Sommaire de l'article
Lutter contre les tabous au sujet de la mort est un hack social qui va peut être au-delà du simple levé de tabou…
Cet article est la suite de :
- [TMT1] Quand avoir peur de penser à la mort rend ethnocentrique : la théorie de la gestion de la terreur
- [TMT2] La théorie de la gestion de la terreur, qu’est-ce que c’est ?
- [TMT3] Quand ne pas penser à la mort nous fait perdre l’esprit critique
- [TMT4] Le racisme est considéré moins grave lorsqu’il est perpétré par un blanc (et qu’on est blanc)…
- [TMT5] On punit plus les autres lorsqu’on est moins conscient au quotidien
- [TMT6] On souhaite être plus dominant lorsqu’on dénie sa mort
- TMT7] Faire du sexe pour rehausser son égo : un effet de la saillance de la mort
- [TMT8] Et si le temps d’attention était la solution contre les biais ?
- [TMT9] Les pleinement conscients ont-ils vraiment ce pouvoir de supprimer l’influence de la saillance de la mort ?
- [TMT10] Contempler sa propre mort pour vivre dans un monde moins destructif : la conclusion des chercheurs
- [TMT11] En quoi la théorie de la gestion de la terreur peut aider au hacking social ?
Conseil : si vous avez la flemme de lire tout le dossier, mais que vous voulez comprendre cette étude, l’article 2 peut suffire (ici : https://www.hacking-social.com/2018/01/29/tmt2-la-theorie-de-la-gestion-de-la-terreur-quest-ce-que-cest/ ) ; si vous ne comprenez pas le principe des corrélations, nous expliquons cela dans un paragraphe de l’article TMT3 (ici : https://www.hacking-social.com/2018/02/05/tmt3-quand-penser-a-la-mort-nous-fait-perdre-lesprit-critique/ ).
Ce dossier est disponible en PDF : https://www.hacking-social.com/wp-content/uploads/2018/07/la-pleine-conscience-de-la-mort-2.pdf
Et c’est sans doute ce qui m’a le plus étonné dans cette étude: faire penser une personne à sa mort entraîne des biais tels que présentés, notamment des biais d’ethnocentrisme. Cela paraît au premier abord déconnecté, et même si les chercheurs expliquent que la mort atteint l’estime de soi, et que c’est celle-ci qui pousse les personnes à être plus en faveur de l’endogroupe et à rejeter l’exogroupe, cela reste néanmoins très étrange que la mort provoque un tel effet. Cependant je suis peut-être très largement biaisé, parce que j’ai eu la chance dans mon enfance d’avoir beaucoup de gens autour de moi qui parlait de la mort sans aucun complexe, souvent dans la joie, l’humour, l’aspect « fantastique/science fiction » (sur les questions de réincarnations, de fantômes, de vie éternelle… etc) ou tout simplement en mode « débat », ainsi cela me paraît bizarre qu’un tel sujet provoque de telles défenses.
Mais l’étude nous apprend aussi qu’envisager tranquillement, lentement et de façon non glauque sa mort est un exercice extrêmement bénéfique, qui ouvre la conscience, mais aussi réajuste l’individu qui devient ainsi plus prosocial, cherchant la connexion avec les autres, cela diminue ses appétits extrinsèques (statut, pouvoir, gloire, argent, domination).
Ainsi c’est étrange, mais il serait logique qu’une mission du hacker social soit de lever les tabous de la mort et permettre aux gens d’y réfléchir, d’en discuter de façon non glauque. Si ces discussions étaient longues et calmes, cela n’augurerait que du positif tant pour la personne que pour le hacker social, pour l’environnement social.
Pour être bien claire, quand je parle de lever les tabous de la mort, je ne parle pas de ceci:
– Il ne s’agit pas de forcer les gens à parler de la mort. Un hacker social n’a pas à convaincre, forcer, partir à l’attaque, c’est contre productif, inutile et pénible. On n’est pas là pour passer des mauvais moments, un hack social qui serait extrêmement pénible pour les gens ou soi est à repenser, car il y a forcément un problème.
– Il ne s’agit pas de vanter la mort. On n’est pas là pour pousser les gens au suicide ni cracher sur la vie. Si une discussion tourne au sujet de la mort la vantant comme un idéal, une porte vers une chose meilleure que la vie, cette discussion pose effectivement problème (les sectes ou religions dogmatiques peuvent avoir ce genre de discours pour mieux contrôler l’individu et le faire subir les pires conditions de vie sans qu’il s’en plaigne). Parler de la mort, ce n’est pas la promouvoir ; il est tout à fait normal d’avoir peur de la mort, de vouloir l’éviter. Parler de la mort, c’est comme parler d’un autre phénomène qu’on aimerait éviter de rencontrer au « mauvais » moment. Comme par exemple un tremblement de terre, c’est triste ou terrifiant de se le représenter, mais on peut très bien en discuter de façon non glauque : on peut parler de la façon dont les Japonais construisent leur maison pour qu’elles encaissent avec souplesse les secousses fréquentes, on peut parler du phénomène terrestre en lui-même, on peut parler de la façon les secours sont gérés, etc. Idem pour la mort, on peut parler d’incinération VS enterrement sans pour autant avoir hâte, être terrifié, ou déprimer tout le monde.
– Il ne s’agit pas de plonger dans une forme de masochisme qui consisterait à imaginer les détails les plus sordides de la mort, de sentir toutes les souffrances, etc. C’est totalement le contraire qu’il faudrait, et là je pense à des exercices de pleine conscience assez extrêmes qu’on donne aux moines bouddhistes : certains sont amenés à méditer face à un cadavre en décomposition. Le but mental est justement de dépasser le glauque pour atteindre la compassion, l’acceptation du phénomène, être solide mentalement face à ce qui devrait nous faire peur/nous dégoûter/nous faire fuir, etc. Clairement, c’est un exercice de l’extrême, mais je pense qu’on peut s’en inspirer pour éviter de plonger dans le glauque : il s’agit de se recadrer pour ne pas quitter l’élan de la vie, rester lumineux vers la vie, tout en étant également parfaitement conscient de l’existence de la fin de la vie. L’un agissant sur l’autre, une conscience de la mort bien réfléchie donne un appétit démesurable pour vivre encore plus pleinement, non par peur de celle-ci, mais pour profiter du temps que nous avons la chance d’avoir de sentir, de respirer, d’aimer, de voir, d’entendre, de goûter, etc.
Comment percer le tabou de la mort ?
J’ai l’impression que le tabou de la mort est comme un écran de fumée qui paraît inquiétant à beaucoup, mais qu’une fois dépassé de la bonne façon, on se rend compte que le sujet nous enrichit tous, nous entraide, nous fait nous rencontrer, nous ramène incroyablement dans la vie.
Parler de la mort n’est pas forcément glauque
Ainsi, la première chose que je dirais c’est que, même si cela vous gène qu’une discussion autour de ça prenne le pas dans un repas de famille, d’amis ou de collègues, ne cherchez pas à la couper par tous les moyens en disant « qu’est-ce que vous êtes glauque » et en rivalisant d’astuce pour mettre n’importe quel autre sujet sur le tapis. Regardez plutôt les participants de cette conversation : ont-ils l’air tristes, moroses ? Ont-ils l’air déprimés ? Le ton de leur voix est-il catastrophé ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi les couper ? Ce sont peut-être des conversations comme il y en a trop rarement, où il y a un échange profond sur la façon dont les personnes considèrent la vie, leurs proches, peut-être même que c’est une discussion pleine d’imagination et de choses marrantes. Il suffit d’attendre un peu pour voir. Toutes les discussions que j’ai pu avoir avec des gens à ce sujet m’ont laissé des bons souvenirs, parce que c’est un sujet profond qui nous connectait encore plus ; malheureusement il y avait toujours quelqu’un pour nous couper « olala mais qu’est-ce que c’est glauque ce que vous dites !! »:D
La mort comme feed-back sur ce qu’on veut de la vie
Penser à la mort en soi, n’a pas forcément un aspect dépressif, on peut penser à cela en tant que feed-back sur la vie, en tant qu’aide à saisir le sens qu’on veut donner à sa vie. La conscience de sa mortalité rend la vie infiniment précieuse et motive à décider, choisir. Récemment par simple curiosité, j’ai regardé cette interview d’Antoine de Maximy (l’homme de « j’irais dormir chez vous », une des rares émissions télévision que je regarde encore) ; et je trouve assez pertinent de parler de conscience de la mort avec quelqu’un de profondément lumineux dans ses œuvres :
Il y raconte que très tôt dans son enfance il a pris conscience de la mort et que c’est cela qui l’a poussé à choisir sa direction et à adopter une philosophie assez radicale de la liberté, au point d’arrêter tout ce qui commençait à devenir une habitude à laquelle il s’accrochait : comme le pain auquel il devenait selon lui « addict », comme le refus de planifier quoique ce soit parce que ça l’empêchait d’être disponible dans le présent et avoir de l’espace mental pour la rencontre et la découverte, le refus d’être en couple de façon classique, l’absence de règles figées pour les relations sociales (il s’adapte en fonction de chaque individu qu’il rencontre), comme l’acceptation totale de l’échec dans ses voyages, car finalement c’était marrant à observer, même pour lui, etc.
La conscience de notre mortalité nous pousse à choisir vraiment notre élan et à modeler notre vie selon cet élan. Et ça n’a rien de glauque, bien au contraire. Très tôt quand j’ai écrit mes premiers pavés, considérer ma mort a été un indicateur de si ce livre était pertinent ou non pour moi-même. Les livres, ce qu’on produit artistiquement nous subsistent, qu’importe qu’on soit reconnu pour ces productions ou non, elles restent. Ainsi la mort est toujours un questionnement que j’ai en amont et en aval, parce qu’écrire un pavé de plus 300 pages prend des années, demande de l’endurance. Ainsi, je me posais souvent la question « est ce que je pourrais mourir sereinement après avoir écrit cela ? Est ce que c’est représentatif de ce que je veux laisser après ma mort, actuellement ? ». Je ne souhaitais pas du tout mourir, cela n’avait rien de dépressif, c’était juste un feed-back qui me servait à guider mes écrits et qui m’a été fort utile dans ce travail extrêmement long, solitaire, pour lequel on n’a pas beaucoup d’autres feedbacks pertinents pour nous aider, nous guider. Et lorsqu’après mes pavés je continuais à vivre, et bien c’était formidable, je pouvais recommencer l’aventure, celle-ci étant actualisé par un nouveau moi ayant un nouvel âge, d’autres expériences, d’autres capacités et d’autres connaissances, dans une autre époque avec d’’autres problématiques et des nouveautés inimaginables par avant, le tout nourrissant ma plume, la changeant, etc.
L’erreur que j’ai faite en premier lieu est sans doute d’avoir fait de ce feed-back de la mort une pression terrible, la représentant comme le décompte inéluctable d’un chronomètre sur une bombe pouvant exploser même avant la fin du décompte. Je pensais que j’avais très peu de temps de vie devant moi, parce que j’avais déjà eu trop de chance dans ma vie, donc je n’aurais certainement pas la chance de vivre longtemps une fois adulte (c’était une croyance d’enfant, de la pure pensée magique, clairement je ne vous le recommande pas, je fais juste preuve d’honnêteté pour partager cette expérience qui n’est pas du tout un modèle d’exemplarité, bien au contraire). Ce feed-back est plus sain je pense lorsqu’on le prend comme n’importe quelle information : il s’agit d’un retour d’information qui permet de conduire plus justement l’action que l’on mène, cela est je pense assez nocif lorsque ce feed-back se transforme en tyrannie sur soi.
Ici Caitlin explique comment préparer sa mort à travers un testament, la gestion de sa mort. Cela semble un excellent exercice pour penser vraiment à sa mort :
Face au deuil et à la proximité de la mort
Lorsqu’un individu a été exposé à la mort, qu’il soit en deuil, accompagnant d’une personne mourante ou lui même proche de la mort, il me semble terriblement cruel de vouloir diverger la conversation s’il se met à parler de la mort : il a besoin de se préparer, ainsi en parler l’aide profondément à se préparer ou encore à faire le deuil. Il est vrai que la société ne nous apprend pas du tout à composer avec la mort, si ce n’est dire « toutes mes condoléances », ainsi il est normal qu’on ne sache pas quoi faire, d’être gêné, d’être maladroit, de se sentir dépourvu de ressources pour aider. Il suffit, je pense, d’être là, d’écouter la personne, il n’y a pas d’attitude idéale à avoir, il suffit d’agir en bon ami qui accepte l’autre, qu’importe s’il pleure, est terrifié, traumatisé, il l’accepte. Ce n’est pas évident, alors je pense que l’autre peut tout à fait comprendre notre maladresse si par ailleurs on peut l’écouter, être là.
La mort lorsqu’elle est abordée dans un contexte dépressif ou meurtrier
Lorsqu’une personne parle de la mort en faisant sa promotion, c’est une tout autre question. Je ne parle pas ici de personnes gothiques, emo, ou d’autres contre-cultures chez qui la mort est un sujet de conversation qui peut être parfaitement normal, je parle bien de personnes qui voient en la mort une solution, une issue favorable pour régler leurs problèmes : on est là face à une personne avant tout déprimée, qui a un problème profond avec la vie, problème qui est à prendre au sérieux. Idem pour quelqu’un qui vante la mort des personnes (les tuer ou les inciter à se tuer, par exemple dans le cadre religieux d’une secte), voyant là une bonne solution à des problèmes, une issue vers un autre monde, et qui en parle sérieusement. Il y a un problème évident avec la vie ou ici avec celle des autres. Là encore je pense que la meilleure chose a faire est d’agir en bon ami, de l’écouter et de l’accompagner pour l’aider à se reconnecter avec la vie. Que ce soit pour quelqu’un de suicidaire ou quelqu’un qui envisage la mort d’autrui comme une issue favorable. Je sais bien que dans le second cas, il est extrêmement difficile alors d’agir en bon ami face à des opinions meurtrières, mais c’est néanmoins une façon qui peut aider à créer chez l’autre un climat de confiance, ainsi il va parler de tout et peut-être qu’en s’entendant parler il va s’autocorriger, revenir sur ses opinions ou projets. Si ce n’est pas le cas, au moins on aura assez d’informations pour savoir s’il y a danger pour les personnes, et les autorités compétentes à qui on s’adressera pourront mieux travailler (médecin, psychologue, psychiatre, services sociaux, services judiciaires, police…). Cela ne se fait clairement pas seul, il faut dans certains cas dangereux (pour la personne ou son entourage) faire appel a un psy, ou au moins à un médecin de confiance : on ne laisse pas quelqu’un souffrir physiquement, c’est cruel, personne ne « mérite » de souffrir. Il en est de même pour la souffrance psychique. Tout le monde a le droit et mérite qu’on l’aide pour contrer cette épouvantable souffrance. J’emploie le mot « mérite » qui peut paraître étrange, car malheureusement les personnes dépressives croient qu’elles méritent leurs souffrances psychiques.
Pour tout ce qui concerne les relations d’aides interpersonnelles telles que décrites plus haut, je pense que les méthodes de Carl Rogers peuvent grandement aider à aider autrui, au quotidien, lorsqu’on a dans son entourage des personnes en détresse ou vivant des traumatismes. Il ne s’agit certainement pas de se substituer au psy nide prendre un rôle de sauveur, mais au moins d’avoir des outils pour ne pas souffrir soi-même de son impuissance, des outils-guides qui permettent d’alléger les fardeaux de ces situations interpersonnelles (par le fait d’avoir une base de connaissance sur laquelle s’appuyer) souvent très lourdes pour l’aidant également. Cependant, ne vous imposez pas de jouer au sauveur ou de vous sentir obligé de le faire ; c’est uniquement lorsque la situation se présente à vous que cela peut être utile.
Mille et une manières de parler de la mort de façon non glauque et tournée vers la vie
Une discussion enrichissante au sujet de la mort peut avoir le même ton qu’une discussion sur n’importe quel phénomène de la vie : on peut parler incinération VS enterrement, don d’organes VS pas dons d’organes, comme on parlerait d’allaitement VS biberon, comme un débat banal, au ton sérieux sans trop d’émotivité ; je me rappelle d’une discussion entre collègues au travail autour d’une histoire, de la grand-mère de l’un qui avait préparé sa mort dans les moindres détails, le ton était clairement dans l’admiration et le respect pour cette gestion, ça n’avait rien de glauque.
On peut en parler de façon « préoccupation professionnelle/intellectuelle », sans même être un spécialiste. Je ne compte pas le nombre de discussions avec mes copines en psycho, sur les suicides, les meurtres, le vieillissement pathologique, la mort, la façon de s’occuper des personnes traumatisées par la mort de leurs enfants (un des pires traumas). Aucune de ces discussions n’était glauque parce que notre focus était d’en discuter pour voir ce que dans nos savoirs, expériences, compétences, ou encore dans notre avenir professionnel, nous pourrions faire de ces problématiques, pour que cela aille mieux. Ces discussions sont définitivement tournées vers la façon de rendre la vie meilleure par moins de souffrance, ainsi elles sont très exaltantes souvent parce qu’on construit des idées avec l’interlocuteur, qu’on échange des connaissances, des expériences qui étant très concrètes, sont tout autant d’outils qu’on pourra utiliser pour aider autrui.
On peut parler de comment on envisage la mort sur un mode plus imaginaire ; par exemple mon grand-père n’arrêtait pas de dire que s’il le pouvait après la mort, il nous hanterait et on en rigolait bien. Plus tard lorsqu’il est mort, un chat est venu très souvent dans sa maison, comme si c’était chez lui. Toute ma famille en riait, se disant que c’était sa réincarnation, et la blague (ce n’était pas une croyance, juste un jeu d’imagination) a perduré un long moment.
Les enfants sont également assez audacieux à ce sujet, clairement ils nous apprennent à lever les tabous là-dessus, étant avide d’en savoir plus pour certains ; là encore je me rappelle de la fille d’une amie, vers 8 ans, qui s’était décidée de croire à la réincarnation et on avait longuement parlé de quel animal il serait préférable d’incarner, c’était une super conversation.
ici Caitlin Doughty explique entre autres comment parler de la mort à un enfant qui est obsédé par ce sujet, et le bénéfice pour lui qu’il y a à ne pas rendre tabou ces questions :
La fiction ou même un documentaire, un film, une série, un livre que chacun a lu ou vu, ensemble ou séparément, peut permettre d’aborder ces sujets profonds (pourvu que le document/la fiction soit lui-même profond), en discuter sans que ce soit « glauque » : le document étant le point de départ, cela permet d’aborder la mort sans que ce soit trop viscéral à chacun. À noter que cela marche d’ailleurs pour plein d’autres sujets tabous ou délicats, c’est toujours un bon moyen d’ouvrir plein de discussions passionnantes.
Vulgariser la mort
Ce qui nous amène à parler de cette vidéaste dont nous avons disséminé les vidéos au-dessus (merci à la personne de twitter qui me l’a faite découverte !), qui travaille dans une organisation funéraire à but non lucratif. Elle a fondé l’ordre de la bonne mort (order of the good death) et est exceptionnelle dans l’art de briser les tabous de la mort, d’expliquer leurs conséquences.
Ici elle parle de la TMT et de Trump ; Trump a beaucoup insisté sur les thématiques de la mort pour faire peur, elle explique sa victoire via notamment la TMT :
Là, elle parle de la « forêt des suicides » au Japon (Aokigahara), qui s’est récemment bien fait connaître en occident à cause de Logan Paul qui a filmé et diffusé le premier cadavre sur YouTube ; cette façon de parler de cette forêt est problématique, car totalement non-réaliste (ce n’est en rien une forêt mystérieuse, elle est bien balisée, les Japonais s’y baladent en famille pour profiter du paysage exceptionnel) et les autorités tentent de calmer cette idée de forêt « parfaite pour se suicider » parce que justement cela incite à s’y suicider. Sa réflexion va plus loin et c’est vraiment très intéressant :
Ci-dessous, elle montre comment le tabou de la mort mène à des pratiques parfois anti-écologiques : l’injection de produits dans les cadavres pour les maintenir « bien » durant des lustres qui sont mauvais pour l’environnement et ruinent les familles, parce qu’on n’accepte pas la dégradation naturelle des corps, qu’on veut les maintenir comme en vie ; le refus de certains procédés très écologiques « aquamation » type incinération, mais à base de liquide, parce que les personnes bloquent sur l’idée que le corps est comme vivant, donc que c’est dégoutant de liquéfier le corps :
Elle milite pour une mort « positive » (#deathPositive, et sa création de l’Order of the good death), une façon de considérer la mort sans tabou, sans glauque ni négativité, et d’en parler le plus possible pour ouvrir les consciences. Je n’ai pas pu voir encore tout son travail, mais toutes ses vidéos sont immensément instructives, tant sur le fond que sur la formidable manière dont elle aborde le sujet, avec douceur, respect, humour et intelligence.
L’engagement de l’Ordre pour la bonne mort :
« Death positive (mort positive)
- Je crois qu’en cachant la mort et en mourant à huis clos, nous faisons plus de mal que de bien à notre société.
- Je crois que la culture du silence autour de la mort devrait être brisée par la discussion, les rassemblements, l’art, l’innovation et l’érudition.
- Je crois que parler de façon engagée avec ma mort inévitable n’est pas morbide, mais montre une curiosité naturelle au sujet de la condition humaine.
- Je crois que le cadavre n’est pas dangereux et que tout le monde devrait être autorisé (s’il le souhaite) à s’occuper de ses propres morts.
- Je crois que les lois qui régissent la mort, les mourants et les soins de fin de vie, devraient veiller à ce que les souhaits d’une personne soient respectés, qu’importe son identité sexuelle, ethnique ou religieuse.
- Je crois que ma mort devrait être traitée d’une manière qui ne fait pas grand mal à l’environnement.
- Je crois que ma famille et mes amis devraient connaître mes souhaits de fin de vie, et que je devrais avoir les documents nécessaires pour appuyer ces souhaits.
- Je crois que mon plaidoyer ouvert et honnête autour de la mort peut faire la différence et changer la culture. »
N’hésitez pas à partager vos idées, vos expériences là-dessus : comme je le disais plus haut, je suis très certainement biaisée pour différentes raisons et mon temps de recherche reste limité en tant qu’individu. C’est avec grand plaisir que j’accueillerais tout ce que vous avez à dire sur le sujet !
La prochaine fois, dans notre dernier article sur la TMT, nous parlerons des façons d’être plus pleinement conscients !
Coucou !
Ca fait quelques années que je suis votre travail sur ce blog, je voulais juste vous dire que bien souvent vous démarrez chez moi des réflexions très profondes. Je peux dire sans exagérer qu’en général ces réflexions changent le cours de ma vie, j’ai l’impression d’ouvrir les yeux tout d’un coup !
Du coup je voulais vous remercier pour ça, ainsi que pour la qualité de votre travail, et j’ai hate de lire la suite !
Merci beaucoup ! Nous sommes ravis de pouvoir apporter quelque chose <3
Merci encore pour tout le travail d’utilité publique 😀
La mort ne m’a jamais vraiment posé de problème et elle m’a toujours paru naturelle et partie intégrante de notre vie. Récemment le vidéaste anglophone de la chaine CPG Grey à poster des vidéos qui traite de la mort d’un angle inattendu :
il décrivait notre acceptation de la mort comme une construction sociale qui nous empêche de faire progresser la recherche scientifique vers « l’immortalité » (le résumé est très succinct je t’encourage à regarder les vidéos pour éviter de mal comprendre ses propos par ma faute https://www.youtube.com/watch?v=C25qzDhGLx8 ).
Ces vidéos me mettent mal à l’aise parce qu’elles semble briser des certitudes et la plupart des arguments que j’objecterai normalement sont des arguments qui ne satisfont pas (« c’est pas naturel », « c’est une partie de la vie »,…). Il se trouve qu’il existe des points plus discutable (la vision très occidentale du constant progrès scientifique comme but de l’humanité par exemple et le productivisme qui en découle qui voudrait qu’on ait une vie optimale). Néanmoins il est intéressant de se demander si accepter la mort n’est pas au final un biais positif.
Tout ce dossier est très intéressant, merci beaucoup pour tout ce travail !
J’ai rejoint l’Order of the good death, je suis persuadé que c’est ce qu’il faudrait faire. Dans ma famille, j’ai souvent entendu le fait qu’il ne fallait pas « parler de malheurs », et je pense que c’est lié au fait d’éviter de penser à la mort. Je souffre d’anxiété, et j’ai lu plusieurs fois qu’il était bon de justement imaginer ce qui nous fait peur, de réfléchir aux conséquences et à si ce serait vraiment insurmontable. Une fois qu’on commence à le faire, cela semble naturel, mais sur le moment je trouvais ça révolutionnaire. En général, les gens sont plutôt adeptes de la pensée positive, alors que l’acceptation (mais évidemment pas la résignation) est bien plus efficace.
Pourtant, je dois avouer que la mort me fait peur, et que l’idée de disparaître ne me plaît pas. J’ai l’impression que si je mourrais maintenant, je n’aurais pas assez accompli de choses dans ma vie, même si je sais que ce n’est pas la bonne façon de voir la vie.
Enfin bref, merci pour ce que vous faites. Honnêtement, si quelqu’un me demandait comment être heureux, je lui dirais de lire tout ce qu’il y a sur votre site.
Merci beaucoup <3 je suis enchantée que nos écrits puissent servir d'une si belle manière. Je souhaite bonne chance dans ta quête de vie, puisque j'ai l'impression que c'est ce que nous invite à faire la peur de la mort, vivre plus pleinement 🙂 Pas besoin de culpabiliser d'avoir peur de la mort, c'est plutôt un bon signe d'en être conscient et je pense que c'est juste un profond appel à vivre avec toute conscience ouverte sur ce qui compte à nos yeux, notre vie.
Après les vacances, je publierais un dernier article sur la pleine conscience justement, qui n'est ni pression à être heureux ou pression à la positivité, mais une forme d'attention à la vie, d'acceptation du moment présent, qui fait sentir que tout compte, que beaucoup de choses sont jubilatoires, exceptionnelles, avec un profond sens, y compris boire une gorgée d'eau 🙂
Bonjour Viciss,
Tout d’abord, je tiens à saluer l’altruisme des bisounours et la pertinence des sujets et des analyses offertes sur ce site.
J’ai une petite question qui me taraude en lien plus ou moins direct avec le sujet.
Comment analyser, d’un point vu psychosocial (tant sur le fond que sur la forme) la « Collapsologie » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Collapsologie); et plus particulièrement les travaux de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, qui actualise et souligne le côté imminent de » l’effondrement « ? (présentation ici : https://www.next-laserie.fr/).
Salut ! Je viens de lire cette après-midi cet article-fleuve qui a du prendre un temps fou à élaborer, et du coup, je voulais déjà vous dire un grand merci, c’est véritablement passionnant.
Petite question technique : étant correctrice à mes heures perdues, je n’ai pas pu m’empêcher de noter mentalement les petites erreurs inévitablement cachées dans ces textes, mais je ne savais pas trop si ça serait bien perçu de vous apporter des corrections, ni comment faire, d’ailleurs, pour vous les faire parvenir.
J’ai donc décidé de mettre en mode veille mon radar, ou tout du moins de ne rien noter, mais pour la prochaine fois : y-a t’il un moyen pour vous faire suivre des propositions de correction ?
Encore une fois, merci beaucoup, étant une bisounours convaincue, je crois fermement que c’est en soutenant et en répandant des initiatives comme la votre qu’on aura une chance d’améliorer les choses. Je ne peux que vous encourager à continuer dans cette voie :3
Excellente page
J’ai particulièrement apprécié les vidéos
Bravo !