★ [PE8] Que faire contre l’allégeance au travail et en général ?

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Si notre fil rouge a été l’institution pôle emploi, tout ce qu’on a abordé est applicable au monde du travail, mais aussi dans l’éducation. Les nombreuses études sur l’internalité montrent que les enfants savent qu’il faut être interne allégeant, ils apprennent cette norme tant chez eux qu’à l’école, mais c’est à l’école qu’ils ressentent encore plus que ce comportement doit être opérationnel. En cela tous les décisionnaires, les évaluateurs, les personnes qui ont du pouvoir sur autrui devraient s’interroger sur la façon dont ils discriminent les externes ou les internes rebelles, parce que non seulement c’est une forme de racisme, un jugement injuste qui ne se base pas sur des critères objectifs, mais également parce qu’ils perdent là une opportunité de faire progresser leur métier ou leur entreprise. Un interne rebelle accepté dans l’environnement social, c’est une opportunité d’améliorer les choses pour tout le monde, si on accepte de l’écouter. Généralement, cela nécessite de mettre son ego de côté et de penser au bien-être de l’environnement social avant tout, ce qui n’est pas un exercice facile à tous. Il n’est pas inutile non plus de se questionner sur son rapport au pouvoir et les biais liés au pouvoir.


DRH, Cadres, managers, dirigeants,chefs…


 

♦ l’interne rebelle, meilleur atout de l’entreprise (s’il ne fait pas cavalier seul)

C’est un atout parce que l’interne rebelle voit les déterminations sociales à l’œuvre, voit les défauts et souvent les partage. Il donne clairement des solutions pour une meilleure organisation, et quand les entreprises non seulement écoutent, mais donnent du pouvoir aux rebelles, c’est extrêmement efficace. Je vous laisse l’extrait d’un manuel de psycho du travail, un chapitre passionnant sur « l’organisation comme système d’emprise » qui donne des exemples concrets d’entreprise acceptant la rébellion :

« Dressant le portrait des meilleures entreprises nord-américaines, Peters et Austin (1985) mettent eux aussi en évidence que la performance ne peut s’obtenir que par l’instauration d’un climat de liberté, ce qui signifie notamment, lorsque d’archaïques procédures et règlements coercitifs préexistent, par l’acceptation et même l’encouragement des comportements déviants. Dans les entreprises innovatrices, indiquent ces auteurs, « le semi-licite est une norme célébrée, acceptée ouvertement par tous et que chacun chérit »(p. 206) ; « au lieu de mettre l’accent sur les formalismes [… ces entreprises] insistent sur les comportements non conformistes » (p. 208) ; l’innovation « exige de l’irrespect à l’égard de l’autorité centrale et de l’institution »(p. 208), d’où des politiques de décentralisation afin « d’éviter que le siège central ne vienne mettre son nez dans les affaires des groupes autonomes »(p. 218). Peters et Austin fournissent en outre de nombreuses illustrations confirmant leurs dires. Ils indiquent par exemple que l’un des premiers principes de l’entreprise Dana se limite à un slogan contestataire : « Découragez le conformisme » (p. 363) ; que chez IBM, « la première tâche des unités est de ne pas suivre la planification du siège […et de] court-circuiter le système » (p. 218) ; que chez Raychem « la tricherie est ouvertement et explicitement honorée. Plus même, on l’exige » (p. 207) ; que certains hauts responsables d’entreprises ont même été jusqu’à préconiser la nomination d’un « vice-président responsable de la révolution pour qu’il sème son ferment parmi nos collègues les plus conventionnels » (p. 219). Ce qui signifie aussi oser s’entourer de salariés capables d’enfreindre les règles, et oser encourager et récompenser ces infractions : Que ce soit dans une entreprise d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires ou dans un département de trois comptables, disent encore Peters et Austin, l’excellence est l’œuvre de personnes qui rassemblent tout leur courage et leur passion pour sortir des sentiers battus, en dépit des doutes, de la peur ou de la définition de leur poste […]. Elles ne se retranchent pas derrière les portes fermées de leur bureau, derrière la pesanteur des comités, derrière les rapports ou la hiérarchie, car elles savent qu’y renoncer les amènera au résultat escompté (p. 427-428).

Les managers performants sont ceux qui « montrent un irrespect constant pour leurs propres procédures et règlements, et encouragent régulièrement les autres à contourner les règlements » (p. 229). Et bien évidemment, c’est à ces managers que l’entreprise doit réserver les plus hautes fonctions. Tel fut par exemple le cas de l’ancien directeur de Royal Dutch/Shell en Malaisie qui, las des procédures paralysantes, décida un jour de rassembler « une pile de questionnaires qui lui avaient été envoyés par le siège et sans crier gare se rendit à La Haye où se tenait un conseil d’administration. Il fit irruption dans la salle, ouvrit sa valise pleine de documents sur la magnifique table polie et déversa les quinze kilos de formulaires en demandant : vous préférez que je les remplisse ou que je cherche du pétrole ? […]. Il devint par la suite le patron du groupe » (p. 343). Tant il est vrai que dans les entreprises performantes, « le meilleur moyen de ne pas être promu est de ne pas faire de vagues » (p. 230). Pour autant, ce type d’entreprises semble quantitativement bien marginal. »

Psychologie du travail et des organisations, Claude Lemoine

♦ Arrêtez avec le LOC ! Arrêtez avec les manuels bullshit !

Le LOC n’est pas critiqué, alors qu’il est clairement dans une posture de déni des déterminations sociales en faisant du seul opposant à l’interne un individu qui ne pense qu’à travers des filtres de chance, malchance, ou hasard. Or je vois des psychologues qui parlent du LOC sans émettre une moindre critique, moi-même on m’a enseigné le LOC à la fac sans parler de ces biais idéologiques pourtant assez flagrants (lorsqu’on voit le questionnaire initial). Donc entreprises, recruteurs, RH, etc., arrêtez avec ce LOC. Mais aussi le marketing de soi ou les postures individualistes… parce que l’entreprise est un groupe social et l’individu est social. Il y a forcément des interactions de nature sociale, complexe. Opter pour un individualiste pur et dur, c’est recruter un aveugle qui ne va créer que des problèmes dans le tissu social. Méfiez-vous aussi de tous ces manuels de psychologie de comptoir, de développement personnel pour managers, winners ou décideurs qui ne se centrent que sur l’individu et ne parlent pas du groupe, du social, ils vous entraînent dans une vision tronquée du monde, et cela ne peut que porter préjudice à l’entreprise. Si vous ressentez vraiment le besoin d’avoir des conseils, et bien lisez rework. Pour les questions « humaines » que ce soit pour son développement ou s’occuper d’autrui, hé bien autant aller voir directement en psychologie et sciences humaines en général (et pas des livres passés par la moulinette d’un coach), ce sera bien plus enrichissant pour vous et autrui.

♦ Être conscient de son pouvoir pour ne pas être dominant et laisser les autres le prendre sainement.

J’ai eu de la chance d’avoir des chefs et cheffes internes rebelles, très humains et qui faisaient fonctionner l’entreprise à merveille. Leurs points communs, c’était leur conscience de l’environnement social en général, mais aussi la conscience de leur rôle dans cet environnement social. Tout le temps, ils prenaient les devants pour contrer les effets de leur position de pouvoir et en déléguer un maximum aux employés s’ils le souhaitaient. Par exemple, lorsqu’il y avait un travail à faire ils me disaient « il y a ça à faire, je pensais qu’on pourrait le faire comme ça, qu’est ce que tu en penses ? Tu as peut-être autre chose à faire avant, je peux attendre si cela te dérange… » Alors parfois je disais oui, parfois non ou je reportais à plus tard. Si je me mettais à faire une action de façon complètement hors norme ou comme ils ne le faisaient pas, ils étaient étonnés puis étaient contents, ils soulignaient les avantages que ça apportait. Ça faisait une méthode de plus pour faire tel travail, là où un chef allégeant m’aurait engueulée.

Ils prenaient les devants sur la soumission des autres, sur l’irrespect du Code du travail par allégeance à l’entreprise (chose qui était courante chez les nouveaux qui voulaient se faire accepter) : par exemple, lorsque nous travaillions la nuit, d’office, ces chefs non allégeants demandaient si chacun avait un moyen de transport adapté pour rentrer chez lui, ils se proposaient de ramener des gens chez eux ou leur appelaient un taxi. Ils vérifiaient que tous avaient pu prendre leurs pauses, que tout le monde partait bien à l’heure et ne fasse pas des minutes supplémentaires impayées. Ils veillaient à ce que d’autres autorités ne nous donnent pas des injonctions stupides, et si c’était le cas, ils nous encourageaient à désobéir et ils nous couvraient. Ils avaient conscience d’être dans un rôle qui pouvait faire peur aux nouveaux (dont c’était en plus le premier travail) et s’assuraient en discutant beaucoup avec la personne, qu’elle prenait ses propres décisions sans peur, ils faisaient tout pour la détendre, l’aider si besoin, mais lui laissaient un maximum d’autonomie.

Résultat : l’entreprise tournait à merveille, il y avait une excellente ambiance, presque jamais d’arrêt maladie, de retard ou d’accident. Et un turn-over quasi nul.


Employés, ouvriers, « sans pouvoirs » (en apparence) etc..


♦ Feindre l’allégeance puis tester la non-allégeance pour voir les réactions

Comme on l’a dit au chapitre précédent, ce conseil vaut dans toutes les situations qu’on soit sans pouvoir ou avec pouvoir, il y a toujours des moments où il est nécessaire de feindre l’allégeance, mais cela n’empêche en rien, ensuite et petit à petit, de tester la non-allégeance. Ces petits tests de rébellion permettent aussi de repérer les autres rebelles dans l’entreprise, et cela peut se faire sans conflit aucun (par exemple si on veut explorer l’environnement et qu’on se retrouve dans un endroit strictement interdit, on peut feindre soi-même la surprise de s’être retrouvé là, ça peut faire rire tout le monde). On a donné pas mal d’idées de tests de rébellions dans L’homme formaté.

♦ Appliquer la non-allégeance en acte, non en parole. Le combat n’est pas forcément nécessaire, parfois il faut juste construire

Les grands discours de rébellion sont assez creux et parfois certains faux rebelles en sont friands, tapant le poing sur la table, mais finalement dans les actes, sont on ne peut plus allégéants. Cela me fait penser à cette « fausse » résistante dans le jeu de la mort, qui tout le long du jeu s’oppose verbalement à l’animatrice, mais obéit jusqu’au dernier choc.

Pour être interne rebelle, parfois même pas besoin de parler, il suffit d’agir ou de ne pas exécuter un ordre. Ensuite, on peut expliquer à ses collègues, s’ils le demandent, pourquoi on a désobéi. Mais il est important d’agir en premier lieu. Parce que les actes sont beaucoup plus éloquents pour l’environnement social, parce qu’ils sont preuve à eux seuls, parce qu’ils sont de l’ordre du modèle pour autrui, surtout quand il s’agit d’actes importants. Et on se convainc soi-même à faire, on est nos actes.

L’Exemple de best buy :

La non-allégeance en acte peut aussi se faire en groupe et à un niveau beaucoup plus important qu’une simple désobéissance passagère. Une antenne de l’entreprise américaine Best buy est assez sidérante à ce niveau-là : en partant du bas, des employés et quelques personnes des ressources humaines ont décidé petit à petit d’opter pour un « temps libéré ». C’est-à-dire que les employés n’étaient plus forcés à rester de telle heure à telle heure, s’ils le voulaient ils pouvaient venir n’importe quel jour, à n’importe quelle heure pour n’importe quel temps. Voire pas du tout. Seul ce qui comptait était une somme d’objectif de travail donné, ils pouvaient réaliser n’importe où et en prenant n’importe quel temps. Cette révolution dans l’organisation s’est faite sans l’accord des dirigeants, discrètement ; ils n’ont été mis au courant que lorsque le temps libéré était opérationnel depuis un moment et qu’il donnait de très bons résultats. Ainsi les dirigeants de l’époque ont été OK avec cette organisation, parce que les personnes ont pu leur prouver, chiffres à l’appui, qu’ainsi organisée, l’entreprise était beaucoup plus performante.


La non-allégeance en général, au quotidien


♦ Il est trop compliqué d’analyser la nature des attributions causales au quotidien la majeure partie du temps.

Parfois les erreurs fondamentales sautent quand même aux yeux, comme les votants du brexit qui ont quitté l’Europe pour des raisons de migrants, c’est clairement une attribution interne allégeante : tout l’environnement social, la complexité des structures de l’Europe, les déterminations, sont ignorées. Tout comme le vote pour l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, l’environnement social et l’environnement tout court ont été ignorés au profit de l’attribution causale allégeante « ça fera de l’emploi ». Attention, ce ne sont pas les seules interprétations possibles, il y a dans ces deux exemples grand nombre de déterminations autres.

Au quotidien, dans les discussions, au travail, on est trop occupé pour cette analyse ; on est trop pris par mille choses et surtout, il nous manque beaucoup d’informations pour comprendre les attributions ou les formuler le plus justement possible.

Faire le petit scientifique des attributions causales me semble véritablement impossible et invivable, parce que le quotidien nous demande de la réactivité, on a besoin de prendre des décisions et parfois il est vraiment impossible d’obtenir les informations qui nous manquent pour des décisions éclairées. Partant de ce fait, il me semble irrationnel d’accuser les gens d’être irrationnels : les situations de la vie n’ont rien de commun avec un protocole scientifique, cette irrationalité qu’on accuse, elle a du sens au quotidien, elle est utile et parfois plus encore, elle est sociale. Autrement dit, il me semble totalement biaisé d’accuser les gens d’être irrationnels, c’est être interne allégeant, c’est refuser de voir la nature des situations sociales (en plus d’être orgueilleux, car c’est se prétendre au-dessus des gens, mieux qu’eux).

♦ La posture altruiste ; attention ce n’est pas la soumission amicale ni l’empathie !

Partant de ce constat (qu’il est impossible d’analyser toutes les attributions causales qu’on émet et qu’autrui émet), qui n’est pas si triste qu’il en a l’air, il s’agit d’adopter des bons réflexes, des automatismes qui ont le plus de chance de ne pas être biaisés : l’altruisme. J’en ai déjà parlé la dernière fois, mais remettons-en une couche.

Penser à éviter la souffrance d’autrui , la sienne et celles de personnes qui pourraient être touchées par nos actions ou notre jugement peut être un automatisme sain. Attention, il ne s’agit pas de changer sa personnalité et d’opter pour le trait « agréabilité »

« Ces individus sont amicaux, coopérants et doués de compassion. Les personnes ayant un score bas d’agréabilité peuvent être plus distantes. Parmi les traits, citons le fait d’être gentil, affectueux et sympathique. » wikipédia

Non seulement il est quasi impossible de changer sa personnalité, mais ce trait de personnalité a pour synonyme « soumission amicale » ; dans le jeu de la mort, ceux qui ne résistent pas partagent ce trait de personnalité, autrement dit par sympathie pour l’animatrice, ils obéissent. Mais ils oublient Bob. Oublient leurs actes.

« Le mot altruisme et l’adjectif altruiste s’appliquent aujourd’hui à un comportement animal et humain caractérisé par des actes a priori désintéressés, ne procurant pas d’avantages apparents et immédiats à l’individu qui les exécute, mais qui sont bénéfiques à d’autres individus et peuvent favoriser surtout à long terme un vivre-ensemble et une reconnaissance mutuelle au sein du groupe où il est présent. » Wikipédia

Autrement dit, un altruiste va être capable de se jeter violemment sur une personne pour qu’elle ne soit pas écrasée. C’est de l’ordre du réflexe, et il n’y a pas de volonté de se faire apprécier là dedans, c’est juste s’activer dans une situation, c’est dans son corps se savoir acteur dans une situation, donc on a là une internalité, mais non-allégeante (car on prend en compte la situation, pas d’erreur fondamentale) très puissante, puisqu’elle est automatique. On peut donc être altruiste en étant peu sociable, en n’aimant pas spécialement vivre entouré de mille amis, en ne tirant pas vraiment de satisfaction des evenements sociaux (comme les introvertis qui s’épuisent totalement dans des situations sociales).

Attention à l’empathie également. On est tous équipé généralement de la « machine » empathie qui nous permet de ressentir ce que l’autre ressent, mais parfois, soit la vie nous pousse à dénier cette faculté (par résignation, par défense, par éducation tournée vers la compétition…) ou soit on est en burn-out empathique, c’est-à-dire qu’on n’arrive pas à gérer cette empathie qui nous brule totalement l’esprit (les soignants sont souvent exposés à ces burn-out émotionnels par exemple, car ils sont exposés bien plus que les autres à des situations humaines et sociales très dures).

L’empathie ne devrait être au fond qu’un signal d’alerte et on devrait essayer de passer tout de suite à l’action quand c’est possible, ne serait-ce que parler à la personne qu’on voit mal en point. Mais parfois l’action est impossible, et là, pour les personnes empathiques, c’est vraiment insupportable à ressentir. C’est là qu’intervient la compassion.

Alors oubliez les discours religieux sur la compassion, et même les définitions médiatiques à ce sujet, la compassion n’est pas synonyme de pitié ou de sentiment mielleux qui vient faire vernis normatif dans des situations dramatiques. La compassion, c’est un boulot de l’esprit, et c’est un gros travail : c’est à partir de l’empathie ressentie, se recadrer pour penser à ce qu’on pourrait faire, comment on pourrait faire pour faire taire cette souffrance, comment on pourrait être soi-même dans la meilleure attitude possible pour faire terminer cette situation, comment on pourrait redonner le sourire, comment untel pourrait mourir sans souffrir, sereinement. C’est une réflexion franche, déterminée à stopper la souffrance de tous les sujets d’une situation, y compris de soi. Ce travail mental demande de la détermination, n’a rien à voir avec de la pitié (qui est une forme de condescendance, une façon de se hisser au dessus du malheureux), n’a rien de commun avec des sentiments mielleux. Ce travail va développer petit à petit des automatismes d’altruisme, cela va permettre de n’être plus dévoré par des burn-out émotionnel et de garder ses compétences et connaissances optimales quand un événement dramatique ou de souffrance interviendra. Ce travail mental de compassion, il est vraiment efficace, ce n’est pas juste une lubie spirituelle vaguement sectaire de reprogrammation mentale. La compassion ne retire rien de votre personnalité, elle ouvre juste une voie supplémentaire de réflexion et d’action. Les psychologues ont prouvé son efficacité, en testant des novices méditant sur la compassion, des moines bouddhistes passés à l’IRM, et tout un tas d’expériences. Je vous laisse en prendre connaissance dans :

Si j’insiste tant pour parler de ceci, c’est parce qu’avec des réflexes altruistes, on saura s’opposer lorsqu’un jugement interne allégeant sera nocif pour autrui, on aura, sans effort, beaucoup plus de visibilité sur les déterminations sociales parce qu’on saura que c’est sur elles qu’il faut agir pour résoudre des problèmes de souffrance. Attention, ce n’est pas une solution « miracle » ; cela demande un grand travail sur soi.

Je peux concevoir que cela paraît un peu éloigné des attributions causales, mais actuellement il n’y a rien de plus rebelle, de non-allégeant, que l’altruisme à mon sens, car c’est accepter de voir les causalités sociales et ne pas hésiter à en être une, positive.

Voici un court métrage fort bien fait où justement on voit qu’être altruiste est directement en opposition avec l’internalité allégeante (vous verrez quantité d’exemples d’allégeance où l’on voit clairement cette caractéristique de denier l’impact du social) :

♦ « en jugeant untel, qui je protège, qu’est-ce que je sers ? »

Je pense que se poser cette question « en jugeant untel, qui je protège, qu’est-ce que je sers ? » peut aider à élargir sa réflexion sur les structures sociales et leurs déterminations. Si je pense « les gens sont tous des cons » par exemple, je défends tout ce qui détermine leur éventuelle connerie, donc je n’entrevois aucune puissance de ma part pour changer ça et je laisse perpétuer tout ce qui peut les rendre cons à mes yeux. Cela vaut aussi pour les jugements positifs : J’avais une collègue de travail qui ne passait son temps qu’à admirer le physique des femmes stars, leur beauté esthétique. D’un autre coté, elle était complètement obsédée par son poids, son physique qu’elle dédaignait. Je me rappelle l’avoir entendu juger des danseuses sur le fait qu’elles étaient « des petits boudins comme elle », que c’était lamentable pour un spectacle. Ces jugements l’aliénaient, qu’ils soient positifs ou négatifs, elle protégeait l’idée qu’une femme doit rentrer dans des standards et tout le reste n’est que laideur, entretenant inconsciemment son mal-être vis-à-vis de son physique. Peut-être qu’il aurait fallu lui montrer la beauté hors des standards publicitaires, la beauté hors des critères purement physiques.

Quoi qu’il en soit, ça peut être intéressant d’investiguer nos jugements, d’y chercher à quelle allégeance ils sont reliés, ça permet de trouver des moyens de se déformater et parfois de dérouler tout un système de fonctionnement. Par exemple, un gros formatage que j’avais lorsque je travaillais à McDo était de trouver les clients totalement cons comme la majorité de mes collègues et chefs. Il a fallu que je sorte de la boîte, pour que je me rende compte que ce jugement était parfaitement allégeant : comme je les pensais cons, que le McDo faisait tout pour les faire passer comme cons, et bien j’étais nettement plus rapide et plus pressante avec eux (donc mon chiffre était meilleur). Les juger cons avait un impact direct sur l’argent que je rapportais à McDo. Et cette « connerie » des clients était induite par le système McDo (d’aller très très rapidement par exemple), le cercle vicieux s’entraînait ainsi.

Même si cette analyse se fait trop tard, ce n’est pas grave, cela permet de se recadrer par la suite ; par exemple, après McDo, j’ai travaillé longtemps à me déformater pour ne pas tout faire au plus rapidement, à prendre mon temps pour essayer d’avoir une interaction profitable tant au client qu’à moi. Il a fallu des années pour calmer cet appétit de la vitesse, parfois je replonge encore, mais je sais à présent que mon attitude, dans ce type d’interaction, est parfois déterminante sur l’humeur de la personne en face de moi.

♦ Accepter le non-jugement, « je ne sais pas », poser des questions

On se sent souvent obligé de se positionner, par pression sociale, par ego, pour ne pas perdre la face. Or, ce positionnement fait à la va-vite, on va l’adopter comme réalité de nos pensées, même si on ne l’a pas réfléchi. Donc pour un manipulateur, c’est très simple il suffit de créer une situation où l’individu doit rapidement se positionner, ainsi il entame un processus d’engagement qui va le formater à penser certaines choses.

Donc la résistance, qu’elle soit face à l’allégeance ou à un autre événement, c’est de ne pas se positionner lorsqu’on n’a pas de positions. D’accepter de dire « je ne sais pas », dans les sondages ou les discussions, de poser des questions, mêmes celle qui nous font passer pour idiot, tant pis, les gens intelligents sauront que c’est une preuve de sagesse et les manipulateurs en tout genre seront bien embêtés.

Parfois même lorsqu’on pense avoir un avis sur la question, mieux vaut se faire passer pour quelqu’un qui ne sait pas, poser des questions naïves ; non seulement cela permet de vérifier que l’on a bien compris de quoi il était question, d’écarter les malentendus, mais cela peut aider l’interlocuteur dans ses prises de conscience sur ses allégeances, et cela sans violence symbolique (ce qu’on a vu dans le « que faire » à pole emploi).

♦ Raconter des histoires riches d’informations pour la prise de conscience des internes allégeants

Les personnes ont honte de ne pas savoir, d’être ignorantes sur certains faits et par un processus de dissonance cognitive elles vont émettre un jugement interne allégeant pour masquer leur ignorance. J’avais une collègue de travail (oui c’est toujours celle dont on a parlé précédemment) qui avait un discours anti-chômeur, à base d’expression « cas soc’ », « bon à rien », « flemmard », il y avait une réelle infériorisation du statut de chômeur chez elle, accompagnée d’une expression de mépris et de dégoût. C’était un problème parce que je devais travailler avec elle en duo, c’est-à-dire qu’on passait des heures ensemble, avec beaucoup de temps pour discuter, il était hors de question que ça vire au conflit, cela aurait été insupportable. Après avoir un temps ignoré ces discriminations (je ne continuais pas la discussion sur le sujet, ou alors je parlais d’autre chose concernant le boulot), par hasard, (et surtout parce qu’on s’ennuyait à mourir) j’ai commencé à lui raconter les aventures d’un ami diplômé en informatique que je connais, ses difficultés à trouver un emploi malgré sa branche et ses diplômes, sa reconversion en cuisinier, etc. J’ai vu qu’elle était très étonnée de mes propos et qu’elle était attentive, j’avais du mal à comprendre cette attitude, ça me paraissait pourtant une histoire bien banale. Alors, j’ai continué à raconter la vie de mes amis diplômés qui ne trouvent rien, j’ai raconté la vie de chômeurs débordés d’activités et de relations sociales, des initiatives de mon quartier (des ateliers de récup’, des potagers collectifs, les repair café… ).

Et elle était étonnée. Parce qu’elle n’imaginait pas du tout la vie hors travail, elle n’imaginait pas qu’on pouvait être diplômé sans emploi (elle faisait des discriminations positives des gens diplômés, les percevait comme supérieurs), qu’au fond on était tous dans le même train, mais qu’il y avait toute une vie passionnante qui s’ouvrait également, que ce n’était pas la déprime quand on était dynamique.

En fait, ces préjugés étaient signe d’ignorance et de peur. En phase de reconversion, elle savait qu’elle-même allait devoir passer par la case chômage, et après toutes nos discussions elle a avoué avoir peur de galérer à répondre aux requêtes administratives, de ne pas être à la hauteur, etc.

Je ne saurais pas dire si mes explications via les anecdotes que je racontais comme on parle de la pluie et du beau temps l’ont aidé, ni si cela a eut quelconque effet sur ses peurs et ses préjugés, en tout cas, elle n’a plus eu ce genre de discours discriminant (possible aussi qu’elle ait juste compris que ça me restait en travers la gorge et qu’il fallait mieux éviter). On a passé un super moment ensuite, avec une bonne ambiance, donc je me dis que c’est peut être une astuce pour surmonter ce biais qu’ont certaines personnes à ne pas oser dire qu’elles ont peur de quelque chose ou qu’elles ne savent pas quelque chose (biais qui pousse à adopter des préjugés, à être allégeant, etc.). En tout cas, elle m’a écouté de la sorte, je l’ai laissé libre de ses opinions et ni elle ni moi n’était dans un état de colère lors de ces discussions, elle ne s’est pas sentie rabaissée ou jugée, et pareil pour moi.

♦ L’externalité, l’impuissance acquise : les accompagner pour leur montrer qu’ils peuvent faire des choses

Alors un problème dont on a peu parlé est l’externalité, surtout l’allégeante. Il y a une souffrance chez ces personnes, je pense que prioritairement, il faut les accompagner pour leur montrer qu’elles ont des effets sur les situations, qu’elles ne sont pas des algues à la merci des marées, qu’elles aussi sont déterminantes. Pour cela, et pour ne pas être vexant (et provoquer de la réactance), il faut se faire « modèle » et montrer in situ qu’on peut être déterminant avec des actes tout bêtes. Par exemple, quand j’étais jeune j’ai travaillé dans une usine aux conditions atroces (froid, bruit, pas de pauses, etc.) ; j’étais externe non allégeante à l’époque. Et un jour on m’a mis dans un service avec une hackeuse sociale qui restera mon modèle à jamais. Étant ancienne, elle a décidé de me faire faire une balade dans tout le bâtiment, elle m’a montré (sans me le dire) comment on pouvait s’échapper de la chaîne en arguant le fait qu’il fallait de meilleurs ciseaux ; c’est elle qui réclamait les pauses pour chacun alors que personne ne nous avait signalé que c’était possible avant ; c’est elle qui m’a montré comment il était possible de faire rigoler toute la chaîne avec des jeux idiots ; c’est elle qui m’a montré qu’il était possible de faire gagner en tranquillité toute une équipe en liant de solides et sincères liens de confiance avec sa cheffe ; bref, soyez un petit héros du quotidien, avec des petits actes et vous inspirerez quelqu’un à tout jamais, même si les actes sont tout petits. Un interne rebelle bienveillant, ça ne s’oublie pas.

♦ Repérer l’allégeance, c’est un bon moyen de repérer rapidement les positions d’un discours.

Quand je dis « discours » j’entends aussi les manuels, les livres, bref toute trace possible de l’expression de quelqu’un ou d’un groupe. Par exemple, le livre que nous avons critiqué sur le marketing de soi est totalement allégeant avec le recul, jamais il n’y fait mention des moindres déterminations sociales, il n’est que soumission, parfois interne, parfois externe.

Cet oubli du contexte social dans le discours doit alerter, surtout quand il concerne quelque chose de fondamentalement social comme le travail, et même l’individu. De trop nombreux discours pseudo-psychologiques font l’impasse sur les structures sociales, ça biaise totalement leur verdict, si intelligents soient les conseils qu’ils donnent.

♦ Bien faire la distinction dans les discours sur l’autonomie, l’autodétermination. Allégeant ou non ?

Ce qui m’amène à dire qu’il ne faut pas confondre des discours d’internalité allégeante (cf marketing de soi) avec des discours d’internalité rebelle (ex les questions de flow, d’autotélique). Il y a un méli-mélo dans le sens commun, qui fait que certaines personnes voient les mots tels « qu’empowerment » « autonomisation » « autodétermination » – bref des mots ayant trait à l’internalité – comme forcément allégeant, servant à asservir dans le monde managérial. D’où l’importance de bien différencier internalité allégeante VS internalité rebelle, et comme on l’a dit précédemment, cela se repère dans les discours. Mais les mots liés à l’autodétermination ne sont pas en soi allégeants. Même un terme aussi managérial que « proactif » n’est pas allégeant en soi, on l’utilise aussi en psychologie positive sans pour autant nier les grosses et difficiles déterminations provenant de l’environnement social, contrairement au monde managérial, souvent allégeant, qui les ignore.


De nouvelles considérations pour les institutions


Maintenant qu’on a exploré quelques idées possiblement applicables dans le présent, dans nos situations actuelles attaquons-nous à plus gros. Qu’est-ce qu’on fait des fabriques d’internalité allégeante ?

♦ et si on s’inspirait de l’écologie pour le social ?

Quand je parle d’écologie, je ne parle pas du parti politique, mais de la science « des relations des organismes avec le monde environnant, c’est-à-dire, dans un sens large, la science des conditions d’existence » (wikipédia), une science qui a donc une pensée systémique, où l’organisme n’est pas pensé en soi, mais en interaction avec tout ce qui l’entoure. Vous êtes légitimement en droit de vous demander qu’est ce que viens faire l’écologie dans la dernière partie de ce dossier, et autant le dire tout de suite, ce n’est pas une question de science, mais de considération des environnements humains.

Cette idée, elle me vient de cet exemple :

« Une prud’homie de pêche, cela vous dit quelque chose ? Ces communautés d’artisans pêcheurs, héritées du Moyen Âge, font aujourd’hui figure d’alternatives face aux dégâts écologiques et sociaux engendrés par la pêche industrielle. Sur le littoral méditerranéen, des Pyrénées-Orientales aux Alpes-Maritimes, une trentaine de prud’homies de pêche arrivent à concilier l’exercice du métier, la solidarité et le respect de la biodiversité. Mais souffrent de ne pas être vraiment reconnues par les dirigeants politiques et européens. » http://www.bastamag.net/Ces-artisans-pecheurs-qui-refusent

C’est dans Kaizen le magazine que j’ai découvert cette prud’homie initialement, et bien que n’ayant aucun intérêt particulier pour la pêche, cette histoire m’a passionnée et m’est restée en mémoire. Cette inspiration me semble appropriée pour repenser totalement une institution s’occupant à la fois des personnes travaillant, des personnes en formation, des personnes sans travail et voulant travailler, pour l’égalité, le respect du code du travail et de l’environnement social tout court.

Cette prud’homie, elle fait penser à une guilde tel qu’on peut en croiser dans les RPG : elle rassemble tous les artisans-pêcheurs locaux et gère toute l’activité locale de pêche et les conflits qu’elle occasionne. Ces missions sont donc de s’assurer que les règlements soient respectés ,qu’ils concernent l’écologie elle-même (les zones de pèche permises, les temps où les fonds sont au repos, etc..), mais aussi l’environnement humain :

« Nous procédons à un tirage au sort entre les patrons-pêcheurs lorsqu’ils sont en compétition pour les mêmes postes », « Nous sommes attentifs à la situation individuelle de chacun des membres de la communauté. On ne laisse pas mourir les pêcheurs dans leur coin. » « L’enjeu de la prud’homie, c’est que tout nouvel arrivant puisse vivre de son métier ». http://www.bastamag.net/Ces-artisans-pecheurs-qui-refusent

Il y a donc une gestion humaine couplée à ces objectifs écologiques, qui repose sur l’égalité, le partage du travail pour tous, la satisfaction de chacun, la pérennisation des métiers. Ces deux finalités sont en parfaite harmonie :

« Ce qui motive nos décisions, c’est le respect de la personne et des générations futures » « On vise à préserver le renouvellement de la ressource sur le territoire, afin d’assurer la vie de la communauté de pêcheurs dans le temps ». http://www.bastamag.net/Ces-artisans-pecheurs-qui-refusent

Il y a dans des ces objectifs une résistance aux pratiques de pêche destructive, une préservation de l’environnement pour l’humain et son métier réalisé éthiquement.

«  Cela fait plus de 50 ans que les prud’homies sont dans la résistance face à des politiques productivistes », constate Élisabeth Tempier. Mieux intégrées au niveau local et régional, les prud’homies participent souvent aux concertations pour la gestion littorale, et contribuent à la restauration de cours d’eau ou à la création et à la gestion de réserves naturelles.

« La prud’homie est un modèle de gouvernance locale qui a fait ses preuves, qui colle au territoire, qui pérennise des savoirs, des métiers et la ressource, qui permet de gérer les difficultés au cas par cas avec justesse et souplesse, tout en assurant des retombées économiques locales » http://www.bastamag.net/Ces-artisans-pecheurs-qui-refusent

Voilà une « institution » qui se préoccupe de l’harmonie homme/environnement, qui trouve de l’emploi raisonné au pécheur, gère leurs conflits, tout en veillant sur la mer. Cette polyvalence des fonctions est extrêmement inspirante à mon sens.

On peut également considérer un corps de métier dans un environnement à respecter que ce soit la ville, la région, la population autour du restaurant, la population travaillant dans un même secteur, etc. On peut respecter les gens comme on respecte la nature, en prenant en compte les interactions dans la ville, entre les différents corps de métiers, entre les écoles, etc.

Projetons-nous un peu, pour que je vous explique en quoi cette prud’homie m’inspire personnellement.

À quand une guilde des restaurateurs à Jussieu-sur-gif ou n’importe quelle ville imaginable ? Cette guilde, à la manière de cette prud’homie, surveillerait le territoire : est-ce que tous les citoyens ont accès à des restaurants dans telle zone, ou au contraire y a t-il dix restaurants au mètre carré ? Ce qui non seulement ne facilite pas le choix, mais rend la vie de certains restaurateurs bien difficile. Est-ce que les restaurants sont variés, ou est ce qu’il y a trop de fast food ? Est-ce que des personnes veulent ouvrir un restaurant pour améliorer cette variété ? Est-ce que d’autres risquent de mettre la clef sous la porte s’ils veulent ouvrir un fast-food ?

La guilde conseillerait les restaurateurs, les guiderait pour qu’ils n’aient pas peur de mettre la clef sous la porte, et comme dans la prud’hommie, les conseillerait sur le travail lui-même les pratiques qui peuvent les aider à se faire une bonne réputation : comment trouver de bons produits bio locaux, comment respecter le Code du travail profitablement, comment prendre soin des employés pour qu’à leur tour ils aient plaisir à prendre soin des clients, etc. La GR (Guilde des Restaurateurs) conseillerait les jeunes serveurs et cuistots en besoin de travail, voire même proposerait directement au restaurateur « Tiens Robert, c’est l’extraverti qu’il te faut pour égailler ton équipe. Et il gère ! ». Et la guilde communiquerait directement avec l’école d’hôtellerie-restauration du coin pour dire si, sur la ville, il y a encore du travail ou non pour les prochaines années.

En communication avec les entrepreneurs, les employés, les écoles, on pourrait affronter les vrais problèmes du travail, un employeur serait mis en face du règlement, car s’il provoque le départ des salariés du métier ou si son management génère une ambiance catastrophique, c’est l’image des restaurateurs qu’il entache, c’est toute l’écologie du domaine restauration qu’il met en péril.

Une guilde telle aurait des fonctions de syndicats, d’agence pour l’emploi, de respect de l’environnement humain tant pour les clients, les salariés, les employés et futurs employés. Dans cet exemple, elle pourrait s’occuper des pratiques liées à l’hygiène, la qualité des produits et s’opposer aux mastodontes qui se contrefichent de toutes ces questions.

Alors bien sûr, ce n’est qu’une idée, une projection, certains diront un fantasme. Eh oui, il faudrait réfléchir à ce que ces guildes ne deviennent pas tyranniques, uniformisatrices des pratiques, il faudrait des garde-fous pour éviter des biais liés au pouvoir. Il ne faudrait pas que cela ressemble à la Stasi. Pour contrer cela, il faut que ces structures ne puissent pas faire de profit, mais il faut qu’elles aient aussi beaucoup de moyens pour fonctionner. Il ne faut pas qu’ elles puissent être soudoyées par des grands groupes ou forcées de l’être par manque de moyen. Il ne faut pas non plus qu’elles se transforment en institutions molles où les agents ne pensent qu’à leur futur week-end, ou encore en machine bureaucratique inefficace et enrageante. Il faudra maîtriser les dérives de pouvoir, en pensant, pour cette structure, un organigramme qui ne soit pas pyramidal et que les tâches liées à la notoriété (rencontre avec des dominants, par exemple) ne soient pas affiliées à une seule personne qui pourrait en tirer profit. On peut contrer les effets de pouvoir avec l’organisation : celui qui négocie parfois avec le maire doit être aussi responsable, comme n’importe qui de la structure, du nettoyage des toilettes communes. C’est le genre de petits trucs qui calment les dérives du pouvoir, les appétits de domination.

Donc, ça pourrait être une superstructure qui veille à la manière des syndicats, mais aussi des diverses inspections sanitaires et du travail, mais aussi à la manière des associations de consommateurs, des écoles ; une superstructure pour que l’humain soit respecté, quel que soit son rôle. Ou à la manière de certaines cellules dans le corps, un organisme de régulation, d’équilibrage pour prendre soin de tous les autres organismes dans leur environnement. C’est une idée qui me fascine, mais aussi qui peut rapidement être terrifiante si on la pousse dans certains excès. Tous les rêves ont la capacité de se muter en cauchemar.

Cependant, je pense que pour réinventer les institutions autour de l’emploi (ça vaut pour le pôle emploi, mais aussi pour l’APEC qui est la version luxueuse, mais tout aussi problématique que le pôle en termes de fonctionnalités ; ça vaut pour l’inspection du travail, les syndicats…), il faut cesser de les cantonner à d’uniques domaines restreints, les éloigner de la vie sociale. On peut imaginer des couplages écoles/pôle emploi ou syndicat/ pôle emploi (jamais je n’ai été aussi bien renseignée sur les entreprises de ma ville que par les syndiqués, d’où l’idée de leur donner des fonctions d’aide à trouver de l’emploi). Bref faire du mash-up de fonctions, pour que les fonctions puissent s’alimenter l’une l’autre, dans mon exemple d’un mix syndicat-pôle emploi, la connaissance syndicale informe directement sur l’entreprise où l’employé sera vraiment bien et celle qui est évitée par exemple.

Mais ce sont juste des projections parmi sans doute mille autres idées (possiblement mieux, à vous de m’en partager !) pour dire qu’on peut repenser en profondeur ces questions d’emploi, et les lier à des tas d’autres questions, les extirper de cette déprimante internalité allégeante qui règne depuis trop longtemps, en plus avec inefficacité, alimentant seulement des entreprises qui n’ont que faire de l’humain et encore moins de l’écologie de quelconque environnement (sauf si ça rapporte). Cette prud’homie, elle est inspirante pour de nouvelles considérations.

♦ Et révolutionner les institutions pour les rendre meilleures, c’est possible.

Je croise souvent le chemin du fatalisme dans les discussions, du pessimisme, de l’impuissance acquise : les personnes se sentent incapables de changer quoi que ce soit, n’ont aucune confiance en autrui pour avoir cette « puissance », imaginent toujours le pire quand bien même on arriverait à instaurer quelque chose de nouveau. Ils n’ont strictement plus confiance en rien, c’est à ce point que lorsque j’aborde une expérience positive qui a eu vraiment lieu, ils ne l’entendent pas (littéralement) et continuent de parler avec fatalisme. [Cet effet est peut-être dû au fait que je sois une femme et que je donne un avis lié au politique : quand il y a une majorité d’hommes présents, ils n’entendent rien].

Tout cela génère une puissante passivité, un je-m’en-foutisme total, doublé de râleries et ronchonneries, colères parfaitement improductives. En cela, ils confirment par leur attitude leur fatalisme, bref, le serpent se mord la queue.

Or les institutions peuvent changer. Et UN seul individu peut impulser ce changement avec réussite et faire boule de neige de progrès, de bonheur sur toute une communauté qui a son tour va reproduire ce changement de paradigme profitable à tous les niveaux.

Cette institution dont on va parler, c’est l’école : celle que les enfants quittent avec des lacunes en écriture, lecture, calcul ; celle dont on a des souvenirs d’humiliation de la part des autres enfants et adultes, celle dont on a retenu le chaos, la violence, l’ennui profond, l’esprit mauvais de compétition et de comparaison sociale, l’injustice. Cette école dont tout le monde attend tant mais qui ne donne que si peu. Cette école qui broie tant les instituteurs que les enfants. Voilà pour le portrait du pire.

Alors, imaginez à présent une école maternelle de ZEP, avec une classe de 27 enfants. Est-ce qu’on peut révolutionner quoi que ce soit dans ces conditions, que ce soit d’un point de vue social (bienveillance, coopération, altruisme des enfants), en terme de performances (des bonnes bases pour la lecture, écriture, etc.)ou d’un point de vue comportemental (attention en classe, enthousiasme pour l’apprentissage,etc.) ? Est-ce possible ?

Oui. Et même bien plus que ça. Si vous connaissez Celine Alvarez, vous savez de quoi je parle.

A l’origine, Celine Alvarez a une formation en linguistique, mais les souvenirs catastrophiques de son parcours scolaire, de ce qu’elle en a vu de parfaitement injuste, de parfaitement improductif l’ont poussé à se former en partie de façon autodidacte à la pédagogie et les neurosciences entre autres. Puis elle fait en sorte de réussir son concours pour devenir institutrice et ensuite s’est battu pour mener une expérimentation avec une classe de maternelle. Sur la base de ses savoirs, tant Montessori que les dernières connaissances en neurologie et psychologie cognitive, elle a modelé le fonctionnement d’une classe : tous les âges de la maternelle étaient présents, les enfants y apprenaient à être autonome, avaient un suivi personnel, pouvait choisir leur activité. Le tout dans un esprit très fort de bienveillance de l’adulte vis-à-vis de l’enfant, des enfants entre eux s’apprenant mutuellement les choses, œuvrant ensemble s’ils le souhaitaient. Je ne détaille pas toutes les différences de la structure sociale de sa classe, mais ce que je peux dire c’est que ce système est admirable d’intelligence, d’ingéniosité, d’humanité, de simplicité, elle a fait là la meilleure synthèse possible de toutes sortes de pédagogies et des connaissances actuelles qu’on a sur le développement humain. J’ai rarement vu un savoir si opérationnel, si parfait en toutes ces facettes, et déjà testé en plus de cela.

C’est pourquoi aujourd’hui je ne serais que très sommaire, car j’en ferais au moins un article plus tard. Si cela vous titille, n’hésitez pas à aller lire son livre passionnant et très accessible ou consulter son site web très très fourni, ou encore son contenu vidéo, que ce soit de la classe que de ses conférences.

Résultat ?

Alors qu’elle avait prévenu tout le monde que la première année d’expérimentation ne donnerait rien (le temps était trop court pour voir un changement), les élèves de cette Zep qui pour certains avaient jusqu’à 8 mois de retard de développement terminent avec une très large avance intellectuelle. Des enfants se mettent à lire à 4 ans, seuls, sans pour autant être surdoué, à 5 ans ils écrivent en attaché avec plus de clarté que je ne saurais le faire malgré mon âge canonique, divisent, soustraient calculent des nombres à 4 chiffres, connaissent pour certains tous les noms de pays d’un continent et les situer, faire des origamis très complexes, etc. Ils se précipitent pour aider leur camarade, vont naturellement apprendre à autrui avec patience. Ces compétences, ils les ont appris dans l’enthousiasme, la joie, sans même se rendre compte des efforts.

Oui ça paraît absolument miraculeux. Mais non ça ne l’est pas, il n’y a pas de magie là dedans, elle a juste suivi des invariants biologiques du développement, des lois naturelles simples, des lois qu’on connaît très très bien grâce aux avancées en neuro et s’est appuyée sur un matériel ingénieux sans pour autant qu’il soit forcément nécessaire pour changer de paradigme scolaire, d’ailleurs.

Voici la carte des enseignants qui ont commencé à moduler leurs classes ou appliquer ces méthodes pédagogiques :

alvarez
Plus de détails ici : https://www.celinealvarez.org/carte

L’école est hackable pour le bien-être et le futur des enfants, de leurs enseignants, de leurs parents. Et plus qu’un « c’est possible » on peut dire que cela marche. Oui l’institution peut être changé, de l’intérieur dès maintenant. Il suffit de le faire, pas besoin d’attendre une énième mesure gouvernementale ridicule et de se positionner pour ou contre, suffit de faire soi-même le changement, même sans les moyens matériels on peut toujours apporter des changements dans l’organisation, les rôles, l’attitude que l’on a, les activités qu’on fait faire et comment on les fait. Voilà pourquoi je cite cet exemple. C’est possible, en tant qu’individu, de s’engager à faire quelque chose, et de réussir, quand bien même il s’agit d’apporter un changement de paradigme à une institution qu’on dit résistante à tous les changements. Et là oui, vous le reconnaîtrez c’est de la pure internalité rebelle, avec pour « armement » un profond altruisme, qui s’est d’abord indigné puis qui s’est mis à l’œuvre, de la bienveillance plein le sac à dos, pour résoudre les problèmes perçus.

Plus généralement, partout où que vous exercez, où que vous vivez, vous pouvez être cette impulsion, ce nouveau paradigme bienveillant, vous pouvez être déterminant. Vous pouvez être interne rebelle qui, plus qu’il ne commente, agit, œuvre partout où il passe avec un altruisme décoiffant.

Maintenant, à vous d’imaginer, à vous de tester, de bidouiller, à vous de jouer ! Parce que tout ceci n’est qu’enthousiasme.

 

 


SOURCES


Image d’entête provenant de cet artiste : Erik Johansson

Sources des derniers 2 articles « Que faire » :

  • Plaidoyer pour l’altruisme, Matthieu Ricard
  • Les lois naturelles de l’enfant, Céline Alvarez
  • Confessions d’une taupe à Pôle Emploi, Gaël Guiselin
  • Pourquoi le travail nous emmerde… et comment faire pour que ça change ? Cali Ressler 
  • Rework, Jason Fried et Jason Heinemeier-Hansson 
  • Vivre, Mihaly Csikszentmihalyi
  • Traité de psychologie positive, Charles Martin-Krumm et Cyril Tarquinio
  • http://www.capital.fr/enquetes/strategie/chez-gore-tex-chaque-salarie-est-son-propre-manager-837156

Sources sur l’internalité, l’allégeance et les attributions causales

  • L’allégeance : un principe des logiques d’aide à l’insertion professionnelle, Lionel Dagot and Denis Castra https://osp.revues.org/3362
  • L’afpa questionne Lionel Dagot (l’auteur de l’étude sur laquelle nous nous sommes basés, lien au dessus) sur l’allégeance :

  • Les illusions libérales, individualisme et pouvoir social. Petit traité des grandes illusions, Jean-Léon Beauvois
  • La soumission librement consentie, Robert-Vincent Joule, Jean-Léon Beauvois
  • Psychologie du travail et des organisations, Claude Lemoine
  • La psychologie du pouvoir en 60 questions, Laurent Auzoult Chagnault
  • Des attitudes aux attributions, sur la construction de la réalité sociale,  J.C Deschamps et J.L Beauvois
Viciss Hackso Écrit par :

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16 Comments

  1. KaKaShUruKioRa
    17 octobre 2016
    Reply

    L’idée d’une guilde m’a juste fait rêver. Surtout que prend en compte les risques de corruption en les nommant… Ce qui permet d’y réfléchir pour lutter contre cette gangrène qui pourraient s’installer.

    Et l’école, plus humaine, me fait tout aussi rêver… j’avais envie de revivre à nouveau tout petit, et apprendre dans ces écoles. J’en suis à la fois triste car ce ne sera pas ce que moi je vivrais, et à la fois heureux, parce que je sais parfaitement que le changement se fera avec les prochaines générations… mais que pour ça, il faut changer « radicalement » le système d’instruction chez les enfants d’aujourd’hui.

  2. Thomas Cmoi
    17 octobre 2016
    Reply

    Excellent, je pense sincèrement que c’est le meilleur article de tout le dossier sur pôle emploi =D. Mis à part certains titres que je ne comprend pas vraiment : par exemple « Employés, ouvriers, « sans pouvoirs » (en apparence) etc.. » je sais ce que ces mots veulent dire, mais pour moi ça ne ressemble pas à un titre en fait. Enfin bon je chipotte, car je suis partagé entre la joie d’avoir lu (et compris) ce dossier et la tristesse de ne plus avoir mon petit article du lundi ^^.
    Cela étant, la toute dernière partie ma laissé dans une profonde réflexion. J’étais tout à fait d’accord sur « faire quelque chose » pour le dire vite. J’étais près à me lever de mon canapé, sortir dans la rue le cœur vaillant et… et quoi ? j’en sais rien. J’en sais foutrement rien. Et je ne sais pas où chercher. Mais ce que je sais, c’est qu’on est nombreux ainsi, à ne pas savoir quoi faire. On sait bien que ce monde a besoin de changement, on a l’énergie pour en découdre, certains vont à la manif’ mais c’est presque tout. Peut de gens savent qu’au coin de leur rue des initiatives/guildes naissent chaque jour et qu’ils pourraient y participer. Certes, une partie d’entre eux utilisent cette excuse pour éviter de se mouiller et tant pis pour eux. Le principale c’est, qu’à mon sens, les « guildes » (j’aime bien ce terme ^^) manques de pub (j’aime pas ce terme >_<) et peut-être de collaboration entre elles. Donc pourquoi ne pas créer une guildes… des guildes ? une association ou même juste un site genre répertoire de ces initiatives. Toutes ces personnes qui ont de l'énergie à revendre pourraient déjà, les connaitre, et puis facilement les rejoindre et s'activer.
    J'ai aucune idée de comment on fait un site internet (et c'est une lacune à combler d'ailleurs), c'est pour cela que je m'adresse au blog du Hacking social. Mais aussi à toi Viciss, j'aimerais savoir ce que tu penses de ce problème, pas de la solution il y en a certainement des mieux et des plus simples.
    MERCI encore du fond du cœur à vous tous de la lumière que vous apportez sur votre discipline, et des réflexions que vous nous offrez par vos articles et vos vidéos (d'ailleurs à quand la prochaine ?).

    • Viciss0Hackso
      19 octobre 2016
      Reply

      J’ai très longtemps connu ce sentiment (et je le connais encore parfois), cette volonté de se lever de son canapé et faire quelque chose tout de suite, pour changer les choses, mais sans avoir ou aller ni que faire exactement ; mais avec une soif incroyable. Après la lecture de 99 F, je me rappelle, je suis immédiatement devenue antipub avec une soif pas possible de « faire quelque chose », mais sans savoir quoi faire. Ce jour-là, je me suis mise à dessiner je me rappelle, tellement il fallait que je fasse quelque chose. La soif est restée une frustration, une sensation d’être sans pouvoir.
      Et puis un jour j’ai bossé dans cet endroit horrible où, avec Gull, il était devenu impossible de ne pas faire quelque chose. C’était insupportable à tous les niveaux donc on a agi. On ne peut pas dire que cela a été un échec ni une réussite – cela a été dur, parfois très violent –, mais on n’a jamais regretté, cela nous a formés. Et depuis, on a toujours tenté de faire des trucs IRL ou en ligne. Des trucs publics qu’on peut partager et des trucs furtifs. On tente comme tout à chacun d’œuvrer comme on peut, c’est peut être pas très épique, mais de voir quelque changement positifs sur des visages IRL aprés avoir fait quelque chose, bah ça rend la vie plus sensée, plus cohérente je trouve.
      Parfois, les circonstances te montrent directement où tu peux agir : sur ton lieu de travail, dans une administration, chez le boulanger, dans un groupe d’ami, au lycée, à la fac…. Bref tous ces espaces-temps qu’on traverse, et bien parfois, y a des gens qui crient à l’aide, des faits insupportables et c’est là où l’on peut changer les choses, car on y est déjà acteur ou on connaît très bien l’environnement, suffisamment pour y agir. Tout acteur d’un lieu peut en devenir hacker pour l’améliorer/le guérir/le détourner à des fins plus altruistes. Même l’élève dans une école peut par exemple rompre à lui tout seul toute une mécanique de harcèlement qu’il voit à l’œuvre chez autrui.
      Parfois, ça découle de ces compétences ou de ces centres d’intérêt ; une compétence maîtrisée, c’est une force qu’on peut mettre à l’œuvre pour une création, une activité qui va changer les choses. Que ce soit la cuisine, l’informatique, le bricolage, une discipline universitaire, la facilité aux relations sociales, etc.
      En fait, on pourrait prendre tout ça comme une démarche scientifique, on observe un peu au hasard la vie ou celle-ci nous balance des faits choquants au visage, on décortique ce qu’on a vu, on se prépare à « étudier » ce phénomène pour tenter de le résoudre (préparation physique et mentale, connaissances, compétences) et on passe à l’expérimentation. Et puis ça échoue, très souvent, et c’est super parce que chaque échec fait avancer la recherche, on s’affûte, on apprend, et ça y est un jour on sait que c’est là qu’on doit être a faire tel truc et on sait quand il faut changer. 🙂
      Après je balance des idées comme ça, ne prenez pas ça en loi générale, c’est un commentaire finalement assez personnel, je pense par exemple qu’il y a beaucoup de personne (pas introverti comme moi:D) qui trouvent aussi beaucoup de force à se rallier à un groupe et d’œuvrer en communauté. Et ça peut être génial pour eux !

      Merci à toi également pour tous tes commentaires !

  3. Adrien
    18 octobre 2016
    Reply

    Bonjour,
    Merci pour ces articles très intéressants. Mais pourriez-vous les mettre en epub également ? En effet, il est nettement plus confortable de lire un epub qu’un PDF de 89 pages, notamment sur une liseuse.
    J’ai essayé la conversion avec le logiciel calibre, mais ça ne rend pas terrible.

    • Viciss0Hackso
      18 octobre 2016
      Reply

      Merci ! Oui pour l’epub je vais confier le fichier à un expert, ça viendra plus tard 🙂

  4. Breise
    18 octobre 2016
    Reply

    Tout simplement des voies de hacking magnifiques pour finir en beauté une liste d’article qui accroche le lecteur depuis le début.
    J’ai été ému quand, en regardant la carte de Céline Alvarez, j’ai vu qu’une enseignante de mon école maternelle partage ces idéaux (en Belgique il n’y en a pas beaucoup malheureusement).
    Et à l’aide de cet article tu m’as redonné confiance en mon altruisme car celui-ci c’était dégradé ces derniers temps avec des rencontres où la personne profitait de ma grande générosité. Ainsi, tu m’as redonné une grande dose de courage qui me servira à l’avenir.
    Merci 😀

  5. Gabriel
    25 octobre 2016
    Reply

    Merci pour ce dossier très intéressant et plein d’ondes positives, le chercheur d’envie que je suis a pris beaucoup de plaisir à vous lire 🙂

  6. Arthalys
    28 octobre 2016
    Reply

    Un grand merci pour ce dossier mais surtout pour votre travail en général 🙂
    Vous faites parties de ces rares personnes que je serais prêt à écouter et suivre aveuglément (oui c’est mal) grâces aux idées, réflexions et savoirs que vous partagez.
    Vous êtes lumineux, me donnez beaucoup d’espoir et d’inspiration.
    Continuez c’est excellent, encore merci (du fond du coeur ;))

  7. Jacques
    29 octobre 2016
    Reply

    Merci Viciss pour ce passionnant document ! Un superbe travail qui donne plein d’idées !
    Je voudrais proposer cette vidéo https://www.youtube.com/watch?v=NZKqPoQiaDE

    Encore une autre façon de penser le monde de l’entreprise, très prometteuse je trouve. Hormis le début un peu superflu, la suite est intéressante.
    Bien à vous.

    • Viciss0Hackso
      10 mars 2017
      Reply

      Je réponds à ton commentaire avec plusieurs semaines de retard (voire plusieurs mois) , désolée… J’ai enfin pu regarder en entier cette vidéo et je me devais de te remercier : c’était absolument passionnant, tellement enthousiasmant et à présent je vais commander le livre pour l’étudier 🙂

      • Jacques
        11 mars 2017
        Reply

        Ah, super ! Je suis ravi que ça t’ait plu !
        J’ai aussi acheté son bouquin qui devrait t’occuper un moment car il n’est pas mince !
        Encore merci pour ton précieux travail 🙂

  8. valérie Delion
    31 décembre 2016
    Reply

    Néophyte sur le sujet (mises à part les vidéos de Gull), j’ai dévoré avec passion cet excellent dossier. Aussi excitée qu’après un cliffhanger de ouf en fin de saison 1, lire l’EP2 (et les suivants) était une évidence !
    Reste maintenant un long travail de détricotage pour prendre pleinement conscience de tout ce qui se joue malgré nous, cheminer vers un altruisme éclairé et récupérer un tout petit peu de libre arbitre…
    Bravo et merci à vous

  9. l'obscurité est l'absence de lumière
    7 janvier 2017
    Reply

    Salut,
    Je tiens à t’être reconnaissant Viciss, je partage l’avis de Arthalys que ton dossier est étincelant de bon sens d’intelligence, de sagesse, et finalement de très bon goût.
    Nous sommes inégaux face à l’intelligence à la force physique ou mentale, à la beauté physique mais nous sommes assez égaux face aux tentatives, d’essayer de faire des efforts qu’importe d’où on part avec une avance ou pas, pistonné ou pas, aidé ou pas.
    Je te remercie donc pour tes efforts que tu fournis à chaque article pour rendre tes articles les plus compréhensibles possibles à tous et à chacun sans manquer de rigueur dans ta démarche, comme c’est agréable de te lire. Il pourrait avoir plus de gens qui s’activent à changer le monde de façon positive avec bienveillance à travers leur quotidien. Dans ces « petits trucs » qui qui font que le monde change.
    Toi et Gull m’inspirez et prouvez par vos actions que l’homme n’est pas un loup pour l’homme. Je vous souhaite bien du bonheur à vos deux et à toute l’équipe de hacking social, (je pense que vous êtes plus que deux).
    Cordialement,
    un inconnu
    Soyons des lumières sur terre

  10. Georgia
    30 avril 2017
    Reply

    Un immense merci pour ce très complet et très clair dossier.
    J’aimerai quand même apporter quelques nuances concernant certaines des solutions mises en exemple : je ne dis pas qu’elles ne peuvent pas marcher, mais j’aurai quelques points de vigilance à apporter, sur la question de la totale liberté dans l’organisation du travail par exemple. Je crois vraiment à une gestion des salarié.es où chacun.e est autonome pour mener son boulot, ses tâches, comme il/elle l’entend, sans petit chef sur son épaule qui le houspille sur sa cadence ou sa façon de faire. Mon point de vigilance est plus sur la question de la gestion des horaires. J’entends le fait que certain.es travaillent mieux tôt le matin ou tard le soir, ont des contraintes familiales qui leur font décaler leurs horaires de travail etc, et une souplesse paraît bénéfique pour tout le monde. Mais je vois aussi autour de moi beaucoup d’auto-exploitation avec ce genre de système, où les gens ont beaucoup d’autonomie, des objectifs à remplir et pas d’horaires fixes, et finissent par faire un nombre d’heures absolument délirant, dans une totale confusion vie pro / vie perso… Le tout avec une disparition en apparence des systèmes hiérarchiques, cette disparition apparente rendant impossible la lutte contre lesdites hiérarchies pourtant encore présentes.
    Une collègue a accompagné une équipe de professionnel.les en grande souffrance qui fonctionnait sur ce concept très à la mode d’ « entreprise libérée » ou d’ « entreprise agile », en faisait une pub d’enfer alors que toute l’équipe était au bord du burn-out et que les projets étaient menés, dans leur organisation, en dépit de tout bon sens… A l’époque j’avais cherché des critiques, et j’avais notamment trouvée celle-là : http://www.parlonsrh.com/entreprise-liberee-entre-communication-et-imposture/ et celle-là : http://www.e-rh.org/index.php/emploi/les-articles-du-blog-3/194-entreprise-liberee-la-fausse-idee-neuve
    Tout n’est sans doute pas à jeter, et ça ne doit pas empêcher de réfléchir à comment on donne davantage les coudées franches aux salarié.es, mais il y a de sacrés garde-fous à poser à mon sens. L’un d’entre eux est pour moi le passage à une gouvernance réellement partagée de l’entreprise, comme cela peut se faire dans les SCOP (quand elles font vivre une réelle démocratie d’entreprise, ce qui n’est pas toujours le cas). Et, d’une façon ou d’une autre, un contrôle des horaires : si les gens sont embauchés et payés pour 35h, ils font 35h, ils ont 2 jours de repos consécutifs minimum etc, même s’ils font ces heures sur 4 jours, ou de 7h-14h, ou de 13h-20h ou que sais-je… et pas 60h pour finaliser leurs objectifs ! Ce qui suppose aussi des objectifs adaptés à ce qui est réalisable dans les 35h…

    J’ai aussi une autre remarque concernant la rébellion et le hacking des organisations, issue d’une expérience perso. J’ai été animatrice périscolaire durant une année scolaire, auprès d’élèves de grande section de maternelle. C’était un magnifique exemple de dissonance cognitive : on devait, selon nos référents, offrir un espace de ressourcement aux enfants, de pause, et d’éducation à l’autonomie, au goût et à l’alimentation. Ils étaient 50 enfants de 5 ans dans une cantine avec 35 minutes pour manger de façon calme et disciplinée, en passant directement de la salle de classe à la cantine, les seules étapes entre les deux étant l’appel et le passage aux toilettes. Je vous laisse imaginer le carnage !
    J’ai fini par partir, parce que je voyais très bien tous les dysfonctionnements, tout ce qui posait problème pour que le temps de la cantine soit réellement un temps serein et agréable pour les enfants (et pour nous les encadrantes !), mais je ne voyais pas comment faire de ma place. J’aurai eu plein de solutions à proposer pour un autre fonctionnement, mais pas d’espace pour les exprimer, et je suis bien trop timide et polie pour oser créer cet espace de dialogue. Et à part proposer des temps plus calmes à la bibliothèque, je ne voyais pas comment hacker le système, j’avais juste l’impression de contribuer voire renforcer ce système de temps du midi infernal pour tout le monde. Bref, ne voyant pas comment être non-allégeante, j’ai fini par me dire « courage, fuyons ». C’est pas glorieux, mais c’était la seule façon de me préserver.
    Tout ça pour dire que malheureusement, c’est pas toujours simple d’être non-allégeant, quand on veut l’être mais qu’on ne trouve pas les interstices pour passer cette volonté en actes, petits ou grands.

    Désolée pour la longueur du commentaire 🙁 . Merci encore pour tous les éclairages apportés par le dossier, qui me fait cogiter sur certains projets sur lesquels je travaille et qui sont en lien à la fois avec des jeunes et avec des Missions locales / acteurs de l’insertion, pour qu’ils ne deviennent pas des machines à formatage…

    • Viciss0Hackso
      30 avril 2017
      Reply

      Alors oui en effet, il y a des entreprises « faussement libérées » : autrement dit elle se disent libérées mais c’est parfaitement faux, les fondements n’ont pas été revus de fond en comble. Les véritables entreprises libérées sont rares mais elles existent, parce contre clairement leur mode d’organisation est radicalement différent, ce n’est pas juste des mesurettes de liberté qui sont prises ; dans « reinventing organizations » de frederic Laloux (qu’on m’a fait découvrir ici dans les commentaires, encore merci @ Jacques!) on voit parfaitement la nuance (livre à lire, c’est vraiment passionnant, sérieux, bourrés d’outil pour rendre plus libres les gens et créer des environnements humains et sains) ; cette conférence déjà montre ce que c’est cette vraie révolution avec l’exemple d’organisations radicalement différentes, sans hiérarchie implicite : https://www.youtube.com/embed/NZKqPoQiaDE

      Quant à devenir non-allégéant oui c’est pas évident, ça demande des années d’entrainement, de s’autodeterminer pour avoir le courage de réagir sainement au moment venu, de développer des compétences en relation interpersonnelle pour espérer susciter des actions un peu collectives, si modestes soient elles. Perso je n’y arrive que dans quelques situations encore, j’ai échoué des centaines de fois avant, mais toute petite micro-victoire de non allégeance (individuelle ou collective) offre des récompenses à tout un environnement c’est vraiment très beau à vivre parce que tout l’environnement en bénéficie, l’atmosphère change (même si passager pour les micro réussites). ça mérite vraiment qu’on s’entraine encore et encore, et oui il ne faut pas se résigner à la souffrance ou l’impuissance (ta fuite est parfaitement légitime et sensée, quand y a trop de souffrance oui le plus sain est de partir car on n’arrivera pas à faire quelque chose, la souffrance occultant tout ; en plus on est parfois plus utile hors contexte lorsque les possibilités d’action aparraissent ). Pour ton exemple, il aurait fallu une action collective de désobéissance (par exemple que personne ne respecte les 35 minutes, ou encore qu’il y est action collective de gréve précise contre ce temps de cantine, contre l’injonction paradoxale à établir un climat de paix avec des ordres qui ne peuvent que créer des situations d’agitation maximale pour les enfants). L’idée c’est d’en parler aux collègues, petit à petit montrer que l’idée de désobéissance (qui doit être simple et précise) est saine, justifiée, ne peut apporter que du bon aux enfants, aux enseignants etc. Après je sais que c’est très très dur en milieu scolaire, tout le monde est à bout. Je trouve miraculeux que certaines écoles arrivent à fonctionner tant y a de tension, clairement les idées au dessus ne sont pas un jugement, c’est juste une idée comme des milliers d’autres.
      En tout cas je suis très contente que ce dossier puisse te servir pour tes projets, merci beaucoup pour ton commentaire !

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