♦ [AM5] Pourquoi certains résistent aux normes de groupe prônant la violence sur autrui ?

Précédemment, nous avions vu les facteurs amplifiant notre internalisation de normes de groupe violentes ; aujourd’hui on voit l’inverse, à savoir la résistance aux normes de groupe qui prônent la violence sur autrui.

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La totalité de ce présent dossier est disponible en epub : autodetermaltot


Contrer le mal : l’identification sociale à des normes sociales multiples et divergentes


Si certains de nos endogroupes approuvent des normes préjudiciables mais que d’autres s’y opposent, les individus percevront que tout une gamme de comportements est possible et pourra donc remettre en cause les normes préjudiciables.

Généralement les personnes ont accès à des multiples normes sociales (religieuses, politiques, nationales, familiales1) et cette situation rend plus difficile l’intériorisation de normes préjudiciables.

Le changement de contexte peut aussi faire changer de normes : lorsque des individus (par exemple, le personnel militaire) passent d’un contexte dans lequel la norme encourage à blesser et tuer un exogroupe, à un contexte post-conflit dans lequel ces actes préjudiciables sont considérés comme immoraux et injustes, il y a changement de ces normes2.

C’est comme si nous avions une constellation de relations passées, présentes et futures, liées à de multiples identités sociales. Être membre de multiples groupes nous permet d’aller au-delà des processus de catégorisations rigides3. Comme les normes divergent selon les groupes, la personne peut bloquer l’intériorisation des normes préjudiciables à autrui, parce qu’elle considère une humanité unique à chacun, fait de multiples appartenances et façons d’être4. La personne est libérée de l’imposition rigide de caractéristiques prédéterminées.

La personne fait en quelque sorte un tri de tout ces contenus reçus de toute part et la recherche montre5qu’elle est plus encline à accepter de nouveaux groupes et identités sociales qui ont des aspects compatibles à leurs identités préexistantes. Ainsi, si dans la famille l’altruisme est une valeur importante qui a été internalisée, il est possible que la personne s’oriente davantage vers un groupe dont l’activité est d’aider plutôt que de détruire. Et cumuler ces groupes partageant cette similitude devrait diminuer la probabilité de rejoindre le groupe qui promeut la malveillance.

Amiot explique que face à ces personnes, un dictateur qui voudrait imposer son projet destructeur devrait travailler à éroder les normes préexistantes promouvant la compassion et le soin à autrui, pour construire et promulguer une norme nouvelle et divergente qui soutient la discrimination et la violence.

C’est un constat partagé par d’autres spécialistes du génocide comme Semelin (2005), qui souligne que toute les politiques et normes sociales consistant à punir ou à empêcher vivement et publiquement les actes d’aide envers autrui comme des signes pré-génocidaires. Si aider une personne à survivre devient un crime, c’est que l’aidé a déjà été déshumanisé, objectivé ou vu comme une menace inhumaine, ce qui est correspond aux idéologies génocidaires.

Noter que cela passe par le fait de s’attaquer à des comportements prosociaux pour les redéfinir comme mauvais : c’est actuellement ce qui se passe avec les migrants, y compris d’un point de vue structurel.

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006147789/2005-03-01/

Les aidants sont condamné :

Aide aux migrants : le militant Cédric Herrou condamné à quatre mois de prison avec sursis en appel – France Bleu

Inversement, plus les normes d’égalité, les droits de l’homme et les valeurs humanitaires sont propagées, plus la promulgation de nouvelles normes de discrimination et de violence peut devenir de plus en plus difficile à promouvoir pour les nouveaux chefs de groupe (Pinker, 2011).

Par exemple, Zemmour a fait scandale6, y compris dans des partis d’extrême droite, quand il a fustigé l’obsession de l’inclusion en école ordinaire des élèves avec handicap, pour préférer les écarter des autres élèves. Tous les autres partis y ont vu un appel à la ségrégation, ce qui l’a poussé à modérer ses propos, mais il a tout de même dit « On a décidé que c’était mieux de mettre tout le monde ensemble. Moi, je pense que non » en justifiant cette séparation par le fait que ce serait un moyen de mieux s’en occuper.


Contrer le mal  : l’identification inclusive et superordonnée


Si la personne s’identifie d’abord comme un être humain (une identification superordonnée7) et ce de façon inclusive, sans nier leurs différences (les personnes de toutes les nations et ethnies sont aussi des humains), cela permet de réduire l’adoption de normes préjudiciables à autrui. L’identification à l’être humain peut donc encourager le respect des intérêts et des perspectives des différents sous-groupes.

À noter qu’il ne s’agit pas ici d’être « color blind », autrement dit se dire « ne pas voir les couleurs », car ce discours est associé à un racisme moderne qui rejette l’existence des injustices, donc qui refuse toute lutte contre la discrimination car il n’y en aurait pas de problèmes selon eux. Une étude8 montre que ces individus color blind n’ont effectivement aucune motivation à diminuer les préjugés.

Ici Color blind n’a rien à voir avec le fait d’être daltonien, mais de réfuter l’existence du racisme structurel et des préjugés. Ishihara 9 – Color blindness – Wikipedia

Pour que cette identification à l’être humain ne soit pas préjudiciable, elle nécessite de reconnaître les différences entre les groupes, de ne pas nier leur caractéristiques uniques9

Amiot dit qu’imposer une telle identité superordonnée exclusive à tous les membres des autres groupes de manière rigide10, sans reconnaître leurs propres luttes11 et leurs expériences de discrimination12, s’est avéré brouiller les frontières entre les groupes et démotiver l’action collective13: dans ces conditions, la grande identification à l’humain échoue à diminuer les discriminations ou à participer à les combattre.

Dans le cadre de la théorie de l’autodétermination, Amiot dit qu’on peut s’attendre à ce qu’une identification à l’humain, de façon inclusive et consciente des discriminations ou des différences, amène à combler le besoin de proximité sociale, parce que ces personnes peuvent alors se connecter à toutes sortes de personnes (contrairement à ceux dont l’identification est liée à un seul groupe prédominant et qui donc sont limités aux seuls membres du groupe).

Et qui dit besoin davantage satisfait ou au contraire plus frustré, dit qualité de motivation différente. C’est ce que nous allons observer à présent en regardant comment se présenteraient les différentes motivations autonomes à commettre des préjudices.


Les différentes motivations autodéterminées à faire du mal


Le mécanisme d’internalisation des comportements préjudiciables est varié selon les différentes motivation des individus. Pour rappel voici le schéma qui montre les différentes motivations selon la théorie de l’autodétermination :

La motivation intrinsèque

On est motivé intrinsèquement par les comportements et activités qui nous procurent une satisfaction par eux-mêmes : on joue au jeu vidéo parce qu’on aime le jeu vidéo, on est motivé intrinsèquement par notre métier créatif car on adore créer, on va nager parce qu’on aime le contact de l’eau, etc.

On est souvent à motivation intrinsèque pour nos passions, nos loisirs, nos jeux, nos sports préférés et généralement des activités pour lesquels on ressent directement un plaisir et/ou un flow :

Résumé des caractéristiques du flow

C’est une motivation très puissante parce que l’environnement social n’a pas besoin de la susciter chez autrui. Un enfant peut avoir une motivation intrinsèque à tel jeu sans que personne ne soit intervenu. Mais cette motivation est également très fragile : on sait que les individus perdent leur motivation intrinsèque aux activités scolaires à travers le cursus, notamment parce que leur besoin est sapé à travers les formes contrôlantes d’apprentissage. La seule exception est au Québec (voir vidéo de Ryan ci-dessous), avec une rapide remontée à la fin du cursus, parce que les élèves ont soudain beaucoup de choix, leur besoin d’autonomie est comblé.

Peut-on donc avoir une motivation intrinsèque à faire du mal, et ce qu’importe ce qu’un groupe en dit ?

Il y a peu d’études à ce sujet, mais Amiot cite par exemple, que les individus pratiquant la chasse (dans un contexte où cela ne répond pas à des besoins de se nourrir ou de se défendre d’une menace, mais bien à une activité de loisir) ont une motivation intrinsèque au fait de tuer les animaux14. On pourrait donc avoir du plaisir à tuer en l’absence de tout avantage pour l’endogroupe, sans même que cela concerne une expression de son identité sociale, c’est juste qu’on aimerait intrinsèquement cette activité de tuer.

Ceci étant dit, j’ai l’impression que cette motivation intrinsèque est davantage lié aux caractéristiques de la situation qui peut être à flow : dans les études sur le flow, beaucoup de comportements « immoraux » comme le vol, le banditisme ou ayant des fins morbides non nécessaires (la chasse et la pêche pratiqué comme loisir), sont à flow en raison du défi et de la compétence optimisé qu’elle procure. Il en va de même pour les activités dangereuses pour la vie des personnes la pratiquant (étude sur l’escalade), tous les sports extrême par exemple. Les personnes ne sont pas motivées à se faire du mal ou à saisir les opportunités de souffrance, mais plutôt motivées par les compétences face au défi, au fait que ce soit structuré comme un jeu.

On peut très bien le voir et l’expérimenter soi-même dans le jeu vidéo ou ces situations immorales peuvent être pratiquées mais sans leurs vrais fins, à savoir les morts, la souffrance ou les conséquences sur autrui. Ainsi j’avoue être moins convaincue lorsqu’Amiot justifie qu’il peut y avoir une motivation intrinsèque à faire du mal (chasse, pêche, banditisme) voire à s’infliger du mal (prise de drogues) avec des activités potentiellement à flow, possiblement motivante également dans un cadre de recherche d’hédonisme, de sensations fortes et d’adrénaline. Cela ne veut pas dire que je justifie là qu’il serait bon de pratiquer ces activités, mais que les motivations intrinsèques me semblent porter sur autre chose que le fait de faire du mal ou se faire du mal. Il me semble que la motivation prend source sur le « jeu » qu’il représente, avec toutes ses phases demandant des compétences ou capacités, des choix, une proximité sociale qui peut combler des besoins, et ce, malgré des conséquences négatives. On le voit d’ailleurs dans les expériences de Rigby (2011) : si on propose un jeu aux personnes et qu’on augmente le niveau de gore, cela ne les motivent pas plus, ce n’est pas la violence du jeu qui attire, mais bien le reste, à savoir l’exercice d’une compétence dans un défi adapté, qui au passage comble leur besoin d’autonomie, de compétence et de proximité sociale si le jeu a des aspects sociaux.

La motivation à régulation intégrée

La régulation intégrée est une motivation extrêmement autodéterminée qui est rare chez les personnes, parce que c’est une motivation pour une action qui permet à la fois l’expression de soi, colle à ses valeurs, ses visions du monde et tous les buts de la personne. C’est à la fois quelque chose de très réfléchi sur tous les plans, mais aussi émotionnellement fortement congruent avec tout ce qu’on estime être, avoir besoin et ce de façon existentielle. On pourrait dire que ce sont des motivations puissantes liées au sens qu’on donne à la vie de façon extrêmement autonome. Ainsi, même si tout le monde pense le contraire autour de nous, que l’action est interdite, source d’humiliation, de dangers et menaces, on ne l’abandonnera pas, car elle compte pour nous sur tous les plans.

Par exemple ce faussaire, en plus de courir de forts risques, a travaillé jusqu’à en perdre son œil, pour sauver des enfants durant la seconde guerre mondiale :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/les-pieds-sur-terre-du-lundi-21-janvier-2019-8005705

Une motivation intégrée à des actes préjudiciables serait donc parce que l’individu s’y sent exprimer son identité, les valeurs du groupe, y compris s’il n’en retire pas d’avantages. Scheepers et al. (2006a) indique que les biais endogroupe (=favoriser les membres de son endogroupe, leur attribuer plus de qualités, etc.) et la dérogation exogroupe (=tendance des membres du groupe à avoir un mauvais comportement envers les membres d’un exogroupe) servent d’expression identitaire, voire de célébration identitaire. Autrement dit, lorsqu’un homme faisant parti d’un groupe sexiste se vante d’avoir eu des attitudes dénigrantes voire violentes envers une femme, qu’il est enthousiaste de partager ceci et que son groupe le valorise, c’est une célébration identitaire. Un peu comme on fêterait par exemple l’acquisition d’un diplôme de nos proches ou une réussite quelconque qui le fait évoluer. Ici c’est l’écrasement de l’exogroupe qui est une fête.

Cette fonction de célébration identitaire explique également pourquoi des membres d’un groupe stable (c’est-à-dire ayant des conditions de vie sécurisantes et non mouvementées), de statut élevé, adoptent des comportements préjudiciables envers les exogroupes : c’est une façon d’exprimer leur identité voire de la célébrer. Ainsi un patron peut par exemple humilier son employé non pas parce qu’il croit que ça augmentera son obéissance ou sa productivité, ni même que cela le fera être plus respecté par les autres patrons, mais simplement pour exprimer son identité sociale qu’il estime supérieure tout en exprimant l’infériorité de l’employé. Un peu comme un chanteur serait satisfait de pouvoir chanter car il exprime qui il est à travers son chant, sa performance de chanteur, ici le patron à préjugés exprimerait son identité sociale estimée supérieure par l’humiliation de l’exogroupe. Et il n’en attend même pas un avantage particulier, puisque c’est à régulation intégrée, c’est totalement autonome et lié au sens de son existence, comme si au fond il se retrouvait parfaitement dans la formule « j’infériorise ou domine l’exogroupe, donc je suis ».

On est ici proche de la notion d’infrahumanisation (Leyens et al., 2001) : c’est la tendance à considérer son endogroupe comme possédant plus de qualités humaines que les membres de l’exogroupe, et c’est une tendance qui existe même lorsqu’il n’y a pas de conflits15.

A noter que c’est distinct de la déshumanisation qui là peut aller jusqu’à retirer toute humanité à l’autre, le rendre plus proches d’animaux considérés comme nuisibles (cafard etc). Les périodes pré-genocidaires sont emplis de discours déshumanisants, parce que pour pouvoir massacrer en masse, les futurs soldats au service du génocide ne doivent plus considérer l’exogroupe cible comme faisant parti du genre humain, sinon ils n’arriveraient pas à commettre les horreurs qui leur sont commandées.

L’infrahumanisation est par contre fréquente, commune et ce qu’importe les situations politiques. Lorsqu’elle advient lors d’un conflit, la croyance que leur groupe serait seul complètement humain, se considérant comme supérieur, les amène à se privilégier par rapport à l’exogroupe16 et permet aux actes préjudiciables de se produire, ces actes étant considérés par les infrahumanisateurs comme un reflet de l’ordre social naturel.

La motivation à régulation identifiée

On est à motivation identifiée lorsqu’on s’identifie au comportement, on le fait parce qu’on estime que c’est bien d’être une personne ayant ce comportement. Par exemple, on va changer la litière du chat parce qu’on s’estime être une personne responsable de son animal. On fait les choses pour continuer à être cette « bonne » personne.

Ici, on sent déjà moins d’autonomie que dans les précédentes motivations, car c’est lié à une représentation de qui on doit être, donc possiblement sous l’influence de l’extérieur et des représentations stéréotypées. Mais cela reste autonome parce que c’est la personne en toute autonomie qui fait le comportement lié à une identification : par exemple, une personne s’identifiant au « pro» et qui pour cela fait des actes d’organisation et de propreté de son bureau, le fera même si cela ne lui apporte pas plus de salaire, que c’est potentiellement ridiculisé par les autres qui le verrait comme trop maniaque. Faire un comportement lié à cette identification nous satisfait, nous comble, qu’importe si l’environnement n’est pas vraiment d’accord ou s’en fiche, on estime que c’est la bonne chose à faire pour continuer à être la personne que l’on veut être. À noter que cela peut porter sur des comportements intrinsèquement désagréables ( tel que s’occuper des poubelles, faire un travail pénible, etc.) et pourtant on le fera tout de même.

Dans un contexte de conflit, il pourrait y avoir une régulation identifiée au fait de porter préjudice à l’exogroupe : il peut être dit que cela apportera des avantages à l’endogroupe pour atteindre ces buts collectifs liés aux ressources, à la protection et au bien être du groupe. Ainsi la personne s’identifiant par exemple à quelqu’un de « responsable », « prenant soin des siens » peut adhérer à des comportements nuisant aux autres, comme la collaboration avec les nazis durant la guerre, la dénonciation des résistants, l’obéissance à des ordres préjudiciables à l’autre groupe. Par exemple le commandant de camp Stangl s’identifiait à un bon policier efficace (son ancien métier), et il a continué à travailler au mieux possible, y compris lorsque son métier consistait à participer à tuer des handicapés, des malades ou désignés comme tel : il a continué et persister à s’identifier à ses codes de « bon professionnel » même lorsque l’activité était de gérer l’extermination des prisonniers du camp. Ici, il explique comment il appliquait les savoirs de son métier précédent à la situation, tout en les compartimentant :

[Sereny] Comment pouviez-vous alors, en votre âme et conscience, vous porter volontaire pour prendre part quelconque à ce crime ?

[Stangl] C’était une question de survie – toujours de survie. Tout ce que je pouvais faire, pendant que je continuais à essayer de me tirer de là, c’était de limiter mes propres actions à un domaine dont je pouvais répondre en toute conscience. A l’école d’entraînement de la police, on nous avait appris – je me souviens, c’était le rittmeister Leitner qui disait toujours ça – que la définition du crime devait satisfaire à quatre conditions : il fallait un sujet, un objet, une action, une intention. S’il manquait un seul de ces quatre éléments, alors on avait pas affaire à un crime punissable.

Je ne vois pas comment vous pouviez appliquer ce concept à la situation.

C’est ce que j’essaie de vous expliquer : je ne pouvais vivre que si je compartimentais ma pensée. C’est par ce moyen que je pouvais appliquer la définition à ma propre situation ; si le « sujet » était le gouvernement, l’ «objet » les juifs et l’ «action » celle de gazer, alors je pouvais me dire que pour moi le quatrième élément « l’intention [qu’il appelait « libre volonté »] manquait ».

L’identification était donc pour lui compartimentée, il le dit lui-même, à noter qu’on voit aussi dans le reste de l’ouvrage du déni, de la dissociation parfois aussi, il buvait énormément, c’était un état psychique relativement catastrophique. Quand bien même la motivation identifiée apporte généralement de la satisfaction à celui qui la porte, lorsqu’elle est compartimentée, ce n’est plus vraiment le cas.

La motivation identifiée à des actes préjudiciables émerge donc dans un contexte où les exogroupes sont perçus comme menaçants les valeurs et les visions du monde du groupe17, et les menaces intergroupes (tout ce qui sera perçu à tort ou à raison comme tel) légitiment l’expression de l’hostilité et les préjugés envers les exogroupes.

Les autres motivations : introjectée, externe, amotivation

Les autres motivations ne sont pas autonomes et donc ne conduisent pas à une motivation autodéterminée à faire du mal. Cependant, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas causer du mal avec ces motivations.

Pour la motivation externe, l’expérience de Milgram montre qu’on peut obéir de façon destructive, et ce sans punitions ou récompenses à la clef, simplement parce qu’il y a des symboles d’autorité et des ordres. Comme on l’a vu précédemment, les interprétations de ce résultat postulent cependant que c’est par identification à l’autorité que certains ne vont pas hésiter à électrocuter dangereusement la cible, il pourrait donc y avoir une motivation identifiée. Évidemment, la motivation externe qui nous conduit à faire du mal peut apparaître dans toute situation où l’on est objectivement menacé (sous la torture, avec un pistolet ou une arme sur la tempe, etc.) si on ne fait pas le comportement préjudiciable : on ne veut vraiment pas faire ça, mais la menace de mort ou de torture étant réelle, c’est une question de survie.

Par motivation introjectée, on peut faire du mal sans non plus le vouloir : l’effet spectateur montre par exemple qu’on n’aide pas une personne parce qu’on a peur d’avoir honte ou d’être mal perçu si on a un comportement différent des passants. Les pratiques de bizutage pourraient être introjectée ou identifiée, là encore on suit le groupe dans ces pratiques violentes pour ne pas en être rejeté ou pour être accepté, et cela va aussi par accepter de subir du mal. Là encore, la frontière peut être floue avec une motivation identifiée (on s’identifie au groupe faisant du mal et pas à celui qu’on fait souffrir, il peut aussi y avoir des aspects de « célébration identitaire » dans les bizutages les plus violents et pervers ).

Par amotivation à des pratiques prosociales, on laisse aussi un mal se dérouler sans intervenir, on peut être un témoin passif, protéger des agresseurs, etc. L’amotivation peut être due à un manque de connaissances, de compétences : ainsi pour remédier à ce problème, il s’agirait ici d’apprendre les pratiques prosociales qui démotiverait aussi aux pratiques antisociales par rebond. On a vu précédemment avec l’étude des colorblind qu’on peut être amotivé à lutter contre les discriminations parce qu’on ne croit pas en leur existence, ce qui mène à avoir des comportements très préjudiciables voire discriminatoires (ne pas croire les victimes, dénier leur parole, refuser l’accès aux mêmes droits, le tout soutenu par une idéologie qui dénie l’existence même des injustices).


8. Mais est ce que tout ça est vraiment une autodétermination à faire des horreurs ?


On a déjà vu que certaines expériences18 connectaient effectivement des comportements préjudiciables à des motivations autodéterminées et que les gens étaient tout à fait au clair avec ceux-ci, puisqu’il n’y avait pas de conflit mental à les effectuer, ni un problème émotionnel à le reconnaître.

Dans une autre expérience (Amiot, Sansfaçon, & Louis, 2013a), les résultats ont révélé que les participants qui ont mentionné qu’un endogroupe les encourage à adopter un comportement préjudiciable (par exemple, la prise de drogue, la diffusion de rumeurs, la discrimination) se sont avérés être plus motivés, à la fois autodéterminés et non-autodéterminés, par rapport aux participants dont les comportements nuisibles n’étaient pas pris en charge par l’un de leurs endogroupes.

Plus les participants étaient personnellement d’accord avec une norme endogroupe en faveur du comportement préjudiciable, plus leur motivation autodéterminée à s’engager dans ce comportement était forte.

Mais comment est-ce possible ? Amiot explique que le préjudice mené sur un exogroupe représente l’expression d’une norme pour protéger et défendre les intérêts de l’endogroupe, il n’est donc promulgué qu’avec l’intention que cela profite à l’endogroupe. Autrement dit, ils font du mal aux autres car ça représente du « bien » ou un « plus » pour leur groupe, selon leur idéologie et la façon dont ils catégorisent les choses. Et ils peuvent avoir un lien personnel autonome à ces activités de préjudice et de discrimination, c’est-à-dire qu’ils sont personnellement en accord avec ces activités, ils ne le font pas juste parce que le groupe l’a mis en norme ou le presserait à le faire : c’est effectivement de l’autodétermination dans ce cas.

Et on retrouve ce but de privilégier les intérêts de l’endogroupe en faisant du mal aux exogroupes à échelle politique : les politiques discriminantes telles que la ségrégation aux États-unis étaient faites pour que les blancs aient plus de privilèges que les noirs. Dans la pratique de l’esclavage, les préjugés et la déshumanisation était cultivés pour légitimer l’exploitation des personnes rendues esclaves, et ainsi le groupe blanc dominant pouvait maintenir ses privilèges, augmenter ses ressources et sa supériorité, par l’exploitation, sans avoir de mauvaise conscience à cela (puisqu’il les déshumanisait en amont). On a vu aussi précédemment que durant le génocide des Tutsis, une des motivations au quotidien des génocidaires hutus étaient de rafler toutes leurs possessions et richesses.

Quand on creuse, on trouve souvent que le groupe dominant ou celui qui maltraite à un intérêt matériel à exploiter le groupe cible, ne serait-ce que conserver son statut supérieur et ses privilèges. Mais est-ce qu’il est pleinement autodéterminé lorsqu’il fait ça, étant donné qu’il est dépendant d’un autre qu’il exploite, qu’il a besoin de le contrôler en permanence, de le faire parfois avec des affects négatifs de colère, de haine ? L’autonomie ne serait-elle pas d’exister sans avoir besoin d’oppresser un autre et de viser des buts communs qui ne sont pas de rafler au maximum la supériorité, les ressources, bref des aspirations extrinsèques ? L’autodétermination, n’est-ce pas être en rapport apaisé avec le maximum de gens et viser un bonheur commun ou des luttes contre l’adversité commune, plutôt que de voler ou de détruire d’une façon ou d’une autre ce que l’autre a besoin pour exister, que ce soit sa dignité, ses forces de travail, ses ressources, sa culture ? N’est-ce pas d’une lâcheté ou d’une manque de compétence considérable que de ne pas construire ses propres identités par ses propres compétences, ses actions, ses liens, sa vie, pour préférer écraser l’autre ?

À vrai dire, il y a encore peu d’études sur l’autodétermination à faire du mal et les comportements préjudiciables étudiés sont peu immoraux (dans l’étude des fans de hockey par exemple avec les insultes) ou alors les gens étudiés ne dépassent pas certaines frontières de violence.

On voyait dans cet échantillon qu’il y a peu de comportements d’agressions physiques :


Je n’ai pas vu d’étude sur l’autodétermination à faire du mal avec des mesures de l’orientation de causalité ou les aspirations extrinsèques : or on a vu que justement, quantité de comportements préjudiciables sont liés à ces deux points. Pourrait-on parler d’autodétermination à faire le mal si l’individu cochait des motivations autonomes à ses actes préjudiciables, mais pas des buts intrinsèques ou une orientation autonome ?

Ceci étant dit, je pense néanmoins qu’une orientation autonome à faire du mal est néanmoins tout à fait possible, en témoignent les études sur la créativité immorale19 : pouvoir créer, c’est avancer vers l’inconnu, chercher les nouvelles possibilités, casser les normes établies, en créer de nouvelles. Cela me semble demander une orientation autonome, parce que l’orientation contrôlée ou impersonnelle bloque totalement le champ de vision sur ce qui pourrait être fait de nouveau. Donc il est tout à fait possible que la personne soit en orientation autonome pour créer ou participer à des horreurs, pour cela elle a juste besoin de supprimer son empathie cognitive, ne pas se mettre à la place des autres qui peuvent subir les conséquences de cette création. Attention je ne parle pas ici de personnes en conflit ou en ambiguïté sur les créations à la Oppenheimer, conscient de la destructivité de la création tout en ne voyant pas d’autres solutions que d’avancer vers elle pour s’opposer à une destructivité encore plus forte, et le vivant mal parce qu’il y a une pleine conscience empathique qui est toujours là. Je pense plutôt à des cas de chercheurs et bidouilleurs très ouverts et créatifs qui se sont mis au service de projets qu’ils savaient à potentiel dérives, de plus dans un contexte idéologique contraire aux leurs, mais qui par soif de créativité, d’exploration de champ de possibilités nouvelles, n’ont pas pu résister à l’appel créatif : Cambridge analytica20 était par exemple composé de plein de profils de gauche ou n’étant pas d’extrême droite, très créatif, ouvert aux possibilités, autonomes et à motivation souvent autodéterminées avec de forts affects positifs de fascination, etc. ; et pourtant ils ont œuvré pour l’extrême droite, avec des manœuvres immorales (surveillance massive, irrespect des lois, manipulation des personnes, etc.).

Concernant les buts intrinsèques, j’ai encore moins de doutes : toutes les idéologies même les plus violentes et ayant conduit à des génocides se sont justifiés par des buts prosociaux et intrinsèques à un moment donné. Très clairement, on le voit dans les recherches : ce qui nourrit la motivation autodéterminée à faire du mal est composé de buts intrinsèques, ne serait-ce que pour s’occuper au mieux de son groupe et leur apporter du bien-être. Et cette arnaque peut fonctionner tant que l’individu est distancié des conséquences de ses actes ou tant qu’il maintient l’illusion que la cible est une sorte d’objet pas du tout humain ou nuisible. S’il se réveille et prend conscience qu’il agissait de façon horrible sur des humains et pas des objets, ce ne sera pas supportable.

Stangl était au début des entretiens avec Gitta sereny dans une franche déshumanisation :

« Serait-il exact de dire que vous en êtes venus à éprouver le sentiment que ce n’étaient pas réellement des êtres humains [les personnes dans les camps de concentration/extermination qu’il dirigeait]  ?

Un jour au Brésil, des années plus tard, j’étais en déplacement. Le train s’est arrêté à coté d’un abattoir. Le bétail dans les enclos, en entendant le train, a trotté jusqu’à la barrière et nous a fixés. Ils étaient tout prêt de ma fenêtre. Et j’ai pensé alors « regarde, ça ne te rappelle pas la Pologne ?  C’est comme ça que les gens regardaient, avec confiance, juste avant d’entrer dans les boites… » […]

Donc vous ne les sentiez pas comme des êtres humains, n’est ce pas ?

C’était une cargaison. Une cargaison. »

Il dit à un autre moment :

« voyez vous, je les ais rarement perçus comme des individus. C’était toujours une énorme masse. Quelquefois j’étais debout sur le mur et je les voyais dans le « couloir ». Mais – comment expliquer – ils étaient nus, un flot énorme qui courait conduit à coups de fouet comme…. »

Vous ne pouviez rien y changer ? Au poste que vous occupiez, ne pouviez vous pas empêcher le déshabillage, les coups de fouet, l’horreur des parcs à bestiaux ?

« Non, non, non. C’était le système. Wirth l’avait inventé. Il fonctionnait. Et parce qu’il fonctionnait, il était intangible. »

Les entretiens avec Gitta Sereny ont été comme une psychothérapie très intense en peu de temps, car elle était très douée pour écouter, et l’évocation de toute sa vie l’a rappelé à des identités personnelles et sociales qui n’étaient pas déshumanisantes ni participant à des projets horribles.

Il s’est rappelé de son identité personnelle qui était à des lieux de l’identité sociale nazie, a pris conscience qu’il aurait pu avoir une identité sociale comme celle de tisserand, de père de famille, bref une toute autre vie sans participation à des horreurs. Pour la première fois, il exprimera des regrets sincères, une prise de conscience :

«  Je n’ai jamais fait de mal à personne volontairement, moi-même. Mais j’étais là. Donc en réalité, j’ai ma part de culpabilité, oui… parce que ma faute… ma faute… ce n’est que dans ces conversations… à présent que j’ai tout dit pour la première fois. Ma faute est d’être encore là. Voilà ma faute.

Encore là ?

Je devrais être mort. Ma faute est là.

Voulez vous dire que vous auriez dû mourir ou vous auriez du avoir le courage de mourir ?

Prenez-le comme vous voulez. […] j’ai eu un sursis de vingt ans -ving années qui ont été bonnes. Mais croyez-moi aujourd’hui, je préférerais être mort… »

Gitta sereny dit que lorsqu’ils ont quitté l’entretien, il est devenu d’un coup très gai.

Stangl est mort 19 heures après ce moment, d’une crise cardiaque, l’autopsie a bien confirmé qu’il ne s’agissait pas d’un suicide. Gitta Sereny explique :

« Il avait le cœur malade et il est à peu près certain qu’il serait mort bientôt de toute façon. Mais je crois que s’il est mort à ce moment, c’est qu’il avait enfin – si brièvement que ce fut – affronté et dit la vérité »

Cet extrait est important car très rare : quand il y a prise de conscience complète de véritables horreurs, il n’y a pas pire punition pour l’individu, car c’est une vague de culpabilité, de remords, de jugements négatifs d’une intensité qu’on ne peut pas imaginer. On retrouve cela aussi dans la prise de conscience de certains tortionnaires qui, une fois leur empathie remise en place, vive un enfer.

Et c’est d’ailleurs pour cette raison que d’autres psychologues, spécialisés notamment dans le génocide disent que certains ne pourront jamais prendre conscience de leur actes car cette prise de conscience est une mise à mort intérieure totale, un enfer psychique à hauteur de la violence des actes qu’ils ont commis.

Ainsi, personnellement je ne pense qu’il ne peut pas y avoir une pleine autodétermination à une activité sans une prise de conscience complète et informée de ce qui est fait, réalisée avec toutes les capacités cognitives et empathiques de la personne et une information suffisante à disposition.

Ceci étant dit, au vu des expériences et hypothèses, oui il peut y avoir des formes d’autodétermination à faire du mal pour certains petits actes de malveillance, mais leur degré de gravité, qualitativement et quantitativement, peut ne plus être soutenable sans supprimer l’empathie, sans la compartimentation, bref sans que le psychisme supprime ce qui permet de prendre conscience de la situation dans son intégralité et dans son unité.

Ceci étant dit, tout dépend aussi comment on considère l’autodétermination : si le critère est la motivation autodéterminée (intrinsèque, intégrée et identifiée) telle que mesurée par les questionnaires, oui on peut être autodéterminé à faire du mal, nul doute qu’un tueur en série va exprimer sa motivation intrinsèque au meurtre à travers le plaisir qu’il en retire. Mais est-il vraiment libre de se déterminer ainsi lui-même lorsqu’on considère sa vie et tous les événements qui l’ont conduit jusqu’ici à être incapable de nourrir une motivation intrinsèque moins malsaine pour autrui, à apprendre des modes de vie et façons de faire qui ne reposaient pas sur l’horreur ?

Je n’ai pas de réponses à cette question qui pourrait devenir un véritable débat philosophique sur la liberté et les déterminations, mais aussi la question de l’identité sociale : faire reposer son identité principalement sur une seule identification sociale prédominante, dont les termes, règles, normes sont définis extérieurement par une idéologie qu’ils adoptent (et non qu’ils construisent), peut-on considérer cela comme réellement autonome ? D’un autre côté, je pense également que même les profils les plus dans la soumission à l’autorité sont parfois forcés de faire des choix autonomes, notamment parce que les idéologies peuvent entrer en contradiction avec les nécessités de la situation, voire être contradictoire en elle-même. J’ai l’impression qu’être restreint dans une seule identification prédominante exclusive, être soumis à une idéologie, restreint certes fortement l’autonomie, mais la vie force à tout de même l’exercer. Si je prends ce point de vue, si l’autonomie est réduite dans son amplitude et à cause du contrôle idéologique, mais qu’elle persiste un peu quand même, est-ce qu’on peut parler d’autodétermination ? Si j’en reviens à la définition la plus commune, qui est « se déterminer soi-même », je ne peux pas m’empêcher de penser qu’une unique identification sociale prédominante à disposition de l’individu donne tout de même très peu de choix et de voies à l’individu, qui devient alors très prédictible en vertu de son idéologie, comparé à quelqu’un avec de multiples identifications inclusives qui a composé un patchwork d’idées variées, remixées, donc difficilement prédictibles.

Ceci étant dit, cela m’amène à une réflexion plus pragmatique : si on adopte l’idée qu’effectivement un comportement préjudiciable peut être autodéterminé, librement mené, internalisé, qu’est-ce qu’on peut faire alors pour empêcher les escalades vers l’horreur ?

A suivre : Comment empêcher les escalades vers les comportements préjudiciables ? 


Notes de bas de page


Vous pouvez retrouver l’intégralité des sources ici : [AMX] Bibliographie du dossier sur l’autodétermination à faire du mal 

1Kulich, de Lemus, Kosakowska-Berezecka & Lorenzi- Cioldi, 2017 ; McDonald, Fielding, & Louis, 2013, 2014 ; voir aussi Louis, Amiot, Thomas & Blackwood, 2016

2Litz et al., 2009

3Hutter & Crisp, 2005

4Gergen, 2009

5Amiot et al., 2007

7Wohl & Branscombe, 2005

8Shamp (2022)

9Hornsey & Hogg, 2000 ; Staub, 2002

10Wenzel et al., 2007

11Greenaway, Louis, & Wohl, 2012

12par exemple, Greenaway et Louis, 2010

13par exemple, Greenaway et al., 2012; Greenaway, Quinn, & Louis, 2011

14 Gamborg, Jensen et Sandøe, 2018

15Haslam & Loughnan, 2014

16Vaes, Paladino, Castelli,Leyens et Giovanazzi, 2003

17 Stephan & Stephan 1996

18Amiot, Sansfaçon et Louis, 2013

19Kapoor, Kaufman (2023) Creativity and morality

20On en a parlé plus longuement ici : https://www.hacking-social.com/2022/01/31/comment-manipuler-les-elections-laffaire-cambridge-analytica/ . On peut aussi trouver ces informations dans : « Mindfuck », Christopher Wylie ; « L’affaire Cambridge Analytica », Brittany Kaiser.

Viciss Hackso Écrit par :

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3 Comments

  1. FromTheWest
    15 janvier 2024
    Reply

    Les illustrations d’articles par des images générées par IA c’est vraiment pas ouf… Je suppose que vous etes au courant de pourquoi, pillages d’images, droits d’auteurs etc.

  2. Anonyme
    15 janvier 2024
    Reply

    Perso je suspecte que les motivations à faire le mal, alors que la personne aurait les capacités de comprendre et de faire autrement, est un optimum local. Oui ça apporte de l’autodétermination, mais cela semble fragile et il faut des moments ou de motivation plus extrinsèque, voire carrément avec des éléments de dissociation, pour maintenir les moments d’autodétermination. Et les personnes qui y souscrivent croient qu’il n’existe rien d’autre de possible.

    Par exemple chez les féministes transphobes la stricte divisison des sexes et la croyance en une origine biologique du patriarcat (les fameuses hormones) permet de faire la paix avec les comportements sexiste d’un conjoint, et de s’assurer une image de soi positive, car alors on serait naturellement empathique, douce, etc. L’existence des personnes trans fait exploser les fondements mêmes de ce compromis avec le patriarcat, et ça expliquerait les inférences juste lunaires qu’elles peuvent faire sur notamment les femmes trans, par exemple pour restaurer l’idée que les personnes XY ont un appétit sexuel infini.

    Je pense qu’on trouve ce type de système de compromis partout. Ils viennent souvent avec le champ sémantique de la nécessité et du réalisme, et s’opposent à la naïveté et à l’utopie. Par exemple, l’escalade de la violence est sur le moment justifiée en termes de « il faut bien répliquer » ou « et s’il t’attaquent tu fais quoi !? » en dehors de toute réflexion sur l’efficacité réelle des actions qu’on tente de justifier, et surtout en dehors de toute réflexion sur les effets de système, où d’entraînement propre à la violence, prise comme technique et comme fait social.

  3. Anonyme
    22 février 2024
    Reply

    Tout d’abord je voudrais saluer la travail intense et salutaire accompli en ces lignes, je ne manque pas de le faire découvrir à des amis et à mon père qui en a bien besoin.
    Mais je viens ici pour m’indigner, j’en suis désolé, au sujet d’un détail qui n’a rien avoir avec l’article en lui-même. Vous êtes une personne sensée et attentive aux problématiques sociales alors je voudrais vous demander une chose importante : louez des droits d’images, trouvez-en des libres de droit, faites vous-même des photomontages, engagez un.e graphiste pour illustrer vos articles mais par pitié, arrêtez d’utiliser des images générées par IA. C’est important.

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