♦ [AM2] l’Autodétermination à faire du mal ??

Avant d’entrer dans le cœur du sujet, on revient sur la théorie de l’autodétermination qui nous explique comment une motivation peut être autodéterminée ou non.

Cet article est la suite de : 

La totalité de ce présent dossier est disponible en epub : autodetermaltot

 


4. Mais en fait, c’est quoi l’autodétermination ?


Une définition commune

« Action de décider par soi-même, et, en particulier, action par laquelle un peuple choisit librement son statut politique et économique. »
définition du Larousse : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/autod%C3%A9termination/6667

La définition commune qui concerne quantité de disciplines est tout simplement de pouvoir déterminer sa vie en toute autonomie, en faisant ses choix. En politique, l’autodétermination renvoie à un peuple qui veut décider de son destin, être indépendant, en arrêtant l’emprise d’un tyran, d’un régime autoritaire, d’une occupation par d’autres pays, d’une colonisation, etc. Bref, il recherche son autonomie et veut que cessent le contrôle et/ou l’exploitation par un autre.

On retrouve les mêmes bases dans la définition issue de la haute autorité de la santé :

« L’autodétermination renvoie ainsi au fait que la personne soit actrice de sa vie. C’est exercer le droit propre à chaque individu de gouverner sa vie sans influence externe indue et à la juste mesure de ses capacités. Avoir le pouvoir de décider pour soi-même est un apprentissage qui se développe tout au long de la vie de la personne. L’autodétermination est un levier essentiel de la construction identitaire de chacun d’entre nous et donne sens à la notion de citoyenneté de droit »

https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-09/02_tdi_rbpp_autodetermination.pdf

Dans le domaine de la santé, l’autodétermination des patients est une fin souhaitée, il s’agit d’aider à ce que la personne ait le maximum d’autonomie, puisse faire ses propres choix et ne pas être à la merci d’un contrôle coercitif par d’autres. C’est un objectif qui permet une bien meilleure santé et un meilleur bien-être, de meilleures évolutions.

La théorie de l’autodétermination

[si vous avez lu En toute puissance ou l’article sur la motivation, n’hésitez pas à sauter des points]

La théorie de l’autodétermination initiée par Deci et Ryan reprend la même conception de « pouvoir se déterminer soi-même ». La théorie s’est attelée à comprendre comment les personnes pouvaient avoir des motivations autodéterminées. Voici comment cela se déroule :

Les environnements sociaux (1.) peuvent être proximaux, c’est-à-dire de proximité comme l’école, le travail, la famille ; ou distaux, c’est par exemple l’environnement politique, culturel ou économique. De façon explicite ou implicite, ceux-ci transmettent aux gens des contenus, des règles, des expériences particulières qui affectent chacun différemment les besoins psychologiques fondamentaux (2.) nécessaires à la croissance psychologique :

  • Le besoin de proximité sociale : être en bonne relation avec les autres, se sentir accepté, se sentir faire partie du monde social et y apporter quelque chose.
  • Le besoin d’autonomie : pouvoir choisir de façon autonome. Attention, cela ne veut pas dire se séparer des autres ou avec du pouvoir de domination, être autonome consiste à pouvoir choisir parmi les éléments de nos vies possibles, ceux qu’on estime attrayants, intéressants.
  • Le besoin de compétence : il est satisfait lorsqu’on sent se développer nos compétences, qu’on apprend, qu’on tire des leçons intéressantes de nos expériences, que l’on peut agir.

Chaque environnement et chaque situation que l’on rencontre peut ne pas combler ses besoins, les détruire ou les nourrir. Un élève peut avoir une heure de cours de techno où ses besoins de compétence et d’autonomie sont totalement comblés ; puis l’heure d’après, en math, ses besoins peuvent être ravagés suite à une remarque humiliante qui sape son besoin de proximité, l’empêche d’exercer ses compétences, l’empêche de faire ses choix (souvent l’atteinte d’un besoin sape par rebond les autres).

Les motivations

Ainsi selon l’état de satisfaction ou de destruction des besoins par les environnements sociaux, la personne va plus ou moins faire sienne (c’est-à-dire internaliser) l’activité ou la requête transmise par l’environnement social :

Il est possible que notre élève motivé par la techno soit pour ce cours dans une motivation autonome (donc soit intrinsèque, intégrée ou identifiée) parce que le cours, le contenu, les façons de faire du prof ont satisfait tous ses besoins fondamentaux, ce qui a permis l’émergence d’une motivation de belle qualité. En math, ses besoins ayant été sapé, il est possible qu’il soit dans une motivation non autonome : faisant des maths uniquement pour éviter d’avoir honte (régulation introjectée), parce qu’on lui en a donné l’ordre (régulation externe), ou encore ne faisant rien (amotivation) et ne voulant plus entendre parler de cette matière.

L’internalisation

L’internalisation, c’est le processus par lequel des éléments initialement perçus comme extérieurs (des normes, des comportements, des attitudes, des valeurs, des idées) deviennent progressivement partie intégrante de la représentation que la personne a de qui elle est1.

Le comportement extérieur est adopté comme sien et cette internalisation est reflétée par la motivation intrinsèque, intégrée et identifiée qu’il a chroniquement pour cette activité. Par exemple, notre élève peut avoir fait sien le comportement de bricolage du professeur de techno : il peut nourrir lui-même son besoin d’autonomie avec la compétence bricolage car il apprécie pouvoir choisir des problèmes à résoudre, faire des choix de matériaux, établir son projet, ses buts. Il peut en toute autonomie nourrir son besoin de compétence en se lançant soi-même un défi, en cherchant à apprendre lorsqu’il se rend compte qu’il ne sait pas, etc. Et il peut utiliser cette compétence très internalisée pour combler son besoin de proximité sociale : il partage sa joie d’avoir réparé un objet utile à sa famille, aide ses amis avec sa compétence, développe de nouvelles relations profitables avec d’autres passionnés, partage son admiration des solutions inventées par d’autres, etc. Ce n’est pas que le fait d’être simplement compétent qui est profitable, mais aussi la façon dont l’activité est utilisée, organisée, menée d’une manière qui comble les besoins.

À l’inverse, notre élève qui déteste aussi les maths a pu néanmoins maîtriser ce qui était demandé et démontrer de la compétence, mais sans internalisation : il n’utilisera pas cette compétence pour combler ses besoins fondamentaux, car cela lui a été transmis en sapant ceux-ci, il n’y a pas eu de transmission de comment les maths peuvent par exemple combler les besoins relationnels de proximité sociale, ni comment un défi mathématique peut être satisfaisant à réussir. La réussite comme l’échec n’étant qu’associé à des humiliations et à des sentiments d’être forcé, cet élève une fois adulte pourrait soit éviter de faire des maths, soit être énervé s’il est obligé d’en faire ou de transmettre cette compétence à autrui, soit reproduire le modèle de transmission violent pensant que c’est la seule façon d’apprendre les maths ou encore que c’est la vie, les choses sont nécessairement violentes. Il est aussi possible qu’il ait réfléchi à cet épisode de vie et ait décidé que son prof avait une très mauvaise pratique, mais que les maths pouvaient certainement être appris, transmis et exercés d’une façon qui comble les besoins, et il a pu inventer d’autres méthodes ou s’inspirer de méthodes générant une motivation de plus belle qualité.

On voit qu’une motivation peut donc devenir chronique à travers une forte internalisation : par exemple, pour cet élève, la techno peut avoir donné l’enthousiasme pour une carrière, et ce qu’importe le contexte de transmission et les problèmes qui suivront potentiellement ensuite, l’enfant garde précieusement ces motivations autonomes connectées à l’activité elle-même, dont il raffermit le lien par lui-même grâce au prof qui a satisfait le besoin d’autonomie en le laissant faire ses choix, en lui démontrant par l’exemple comment persister à se lier positivement à l’activité. Et les maths peuvent rester détestés à jamais et mettre systématiquement en motivations non autonomes, qu’importe s’il y a des environnements sociaux qui utilisent la discipline ou l’enseignent d’une façon satisfaisant les besoins.

On pourrait presque parler de microtraumas, on a quantité de choses, d’activités, d’attraits qui ont été abandonnés voire détestés suite à des humiliations, des remarques désobligeantes. C’est comme si elles étaient à jamais marquées du sceau de la menace ou qu’on se sentait à jamais illégitime à rentrer dans un monde qui a démontré ne pas vouloir de notre présence, en nous taxant d’idiots, d’incapables, etc.

Mais n’oubliez pas l’ambiguïté attributionnelle précédemment citée : peut-être que ces environnements sociaux avaient d’autres raisons extrêmement injustes et injustifiables de vous écarter de leur discipline ou du monde des autres, cela peut être lié à des préjugés, mais aussi tout simplement au fait que ce prof avait un rapport mal internalisé avec sa propre discipline, son rôle ou encore des situations totalement hors sujet dont vous ne pouvez pas avoir connaissance.

Il est aussi possible que les motivations changent, que l’internalisation se fasse différemment : notre élève a pu rencontrer d’autres environnements qui ont réparé ou détruit ses liens avec ces disciplines et il pourrait se retrouver en amotivation pour la technologie, en motivation intrinsèque pour les maths : rien n’est figé, des environnements sociaux nourrissants ou sapants les besoins par la suite peuvent participer à changer le rapport entre un contenu et la personne, pour le pire comme le meilleur. Des liens peuvent être détruits, reconstruits, diminués, renforcés, transformés, à travers une connexion nouvelle de soi à un nouvel environnement. Un peu comme si on détestait les jeux de plateaux parce qu’on a eu une mauvaise expérience avec le Monopoly, mais qu’on accepte de laisser le bénéfice du doute à un autre jeu, le temps de le tester. On peut découvrir que finalement, les jeux de plateau peuvent avoir un gameplay joyeux et bénéfique, ce qui remet en cause l’attribution négative qu’on donnait à ce type de jeu.

Il est aussi possible qu’il y ait une internalisation et des motivations ambiguës liées au traitement contradictoire par les environnements sociaux : notre élève est peut-être une fille ayant une famille sexiste anti-technologie. Cette famille la ridiculise si elle bidouille, voire l’empêche de bricoler car ce ne sont pas des activités qu’elle doit faire en tant que fille selon eux. Cette activité sera frappée du sceau de la honte, car elle ne peut la faire qu’en cachette au quotidien. Peut-être qu’elle craindra en parler même à des amis, étant donné que son environnement familial a montré que c’était honteux et que les stéréotypes en vigueur dans la société en rajoutent une couche. Elle peut alors d’une part conserver une motivation intrinsèque à l’activité, mais c’est comme dans un compartiment séparé du reste de la vie, cela peut amener à des identifications compartimentées qui s’expriment de façon étrange parfois.

ici il y a eu des transmissions en contradiction (autonomisantes et contrôlantes), et les besoins ont été satisfaits dans certains contextes, détruits dans d’autres, pour la même activité. Il est donc possible que cet enfant passe de motivation intrinsèque à compartimentée voire passe par des amotivations. Il s’adapte aux contextes, il a tout intérêt à se montrer sans motivation dans un environnement où il est humilié pour apprécier la techno.

Dans une identification fortement compartimentée, elle pourrait par exemple adopter un fort discours sexiste et anti-technologie elle aussi, et humilier voire agresser des passionnées de bricolage, tout en étant pourtant secrètement semblables à elles, et enviant la liberté qu’elles ont de bricoler sans le cacher.
On imagine qu’entre l’élève qui est ouvertement passionnée de bricolage et celle qui cache cet attrait, ou encore celle qui a abandonné tout espoir de faire ce qu’elle aime, l’orientation dans la vie sera bien différente. C’est ce qu’on va explorer avec les orientations de causalité.
Orientations de causalité

Les orientations de causalité (impersonnelle, contrôlée, autonome) sont une conséquence des besoins sapés ou nourris. À force d’être plongé dans certains environnements sociaux, qui ont frustré ou satisfait les besoins fondamentaux, l’individu va développer une certaine orientation à ses actions, faire des choix liés à son interprétation des causes.
C’est en quelque sorte un modèle inconscient que l’individu suit au quotidien, qui ouvre ou ferme des possibilités, des actions, des comportements. Cela prioriserait certaines possibilités, contre d’autres vues comme impossibles, prenant plus ou moins en compte les éléments extérieurs.
En résumé, l’orientation est une sorte de GPS qui anticipe le potentiel de la situation à être soit intéressante, stressante, contrôlante ou pour laquelle on pourrait se sentir impuissant.

Orientation autonome

Les personnes à orientation autonome portent leur attention prioritairement sur les possibilités, les opportunités, les choix possibles d’une situation, d’un environnement. Elles voient l’environnement extérieur comme une source d’infos pertinentes, tout en n’omettant pas leurs sources d’informations intérieures (émotions, motivations, valeurs…). Elles synthétisent les informations extérieures et intérieures puis s’engagent dans une situation selon cette synthèse et leurs choix, non à cause des aspects de contrôle de l’environnement : ainsi, elles peuvent s’engager dans un environnement contrôlant mais en faisant fi des aspects de contrôle, en conservant leur motivation intrinsèque ou en s’accrochant à l’aspect signifiant de l’activité. S’il n’y a pas d’autonomie possible, elles tenteront de changer les aspects contrôlants ou s’échapperont de la situation et choisiront préférentiellement des environnements autonomes.
Les personnes sont dans une orientation autonome car leur autonomie a été longtemps soutenue par les environnements sociaux : on les a laissées choisir, développer les compétences qui les attiraient, leur environnement n’était pas menaçant au niveau relationnel, etc.
Si par exemple notre élève bricoleuse avait reçu un apprentissage bienveillant et sans préjugés de la techno, ainsi qu’un soutien de sa famille à bricoler chez elle, elle s’orienterait très certainement vers toutes les possibilités de trouver des défis de bricolage ou encore voir dans toutes les situations des opportunités de bricoler plus.
Peut-être même que si elle rencontre des environnements sexistes qui tentent de détruire son rapport à cette compétence en ne soulignant que ces manquements (parce qu’ils veulent la remettre « à sa place », c’est-à-dire hors du champ ou de la position qu’ils imaginent réservés aux hommes), elle persistera à continuer à faire ce qui la rend heureuse. Ce n’est pas que de la « volonté » ou de la « force » de sa part : c’est parce qu’elle a eu la chance d’avoir des environnements sociaux qui lui ont fourni suffisamment de soins, de matériaux, et d’espace psychologique et intellectuel, que l’internalisation a pu se produire et fournir de la force lorsqu’il y en a eu besoin.
Mais si sa compétence technique s’avère plus tard être au service d’un massacre, va-t-elle persister à travailler avec cette même joie ? Est-ce qu’elle ne verra que les opportunités professionnelles passionnantes et pas les conséquences humaines ? En principe non, car on verra plus tard que cette orientation est non seulement la plus autodéterminée mais aussi celle qui est la plus liée à des pratiques prosociales, avec une absence de préjugés et de violence.

Orientation impersonnelle

Les individus en orientation impersonnelle voient les environnements sociaux comme incontrôlables, amotivants : ils orientent leur perception vers les obstacles à la réalisation d’objectifs, ils vont éprouver de l’anxiété et un sentiment d’incompétence face aux obstacles perçus ou ne vont voir que le négatif en eux et dans la situation. Ils portent leur attention uniquement sur les signaux qui indiquent leur incompétence ou leur manque de contrôle sur le résultat. C’est très proche de la notion d’impuissance acquise : à force d’avoir été immergée dans des environnements sapants les besoins, empêchant toute autonomie ou résolution de problème, la personne se sent totalement impuissante, y compris si la situation s’est améliorée et qu’elle peut faire à présent des choses.
Ici on n’est pas sur une orientation autodéterminée, et celle-ci, on le verra, est connectée à des attitudes préjudiciables pour la personne elle-même et pour autrui.

Orientation contrôlée

Les individus à orientation contrôlée tendent à porter leur attention prioritairement sur les pressions sociales de l’environnement et la présence de récompenses ou de punitions auxquelles ils vont se conformer ou qu’ils vont défier. Ce faisant, ils perdent de vue leurs propres valeurs, leurs intérêts possibles pour la situation : lorsqu’ils sont très orientés vers le contrôle, leur niveau de motivation intrinsèque est très bas et leur motivation extrinsèque est de pauvre qualité.
L’appellation « contrôlée » ne veut pas dire que ces individus ont un contrôle de soi. Au contraire, cela veut dire qu’ils sont à la merci du contrôle des environnements sociaux extérieurs. Et lorsque les environnements sociaux ne sont pas contrôlants envers eux, les individus à orientation contrôlée vont néanmoins chercher leur contrôle ou interpréter des processus de l’environnement comme une forme de contrôle : si par exemple notre élève découragé en math à cause de pratiques humiliantes changeait d’école, que ce n’était pas le seul environnement contrôlant dans lequel il avait été immergé, lorsqu’il rencontrerait un environnement sincèrement bienveillant, peut-être y verrait-il une provocation, une nouvelle façon d’humilier les gens et donc n’aurait aucune confiance. Il chercherait activement tous les signes qui montrent que ce nouveau gameplay vraiment sain est en réalité malsain, il pourra même aller jusqu’à provoquer les disputes, les conflits pour retrouver les modes de contrôles qu’il a subis par le passé (les punitions) car c’est un cadre « normal » pour lui, c’est rassurant.

Cette orientation vers le contrôle est acquise à force d’avoir été dans des environnements contrôlants, c’est-à-dire sapant l’autonomie par la surveillance, les directives rigides, les punitions/récompenses, l’empêchement d’initiatives ou d’expressions singulières de l’individu. C’est l’orientation la plus connectée à l’agressivité et à la discrimination, et elle n’est pas considérée comme autodéterminée.

Les buts intrinsèques ou extrinsèques

À force d’être dans certains environnements sociaux nourrissant ou frustrant les besoins psychologiques fondamentaux, l’individu va développer des buts, des aspirations, des objectifs liés à sa frustration ou au contraire à son autodétermination (car les environnements sociaux l’ont suffisamment nourri) : les buts sont plus ou moins intrinsèques, plus ou moins extrinsèques, parfois un peu des deux à la fois.

Buts/Aspirations intrinsèques

Ce sont des buts poursuivis par motivation intrinsèque, pour eux-mêmes (faire de la musique, car on aime la musique, nouer des relations, car on aime les personnes, etc.), des buts de dépassement de soi (agir pour rendre le monde meilleur, pour apporter quelque chose à l’environnement social, pour réduire la pauvreté, pour résoudre des questions qui peuvent préoccuper d’autres humains, pour apporter du bien-être aux autres…), non liés à l’ego.
Dans le modèle général, ces buts intrinsèques sont connectés à l’autonomie, aux besoins fondamentaux satisfaits, à des environnements sociaux soutenant les besoins, à une motivation autonome (motivation intrinsèque, à régulation intégrée ou identifiée ouverte).

Dans la théorie de l’autodétermination, ces buts apportent généralement un meilleur bonheur durable et sont connectés aux motivations les plus autodéterminées.
Ceci étant dit, on verra que les études liées aux génocides, aux guerres et à la discrimination tendent à montrer que les idéologies accolent des buts intrinsèques aux actes les plus horribles : on peut croire qu’« on fait du monde un endroit meilleur » en massacrant toute une ethnie, on peut « accepter qui on est vraiment » en se disant que les lois et cultures qui empêchent de tuer autrui sont un frein au tueur en série qu’on veut vraiment être.

Buts extrinsèques

Ce sont des buts parfois nommés « auto-amélioration » : ils visent à être riches, avoir un statut considéré comme supérieur, veulent dominer, obtenir de la gloire et de la renommée. Cela est déterminé par la frustration de ses besoins psychologiques fondamentaux : comme ses besoins n’ont pas été comblés, qu’il a pu être blessé dans son ego, il tente de gagner un peu de valeur ou d’estime de la part des environnements sociaux en « brillant ». Ces buts entretiennent paradoxalement les environnements sociaux nuisibles, car suivre ces voies, c’est leur obéir, donc valider leur visée et action, et entretiennent ainsi le fait de mesurer la valeur d’une vie selon des indicateurs extrinsèques, le tout dans une sorte de hiérarchie sociale. Mais d’un autre côté on ne peut pas reprocher aux individus de porter ces buts car les environnements sociaux sont organisés d’une façon qui légitime ces buts et les associe au bonheur : ce serait comme reprocher au joueur de Monopoly de s’accaparer toutes les rues pour être riche. Le problème n’est pas ici la mentalité du joueur, mais les règles du jeu. Il s’agit d’inventer et suivre d’autres règles, voire jouer à d’autres jeux.

J’avais formulé le néologisme difficilement prononçable « intrinséquiser » / « extrinséquiser dans ETP pour parler de la façon dont on va rendre davantage des buts intrinsèques ou extrinsèques. On voit beaucoup d’extrinséquisation par le monde néolibéral, par exemple il reprennent une notion et activité telle que la « pleine conscience » et lui donne pour but extrinsèque de gagner plus, d’être plus productif, être supérieur, tout en supprimant les aspects intrinsèques (se sentir plus à l’aise dans la vie avec le monde et les autres). On en avait parlé plus longuement dans ETP : https://www.hacking-social.com/2021/09/17/en-toute-puissance-manuel-dautodetermination-radicale/

Dans les études sur le génocide et les massacres1 , on voit aussi de nombreuses motivations extrinsèques, car le massacre d’une ethnie est synonyme d’enrichissement pour celle qui génocide, s’approprie tout ce qu’elle avait. Des intérêts économiques motivent, soutiennent ou exploitent aussi le conflit ou les dominations en amont ou en aval (comme la vente d’armes par exemple ; la présence de matériaux précieux, etc.).

La suite : ♦ [AM3] L’impossibilité d’être autodéterminé lorsqu’on fait du mal ? Et si le problème était l’identité sociale ? 


Notes de bas de page


 

Vous pouvez retrouver l’intégralité des sources ici : [AMX] Bibliographie du dossier sur l’autodétermination à faire du mal 

1Définition par Amiot, 2019

1Par exemple, Semelin (2005), Hatzfeld (2000 ; 2003 ; 2007), Sereny (1975) ; Staub (1999 ; 2004), Browning (1992).

Viciss Hackso Écrit par :

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