⬛ La manipulation par l’engagement : un exemple avec Orange / France télécom

Rappelez-vous France Télécom Orange. C’était, il y a quelques années, des dizaines de suicides chez les salariés, sur leur lieu de travail, parfois des tentatives avec leurs outils de travail et en pleine réunion. Une hécatombe. En cause, la décision d’évincer 22 000 personnes en les passant « par la fenêtre ou par la porte » selon les propos de Didier Lombard, alors PDG de l’entreprise. Poussé à la démission, les salariés furent mutés dans les centres d’appel considérés légitimement comme l’enfer de France Télécom Orange, harcelés d’entretiens complètement fous, placardisés (parfois sur des lieux en chantier), détruits par une meute de managers destinés à diviser les rangs, créant une tension insoutenable et instaurant une concurrence de tous les instants (ces mêmes managers ont également énormément souffert de leur rôle).

Didier Lombard, qui décrivit ce drame comme une « mode de suicide » fut remplacé, l’entreprise entama une nouvelle transition. Durant cet entre-deux, fût mis en place IDclick, une boîte à idées version intranet. Personne n’est obligé d’y contribuer, mais elle est accessible à tous d’un clic, sans aval nécessaire. Les salariés y déposent leurs idées dans tous les domaines concernant l’entreprise et les idées sont étudiées avec un suivi très clair et encourageant.

122 000 idées sont déposées en sept ans, 12 000 ont été mises en œuvre engendrant 450 millions d’économies ou de gain et peut être près de 600 millions au total pour l’entreprise.

Magazine Management, mars 2014

Les salariés sont très engagés en temps et en effort pour faire jaillir cette créativité :

«Ingénieur radio, Julien […] optimise la couverture du réseau mobile. Et il sait comment fonctionne une antenne, même s’il n’intervient pas directement dessus. « Quand le siège nous a demandé de déployer le réseau 4G, je me suis demandé s’il fallait vraiment changer les antennes existantes. » Il se plonge alors dans les manuels d’exploitation, compare les données des constructeurs avec le cahier des charges d’Orange et découvre qu’il est possible d’adapter certaines d’entre elles. La hiérarchie décide de tester son idée en février 2013. Celle-ci est homologuée le mois suivant, peu avant le déploiement réel, pendant l’été. Économie estimée par Orange : 34 millions d’euros.»

«La dernière idée de Jérôme […] a bluffé son manager. Ce responsable de projet équipement a développé un logiciel qui permet grâce à des algorithmes, de simuler le déploiement de la fibre optique. […] Orange s’attend à une économie d’au moins 1 million d’euros par an pendant les dix ans prévus pour installer la fibre.»

Magazine Management, mars 2014

Formidable ! Enfin quelque chose qui apporte de la joie et de la motivation au pays des suicides ! Sur le Web, au sujet d’Idclic, on ne trouve que du positif, on vante le système qui rapporte gros à l’entreprise, qui émule les salariés.
Mais c’est dans un dossier du magazine management très honnêtement appelé « l’exploitation de la créativité » qui nous a mis la puce à l’oreille :

« Exploiter la créativité des salariés, quels que soient leur niveau hiérarchique et leur métier, c’est ce que font de plus en plus d’entreprises. Et elles ont raison : ouvriers, techniciens, cadres, tous débordent d’idées… dont certaines peuvent rapporter gros »

Magazine Management, mars 2014  

Dans notre monde moderne, ce ne sont plus seulement les ouvriers qui sont exploités, ce n’est plus seulement la force de travail qui est tirée des individus pour enrichir les 1 % : tous les salariés et tout ce qu’ils peuvent avoir/faire sont pompés par l’entreprise. Soit. Mais ça doit bien être rétribué tout ça ! Après tout, même les vieilles organisations du travail mettaient un point d’honneur à permettre une relative confortable vie à leurs salariés (fordisme) ; après tout, qui prendrait le risque de laisser filer des génies en ne les récompensant pas ? Ce serait idiot, non ? Et même impossible ! Les génies iraient vendre leur talent ailleurs, non, s’ils n’étaient pas récompensé comme il se doit ? Hum. Préparez-vous à rire jaune :

L’ingénieur radio, Julien dans la citation plus haut a, rappelez-vous, permis par ces idées une économie de 34 millions d’euros à son entreprise: « Pour Julien, ni promotion ni prime “mais j’ai rencontré mon N+5, ce qui n’était jamais arrivé.” »

Magazine Management, mars 2014

Même le journaliste de Management s’en offusque discrètement : « Seul bémol [a idclic] : la reconnaissance. L’auteur d’une idée validée cumule… des points cadeaux et repart au mieux avec un écran plat “mais il gagne de la visibilité en interne”, nuance Stéphane Richard, le PDG d’orange. »

Magazine Management, mars 2014

Eh oui à présent on arrive à exploiter le salarié contre… rien, même si son travail rapporte des millions, et cela sans que cela soulève la moindre manifestation. Comment est ce possible ? Une question du journaliste au dirigeant nous a fait comprendre quel processus était à l’œuvre pour réaliser une telle arnaque au salarié :

« management : certaines idées rapportent des millions d’euros. En rétribuez-vous les auteurs ?
Stéphane Richard (PDG actuel de France Télécom orange) : les salariés sont mis en valeur lors d’opérations comme le marché aux idées, et récompensés par des prix et des cadeaux. Cela peut sembler dérisoire par rapport aux gains parfois considérables pour l’entreprise. Mais il ne faut pas dénaturer l’idée même du dispositif en instaurant une dimension financière. […]»

Magazine Management, mars 2014

Cette dernière phrase nous a fait tilt : ce dispositif, nous le connaissons bien et il est très connu des psychologues sociaux qui étudient la manipulation mentale. IdClic est un dispositif qui se base sur l’engagement, l’une des façons les plus efficaces de manipuler son prochain.

L’engagement peut être un piège

 

Mais, c’est bien de s’engager, pourriez-vous me crier ! Oui et non. On pourrait distinguer deux types d’engagement :

– L’engagement à motivation autonome : on a des convictions, des idées auxquelles on tient, on s’engage donc à les respecter dans des actions prouvant la force et la vivacité de ces idées. Par exemple, dans le jeu de la mort, certains candidats ont pour conviction « de ne pas faire mal à autrui » or ils sont plongés dans une situation où ils font du mal à autrui, donc ils quittent la situation en désobéissant. Cette conviction est très forte, car ils sont peu nombreux à avoir la force de dire non. Ce vrai engagement internalisé est une conviction profonde qui est visible dans les actes : si quelqu’un dit qu’il est préoccupé par les questions environnementales, mais qu’il conduit un 4X4 pour de petits trajets en ville, qu’il ne trie pas ces poubelles, il n’est pas engagé, ce n’est pas une conviction, il dit juste qu’il est préoccupé parce qu’affirmer le contraire serait mal perçu par autrui (c’est donc un discours lié à une motivation introjectée). Les vraies convictions se voient dans leurs connexions avec les actes, pas seulement les discours. L’engagement lié à une motivation autonome est rare.

Mise à jour 2023 : on peut voir cette rareté des motivations autonomes dans les expériences de la théorie de l’autodétermination (« self-determination theory« , Deci et Ryan 2017), que l’on a vulgarisé dans cet ouvrage :

📖 En toute puissance, manuel d’autodétermination radicale

Et un résumé des motivations selon leur degré d’autonomie ci-dessous. Le « vrai » engagement serait donc soit à régulation intrinsèque, à régulation identifiée ou une amotivation à régulation intégrée. L’engagement non-autonome serait à régulation identifiée fermée ou introjectée .

– l’engagement à motivation non autonome, orchestré par l’extérieur : cette fois ce n’est pas l’individu qui s’engage, c’est la situation qui l’engage dans une certaine direction, en le poussant à réaliser des actes engageants. Cela peut être la demande de signer une pétition, de faire un tweet en faveur de telle idée/tel produit, de faire suivre une annonce Facebook sur son mur, d’écrire un texte sur tel sujet, de regarder telle vidéo….Toutes ces demandes sont des « pieds dans la porte », des portes d’entrée vers un engagement manipulé, qui conduisent à d’autres étapes d’engagement qui poussent toujours plus loin l’individu dans une direction voulue (rejoindre une association, un parti, une secte ; devenir fan d’une marque; faire des actes qu’on n’aurait pas faits autrement ; être plus soumis à l’entreprise, confondre l’entreprise et soi, en faire encore plus pour l’entreprise, etc. ).

Nous avons parlé de la technique de manipulation du pied dans la porte ici :

L’individu peut ne pas faire de différence entre un engagement à motivation autonome ou non : il peut penser que toutes ses actions, ses convictions proviennent de sa volonté. On a tendance, dans nos sociétés occidentales, à dénier le fait d’avoir été influencé, on dénie l’aspect social et collectif de notre construction, on dénie l’impact des situations sur nos opinions, choix, actes ; on pense toujours orgueilleusement que si on change, si on fait des actions, c’est qu’on l’a décidé en notre sein. Nous nous croyons libres et indépendants, impossibles à manipuler et seuls maîtres de notre propre vie. Et cette croyance en un pouvoir total désociabilisé, en notre liberté totale,  est le meilleur état d’esprit pour être manipulé, parce qu’elle dénie le fait que nous vivons en interdépendance et que nous sommes des animaux profondément sociaux qui nous nous adoptons constamment au collectif et aux autres.

Mise à jour 2023, on peut retrouver cette inconscience dans les biais occidentaux lié à l’internalité. Nous les avons rapporté ici :

⬛ [PE1] Pourquoi le Pôle emploi nous déprime et comment y remédier ?

Plus encore on peut nous seulement se croire l’unique responsable de tout (ou que les individus sont les uniques responsables de tout ce qui leur arrive) mais en plus activement dénier de ses explications les situations, les environnement sociaux plus vastes, c’est l’internalité allégeante :

♦ [MQC] La norme d’allégeance : une forme de soumission


Manipuler les gens grâce à la notion de liberté, un exemple d’engagement


 

Certains psychologues sociaux utilisent la manipulation mentale, dont les stratégies d’engagement, pour changer les opinions et comportements. Cela donne de bons résultats1 et c’est peu coûteux. Cependant, dans le cadre de la recherche, la déontologie empêche d’utiliser ces techniques pour extorquer des idées valant des millions. Les chercheurs en psychologie sont généralement white hat et donc manipulent pour le bien-être des personnes, pour les aider. Voici un exemple d’une petite manipulation efficace via l’engagement ; nous l’avons choisi parce qu’elle montre qu’il suffit de pas grand chose pour manipuler et déclencher l’engagement :

L’expérience se déroule dans un centre de formation pour chômeurs de longue durée. Le taux de placement, c’est à dire le nombre de chômeurs ayant un emploi à l’issue de la formation et dans les trois mois la suivant est relativement stable et bas : 30 %. On teste deux conditions pour cette formation :

– une condition contrôle, où aucune stratégie particulière n’est mise en place. Les formateurs font exactement comme à leur habitude. Ils accueillent les chômeurs, présentent la formation puis terminent cette présentation par cette phrase :« vous connaissez à présent le déroulement de ce stage et son objectif. Il y a des règles strictes que nous tenons à faire observer, pour que les stages se passent au mieux et pour obtenir les meilleurs résultats. Je vous rappelle que les présences sont contrôlées. Je ferais donc circuler tous les jours les feuilles de présence. Je vous rappelle aussi que toute absence injustifiée donne lieu à une retenue sur votre salaire mensuel, conformément à la législation du travail. J’insiste donc sur le caractère obligatoire de votre présence. »

– une condition expérimentale, où la stratégie d’engagement est mise en œuvre uniquement à la fin de la présentation, en modifiant le discours du formateur :« vous connaissez à présent le déroulement de ce stage et son objectif. Je suis normalement tenu à un contrôle des présences, puisque, vous le savez, chaque absence injustifiée donne normalement lieu à une retenue de salaire. Mais personnellement, je pense que les stages se passent mieux et que l’on obtient de meilleurs résultats si les participants sont des gens réellement motivés plutôt que s’ils suivent la formation par obligation. Aussi c’est simple, je ne ferais pas d’appel et il n’y aura donc de retenue de salaire pour personne. Je prends sur moi de ne pas observer le règlement sur ce point. C’est à vous de voir si vous souhaitez ou pas tirer profit de cette formation. »

La formation est strictement et rigoureusement la même dans les deux conditions, seuls le discours et le « flicage » en condition contrôle diffèrent. Les sujets dans les groupes n’ont pas de particularité intrinsèque les distinguant des autres groupes. Et pourtant les résultats sont surprenants :

– le taux d’absentéisme est pareil dans les deux conditions :15 %. Qu’on « flique » ou pas, cela ne fait strictement pas de différence, si ce n’est qu’en condition expérimentale, les sujets s’excusaient par avance de leurs absences, contrairement au groupe contrôle. Ce n’est pas anodin. Cela nous apprend également l’inutilité de la surveillance : non seulement elle ne change rien à l’absentéisme, mais elle désengage.

– Pour la condition contrôle, les résultats furent les mêmes qu’habituellement :25 % des sujets trouvèrent un emploi à l’issue de la formation ; 35 % en trouvèrent un dans les trois mois suivants.

– Pour la condition expérimentale, avec cette petite manipulation de l’engagement, 56 % trouvèrent un emploi à l’issue de la formation et 69 %après trois mois. Les formateurs n’avaient jamais vu ça, d’autant plus qu’aucun changement n’avait été apporté à la formation en elle-même, seulement sa présentation et la suppression de l’appel.
Les formateurs ont vu l’engagement à l’œuvre : durant la formation, les chômeurs étaient plus volontaires pour réaliser les actions prévues, ils posaient plus de questions, ils se sont donnés beaucoup plus de chance de trouver un emploi (plus d’assiduité dans les démarches personnelles).

Jean-Léon Beauvois et Robert-Vincent Joule, expérience tirée de l’ouvrage « la soumission librement consentie »

Les recherches sur l’engagement manipulé, orienté vers une direction, ne s’arrêtent pas à cette expérience, on pourrait en citer des dizaines d’autres, dans lesquelles les chercheurs arrivent à faire vouloir au sujet d’installer un panneau de 15m2 très inesthétique dans leur jardin, dans lesquelles des ménagères acceptent sans problème que des inspecteurs viennent regarder dans leurs étagères et partout dans leur maison longuement, dans lesquelles des étudiants venant de subir l’assaut injuste et violent de policiers arrivent à défendre néanmoins leur action, dans lesquelles on arrive à rendre extrémiste un individu qui, il y a peu, n’avait pas d’opinion sur le sujet en question… On pourrait prendre des exemples historiques, où comment les autorités Chinoises arrivaient à changer les opinions des prisonniers américains (leur faire denier leur patrie pour préférer la cause « rouge »), sans torture, juste avec des techniques d’engagement…2

Les mécanismes de l’engagement

Pour que la personne s’engage dans la direction qu’on a décidé qu’elle prenne, il faut :

➜ Présenter l’acte engageant comme libre d’être effectué ou non. Dans l’expérience précédente, c’était toute la différence entre la formation « fliquée » et l’autre « libre ». IdClic est une activité également libre et non fliquée. Parfois, amorcer la liberté, mettre en œuvre un faux contexte de liberté, tient en une phrase « vous être libre de… » et c’est néanmoins efficace. Si un individu à la plage vous demande de surveiller ses affaires, qu’il ajoute à sa demande « mais vous êtes libre de dire non ! », vous répondrez oui : la politesse, les normes sociales censurent notre non, donc nous ne sommes absolument pas libre dans cette situation. Mais le choix laissé par l’individu nous fera penser le contraire, donc on s’engagera d’autant plus à surveiller ces affaires que s’il n’avait pas donné ce faux choix.

➜ Mettre en relief les conséquences de l’acte : il s’agit de bien relier l’acte avec l’individu, montrer que c’est son acte à lui, que cela provient de lui, de ces décisions et cela même si c’est faux, car on l’a orienté ; dans la formation, le chômeur a été incité à la suivre à un moment donné ; IdClic n’est en rien un dispositif venant du salarié, si cela avait été le cas, le salarié aurait fait breveté son idée, l’aurait présenté à l’entreprise, aurait négocié, etc. Là on aurait pu réellement parler de vraie décision provenant de l’individu.

➜ Choisir un acte de coût élevé. Il ne faut pas que l’action engageante soit trop facile, il faut qu’elle demande un effort. Les pieds dans la porte (signer une pétition, faire un tweet…) sont peu coûteux, mais ils ne sont pas l’acte engageant, ils préparent simplement à l’acte engageant. Par exemple, pour engager quelqu’un à la sécurité routière, on lui fait signer une pétition (pied dans la porte), puis on va le trouver chez lui et on lui propose l’acte engageant, c’est à dire l’installation d’un panneau de 15m2 dans son jardin pour la sécurité routière. La personne défendrait ensuite certainement avec vigueur la sécurité routière (on parle au conditionnel, car l’expérience ne testait que le pied dans la porte, donc le panneau n’a pas été installé même s’il y a eu accord). Dans le cas d’IdClic, l’acte a un coût élevé de temps, de travail, d’investissement de la personne au projet comme en témoigne les exemples de Julien et Jérôme.

➜ Rendre l’acte le plus visible possible, lui donner un caractère public. Dans IdClic, c’est le « marché des idées », les grands y rencontrent les salariés engagés, l’acte est public, visible de tous, tous peuvent témoigner de l’engagement de ces salariés. Il n’est pas tant question de leur « visibilité » pour être embauché en interne que de renforcer leur engagement.

➜ Eviter toutes justifications d’ordre externe : c’est à dire pas de promesse de récompense, pas de menace de punition. Et c’est sur ce point qu’IdClic est assurément une manipulation se basant sur l’engagement : d’autres entreprises ont ce genre de dispositifs, mais font gagner de gros prix, donnent des primes, des promotions. Mais pas IdClic. Non, IdClic se contente de points cadeaux, de rencontres avec son n+5 (on espère qu’il a de la discussion si sa rencontre vaut plusieurs millions d’euros ; a ce prix-là, faudrait même mieux faire étalage de supers pouvoirs) et, au mieux, d’écrans TV…

Mise à jour 2023 : dans l’extrait ci dessus, 

« management : certaines idées rapportent des millions d’euros. En rétribuez-vous les auteurs ?
Stéphane Richard (PDG actuel de France Télécom orange) : les salariés sont mis en valeur lors d’opérations comme le marché aux idées, et récompensés par des prix et des cadeaux. Cela peut sembler dérisoire par rapport aux gains parfois considérables pour l’entreprise. Mais il ne faut pas dénaturer l’idée même du dispositif en instaurant une dimension financière. […] »

Magazine Management, mars 2014

On pourrait aussi interpréter le fait que ce PDG connait bien la motivation intrinsèque (l’une des motivations les plus puissantes) : celle ci peut rapidement être brisée par la présence de récompenses liées à la performance. Ceci étant dit, Deci et Ryan 2017 rapporte le fait de promettre telle récompense définie en amont d’un travail, et de la donner qu’importe la performance dans le travail, ne brise pas la motivation intrinsèque. C’est de lier la performance à la récompense qui est sapante et met les personnes dans une motivation extrinsèque (ne font la chose que pour la récompense). Donc l’alternative honnête, qui serait tout autant motivant et non manipulatoire à cette boite à idée, serait que le partage d’idée soit en fait rémunéré en amont d’une manière stable et certaine (par exemple une augmentation de salaire pour tous), que les personnes donnent de bonnes idées ou mauvaises, beaucoup d’idées ou très peu.

Pour ceux extrêmement attentifs qui aurait lu ETP peut être vous détectez la ressemblance avec la procédure pour transmettre des limites de façon autonomisante (par ex. demander à des enfants de ranger leurs affaires, Koestner et coll. (1984)) qui était :

    • justification rationnelle de la demande (on explique pourquoi on demande ça et pourquoi c’est important)
    • reconnaissance et prise en compte des affects négatifs liés au fait de faire cette activité.
    • langage non contrôlant (pas de « tu dois » ou « il faut »)

Et de façon plus vaste, la théorie de l’autodétermination conseille tout ce qu’il y a dans le tableau ci-dessous ( à gauche ce qu’on peut faire, à droite ce qu’il y a à éviter) pour favoriser une motivation à long terme pour la situation, l’activité, l’environnement social que l’on conçoit :

Ce n’est pas déconnant de faire le rapprochement entre stratégie de l’engagement et autodétermination, parce qu’il y a un débat sur l’autodétermination et les chercheurs en psycho sociale de la manipulation (je pense notamment aux adeptes de l’œuvre de Beauvois), pour qui l’autodétermination est un mirage néolibéral.

Mais il y a une différence majeure : dans une démarche conçue pour favoriser l’autodétermination de la personne, elle est informée clairement de ce qui est attendu, ce qui est difficile est discuté, et la personne n’est pas mise dans une pression sociale (l’engagement public crée une pression à devoir le tenir parce qu’on a peur que les liens sociaux soient rompus si on change d’avis, qu’on soit mal perçu, qu’on perde notre réputation, etc.). Autrement dit, la liberté y est plus réelle.

La « réussite » de cette stratégie de manipulation à l’engagement pour France Télécom Orange se comprend si on prend en compte le passé de l’entreprise : comment les salariés pourraient se sentir bien, avoir confiance après de tels drames ? La seule façon est donc qu’ils se sentent liés à l’entreprise, qu’ils soient engagés, c’est-à-dire qu’ils croient avoir volontairement donné de leur personne pour l’entreprise, parce qu’il n’y avait pas de récompense à la clef, donc qu’ils l’ont fait parce qu’ils tiennent à cette entreprise.

Mais évidemment, cela n’en reste pas moins une belle arnaque. Ici France Télécom / Orange exploite à la fois le salarié en ne lui payant pas ces idées de génie (qui rapportent pourtant des millions), et exploite aussi la tristesse du passé de la boîte, la volonté des employés de voir l’avenir plus positif, même si cela nécessite de faire une croix sur de l’argent qu’ils auraient pourtant bien mérité.

IdClic exploite aussi un besoin de reconnaissance, là aussi sans doute exacerbé par le passé de l’entreprise : elle remercie, met sur un piédestal les salariés compétents à son marché aux idées (marché où l’échange est unilatéral d’ailleurs, c’est « je prends, je ne te donne rien en retour »), elle le paye en reconnaissance fictionnelle. Fictionnelle, car, en entreprise, on est dans un contrat défini « je travaille, tu me donnes de l’argent pour le travail », la vraie reconnaissance s’exprime donc d’abord matériellement : primes, augmentation de salaire, avantages liés aux horaires, etc. Si cela ne s’exprime pas en actes concrets, cette reconnaissance reste du vent, certes doux, agréable (surtout quand on a connu la tempête), mais cela reste néanmoins du vent. Un profit qui se compte en millions grâce à une idée d’un salarié mériterait plus que du vent. Surtout après la tempête…


Que faire ?


Il est extrêmement difficile de lutter contre les manipulations liées à l’engagement. Pour bien prendre la mesure du problème, il faut s’imaginer la conviction des adeptes d’une secte ou de partis extrémistes : c’est un casse tête de les aider à faire marche arrière, parfois c’est même impossible car tant que la personne ne l’a pas décidé elle même, elle ne pourra  pas entendre quelconque propos critique à ce sujet.

Les adeptes pensent qu’ils ont choisi en toute liberté, or les recherches sur l’engagement nous apprennent que c’est cette croyance en notre liberté totale, désociabilisée, qu’exploite le manipulateur. Un exemple qu’on peut tous constater dans la vie courante est le « sans engagement » apposé à des abonnements, à des services : généralement ce sont des services qui sont engageants, c’est pourquoi le prestataire signale le contraire. Les adeptes manipulés par tactiques d’engagement pensent que ce sont leurs convictions profondes, or c’est la secte/le groupe extrême/l’entreprise qui s’est emparée d’un vide quelconque voire a fait en sorte que ce vide naisse (manque de reconnaissance, frustration, ennui, tristesse, perte de sens, etc.)3 et qui lui a donné une consistance, une orientation pour la transformer en engagement. Acte après acte, voici un être lambda orienté et défendant corps et âme une position qui n’aurait pas été la sienne si les tactiques d’engagement n’avaient pas été mises en œuvre. Les stratégies d’engagement peuvent être dramatique, graves, autant pour l’individu que pour ceux qui l’entourent, voire même la société.
Dans le cas d’IdClic, le seul problème, c’est l’arnaque monétaire faite à l’employé, qui transforme un projet qui pourrait être beau (donner la chance à tous de changer l’entreprise) en un piège à l’engagement sans contrepartie concrète.

Pour éviter ce genre de piège, mieux vaut se vacciner mentalement au préalable :

➜ en ayant des engagements autonomes forts, décidés par soi même, et mis en acte par soi-même et qui bénéficient à tous. Un engagement qui fait des dommages collatéraux sur des innocents n’est pas bon et doit être repensé. Si par exemple « dénoncer la surveillance » passe par « humilier des surveillés naïfs », il y a incohérence, cela trahit avant tout un désir de lâcher ses pulsions, montrer son pouvoir de domination, mais certainement pas régler le problème qu’on dénonce. On précise cela parce que beaucoup se font passer pour « engagés » dans des causes, or dans les actes on ne voit que la frustration à l’œuvre, par l’agressivité, l’attaque, la violence, la vengeance sur des cibles hors sujet. Cela décrédibilise complètement l’engagement.

Mise à jour 2023 : autrement dit, il s’agit d’œuvrer à être le plus autodéterminé possible, c’est à dire en protégeant précieusement ses motivations intrinsèques, en développant ses motivations et amotivations autonomes intégrées. On détaille tout ça dans ETP : En toute puissance, manuel d’autodétermination radicale 

Nous avons aussi écrit sur les problèmes de motivation/actes dans le militantisme dans cet article : Qu’est-ce qui déconne dans le militantisme ? 

➜ avant de faire quoi que ce soit, on peut se demander à qui profitera cet acte, est ce qu’on est vraiment d’accord avec cet acte, qu’est ce que sous-entend cet acte. Un acte peut être un « j’aime », un tweet, une signature sur une pétition, la participation à un questionnaire : quel que soit votre engagement ou non-engagement vis à vis de ceci, l’observateur extérieur y verra un engagement. Vous dites « j’aime coca », c’est sur votre mur facebook, l’ami vous verra comme un consommateur irréfléchi qui clique sans réfléchir, et coca se vantera de ses troupeaux de fans, en fera un argument de vente qui agira sur d’autres consommateurs. Changer maintenant le mot « coca » en n’importe quel groupe/mouvement extrémiste et imaginez les conséquences : donc réfléchissez à deux fois avant de vous engager à liker une page.

Mise à jour 2023, dans l’ouvrage de Kapoor et Kaufman (Creativity and morality, 2022)  étudiant la « dark creativity », autrement dit une créativité dans des domaines destructifs ou encore manipulatoires, les chercheurs recommandent de se poser ces questions pour jauger de la nocivité ou non d’une création (mais ça vaut aussi pour un évènement particulier, une situation singulière) 

      • quelle est l’intention derrière ?4
      • comment est justifié l’acte ?
      • comment est (ou sera) planifié l’acte ? 
      • comment est (ou sera) exécuté l’acte ? 
      • quels sont (ou seront) les effets ou résultats obtenus ? 

Si on n’a pas de réponse à ces questions, il s’agit de voir si on peut obtenir les réponses et voir la qualité/consistance de ces réponses. Si c’est confus ou si on a le moindre doute, il s’agit de continuer à investiguer. Si cela nous déplait ou qu’on a le moindre sentiment de malaise, mieux vaut refuser. 

➜ Cette technique des page Facebook mais manipulatoirement engageante a été une pratique de manipulation de masse politique servant l’extrême droite américaine ( cf l’affaire cambridge analytica) et des agences de trolling russe (le but était de créer le chaos aux USA, cf « l’Ingérence numérique, mode d’emploi : la Russie et la présidentielle américaine de 2016″ )

➜ On peut s’entrainer à être tout à fait ok avec le fait de changer d’avis, de se désengager, de ne pas tenir parole, de désobéir. Les manipulateurs sont friands des gens qui tiennent parole, car ils foncent droit dans leurs pièges : il suffit, à la place du « pied dans la porte », de faire un leurre. Imaginons : un ami vous demande si vous pouvez l’aider un samedi après-midi à monter une armoire, vous répondez ok en bon ami. Il demande « tu es sûr ? » et vous répondez « t’inquiètes pas, je tiens mes promesses ! » et il répond « ok, cool ! l’armoire peut-être que je l’aurais montée d’ici là, mais comme ça on pourra aller tracter ensemble pour la cause du saucisson, allez, à samedi ! ». Et vous voilà engagé à aller faire quelque chose que vous ne voulez absolument pas faire, parce vous tenez à être « un homme qui tient sa parole », qui sait « respecter ses engagements », qui « tient ses promesses » : il n’y a rien d’honorable à rester rigide sur ses positions, cet honneur ne sert qu’à nous laisser à nos places, y compris lorsque cela nous dessert.

➜ On peut rester humble et conscient d’être assailli d’influences extérieures : cette position permet d’être conscient des manipulations, donc de pouvoir décider les quitter quand il est encore temps ou, encore mieux, de les éviter. À l’inverse, se croire totalement maître de ses décisions, imperméable aux influences et s’attribuer toutes les responsabilités de ce qui nous arrive (enfin, surtout les trucs bien) est le meilleur moyen pour devenir le pion d’un manipulateur et se faire berner d’un bout à l’autre sans jamais en prendre conscience. Imaginez que vous êtes un petit poisson qui se fait balader par des courants : si vous restez humble vous direz « tiens je suis parti vers la droite, qu’est-ce qui s’est passé ? » vous regarderez ce qui vous entraîne dans cette direction et vous déciderez si vous avez envie ou non changer de trajectoire. L’important n’est pas tant le fait d’éviter de se faire influencer, mais d’être conscient de l’influence pour pouvoir l’accepter ou non. Si vous persistez à vous croire totalement maître de vos mouvements, vous direz « tiens je vais à droite. C’est donc que je l’ai décidé, j’aime cette direction, c’est vers là que je vais aller, parce que cela me ressemble, c’est moi. » Et les « courants d’eau » vont s’en donner à cœur joie.

Pour IdClic spécifiquement, le problème est plus délicat :

On aime tous avoir des idées, avoir les moyens de les voir se réaliser, les voir à l’œuvre, qui plus est réussir la mission qu’on avait imaginé. Rien que pour cela, il est difficile de dire « non » à IdClic, par passion pour l’activité en elle-même. De plus, le dispositif est facilitant pour les génies en herbe : pas besoin de faire des démarches pour breveter l’idée, puis pour la vendre à quelqu’un ou trouver une équipe pour la réaliser, etc. Mais le problème subsiste : comment faire pour récupérer le bénéfice engendré par l’idée qu’on a soi-même produite, que l’entreprise s’est accaparée contre nous ?

Il est difficile pour nous, hors contexte, avec peu d’information, de trouver des solutions détaillées. Seuls ceux qui sont confrontés à la situation sont les plus à même de trouver le « truc » qui fera changer la donne. Cependant, on ne veut pas conclure sans imaginer quelques solutions possibles :

➜ la médiatisation. Quand on a fait des recherches sur idclic, nous n’avons trouvé que des articles dont les sources provenaient de la direction, de la communication, du marketing. Il serait intéressant de rétablir l’équilibre avec des témoignages concrets de salariés sur ce qui se passe réellement et non, et pas seulement des chiffres ou statistiques. Beaucoup de sites, bien plus en vue que nous, accueillent avec joie les témoignages : on pense à rue 89, et voilà le travail … Une contre-médiatisation pourrait peut-être changer la donne.

➜ la solidarité. On comprend parfaitement que cela soit dur de dire non, d’entrer en conflit, surtout à France Télécom. Personne ne doit avoir envie de mettre le feu au cimetière, même si ce feu peut être légitime. Cependant, les managers et autres chefs devraient se donner le devoir de soutenir ces salariés aux idées géniales, les soutenir concrètement. C’est-à-dire faire en sorte qu’ils soient plus récompensés, qu’on les promeuvent, bref qu’on les paye pour ce qu’ils ont apporté à l’entreprise. Il s’agit de rétablir l’équilibre d’une manière ou d’une autre, et cela passe par la solidarité au quotidien, hors du circuit hiérarchique/bureaucratique.

➜ le désengagement. Là encore, cela passe par la solidarité des chefs de niveaux intermédiaires, mais les subordonnés peuvent agir là dessus. Quelqu’un qui a rapporté des millions et qui ne touche pas une miette doit pouvoir se reposer, se désengager de l’entreprise qui l’a ainsi exploité. On peut faire en sorte de l’amener à ne plus se tuer au travail dans cette entreprise, à ne pas trop user de sa personne. On peut lui apprendre à glander, penser à autre chose, à profiter de la vie : même l’agent d’entretien peut aider à cette tâche. On peut le libérer de son engagement, lui faire amener son génie ailleurs, là où il sera plus profitable pour lui et les autres. Cette mission de désengagement est délicate, peut prendre du temps, mais on peut imaginer des conséquences assez intéressantes. À la base du désengagement, c’est un truc que tous les élèves connaissent : on pose des questions hors sujet au prof, on l’amène à s’emballer sur des sujets d’actu qui n’ont rien à voir avec le cours. Pendant ce temps, le cours n’avance pas, les élèves se reposent ou sont contents d’entendre autre chose, le prof se détend, peut rire. La technique fonctionne aussi sur les chefs désagréables : un des subordonnés les plus proches peut  commencer à discuter avec lui, l’emmener à disserter sur des questions hors sujet. Pendant ce temps-là, les autres subordonnés sont tranquilles, le chef se détend. Cependant, le désengagement sur le long terme que nous proposons demande un peu plus d’assiduité, d’astuce et de sympathie envers celui qui mérite d’être désengagé de l’entreprise qui l’a exploité.

➜ le contre-engagement. Il me semble que les amis ou les collègues-amis sont les plus à même de contre-engager la personne trop engagée. Il s’agit d’engager l’engagé dans d’autres engagements, plus honnêtes pour lui, plus profitable pour son futur. Là, tout dépend des passions de la personne à contre-engager. C’est moyennement moral, cependant il est plus profitable qu’une personne dépense son quota de génie gratuitement pour la SPA, Emmaüs, les restos du cœur, Greenpeace, Anonymous, médecin du monde ou que sais je, que dans une entreprise qui l’exploite et finira par le presser comme un citron pour le laisser vide (ce que ne ferons pas, en principe, les associations bénévoles honnêtes). Pour la méthode, vous pouvez relire cet article, notamment les passages sur l’engagement, et renverser le ton 😉


Sources


  • sur l’affaire de la réorganisation de France Télécom :

– Ils m’ont détruit, Yonnel Dervin
– Ils ont failli me tuer, Vincent Talaouit

  • Sur l’engagement et la manipulation :

– Influence et manipulation, Robert Cialdini
– La soumission librement consentie, Jean Leon Beauvois et Robert-Vincent Joule
– Psychologie de la soumission et de la manipulation, Nicolas Guéguen

Les sources liés à la mise à jour de 2023 : 


Note de bas de page


 
  1. voir les revues dans « psychologie de la manipulation et de la soumission, Gueguen, 2002, Cialdini « influence et manipulation » 1984, Beauvois « Petit traité de la manipulation » ; ceci étant dit personnellement en 2023 nous pensons qu’employer des techniques d’autodetermination (deci et ryan 2017) semble plus efficace sur le long terme, en plus d’être plus éthiques []
  2. Toutes ces expériences sont disponibles dans : « psychologie de la manipulation et de la soumission, Gueguen, 2002, Cialdini « influence et manipulation » 1984, Beauvois « Petit traité de la manipulation«  []
  3. je précise parce que les adeptes de secte ou de groupes dogmatiques ne sont pas forcément « faible » psychologiquement de base, le mal être peut être créé au fur et à mesure : par exemple la scientologie recrute d’abord en créant des déprimes et problèmes d’estime de soi avec un questionnaire dans lequel n’importe quelle personne allant bien a pour résultat d’avoir selon eux d’avoir des gros problèmes psychologiques. Puis ils proposent leur programme qui permettrait de surmonter tout ceci []
  4. et oui, dans le cadre de la manipulation et face à des choses potentiellement destructives, chercher les intentions et très important parce que celles-ci orchestrent, orientent, dirigent, cadrent la situation/la création en question []
Viciss Hackso Écrit par :

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27 Comments

  1. 2 avril 2014
    Reply

    B’soir,

    Au-delà du potentiel économique que l’entreprise peut – et espère – en tirer, cet engagement à une autre fonction: humaniser l’entreprise (au même titre que les prénoms…).

    Et surtout, faire en sorte que le salarié la voit comme une confidente. Et cela est très fort, de la part des psychologues qui l’ont mis en place, car n’oublions pas l’élément déclencheur: la vague de suicide. L’entreprise est devenue un psychologue, le salarié peut donner son avis, et donc, le bourreau devient la gentille infirmière qui soigne.

    Autre chose, cet engagement à une autre fonction, lorsque le salarié participe à un concours de meilleur employé du mois (car il s’agit ni plus ni moins que de ça), il ne se pose pas de questions sur sa situation personnelle. Cet façon de faire est en vogue depuis des décennies aux USA. L’employé du mois! Se démener comme un beau diable, pour avoir sa photo sur le wall of fame…wonderful, isn’t it?

    Il y a quelques années de ça, j’ai fait des livraisons de produits pharmaceutiques, en sous-traitance pour un transporteur. Il s’agit de tournées dont les horaires sont précis, surtout en ce qui concerne la tournée du matin, avec des trajets précis aussi. Pour résumer, je commençais à travailler à 6h du mat’ et je rentrais de ma tournée à 10h30; c’était les horaires, et il fallait faire comme ça. Or, au bout de trois jours, je me suis aperçu que je pouvais, sans ennuyer le moins du monde les pharmacies, finir une heure plus tôt, juste en changeant l’ordre de distribution. Et ainsi j’ai fait, jusqu’au jour où, le patron de l’entreprise de transport s’en est aperçu; sa réaction à été de vouloir me débaucher afin de repenser les trajets et ainsi d’optimiser les transports. Il m’a ensuite demandé pourquoi j’avais fait cela, ma réponse était évidente, je n’aime pas tout ce qui est imposé, surtout lorsque c’est idiot. L’engagement, à la base était de nous dire: voici le trajet à effectuer, tu dois t’y tenir, mais si tu intervertis deux clients, ce n’est pas grave, tu es libre…Je suis libre? D’accord, je vais faire comme bon me semble.

    Oui, en fait je suis assez intolérant avec la sémantique. C’est idiot, mais je dis toujours « Bonjour! » aux personnes que j’aime, les autres ont droit à un « Salut! ». Pourquoi irai-je souhaiter une bonne journée à des personnes que je n’apprécie pas plus que ça? Autant les saluer, par politesse…

    Sinon, Demoiselle Barbalala est en vacance? Non? Parce qu’elle a oublier plein d’espace entre les mots.
    Chef! Chef! La stagiaire, elle ne fait que des erreurs…

    • stagiaire barlalala
      2 avril 2014
      Reply

      les espaces, oui hé bien c’est la faute de leur trafic aussi, ils font ballader le texte de PC en PC avec des logiciels différents et tout. J’ai constaté, mais « mettre des espaces » c’est pas dans mon contrat et c’est pas de ma faute.

      • 2 avril 2014
        Reply

        Felicitations Barbalala ! Je vois que tu as remarqué ma petite surprise! je savais que je pouvais compter sur toi, ta perspicacité et ton professionnalisme à toutes épreuves. Il ne reste plus qu’a saisir cette chance de prouver à tous ton engagement pour la lisibilité des phrases – engagement ô combien essentiel lorsqu’on s’occupe de textes -, autant dire presque aucun travail à faire puisse que la mise en gras a été réalisée à merveille. Le choix est entre tes mains ! Libre à toi de faire ou non cette tâche gratifiante.

        • Camille
          6 septembre 2015
          Reply

          Danger manipulation ! j’espère que c’est du second degré !

      • caligula63
        2 avril 2014
        Reply

        Certes, demoiselle Barbalala, les espaces ne font pas partie de votre contrat. Et je vous comprends. Pourquoi faire quelque chose pour lequel vous n’êtes pas rémunérée? Il faut bien respecter les accords, certains se sont battus pour les mettre en place, cependant, il faut savoir dire non!
        Imaginez, si vous aviez rectifié de vous-même les coquilles des différents rédacteurs. Vous leur auriez démintré que vous savez compiler et vous servir de tous les traitements de texte qui existent, ce qu’ils ne sont pas capabpes de faire, visiblement, puisque aucun n’utilise le même. Et la joie du lecteur de pouvoir lire un texte sans fautes, ni espace manquant…le bonheur, quoi. Et un bonheur qui rejaillira sur vous. Car au mépris des conventions, vous aurez su imposer votre volonté! Du coup, les lecteurs seront plus nombreux, et d’ici à qqs semaines, ce site, notre site, aura plus de vues que celui BHL lui-même.

        Alors, même Viciss sera obligée de vous congratuler. Ceci étant dit, je ne vous oblige à rien, vous avez le libre choix, mais si vous décidez de faire du zèle, nous saurons vous récompenser.

        Comment ça, manipulateur?
        Pffff! Même pas vrai…

        • 2 avril 2014
          Reply

          Je plussoie Caligula et Viciss. Pour la liberté de la presse, pour l’éducation des jeunes, pour la clarté du monde, les mots se doivent d’avoir un espace entre eux. Sans quoi tout n’est plus que chaos… Cette mission peut être tienne, Barbalala, si tu l’acceptes.

          • Barballadur
            3 avril 2014

            Je vous demande de vous arrêter!
            Ma petite nièce n’est pas un kleenex que l’on utilise et que l’on jète.
            Elle est libre de faire ses propres choix, comme de s’en tenir à son contrat de stage. C’est plus qu’un droit, c’est un devoir. Et tant pis pour les espaces, si ils sont si importants, ils n’ont qu’à les mettre eux-mêmes, voire même se relire…
            D’un autre côté, ma chère nièce, que comptes-tu faire à la fin de ton stage? Crois-tu qu’il va déboucher sur un emploi, si tu ne te donnes pas à fond, et si tu te contentes de t’en tenir à ton contrat?
            Dans la vie, il faut savoir faire étalage de ses compétences au bon moment, même si pour cela tu dois renier tes convictions.

            Tu auras alors la joie du travail bien accompli, celui qui emplit le coeur d’un sentiment jamais égalé, et le porte-feuille aussi…des fois…de temps en temps.

            Bref, fais comme moi en 87: FONCE!!!

          • Stagiaire Barbalala
            3 avril 2014

            Merci tonton ! Comme d’habitude tes conseils sont forts sages, je vais les suivre et tant pis pour eux, ils vont voir de quoi je suis cap’ ! On se voit dimanche pour le boeuf bourguignon chez mamie, bisous à toi et à tatie !

          • Barballadur
            4 avril 2014

            Hélas, très chère nièce, mamie n’est plus parmi nous. Elle est partie vers des horizons lointains.
            Elle avait trouvé un petit chaton et elle le rapporta à la maison.
            Mal lui en pris, la boule de poils dans un élan de jeunesse exalté fit ses griffes sur notre ancêtre.
            Elle est partie en sifflant par la fenêtre laissée ouverte…

            Voyons le bon côté des choses, fini le boeuf bourguignon. Vive les plats plus digestes. L’autre ahuri de Casimir m’a donné sa recette du gloubiboulga, enfin!

            A dimanche, ma petite.

            PS. Te souviens-tu de la manie qu’avait ta grand-mère pour ce qui concernait les détails? Elle était intraitable sur le sujet. Malheur à celui qui ne mettait pas le couteau du bon côté de l’assiette! Elle était comme ça, ta grand-mère, toujours à reprendre les erreurs des autres. C’était sa façon d’être. Avec ta tatie, on se disait que tu avais plein de points communs avec elle. Mais par pitié, tiens-toi éloignée des chats!

  2. 29 mai 2015
    Reply

    Merci pour toutes ces infos, voici une bonne lecture. J’ai appris différentes choses en vous lisant, merci à vous. Bonne journée à tout le monde ! Fabienne Huillet neonmag.fr

  3. Camille
    6 septembre 2015
    Reply

    IdClic n’est pas un cas isolé !
    En ce moment, cela débarque à la Sécurité Sociale, un comble !
    Mise en place de Projet d’Entreprise avec des groupes de travail, constitué d’employés et de cadres « volontaires », chargé de mettre en action les « valeurs » de l’entreprise: Efficience, Engagement …
    Il y a même un groupe de travail sur les Rémunérations, mais évidemment la question des augmentations de salaires, ou de la réduction du temps de travail est hors champs.
    Bien sur, les travaux des différents groupes seront présentés comme la « volonté de la majorité des agents ».
    Tous cela se met en place dans un contexte ou les arrêts de travail pour dépression augmentent. Pendant ce temps on ne parle plus de Risques psycho-sociaux mais de Qualité de Vie au Travail.

    ( Il y a même un projet « Digital » dont le but avoué est de « favoriser le développement Open-Source en interne », autrement dit, capter les compétences des informaticiens sans contrepartie financière. )

    En fait, je me demande si on est dans un contexte de manipulation institutionalisée ou si je me fais des idées ? Et comment mettre en échec une telle politique ?

    Encore bravo pour votre site,
    Une pensée pour Yves Farge, et son livre: Rebelles, soldats et citoyens …

    • 7 septembre 2015
      Reply

      Merci pour l’info !
      Alors pour savoir s’il y a manipulation institutionnelle, il faudrait voir comment se déroulent ces groupes de travail, être présent là-bas.
      « Comment mettre en échec une telle politique ? »
      Je pense que plutôt que de viser l’arrêt d’une telle politique, il faut l’exploiter. Par exemple, un employé va dans ce groupe dit de « rémunération » et même s’il n’y est pas question d’augmentation de salaire, réduction de temps de travail, il va tout de même – furtivement – amorcer le sujet ou le mettre sur le tapis dès qu’il en a l’occasion. Si par exemple la discussion porte sur les arrêts de travail, il expliquera chiffres en main, arguments solidement préparés, graphique (bref tout ce qui est possible pour appuyer des propos) comment une réduction du temps de travail pourrait entériner une partie du temps de travail. L’attitude est fondamentale dans ce cas : il faut être pro, tranquille, on n’est pas dans le combat, mais la présentation rationnelle, voire même l’enthousiasme d’avoir une solution en main et de la partager (c’est une attitude qui frappe, surtout si ce n’est pas l’objectif des réunions). Autre point, assez malheureux, il faut que ce petit hacker social ne soit pas syndiqué ou du moins qu’il n’est pas cette étiquette, sinon personne ne l’écoutera. Il faut qu’il paraisse « innocent ». Attention, je ne dis pas que c’est mal d’être syndiqué (je l’ai été moi même), mais cela amorce directement des représentations chez les personnes en présence – le rejet par exemple – et ces représentations peuvent fausser le hack social en cours.
      Je pense que tu peux employer les techniques du « faire campagne » que je décris dans le pavé (dans la partie travail : http://hacking-social.com/wp-content/uploads/2015/07/lhomme-format%C3%A9-red-3.2.pdf ) dans ces groupes de travail : soit ils sont sincères et en ce cas, il peut y avoir de bonnes résolutions de prises (comme la réduction du temps de travail) ; soit l’objectif est autre, mais s’il y a assez d’hackers sociaux dans ces groupes, qui tiennent le cap en faisant campagne sans que ça vire au combat, cela va les mettre dans une posture délicate (rien n’avancera, mais ils ne pourront rien reprocher aux intervenants, donc ils sont coincés, peut-être forcés de prendre en considération ce que les hackers sociaux leur proposent.
      Bref, au contraire voyez ces programmes comme une opportunité de faire passer des messages, influencer les choses (même si le but implicite est contraire), faire du hack social. Par contre cela risque de demander pas mal d’endurance, de la ténacité, du calme et de la solidarité.

      • Camille
        9 septembre 2015
        Reply

        « Autre point, assez malheureux, il faut que ce petit hacker social ne soit pas syndiqué ou du moins qu’il n’est pas cette étiquette, sinon personne ne l’écoutera. Il faut qu’il paraisse « innocent ».  »

        Aïe, non seulement je suis syndiqué(e), mais en plus élu au CE.

        Je suis plutôt dans la catégorie « résistant ».

        Je plaide « coupable » si la fréquentation du site augmente en flèche :-), j’ai un peu tendance à diffuser des liens autour de moi, depuis deux ou trois jour.

        • Equipehackingsocial
          9 septembre 2015
          Reply

          Après tout dépend du niveau de tolérance des syndicats là où tu es, dans certains endroits c’est de ne pas être syndiqué qui est mal vu, dans d’autres c’est synonyme de personne à harceler/licencier malheureusement :/

          Merci beaucoup pour le partage de liens 🙂

          • Camille
            9 septembre 2015

            « dans d’autres c’est synonyme de personne à harceler/licencier malheureusement :/ »

            Ah, c’est donc pour ça que je suis dans un « placard », enfin tout seul dans un bureau avec pas grand chose à faire officiellement. C’est d’ailleurs une situation hautement comique. Je ne peux pas mettre mes compétences au service de l’entreprise donc je les mets au service d’une activité syndicale ( recherche juridique, informatique ) et mon employeur me paie pour ça. Un cas de dissonence-cognitive typique. :-).

            En tout cas ce site me donne plein de nouvelles pistes à expérimenter en matière d’agitation sociale.
            Surtout que l’activité syndicale s’inscrit forcément dans le cadre de relations convenues ( cf. Barthes, Gramsci ) et montre vite ses limites ( glissement vers un réformisme mou ).

            Sortir des cadres convenus, cela peut permettre aux gens de retrouver des moyens d’actions sur le réel, les remettre en mouvement.

            Le dernier truc en date c’est « port d’un badge en sautoir » pour des raisons de « sécurité ». Et pas mal de gens dans l’entreprise sont choqués même s’ils n’arrivent pas toujours à discerner pourquoi. L’article sur les badges permet de remettre des mots sur le malaise ressenti. Pouvoir nommer c’est aussi prendre le pouvoir. (cf. La Bible, première tache donnée à Adam, nommer les choses )

            Votre travail est précieux. Il donne des modalités d’actions sur le réel.

            Les mails que j’ai reçus ce matin:
            > Re: Personnel: Une recette incroyable de Badge en Sautoir ( le message de partage de liens )
            > merci, merci, merci ( toutes les réponses étaient dans ce style là )

            Tous ces merci, je vous les redonne de tout coeur.

  4. […] exemple de manipulation : avec IdClic d’Orange, qui paraît une belle idée comme cela, mais qui cache des intérêts de […]

  5. […] champ très vaste d’expériences et d’études. Nous en avons parlé dans un article avec l’exemple d’Idclic à Orange et nous avons pu décrire davantage sur cette notion dans L’homme formaté ; à noter […]

  6. Le Sociopathe Altruiste
    28 août 2018
    Reply

    Je viens apporter quelques éléments pour aller plus loin 🙂

    Aaaah la théorie de l’engagement… C’est sans doute la plus efficace !

    Je vais schématiser le processus de la manière suivante :
    1) Le supérieur hiérarchique utilisera un étiquetage positif (« vous qui êtes brillant… ») sur la salarié qu’il souhaite manipuler.
    2) Condition sine qua non, il faut utiliser une déclaration de liberté (« vous êtes libre de… »). Sans liberté, il n’y a pas d’engagement et elle empêche la mobilisation d’explications externes. Les raisons d’ordre externe désengagent alors que les raisons d’ordre interne engagent.
    3) Le salarié va internaliser (Grusec et Goodnow, 1994) son comportement.
    4) Le salarié va rationnaliser (Glass, 1964) son acte : « Changement de valeur après un acte, acte sans lequel le changement n’aurait pas eu lieu » (Beauvois, 1994). C’est le mécanisme le plus important.
    5) Si le salarié continue à adopter ce comportement, alors ce dernier pourra être naturalisé (donc sera vu comme « normal »).

    Exemple pour réussir à imposer des heures supplémentaires :
    1) Justification autoritaire (commandement autocratique),
    2) Justification centrée sur les objectifs ou les valeurs,
    3) Justification libérale (donner une justification psychologique à une prescription en rappelant à la personne qu’elle est libre),
    4) Déclaration de liberté + étiquetage,
    5) Tadaaam, votre salarié est prêt à être soumis à vie !

    • Viciss Hackso
      3 septembre 2018
      Reply

      Je garde ce commentaire de côté , il est brillamment machiavélique 😀

  7. Paul
    24 septembre 2021
    Reply

    Dans les années 80 j’ai été en formation avec des cadres de France Télécom. nous y avons appris une technique de communication qui fonctionne encore de nos jours et partout dans les télé réalité et autres émissions diverses et variées. Qu’elle n’a pas ét ma surprises de retrouver dans les grilles de notation-évaluation des cadres de France Telecom que la technique était reprise mais a l’inverse. Moi j’avais appris comment motiver mes troupes de facons positives, mais pour eux , la tournure des phrases menait vers le bas , la démotivation, l’apathie,la mort.

    Mon formateur de l’époque était Marc Bromberg, plus tard connu comme l’avocat de L’église de Scientologie.. La Technique est celle de l’échelle des tons. Redoutable car elle fonctionne aussi bien dans un sens que dans l’autre. . Cette technique est partout, et fonctionne dans n’importe qu’elle langue. . des centaines de milliers de leurs cadres sont capables de l’utiliser a des fins de manipulation ou d’orientation.. si celà vous interresse, leur échelle est disponible sur le net. Contactez moi si besoin mais vous devriez trouver rapidement la clé de lecture et d’utilisation.
    Pas besoin d’avoir fait des études pour comprendre et quelques mots bien placés chaque jour suffisent. c’est facile et à la portée de chacun d’entre nous.

    Alors je comprends que cà plus les autres techniques déjà exposées sur votre site en font un mélange …mortel.
    Je comprendrai si vous ne publiez pas mon commentaire.

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