⬛ C’est moi ou c’est de la discrimination ? L’ambiguïté attributionnelle

Est-ce que comme moi vous vous êtes déjà pris la tête pendant des heures pour savoir si cette dévalorisation, ce jugement négatif subi était vraiment de votre faute ou bien que c’était plutôt l’autre qui était injuste voire discriminant à votre égard ?

Cet article est initialement un thread disponible également ici :

Untel au taff ne vous fait que des remarques désagréables alors qu’il peut être sympa avec les autres. Vous vous demandez ce que vous lui avait fait, ce que vous avez mal géré, souvent sans trouver un fait concret.

Est-ce qu’on a vraiment « mal géré » (et qu’on ne s’en rendait pas compte) ou est-ce qu’il est en train de nous discriminer parce qu’on est différent·e de lui ?
On se pose la question quand on se demande si notre genre, notre orientation sexuelle, notre couleur de peau, nos caractéristiques phys/psy, notre origine ou statut social puisse être la source d’injustice à notre égard.
Perso je le verbalise cet état d’indécision avec des trucs comme : « purée je psychote à mort » ou « je deviens parano », « c’est moi ou c’est lui ? », « qu’est-ce que j’ai fait, purée je trouve rien ».
Cet état de doute, ce n’est pas parce que vous êtes parano, délirant ou que vous psychotez, ça porte un nom que je viens tout juste d’apprendre, c’est l‘ambiguïté attributionnelle.

Sur wikipédia, c’est expliqué relativement bien : https://en.wikipedia.org/wiki/Attributional_ambiguity ; sinon j’ai eu cette info dans « Mauvaise réputations » de Croizet et Leyens, issus des recherches de Major et Croocker (1991 /1993).

On ne sait pas à qui ni à quoi attribuer les causes : une faute qu’on devrait s’imputer à soi-même ou bien une discrimination à notre égard de la part d’autrui ?

avant d’être consciente de pas mal de choses, je tranchais toujours cet état de confusion en décidant que c’était entièrement de ma faute 😀

Le fait de s’attribuer systématiquement les torts, ça peut être un biais d’internalité, c’est très commun quand on a été élevé dans un environnement occidental, la culture et les environnements sociaux poussant vers ça.

On en a parlé ici : [PE4] Accuser l’autre d’être la cause des malheurs qu’il subit est une norme sociale
et là : https://youtu.be/mrXtwcGkroI

Le fait de s’attribuer systématiquement la faute peut être aussi dû à une tendance dépressive ou à une trop forte « conscience de soi » (appelé aussi timidité sociale, anxiété sociale ; cf, toute la littérature sur le neo pi r, entre autres).

Mais ces critères « personnels » de conscience de soi / dépression sont aussi déterminés par les environnements sociaux qu’on a côtoyés, les traumatismes et autres événements insensés qu’ils nous ont légués.

Par exemple, le harcèlement laisse des traces qui nous font psychoter sur notre comportement, on se croit fauter pour tout parce qu’on a été injustement ciblé, il n’y a pas de faits concrets, donc on cherche en nous-mêmes des raisons qui donnent un sens au comportement des offenseurs.

Ça peut être aussi la conséquence du travail de l’offenseur pour garder l’emprise sur vous. Marinette a superbement bien expliqué ce phénomène ici avec le cycle de la violence :

Ça peut être aussi lié à la croyance en un monde juste (Lerner 1980) : comme on a tendance à croire que nous vivons dans un monde où chacun obtient finalement toujours ce qu’il mérite, on ne s’imagine pas être victime d’une injustice comme une discrimination. Donc on se trouve des fautes même lorsqu’on est injustement offensé, pour donner du sens aux offenses mais aussi pour maintenir une certaine illusion de contrôle (si c’est moi la cause, j’ai le pouvoir d’empêcher que cela ne se reproduise en faisant plus d’effort quant à mon comportement que je crois problématique).
Et enfin, si on parvient à mettre de côté la croyance en un monde juste, le biais d’internalité, et qu’on a obtenu suffisamment d’infos, on peut attribuer à autrui un comportement négatif et injustifié à notre égard comme une discrimination, une injustice.
Il y a objectivement des préjugés, des personnes qui discriminent sur la base de critères arbitraires (genre, origine, caractéristiques physiques, statut social, etc.) et vous jugent selon ces critères et pas du tout sur une erreur que vous auriez faite.
C’est par exemple être assise à un arrêt de bus avec une tenue de travail vraiment anti-sexy, ne rien faire d’autre qu’attendre le bus, et se faire traiter de sale pute par un cycliste qu’on ne connaît pas, comme ça, gratuitement.
Voilà, ici il n’y a pas vraiment d’ambiguïté attributionnelle, y a une offense totalement injuste et injustifiable, ouvertement misogyne, et j’y étais clairement pour rien.
Mais comme c’est mal vu d’être ouvertement raciste/sexiste/homophobe(…), la discrimination est plus souvent sournoise, discrète, se niche dans le bain du quotidien. Et c’est super dur d’attribuer pour une cible le fait que cet évènement soit effectivement full discriminatoire.

Par exemple, une fois j’étais dans le bus, tout au fond. Des contrôleurs montent à un arrêt, commencent à vérifier les premiers rangs. Ils s’arrêtent sur une femme qui semblait ne pas avoir son ticket. Je sors mon ticket, prête à être contrôlée à mon tour. Ils continuent de discuter, je ne sais pas de quoi, je n’entends pas. J’attends toujours mon tour, ainsi que les deux autres rangées qui n’ont pas été contrôlées parce que tous savent qu’ils procèdent comme ça d’habitude.
Normalement, c’est tout le bus qui est contrôlé.
J’attends un arrêt, puis un autre. Et là, les contrôleurs descendent. Je regarde mon ticket qui n’a servi à rien, confuse. Et je me rends compte que ces autoritaires n’ont contrôlé que le devant du bus, majoritairement racisé, contrairement au fond, où on n’était que des blancs…

C’était il y a quelque années en France, pas dans les années de ségrégation comme en a vécu Rosa Parks.

Rosa Parks ; son livre « mon histoire » au passage, est génial, c’est vraiment une personne admirable.

Je ne sais pas si les personnes contrôlées uniquement parce qu’elles étaient racisées ont vu ce traitement totalement inégalitaire, la configuration du bus n’étant pas très propice à permettre une vue globale, sauf en étant au fond.
Donc on voit déjà que la difficulté pour les cibles de discrimination, c’est de voir les éléments, les indices qui démontrent le traitement injuste. Parfois, ces informations sont inaccessibles.
Et ensuite, si les cibles ont perçu tout cela, notamment la personne qui n’avait pas son ticket, il s’agit de faire le tri des attributions : d’un côté elle peut se dire « bah ouais j’ai pas mon ticket, normal qu’ils m’aient ciblé, je l’ai bien cherché, c’est de ma faute » (attribution causale interne) mais ça se combat avec une attribution tout aussi vraie et que tous ont constaté qui est « ils m’ont ciblée parce que je suis racisée ».
Et il y a une question de temps : pendant tout ce temps où les inspecteurs sont restés devant à discuter, on pensait tous qu’ils allaient venir nous contrôler, parce que c’est la façon normale dont ils procédaient. Ce temps laissait à penser que la situation n’allait pas forcément être inégalitaire.
Tout ce temps, c’était un temps où j’étais suspendue, où je ne comprenais pas non plus la situation et où j’ai été donc une spectatrice inactive, ce dont je me sens vraiment coupable.

On a parlé de l’effet spectateur (ou témoin) ici :

Mais n’est-ce pas cette confusion attributionnelle qui est spécifiquement recherchée par les offenseurs dans les situations de discriminations/agressions quotidiennes ?

C’est-à-dire qu’ils font en sorte de donner un aspect de spectacle de normalité à ce qui est une situation injuste, offensante. Ça les protège eux, ça empêche les spectateurs de voir que c’est anormal.

Autre exemple, comme vous le savez @chaykahackso a fait son coming out il y a peu de temps, nous sommes donc un couple de femmes. Je l’oublie très souvent parce que pour moi ça ne me semble pas inédit dans le monde, voire banal.
Dans un environnement social qu’on fréquente depuis longtemps (avant de rendre public notre statut de femmes en couple), on a commencé après notre co avec @ChaykaHackso à sentir des regards sur nous. On a d’abord cru « psychoter » et devenir parano, on était dans une ambiguïté attributionnelle totale.
Est-ce nous qui devenions paranos ou est ce qu’il se passait quelque chose dans la façon dont ils nous jugeaient ?
Puis, un week-end, notre fille qui avait été invitée chez une copine s’est vue désinvitée à la dernière minute par ses parents. La mère nous a envoyé des SMS, expliquant qu’elle ne voulait pas qu’on vienne car elle craignait qu’on « gêne » les autres enfants et parents. Quoi ??? J’enchaîne les SMS pour être sûr d’avoir bien compris, mais oui, c’est bien confirmé : notre fille est bien ostracisée à son tour, parce que ma simple présence ou celle de @ChaykaHackso aux côtés de notre fille est désormais jugée comme »gênante ».
Selon cette personne homophobe, notre simple présence de femme en couple « perturberait les enfants » et elle veut « leur bien-être avant tout, y compris celui de notre fille ».
Donc, pour le bien-être de notre fille, elle laisse son enfant l’inviter, puis annule la rencontre au dernier moment, les sépare sous prétexte qu’on est « gênantes » alors qu’elle ne nous a jamais vu faire quoi que ce soit d’autres que d’être des parents des plus banals.
Si on poussait sa logique jusqu’au bout, étant donné que nous sommes gênantes y compris pour notre fille, nous devrions cesser d’exister, ou nous cacher et faire déplacer notre fille avec un couple non gênant (hétéro donc).
Je vous dis pas à quel point on a eut du mal à assister au spectacle de fin d’année de son école. Être mise de côté, passe encore, mais savoir qu’on te juge gênante juste
parce que tu es là, debout, à exister, ça te fout une parano de tout les instants, quand bien même je doute (enfin j’espère) que les autres parents d’élèves soient comme ça.
Nous avions au préalable pris sur nous, pensant que nous nous faisions des films, que nous interprétions mal, et ne tenant plus compte des différents indices, jusqu’à cette histoire qui nous a permis de prendre conscience que non, ce n’était pas dans notre tête, nous n’en étions pas fautives.

Bref, l’ambiguïté attributionnelle, ce n’est pas de la faute des cibles, mais bien celle des préjugés, des stigmatisations, des traitements injustes, des personnes qui discriminent, stigmatisent, jugent, ostracisent, infériorisent d’autres selon des critères totalement arbitraires, injustes, injustifiés.

Et c’est très ambigu à traiter pour les cibles, parce ces messieurs-dames à préjugés n’assument pas ouvertement leur discrimination, il la font de façon sournoise, d’une façon qui peut les dédouaner.
Pour reprendre l’exemple du bus, les contrôleurs auraient pu justifier leur attitude par le fait d’avoir du boulot ailleurs ou de suivre un nouveau processus de demi-contrôle du bus – c’est hypocrite, on est d’accord, mais souvent les rationalisations de ce type sont monnaie courante.

Dans les études sur la personnalité autoritaire, Adorno avait qualifié cela de pseudodémocrate : les gens font semblant de traiter équitablement les autres, mais en fait non, ils en stigmatisent et rejettent certains. « Je ne suis pas raciste MAIS,… »
(À noter que ça marche aussi avec des variantes comme « nonobstant » « néanmoins » selon nos dernières observations)
On en a parlé ici : https://www.hacking-social.com/2017/01/16/f1-espece-de-facho-etudes-sur-la-personnalite-autoritaire/
et là : https://youtu.be/2__Dd_KXuuU

La question que je me pose maintenant, c’est comment, en tant que potentielle cible de discrimination, on peut se prémunir d’être dans ce brouillard qu’est l’ambiguïté attributionnelle ?

J’avais un collègue qui lui avait choisi de partir du principe que de toute manière il allait être systématiquement discriminé, exploité, dupé. Parce que effectivement, il était stigmatisé par les autres quasi en permanence, parce qu’il venait de la cité, parce qu’il était arabe, parce qu’il était musulman.
Quand j’ai taffé en sa compagnie (avant je le connaissais, mais juste en tant que pote de potes) dans une formation pour les précaires que nous étions, le fait qu’il soit susceptible à toute injustice a fait que tout le groupe en a bénéficié :
Effectivement, les gens de la formation nous stigmatisaient en nous prenant pour des imbéciles et ils ont tenté de nous faire travailler 9h/par jour sans être payé (avec la carotte de l’embauche en CDI) dans une serre, en pleine canicule.
Eh bien ce collègue, direct s’est battu pour dire que c’était inacceptable, injuste, et à lui tout seul il s’est levé comme tout un syndicat et a mobilisé tout le monde, pour que non, ça n’advienne pas.
Et on a tous eu de meilleures conditions de travail. Ce collègue, je sais même pas s’il s’est rendu compte d’à quel point il avait aidé tout le monde. Parce que par ailleurs, je pense qu’il souffrait énormément.
Il souffrait de cette hyper-conscience des injustices, de la précarité, du marais sans fond dans lequel d’autres de ses potes s’embourbaient, de l’absence d’espoir.
Cette victoire, j’ai pas l’impression qu’il l’ait appréciée comme telle, même si c’en était objectivement une. Parce qu’il savait que l’injustice, il la retrouverait encore et encore sur son parcours, sans cesse, quoiqu’il fasse.
Il souffrait d’une façon existentielle, je pense que ce n’est pas imaginable de douleur pour beaucoup d’entre nous, à moins d’être dans une même configuration d’accumulation de stigmatisations par l’extérieur.
Cette attitude d’attribution directe des problèmes à la discrimination, les recherches en psycho’ sociale disent que selon les situations, ça peut aider à sauvegarder l’estime de soi, tout comme la saper totalement de façon grave, menant à la dépression. Parce que l’espoir que les choses s’améliorent peut tomber à zéro.(cf « Mauvaises réputations », Crozet et Leyens)

Que faire alors lorsqu’on se retrouve dans cette ambiguïté attributionnelle ?

C’est compliqué parfois de se savoir potentiellement discriminé selon une de ses caractéristiques. J’ai constaté mon infériorisation d’abord en tant que classe sociale estimée inférieure, via le travail.
Au taff, on est plusieurs, donc ça fait plus de monde à percevoir la situation, et quand on discute, on peut prendre note de tout les mépris et les injustices qu’on se prend en pleine face.

Echanger avec ceux qui partagent la même situation

Discuter avec les personnes qui sont dans la même situation est d’une grande aide pour faire le tri dans ce qui se passe et de voir que non, c’est pas juste nous qui psychotons, il se passe un truc global qui touche toutes les personnes stigmatisées de la même manière.
Généralement, cette discussion entre concerné·e·s est salvatrice, j’ai pu le constater pour des questions de sexisme, quand on discute et qu’on s’aperçoit que ce gars, il est ostracisant et méprisant avec toutes les meufs par ex.
La discussion avec des non concerné·e·s, voire des membres d’un même groupe (discuter de l’attitude d’un gars avec un autre gars au même statut par ex.) peut générer une seconde victimisation parce qu’on peut ne pas vous croire, vous faire douter, croire que vous affabulez, que vous sur-interprétez.
On peut vous balancer des contre arguments pour nier le fait que le type ait été discriminant envers vous à coup « ah non c’est pas ça, c’est plutôt ça », et « tu te fais des idées », « c’était juste pour rire ». En gros, on vous force à une attribution interne, c’est de votre faute ou celle de votre parano, votre irrationalité et votre mauvaise « intuition ».
Donc attention, même avec des gens sympas, des proches, ça peut arriver. Des gens de très bonne volonté vont inconsciemment défendre les membres de leur endogroupe, ne parvenant pas à saisir les problèmes et ne comprenant donc pas vos critiques et remarques .
Et ça, ça dezingue vraiment l’estime de soi, ça casse le lien de confiance avec ses proches : on se dit que s’ils ne vous croient pas sur cette offense, alors qu’ils vous sont proches, qui peut vous croire ?
À force de subir des injustices puis des secondes victimisations, on n’arrive même plus à se croire soi-même pour tout et n’importe quoi.

Lieux non-mixtes

D’où l’importance des lieux non-mixtes, où peuvent discuter des concerné·e·s ensemble. Et j’inclus ici des groupes entre racisé·es, entre toutes les meufs, entre personnes vivant une même situation stigmatisée (obésité, handicap, précarité, LGBTQI+, etc.) tout comme des groupes syndicaux qui rassemble des travailleurs de même statut, etc.
Ça permet de lever des ambiguïté, d’avoir de l’information, de s’entraider, de restaurer ses besoins fondamentaux sapés par les injustices, d’établir des défenses et des stratégies communes. Ça apporte une clarté empuissantante qui lève l’ambiguïté attributionnelle.

Chercher de l’info, enquêter, transformer en engrais

Si vous vous retrouvez en solo face à ça, il peut rester le fait d’enquêter, de chercher de l’info. Ça peut consister à poser beaucoup de questions à la personne qui vous cible, trouver de l’info via Internet, en contactant d’autres personnes, etc.
Cela peut être de chercher des preuves, des documents, chercher des témoins, de l’information. Ce que j’aime bien avec cette méthode, c’est que l’offense devient comme un dossier à traiter : c’est toujours dur à vivre, mais une distance se crée, et du coup ça nous impacte moins.

De plus, quand on est militant, createurices, on peut percevoir cela comme un matériel qui pourra nourrir nos créations.
Je me dis souvent qu’il faut du fumier pour faire pousser des plantes, ainsi toute la merde qui m’arrive devient souvent de l’engrais pour mes créations. Et cette merde me fait donc moins peur, car je peux la convertir.

[ceci étant dit, c’est juste une image, ça pousserait aussi sans avoir besoin d’engrais ]

Se fier à ses instincts et sentiments

Si vous arrivez à vous fier encore à vos instincts et sentiments qui disent « purée c’est bizarre, y a un truc qui cloche », c’est génial, c’est un excellent point de départ pour envisager de clarifier la situation, collecter de l’info.

Si on est spectateur non discriminé, agir

Et ce mode enquête, ça vaut aussi si on est témoin non-discriminé d’une injustice. En tant que témoin on a plus de pouvoir à disposition puisqu’on n’est pas discriminé soi-même, qu’on n’est pas cible de l’offense.
On peut observer très attentivement, prendre note de tout et on peut travailler parfois sur l’offenseur pour tenter de neutraliser ses discriminations.
Perso, j’ai fait ça souvent au boulot. Je prenais note de la dégueulasserie raciste, sexiste, classiste (…) d’untel, mais conservait un lien minimal pour tenter de le transformer. N’étant pas cible directe, c’était possible.
Parfois devant des remarques racistes débiles sur la non-consommation de porc j’ai pu m’emporter et gueuler parce que c’était ça qu’il fallait faire avec tel profil raciste.
D’autres fois, c’est l’indifférence massive qui est plus efficace (le silence de mort à une blague raciste, ça fait son effet) : là tout le groupe doit être fermement antiraciste pour avoir cet instinct au bon moment.
Beaucoup de gros racistes que j’ai connu l’étaient parce qu’ils étaient incapables de gérer leurs émotions négatives. Un peu de stress ou d’angoisse et PAF ils sortaient un discours fasciste violent pour retrouver du pouvoir sur la situation (du moins en avoir l’illusion), pour dominer, faute de pouvoir s’avouer être stressé ou angoissé personnellement.
J’ai donc travaillé sur eux dans des moments de calme, via l’écoute, à les faire attribuer correctement leur mauvaise humeur à leur stress/angoisse et non sur tel exogroupe sur lesquels ils s’acharnaient.
Ce n’est pas pour ça que ce sont devenus mes potes. Ils venaient me chercher pour lâcher leur sac de problèmes avec l’alcool, la peur du chômage etc, je recadrais leurs attributions discriminatoires. C’était une relation de travail social, point.
J’estime ne pas avoir réussi. Mais tant qu’il me parlait de leurs vrais problèmes de santé, de couple ou d’angoisse existentielle, au moins c’était ça de moins à s’acharner sur une cible ou à débiter des trucs fascistes.

Changer les environnements sociaux

Ceci étant dit, évidemment, le travail de fond est de changer les environnements sociaux qui permettent encore à ces injustices de régner. La militance est une voie qui aide, tout comme la désobéissance altruiste, le lancement d’alerte ou la construction d’environnements sociaux non-sapants.

Pour ces derniers points, j’en ai parlé ici : https://www.hacking-social.com/2021/09/17/en-toute-puissance-manuel-dautodetermination-radicale/

S’inspirer de modèles engagés

Les militants et activistes du passé (et du présent), sont aussi d’extraordinaires soutiens quand on est dans une ambiguïté attributionnelle, quand bien même ils ne seraient accessibles que dans des livres, des documentaires et vidéos.
Ce sont des soutiens qu’on peut internaliser comme modèles et ça nous donne de la force. Parfois des proches peuvent aussi être des modèles de résistance.
Le côté de ma famille racisée et métisse avait parfois des stratégies de gestion des racistes extrêmement inspirants, avec un calme légendaire face à des discours hautement fascistes débités pendant des heures. Je ne connais pas leur secret, ça n’a pas transformé le fasciste en question, mais cette attitude, waouh, j’en garde encore des souvenirs empuissantants.
Il y a de la fierté à gagner dans nos résistances communes, qu’importe si le résultat n’est pas directement épique, c’est au moins notre psychisme qui n’est pas ravagé, ce sont des hontes en moins. Et petit à petit, ce sont des forces de plus pour agir.

En tout cas le brouillard de l’ambiguïté attributionnelle n’est pas évident, mais on peut éclairer parfois les situations, grâce à l’enquête, au soutien entre concerné·e·s, aux témoins actifs autour. Force à vous  !

Sources citées

En photo d’entête, il s’agit d’Elizabeth Eckford, l’ une de premières femmes noire à aller dans un lycée réservé aux blancs (sous les huées…) à Little Rock en 1957; son histoire est racontée ici :

• Rosa parks, Mon histoire 
• JC Croizet et JP Leyens,  Mauvaises réputations 
• Major, Crocker,  Social stigma : the consequences of attributional ambiguity 1993
• Crocker, Voelkl and coll, Social stigma : the affective conséquences of attriutionnal ambiguty 1991
• Jean-Léon Beauvois, Nicole Dubois, Psychologie de la personnalité et évaluation, 2016.
• Jean-Pierre Rolland, L’évaluation de la personnalité, 2004.
• Lerner The Belief in a Just World, 1980
The Authoritarian Personality, Studies in Prejudice Series, Volume 1 T.W. Adorno, Else Frenkel-Brunswik, Daniel J. Levinson and R. Nevitt Sanford, Harper & Brothers, Copyright American Jewish Committee, 1950. Disponible intégralement ici : http://www.ajcarchives.org/main.php?GroupingId=6490
• Études sur la personnalité autoritaire, T.W Adorno ; Il s’agit de la traduction française, mais attention c’est amputé des travaux des autres chercheurs.
Strength And Weakness: The Authoritarian Personality Today By William F. Stone; Gerda Lederer; Richard Christie
• Social Dominance, Felicia Pratto, Jim Sidanius, 2004

Viciss Hackso Écrit par :

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8 Comments

  1. Anonyme
    29 juillet 2022
    Reply

    Merci pour cet article. Moi même étant d’origine Algérienne et français (double nationalité). Il m’est arrivé dès mon enfance jusqu’à la 30 ene d’être harcelé quotidiennement, frappé, humilié par la police (plainte n’aillant jamais aboutit). J’ai été en échec scolaire également, Pour être orienté en cartonnerie à l’age de 16 ans. bref le processus classique de beaucoup de jeunes arabes banlieusard.es.
    Je me suis toujours demandé si celà venait de moi. Que j’étais le problème et que, le responsable de mon parcours chaotique était de mon fait. Cependant ma curiosité a pris le pa. J’ai lu, je me suis renseigné. Et la question de la responsabilité sur ce que j’ai subit est devenu plus globale. Avec un recul holistique, j’ai compris ce que les processus systémiques d’une société raciste, néo coloniale ont joué dans ma construction. Cependant, encore aujourd’hui, il m’est bien difficile de savoir si tel ou tel situations est liée à du racisme/racisme systémique ou si c’est moi qui psychote. Également la peur d’être perçu comme victime, et moi même n’aillent pas envie d’adopter un statut de victime.
    La question de refuser d’être ‹victime› est assez compliqué à gérer. Cette posture participe au fait que c’est de ma faute si je me fais contrôler par exemple. J’aurais, dans un 1er temps cette idée que cela vient de moi.
    Merci beaucoup pour cette article sur lequel je me suis beaucoup retrouvé.
    Et merci pour votre travail.

    • Viciss Hackso
      29 juillet 2022
      Reply

      Merci beaucoup pour ton témoignage.
      Clairement en plus le statut de « victime » est dévalorisant, associé à une impuissance. Alors que notre besoin, en tant que cible d’une saloperie commise par un autre, est de retrouver cette puissance qui a été sapée momentanément. C’est un terme qui fige le temps d’une façon anti-empuissantante, alors qu’on a besoin d’avancer pour être restauré, réparé, re-empuissanté. (j’ai parlé de tout ça dans le dossier sur la justice restauratrice https://www.hacking-social.com/2020/11/22/une-autre-facon-de-faire-justice-la-justice-restauratrice-et-transformatrice/ )
      Personnellement, j’essaye le moins possible d’utiliser ce mot parce qu’il est aussi trompeur, parce qu’on dit « victime » tant pour des évènements pour lesquels personne n’est responsable (être victime d’un séisme par exemple) comme des évènements où il y a un coupable et une cible (le policier qui humilie un autre juste à cause de ses origines). Les policiers agresseurs pourrait désigner les « victimes » d’une manifestation, comme si c’était la faute de personne mais de l’évènement et de son caractère soi disant arbitraire, alors que c’est eux qui les ont ciblés et violentés et qu’ils auraient pu ne pas le faire.
      Dans le cas de discriminations, d’agression, de harcèlement on est une cible : les agresseurs, qu’ils soient individus ou institutions essayent toujours de retourner leur torts sur leur cible. On est ciblé par un agresseur, un harceleur pour une raison qui est soit une jalousie, une envie, une problématique d’instrumentalisation. L’instrumentalisation, c’est qu’il se sert de nous, de l’humiliation sur nous pour se percevoir ou se montrer aux autres comme fort/dominant, parce qu’il n’a que ça ; donc parce qu’en fait, il se sent ou est très faible, très peureux, ignorant, incompétent, médiocre, il a besoin de nous déshumaniser. Et dans le cas structurel, il s’agit de tirer profit de celui qui est infériorisé, sapé, utilisé. D’où le fait aussi qu’il y ait pas mal de harcèlement à l’adolescence, parce les harceleurs se saisissent de la différence d’un autre, de l’humilier pour se rehausser eux même, faute de savoir développer des qualités qui nourrissent leur estime, leur identité personnelle etc., il exploitent les autres. C’est effroyable, mais beaucoup de dominateurs sociaux n’ont qu’une identité personnelle et sociale qu’au travers de leurs instrumentalisation, sans ça ils sont des coquilles creuses sans passions, sans liens authentique avec autrui, sans attachement culturel profond, sans amour et amitié véritablement vécu pour lui même. Ils n’existent qu’au travers de leurs écrasements ou instrumentalisation sur les autres, c’est vraiment triste de n’avoir que cela pour fierté. En tant que discriminé, on sait qu’il ne seront jamais nos modèles, on peut le porter comme une fierté et se venger en quelque sorte en nourrissant des attachement profonds et authentiques et des identités personnelles et sociales qui n’ont pas besoin d’écraser autrui pour briller.
      Dans certains cas, on peut se dire aussi « survivant » : clairement lorsqu’on a réussit à avancer malgré un parcours d’injustices répétées, on n’est pas une victime, on a survécu à des obstacles que beaucoup n’ont pas. Souvent le mot survivant est dit avec fierté, parce oui, on est là encore debout malgré toutes ces offenses injustes, et on peut être fier d’avoir réussit quand même à avancer.
      Donc je pense qu’il n’y a pas nécessairement besoin de se formuler victime : tu as survécu à tout ce merdier injuste, tu as pu dépasser ça en comprenant les processus systémiques, et j’y voit personnellement une histoire où tu as était cible de la médiocrité institutionnelle, tu peux en témoigner objectivement et rationnellement, alors qu’eux sont dans une illusion idéologique raciste et colonialiste.
      L’ambiguïté attributionnelle, au final, est aussi quelque chose qui indique un chemin qu’on a parcouru : on est conscients de la multitude de causes possibles et humble vis à vis de celles ci. Je dirais que l’information c’est le pouvoir, on lève beaucoup d’ambiguïté plus on réussit à avoir de l’information, on gagne aussi en puissance en se l’échangeant stratégiquement au sein des commu ou entre commu, en se partageant les expériences et les comment faire face à ça.
      Merci encore pour ton témoignage, force à toi pour la suite !

  2. Anonyme
    30 juillet 2022
    Reply

    Re
    Merci pour ta réponse. Je suis en très grande partie d’accord. Mais j’ai pas très bien saisie : ‹ c’est qu’il se sert de nous, de l’humiliation sur nous pour se percevoir ou se montrer aux autres comme fort/dominant, parce qu’il n’a que ça ; donc parce qu’en fait, il se sent ou est très faible, très peureux, ignorant, incompétent,› Je comprends tout à fait la notion de dominant.e/domine.e, Moi même je peux me retrouver dans une situation de dominant dans certain rapports inter ipersonnel. cependant il me semble que résumer le côté « je suis un connard/conasse avec un.e tel.le car je suis peureux, ignorant.e, incompétent.e » me pose problème. De fait, nous allons jusqu’à pathologiser des personnes à comportement opppressif et problématique Bon j’avoue que concernant l’institution policière, ça m’est égal. L’institution te construit par sa culture raciste et coloniale par exemple. Peut être que ton exemple ne s’applique pas à l’institution policière. A mon sens, Il n’en reste pas moins qu’il existe une culture viriliste chez les forces de l’ordres. De fait, exercer de la violence pour montrer à l’institution sa force. De ce que je comprends c’est par exemple :  » iel est policier.e et violent.e car iel a subies du harcèlement plus jeune et que la fonction de policie.re lui permet une sorte de vengeance ». Argument dont j’ai du mal à confirmer.
    J’ai peut-être très mal compris cette partie.
    Pour le reste, je suis plutôt d’accord. Sur la notion de « victime », laisser le choix à la personne concernée de se définir ainsi me semble important.
    En effet le terme survivant.e me paraît bien adapté. Je ne suis pas du tout expert en psychologie, mais ce terme permet de se placer de manière plus militante. J’ai survécu car je combat, je trouve des stratégies, je milite etc par exemple. Je trouve se terme plus politique. Il laisse d’avantage la possibilité aux personnes concernées de ne pas culpabiliser d’avoir subit des violences. Et Peut être arrêter de penser que c’est normal
    Je suis également d’accord avec le fait de créer des zones de non mixité.
    En tout cas merci encore pour votre réactivité et vos éléments de compréhension.

    • Viciss Hackso
      31 juillet 2022
      Reply

      Au sujet de la phrase, ce que je souhaitais dire c’est que le « jeu » de la domination , je n’y vois rien d’individuellement pathologique, au contraire c’est la conséquence des institutions occidentales qui sont fondées sur ce « jeu » : l’individu les suit pour « gagner » « réussir sa vie ». Mais en conséquence, c’est tout autant de temps qui n’est pas consacré à développer des passions, des modes de vie, des relations mutuelles variées. D’où le fait que cela les transforment, pour certains, comme inconsciemment peureux, ignorant, incompétent ; ou qu’ils se saisissent de ce jeu de la domination pour traiter leurs émotions négatives plutôt que par un jeu inverse de coopération, de lien, de soutien, prosocial (qui serait pourtant plus efficace pour résoudre ces émotions négatives).
      Je ne pense pas non plus que les policiers soient systématiquement des ex-harcelés qui se vengent dans leur fonction (ça peut sans doute arriver mais pas pour tous). Parfois ils jouent le jeu de la domination destructrice par obéissance irréfléchie, pour garder leur métier, parfois ils sont pas forcément dominateurs en arrivant mais le deviennent avec la culture policière qu’il se mette à suivre. D’autres ont choisi la fonction sciemment en des vues dominatrices, destructrices voire carrément des idéologies fascistes (je pense au livre « flic » de valentin gendrot qui rapporte ce genre d’exemple ou encore ce qu’on entend ici https://youtu.be/HDrvPpxR_1g ). Cette institution est problématiques à tout les niveaux, clairement, qu’importe les individus et leur point de départ idéologique, leur orientation à la dominance sociale, parce que l’institution les moulera d’une façon qui amènera à de la violence sur les populations stigmatisées ou pointées ponctuellement du doigt par le pouvoir.
      A noter que j’ai peut être aussi une façon d’employer le mot domination qui est inhabituelle ou qui est bizarre lorsque je le lie à des situations de harcèlement : en fait pour moi le harcèlement, par exemple chez les adolescents, est aussi le reflet de notre société occidentale qui est un jeu de hiérarchie sociale, de compétitition, ou les individus qui différent « méritent » d’être humilié parce que ça serait de leur faute. Je n’y vois rien de pathologique, c’est même affreusement « normal » et c’est là tout le drame à mes yeux. Les gamins harcèlent parce que c’est comme ça qu’on leur appris (inconsciemment) à compenser leurs émotions négatives, en les rejetant sur autrui (et leur apprend pas à traiter/composer avec les causes profondes de celles-ci, parce que d’autres éléments culturels comme des formes de masculinité toxique interdisent de parler de celles-ci voire même de les explorer soi-même).
      En fait, tout ça pour dire que j’emploie ces termes selon la psycho sociale, je pense la domination au travers du SDO (social dominance orientation, pratto et sidanius) et que les chercheurs n’y voient rien de pathologique, mais qu’il s’agit davantage de dynamique sociales endossées par l’individu qui répétent les modes de jeu de sa société, culture, mode de fonctionnement structurels ; j’en ai parlé longuement aussi ici dans mon livre, je l’ai lié à des études de cas de la police et ces dérives : https://www.hacking-social.com/2021/09/17/en-toute-puissance-manuel-dautodetermination-radicale/ (à partir de la page 453, je pense pas qu’il y ait forcément besoin de lire l’avant entier, les chapitres peuvent être relativement indépendants)
      A noter que pour le terme survivant, effectivement en fait cela vient des milieux militants ; personnellement je l’ai trouvé dans des groupes abolitionnistes de la police et qui développe d’autres formes de justice, ici par exemple : https://transformharm.org/ (a noter qu’ils ont aussi des tas de tutos pour faire face des problématiques policières c’est hyper intéressant )
      Merci pour tes commentaires qui me permettent de clarifier mes propos !

  3. Anonyme
    31 juillet 2022
    Reply

    Re,
    ok en effet c’est moi qui est mal compris. Et c’est carrément plus clair. Merci d’avoir pris le temps de ré expliquer cette partie. Concernant l’institution policière, je suis entièrement d’accord., cette institution est construite sur une dalle de béton construite par le temps et l’histoire. Elle est impossible à casser. Une dalle énorme qui concentre violence, racisme, validisme, classisme, virilisme…. le tout bien dure et bien épais. Et chaque jour, une nouvelle couche de béton vient s’ajouter. Ils ont beau essayer de mettre un lino bien fin par dessus pour éviter que cela se voit. Un petit verni et hop, ça suffit à la justice pour protéger une institution qui jouis d’un pouvoir de plus en plus autonome et dangereux ( désolé j’aime bien les métaphores nases 🙂 Et comme tu l’explique dans ton premier commentaire, la police et la justice arrivent en permanence à renverser la charge de la preuve. Genre « il est mort dans une voiture de police, c’est à cause de son agressivité, en plus il a un casier et il est connu des services de polices » argument systématiquement utiliser dans le cas de meurtre ou de violence ou harcèlement.
    En plus des problématiques structurelles de cette institution, individuellement c’est la porte ouverte à toutes les personnalités autoritaires. Les fasciste, les xenophobes, LGBTQI+phobe, viriliste etc… y a toute sa place. Jamais je ne peux pourrais trouver d’excuses à n’importe qu’elle policier.

    Concernant les dynamiques chez les adolescent.es. Moi même, j’ai été un « sale gosse ». C’est à dire que j’ai pu faire partie de bandes à l’époque du collège ou j’ai pu harceler d’autres élèves. Ce que je regrette énormément. Après avoir beaucoup réfléchit sur le pourquoi j’ai pu faire ça, j’ai pu l’expliquer par le contexte social, mon environnement, la jalousie. « Pourquoi mon/ma camarade y arrive et pas moi ?  » ou  » pourquoi les profs aiment toujours les mêmes et pourquoi nous (les jeunes arabes) l’école nous détestent ? ». Déjà à cette age là on se pose la question de la causalité. L’idée n’est pas de me chercher des excuses mais des explications. Du moment que l’on vient d’un quartier populaire, que l’on a ces potes qui viennent du même endroit, les profs et l’école nous assignent déjà à des ados problématiques. De fait, il est compliqué à cette age là, de ne pas rentrer dans cette catégorie. On se dit « au moins j’ai une fonction ». Et je peu t’assurer que l’on devient très con.
    Maintenant la 30 ène bien passé, je suis éducateur en MECS (Maison d’enfant à caractère social). Quel nom horrible donné à un foyer pour enfant et jeune adulte.
    Je pourrais écrire longuement sur l’aide sociale à l’enfance. Mais je vais me contenter de répondre à la question des dynamiques de harcèlements.
    En effet, j’ai observé beaucoup de solidarité entre les jeunes dans le foyer. Il y a très peu et très rarement du harcèlement entre elleux. En revanche, ces mêmes jeunes, pour certains du moins, sont des harceleurs à l’école. Souvent en échec scolaire, ciblé par certains prof comme jeune problématique. Ces mêmes ados qui sont dans une démarche de survies, de stratégies, de solidarités entre elleux dans le foyer peuvent devenir « problématiques » à l’école. Si la jalousie, l’assignation etc… jouent un rôle important, il n’en reste pas moins que les conséquences sur d’autres collégien.nes sont vraiment horrible. Autant les dynamiques structurelles de l’école y participe en très grande partie. Ensuite viennent s’ajouter la situation familial personnelle des jeunes à qui la société et les pouvoirs demandent de devenir « autonome » très jeune. Iels sont prisent dans nombre d’injonction paradoxale. C’est insupportable.

    Je suis en grande partie d’accord avec toi sur :  » Les gamins harcèlent parce que c’ est comme ça qu’on leur appris (inconsciemment) à compenser leurs émotions négatives, en les rejetant sur autrui (et leur apprend pas à traiter/composer avec les causes profondes de celles-ci, parce que d’autres éléments culturels comme des formes de masculinité toxique interdisent de parler de celles-ci voire même de les explorer soi-même). »
    En effet c’est que j’observe au travers de mon taff. Aussi, il me semble important d’essayer de comprendre les rapports sociaux sur la base de dynamiques structurelles.
    Encore merci pour cette échange et tes sources associées.
    J’aime beaucoup votre taff 🙂

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