©rer la complexitĂ© du jeu comme Ă©tant une mesure de sa diversitĂ©, ce sera ici 4 avec une entropie Ă©gale Ă  2.

    LĂ  dessus, on peut relier la complexitĂ© Ă  des degrĂ©s de libertĂ©. Si j’ai le droit de choisir seulement des « trĂšfles » dans mon jeu de carte, alors, je ne peux choisir que l’as de pic, la complexitĂ© est de 1, ce qui correspond Ă  un niveau trĂšs faible de libertĂ©. D’un autre cĂŽtĂ©, je n’ai pas eu besoin de rĂ©flĂ©chir pour choisir la carte.

    A l’inverse, si j’ai un vrai jeu de 52 carte, et qu’on me dit de tirer une carte TrĂšfle, j’ai un vrai choix (et la mesure de l’entropie sera de 4 si on prend l’entier supĂ©rieur le plus proche)

    L’idĂ©e est donc plus une personne a de libertĂ©, plus elle doit faire des choix complexe du fait mĂȘme de cette libertĂ©. A l’inverse, une personne qui a moins de libertĂ© voir, cas extrĂȘme, aucune libertĂ©, sera bien moins embarrassĂ© par ces choix.

    2 – rĂ©duction volontaire de sa libertĂ© pour diminuer la complexitĂ© de ses choix

    Il peut paraĂźtre bizare de prime Ă  bord de voir la libertĂ© comme un problĂšme, mais en pratique, on peut considĂ©rer toutes les fois ou des gens vont justement remettre cette libertĂ© dans les mains d’une autre personne pour ne pas avoir Ă  supporter cette complexité : au restaurant, lorsqu’on demande aux autres si on prend avec ou sans entrĂ©e, les voyageurs qui prĂ©fĂšrent rĂ©server un circuit tout fait auprĂšs d’un voyagiste plutĂŽt que de choisir eux mĂȘme leurs parcours en vacances 
 Il existe de nombreuses situations oĂč les individus vont vouloir Ă©viter la complexitĂ© en la remettant entre les main d’un tiers.

    Et il faut se mĂ©fier d’avoir un jugement car ce transfert de libertĂ©/complexitĂ© peut se faire pour de trĂšs bonnes raison : pour le choix d’un mĂ©dicament on prĂ©fĂ©rera suivre le choix du docteur plutĂŽt que de faire le choix soit mĂȘme.

    3 – s’en remettre Ă  l’autoritĂ©, quel degrĂ© de libertĂ© souhaitons nous

    Du coup, s’en remettre Ă  une autoritĂ© est un moyen d’éviter Ă  faire soit mĂȘme ses propres choix et potentiellement Ă  devoir assumer de faire un mauvais choix. C’est pas forcĂ©ment pĂ©joratif, cf l’exemple du mĂ©dicament.

    Mais si on prend l’évolution de la sociĂ©tĂ© par rapport Ă  celle des annĂ©es 60, on est sur une sociĂ©tĂ© plus libĂ©ral dans le sens oĂč la sociĂ©tĂ© française des annĂ©es 60 Ă©tait trĂšs fermĂ©e et oĂč l’absence de libertĂ© sur un grand nombre de sujet Ă©tait la norme, entraĂźnant le mouvement de mai 1968.

    A l’inverse, notre sociĂ©tĂ© repose d’avantages sur des choix individuels laissant aux personne la responsabilitĂ© de choix pouvant ĂȘtre lourds de consĂ©quences. Je pense que beaucoup de monde ne le vit pas si bien, j’entends souvent « on ne sait plus oĂč on va », le rĂ©fĂ©rence Ă  De gaule qui donnait la bonne direction (mais la direction de quoi) et les appels Ă  avoir un homme fort Ă  la tĂȘte du pays pour gĂ©rer les affaires.

    Pour moi, c’est autant d’appel de personnes qui ont du mal avec la complexitĂ© de notre sociĂ©tĂ© et cet appel Ă  un dirigeant autoritaire est aussi un appel Ă  une simplification.

    4 – l’appel Ă  l’autoritĂ© qui rassure vs l’appel Ă  la libertĂ©

    Je pense que c’est directement en lien avec cette dualitĂ© libertĂ©/complexitĂ© que ces gents rĂ©clament un pouvoir fort « autoritaire », pouvant potentiellement abaisser le niveau de libertĂ© de la population. Un tel pouvoir est surtout vu comme un pouvoir qui rassure car prenant en main le destin des individus qui ne serait plus laissĂ© seul face Ă  leur responsabilitĂ©.

    Bien Ă©videmment, ce choix n’est pas conscient car Ă  peu prĂšs personne en fait le lien entre libertĂ©, complexitĂ© et responsabilitĂ©. Beaucoup pensent pouvoir diminuer la complexitĂ© sans diminuer leur libertĂ©, mais c’est faux. Reste Ă  placer le curseur sachant qu’il est multiple selon les domaines. Mais ce serait tellement bien que chacun d’entre nous aie conscience de ce lien entre libertĂ©, complexitĂ© et responsabilitĂ© pour Ă©clairer leurs choix !

    • JenH
      19 janvier 2021
      Reply

      C’est intĂ©ressant ce que vous dites. Cela me fait penser Ă  quelque chose que je me suis dit il y a quelque temps.
      Alors que dĂ©cider de mon avenir et de ce que je veux faire de ma vie avait atteint un stade vraiment trop compliquĂ© pour moi, cause de rĂ©elles souffrances, j’ai sincĂšrement pensĂ© que j’aurais mieux fait de vivre des dĂ©cennies (voire siĂšcles) en arriĂšre… En effet, j’aurais alors certes eu moins de libertĂ© de choix de mon avenir, mais j’aurais aussi Ă©vitĂ© cette souffrance de choix Ă  faire.
      (À savoir que, en tant que « transfuge de classe », je pense que c’est d’autant plus compliquĂ© : Ă  trop vouloir m’affranchir des choix d’avenir que font les personnes issues de la classe populaire — qui sont finalement des non-choix –, je me retrouve dĂ©chirĂ©e entre des souhaits de personne d’une autre classe et une personnalitĂ© « dominĂ©e » de ma classe sociale d’origine…)

  2. Meg
    17 janvier 2021
    Reply

    @REMI

    Commentaire pertinent. Par contre pour modĂ©rer un peu le point du vu, il faut noter vous n’utiliser le mot libertĂ© qu’au sens de libertĂ© d’initiative individuelle.
    Si je reprends les exemples que vous donnez un par un :
    « au restaurant, lorsqu’on demande aux autres si on prend avec ou sans entrĂ©e ». Ici, je ne vois pas cela comme un problĂšme libertĂ©/complexitĂ© (je sais si j’ai envie d’un dessert ou pas) mais d’un problĂšme libertĂ© individividuelle/collective (je ne sais pas si mes compagnons de tables ont envie d’un dessert ou sont pressĂ©s), donc la libertĂ© passe par la garantie que je m’informe des consĂ©quences de mes choix individuels sur les autres avant de prendre ma dĂ©cision.
    « les voyageurs qui prĂ©fĂšrent rĂ©server un circuit tout fait auprĂšs d’un voyagiste plutĂŽt que de choisir eux mĂȘme leurs parcours en vacances » => ici, il y a certes dĂ©lĂ©gation de l’organisation afin de diminuer la complexitĂ©, mais celle-ci est librement consentie, donc difficile de parler de diminution de la libertĂ©
    Pour l’exemple du mĂ©decin, c’est encore plus tarabiscotĂ©. Non seulement vous n’avez rien d’imposĂ©. Mais en plus, le mĂ©decin peut ĂȘtre considĂ©rĂ©, non pas comme une autoritĂ©, mais comme une source d’information relativement fiable. En son absence, il faudrait non-seulement enquĂ©ter (Ă©plucher les site web, les catalogues, demander sur des forum, essayer de deviner quelles sont les informations fiables sur la boite (s’il y en a)). La consĂ©quence Ă©tant qu’il est difficile de parler de complexitĂ© dans le cas ou le rĂ©sultat ne serait pas issu de la rĂ©flexion de l’individu, mais d’une suite d’alĂ©as. Au contraire, la prĂ©sence du mĂ©decin permet au patient un choix plus Ă©clairĂ©. Qui est libre de celui qui choisi au hasard et celui qui choisi en connaissance de cause ?

    Tout ça pour dire qu’il me parait audacieux de considĂ©rer que dĂ©lĂ©guer constitue une restriction volontaire de libertĂ©.
    Il y a un vrai enjeux Ă  connaitre de façon rĂ©aliste nos propre capacitĂ©. Si vous vous sous-estimez, vous allez dĂ©lĂ©guer Ă  mauvais escient des dĂ©cisions que vous auriez pu prendre vous mĂȘme, d’oĂč restriction de libertĂ©. Mais si vous vous surestimez, vous risquez d’imposer Ă  d’autre des dĂ©cisions non pertinente, ce qui est tout aussi nuisible (et pas forcĂ©ment qu’au autres).

    Bref de mon point de vu, si on se refaire Ă  une entitĂ© qui n’impose rien, il ne s’agit pas d’une autoritĂ©, mais d’une source d’information.
    S’il s’agit d’une autoritĂ©, alors il n’y pas forcĂ©ment restriction de libertĂ© (au sens gĂ©nĂ©ral, pas uniquement individuel) si cette autoritĂ© est librement choisie et si ce choix est dĂ»ment Ă©clairĂ©. Par exemple la Loi est une autoritĂ©, mais accepter de s’y soumettre permet de garantir nos libertĂ©s. À condition de la connaitre et d’avoir pu apprĂ©cier sa pertinence, son obsolescence, sa pertinence, ses garanties, son application, son arbitraire, etc.

    Pour revenir aux gens qui rĂ©clament explicitement plus d’autoritarisme :

    Alors je sais que l’expĂ©rience personnelle n’est pas une mesure statistique. Cependant, il me semble qu’il y a quand mĂȘme quelques point rĂ©curant parmi ces gens. La premiĂšre c’est que tout ceux qui m’ont tenu ce genre de discours ont tendance Ă  beaucoup regarder la tĂ©lĂ©, et que ce genre de remarque Ă  tendance Ă  sortir lors de la prĂ©sentation d’un fait divers. Hors toutes les Ă©tudes montre que les gens qui regardent beaucoup la tĂ©lĂ© on tendance Ă  beaucoup sur-estimer la violence de notre sociĂ©tĂ©. Donc l’appel Ă  un leader me semble beaucoup corrĂ©ler, peut-ĂȘtre Ă  la complexitĂ©, mais aussi Ă  la sensation de danger ou d’inquiĂ©tude.
    La deuxiĂšme, c’est que tous ces gens ont tendance Ă  ne jamais s’imaginer que cette autoritĂ© puisse ne pas ĂȘtre dans leur camp. Je pense que bien des gens qui on soutenu les rĂ©gimes des annĂ©es 40 on dĂ» se retrouver bien surpris de se retrouver enfermĂ©s dans un train quelques jours aprĂšs une simple engueulade avec leurs voisin.

  3. Anonyme
    19 janvier 2021
    Reply

    Auriez-vous trouvĂ© des Ă©tudes SDO RWA avec pour matĂ©riel des universitaires et pas que des Ă©tudiants hein, mais les profs et chercheurs, avec des catĂ©gorisations par ‘rĂŽles’ et l’implication hiĂ©rarchique (genre les diffĂ©rents conseils d’universitĂ© CA etc.). J’ai parcouru un peu scholar, mais sans trouver d’article rĂ©pondant Ă  mon questionnement.

    • Viciss Hackso
      19 janvier 2021
      Reply

      Pas Ă  ma connaissance ; j’ai vu des Ă©tudes SDO ou RWA en fonction de la discipline Ă©tudiĂ©e des Ă©tudiants ( Duriez, Vansteenkiste, Soenens, De witte (2007) ; « L’effet de la dominance sociale sur les idĂ©ologies de lĂ©gitimation : le rĂŽle modĂ©rateur de l’environnement normatif », Pierre De Oliveira, MichaĂ«l Dambrun et Serge Guimond, 2008) et Ă  travers le temps, sur des corps professionnel particuliers (politiciens par exemple, Altemeyer https://theauthoritarians.org/options-for-getting-the-book/ ou « the new authoritarian » ; la police « Autoritarisme et prĂ©jugĂ©s dans la police, l’effet d’une position d’infĂ©rioritĂ© numĂ©rique et le rĂŽle du contexte normatif », Juliette Gatto et MichaĂ«l Dambrun, 2010) ; le SDO est connu est pour ĂȘtre corrĂ©lĂ© Ă  une « bonne » position dans la sociĂ©tĂ© (statut supĂ©rieur/bon revenus ; pratto sidanius 1994), donc en principe plus il y a une haute position dans la hiĂ©rarchie, plus le SDO risque d’ĂȘtre Ă©lĂ©vĂ© (mais modĂ©rĂ©e par d’Ă©ventuelle discriminations que subis la personne). En tout cas pour tout ce qui est rĂŽle, statut dans la sociĂ©tĂ© X SDO, c’est du cĂŽtĂ© de Pratto et Sidanius (1994) qu’il y a le plus de donnĂ©es.

  4. Kaeso
    8 mars 2021
    Reply

    Chouette vidĂ©o! Je regarderais peut ĂȘtre la version longue plus tard. Ça fait plaisir de voir les articles dans un format plus… partageable^^
    Le dossier a du ĂȘtre difficile Ă  condenser et en plus c’est une extended version! Vous faites un travail de dingue, merci pour ça!

  5. Jeff
    20 juin 2021
    Reply

    Donc si tu es autoritaire avec tes enfants tu es fasciste ?
    Si tu aime l’ordre et la discipline tu es fasciste ?
    C’est un peu n’importe quoi, ça amalgame tout.
    En gros il faut ĂȘtre laxiste pour pas ĂȘtre facho !
    Tout ça pour ça !

    • Viciss Hackso
      20 juin 2021
      Reply

      Ne pas ĂȘtre autoritaire ne veut pas dire ĂȘtre laxiste ; L’inverse qui est par exemple d’autonomiser, d’Ă©manciper, d’aider Ă  l’autodĂ©termination par exemple, c’est loin de « laisser faire » c’est un constant travail sur les structures, sur ses propres comportements et ses facultĂ©s d’aider autrui etc. Et il y a plein d’autres façon de ne pas ĂȘtre « autoritaire ».

      De plus l’attitude autoritaire, version psycho sociale, ne se dĂ©crĂšte pas dĂšs qu’on dit que quelqu’un est autoritaire irl…ça doit coupler Ă  la fois une agressivitĂ© autoritaire envers des exogroupes + soumission Ă  l’autoritĂ© + conventionnalisme – et dans la version dominateur, il y a une volontĂ© de maintenir un systĂšme inĂ©galitaire. tout ça se mesure. La façon dont utilise les chercheurs le mot « autoritaire » n’est pas Ă  confondre Ă  comment on peut l’utiliser dans le sens commun, et ce n’est pas parce que les chercheurs l’ont chargĂ© de concepts et de mesure que cela annule pour autant la dĂ©finition commune. Mais je comprends que cela puisse ĂȘtre confusant au dĂ©but, si on ne comprends pas ceci. Bon courage.

  6. […] authoritarianism, qui est en quelque sorte une thĂ©orie corrigĂ©e des travaux portant sur l’échelle F d’Adorno et de ses collĂšgues). Altemeyer dĂ©finit la personnalitĂ© autoritaire selon trois […]

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