♦PP14 : L’autodétermination et les états de personnalité

On a vu précédemment que le champ de l’autodétermination (qui porte sur les motivations) ne s’était pas réellement intéressé à la personnalité. Les modèles dispositionnels rendaient hors sujet les motivations ou postulaient que c’était uniquement les traits qui nous motivaient, sans que l’environnement social ait une quelconque influence sur le fait de nourrir ou saper nos motivations. Mais l’arrivée de la WTT a changé la donne.

La totalité du dossier est accessible en epub : https://www.hacking-social.com/wp-content/uploads/2023/06/La-personnalite-cette-performa-Viciss-hackso.epub

Articles du dossier : 


Oui, mais d’abord, c’est quoi la théorie de l’autodétermination ?


La théorie de l’autodétermination (ou SDT self-direction theory) est une théorie de psychologie sociale portant sur la motivation : plus nos motivations peuvent être autonomes, déterminées par nous-mêmes, plus elles nous apportent du bien-être, du sens dans nos vies, répondent à nos besoins psychologiques de compétence, d’autonomie et de proximité sociale.

Le modèle général, l’environnement social nourrit, frustre ou sape les 3 besoins psychologiques (autonomie, compétence, proximité sociale) par ses pratiques, ce qui fait que l’individu a des types de motivations plus ou moins autonomes qui elles-mêmes ont ensuite des conséquences sur sa satisfaction, sa vie, ses efforts, etc.
Le détail des motivations

Et pour accéder à ces motivations autonomes, il ne s’agit pas de se développer personnellement avec l’unique force de sa volonté, mais d’être dans des environnements sociaux qui comblent nos besoins fondamentaux, au moins à un moment donné. Cela nous permet de garder, de développer ou de retrouver des motivations intrinsèques (par exemple des passions) et de construire des motivations autonomes (identifiées, intégrés). Cela passe aussi par déconstruire des motivations introjectées pour décider de ce qu’on va en faire : par exemple, « pour être bien vu ou ne pas avoir honte, je me sens obligé de passer du temps à repasser les draps (motivation introjectée car on se sent obligé et on le fait pour obtenir l’approbation/ne pas être rejeté). Est-ce que consacrer ce temps à repasser est quelque chose qui compte dans mon existence et la vie en général ? Est-ce que c’est une activité qui m’apporte au quotidien ? Est-ce que j’aime les conséquences de cette activité ? Quelles valeurs je donne à cette activité ?  Etc… ». Ainsi, une activité n’est pas en soi à motivation intrinsèque ou introjectée, l’individu pourrait avoir une motivation autonome à tout repasser (parce qu’il aime ce geste, cela le détend, il aime beaucoup l’esthétique des draps lisses, etc.) comme introjectée (il a honte s’il ne repasse pas, parce que ses parents l’humiliaient, le regardaient avec dégoût s’il avait un tee-shirt froissé par exemple). On peut être autodéterminé pour n’importe quelle activité, contenu, comme être à motivation non-autonome pour n’importe quelle activité ou contenu. Et ces motivations peuvent varier, évoluer, se transformer, parfois parce qu’on veut changer, d’autres fois parce que des environnements sociaux bienveillants nous ont permis de nous développer, ou encore parce qu’un environnement social a détruit nos motivations afin de nous contrôler.

Ces conseils sont plus clairs, détaillés et justifiés dans notre ouvrage sur l’autodétermination disponible ici : https://www.hacking-social.com/2021/09/17/en-toute-puissance-manuel-dautodetermination-radicale/

La puissance d’autodétermination est donc un développement personnel-social ou social-personnel, c’est dans l’interaction avec le social que la personne peut s’autodéterminer et c’est en voulant sincèrement aider et être respectueux que l’environnement social devient autodéterminateur.

Cette théorie est donc très opérationnelle si on a pour but d’améliorer notre sort dans la société, qu’on soit un individu, une organisation ou face à un évènement massivement perturbateur. Par exemple, en Belgique durant le covid, une étude longitudinale permettait de suivre les motivations (à poursuivre des gestes barrières, à se confiner, etc.1) en fonction des événements et de la communication politique : il a été découvert que la motivation à faire les gestes barrières ou à rester confiné dépendait très largement de la politique (et sa communication), parfois cela aidait les gens à maintenir une motivation forte et positive pour eux et les autres, parfois cela sapait tout et transformait les actes en contrainte à laquelle les gens seraient prompts à désobéir, car elle empiétait sur leurs besoins fondamentaux.


Autodétermination X États de Personnalité


La perspective totale des traits, la WTT, laisse conceptuellement place à l’autodétermination, car on voit qu’il y a une forte variance des états de personnalité : la personne expérimente tous les états au quotidien, sans qu’il y ait besoin d’évènements majeurs pour la changer. Elle performe les traits selon ses besoins, selon son interprétation de la situation et les contraintes de la situation elle-même.

Ainsi, l’angle de l’autodétermination est superposable, compatible avec la WTT : les états de personnalité y sont considérés comme des outils pour satisfaire ses besoins de base (McCabe et Fleeson, 2015). Théoriquement, cela veut dire que si on exprime du névrosisme, notamment des facettes telles que « dépression » ou « timidité sociale », c’est qu’on inhibe son comportement pour éviter le sapage de nos besoins fondamentaux. Si on exprime un état d’extraversion, ce serait pour combler nos besoins de proximité sociale et parce l’environnement n’y met pas de veto. Si on performe un état de conscienciosité, c’est pour combler notre besoin de compétence : je travaille dur pour accomplir un projet, et durant ce projet jusqu’à son achèvement, mon besoin de compétence est comblé, peut-être même aussi celui d’autonomie, si j’ai pu activer mes performances d’autodiscipline.

Ainsi, les chercheurs associant le champ de l’autodétermination et la WTT schématisent ainsi ce qui se passe :

On peut imaginer qu’une performance de trait, même à valence positive (comme l’extraversion), peut être punie : l’élève est enthousiaste d’un contenu à l’école, veut partager son émotion positive par prosocialité, par volonté que les autres aient leurs besoins comblés (ce qui décuple souvent notre émotion positive), donc il se met à bavarder. Mais là, il se fait humilier par son professeur qui veut contrôler son comportement. Une performance d’extraversion est donc amenée à être associée à du danger, donc peut potentiellement activer N4 (timidité sociale) ou N2 (colère/hostilité) : quoiqu’il en soit, les bénéfices du contenu intéressant sur les besoins sont alors sapés. Même si l’élève d’à côté, introverti, n’a pas été ciblé par l’humiliation, il enregistre la règle qu’être sincèrement enthousiaste et le partager (ce qui solidifie une motivation intrinsèque via le gain en proximité sociale supplémentaire) est dangereux. Dans les années 80-90, j’ai vu des classes entières se faire forcer de taire toute expression, tout mouvement, à coup d’humiliations, de mépris voire pour certains, de punitions, de claques.

La satisfaction (ou la frustration/le sapage) des besoins serait la conséquence des manifestations de traits. Et les traits seraient des outils pour la satisfaction des besoins, notamment en passant par des buts qui sont des formulations de motivations : quand j’ai pour but de m’amuser, j’ai une motivation intrinsèque à vivre quelque chose d’amusant, ce qui m’amène à me mettre en état d’extraversion avec les autres, afin d’atteindre ce but.

Ainsi, à force d’expériences variées, on va généraliser des performances de traits : par exemple concernant cette classe dont je parle, qu’importe les personnalités moyennes des élèves (qui pouvaient être plus ou moins extravertis dans la cour par exemple), au fil de l’année, tout le monde avait appris à performer de l’introversion en classe, et à surtout ne jamais manifester d’émotions. Cela peut se généraliser, et c’est là à mon sens qu’arrivent les motivations introjectées : qu’importe ce qu’il y a au fond de l’individu dans ses pensées ou ses envies, il y a un « je dois ne pas attirer l’attention » « je dois être invisible » « je ne dois pas montrer mes émotions positives ou négatives » qui devient une loi déterminée par l’extérieur, et ce, même si un autre professeur encourage les échanges et les émotions positives. Plus tard dans ma scolarité, la classe silencieuse ne bougeant pas d’un iota est devenue la norme, au point que personne n’osait répondre à des questions évidentes de professeurs pourtant bienveillants et que nous étions adultes à la fac.

Mais on peut généraliser de façon autodéterminée : on apprend par exemple à être chaleureux dans un métier avec des contacts sociaux, le rôle social demande intrinsèquement cette performance de trait. Et si les conséquences sont positives, il y a comblement des besoins, alors on persiste et à force cela devient notre trait. On s’y identifie « je suis une personne chaleureuse » parce qu’on le performe souvent, on a donc une motivation identifiée autonome pour cette performance de trait. Et peut-être que c’est devenu une motivation très autodéterminée, associée à des réflexions sur des valeurs qui comptent dans notre existence « je veux continuer à être chaleureux parce que cela crée des épisodes de vie bons pour tout le monde, cela permet de connecter les personnes, c’est la façon juste et éthique d’aborder les relations, même difficiles », etc. Et cette motivation à performer l’état de chaleur le plus souvent possible serait autodéterminée, parce que même dans un environnement social qui punit cette chaleur (obligation de traiter les gens avec froideur, distance, mépris), l’individu persisterait à trouver des solutions pour être chaleureux et agréable avec les gens.

Les deux théories se complètent donc à merveille. Voir les traits comme des états et performances associés à nos besoins fondamentaux permet de diagnostiquer ce qui se passe dans un environnement social donné ou comment des environnements sociaux passés ont laissé leurs traces des sapages ou nourrissement des besoins sur la personne.

Le champ de l’autodétermination permettrait de compléter les « traitsEXP » (voir ci-dessous) qui précède les performances, mais aussi l’après-performance du trait qui est renforcé ou puni par l’environnement social, décourageant ou encourageant à le reproduire.

Mais est-ce que ce mariage entre la WTT et la SDT est réellement compatible ? Bien qu’il y ait peu d’études encore, il y a des ponts évidents.


Études mêlant autodétermination et personnalité


Ici on voit des études qui tentent de lier le champ de l’autodétermination et de la personnalité. L’usage de la méthode ESM est assez récent, par conséquent la personnalité est ici principalement mesurée de façon classique par questionnaire.

Les traits, les motivations et l’exercice physique

Ingledew, Markland, sheppard (2003) ont étudié les traits et les motivations dans le cadre de l’exercice physique. Voici les corrélations qui ont été trouvées :

On voit qu’il y a un petit lien positif entre le névrosisme et les régulations externes introjectées pour l’exercice et négatif avec les motivations autonomes (régulation intrinsèque, identifiée).

Autrement dit, si j’interprète ce résultat selon le cadre de la WTT et de l’autodétermination : des environnements sociaux auraient transmis le contenu « exercice » d’une façon contrôlante ou sapante des besoins (« il faut faire de l’exercice, sinon tu ne vaux rien ! »), ce qui aurait amené l’individu à avoir une régulation introjectée pour l’exercice (« je dois faire de l’exercice, sinon ce sera la honte » « je dois faire de l’exercice pour être bien perçu »), ce qui l’amène en partie à exprimer un haut névrosisme. Je précise en partie, parce que d’autres phénomènes intérieurs ou extérieurs pourraient être la cause de cette expression de névrosisme, que les corrélations ne soient que petites indique clairement que d’autres facteurs jouent.

On voit ici toute l’ambiguïté de la situation du haut N : il se force, mais son expression de névrosisme lui dit de fuir, parce que c’est quelque chose qui n’est pas autodéterminé.

Personnellement, j’en suis venue à penser que toute expression du névrosisme est un appel chaque fois singulier à se poser et à réfléchir à ce qu’on veut vraiment, à ce qu’on doit quitter, changer, transformer. En cela, le névrosisme est un signal très utile — même s’il est extrêmement pénible à vivre — pour commencer à transformer notre vie/les situations. C’est souvent un appel tout d’abord à fuir les environnements sapants, s’en distancier ou encore prendre du repos, ou obtenir de l’aide nécessaire pour se remettre de leurs sapages. Puis il s’agit de décider. Ce n’est qu’une fois les ressources retrouvées, les décisions prises qu’on peut ensuite agir de façon cette fois autodéterminée. C’est un défi très difficile, mais la transformation qu’il peut amorcer est profondément utile : on se réhumanise en prenant le courage de se reposer, on quitte les carrières sapantes, les relations qui nous sont sapantes, on se libère, on développe un courage de changer les situations, on apporte un nouveau sens à nos vies en agissant socialement, en créant, etc.

On voit également dans cette étude qu’il y a un lien entre extraversion et régulation identifiée ou intrinsèque.

Si j’interprète selon l’autodétermination et la WTT, cela peut donner ceci  : des environnements sociaux auraient transmis le contenu « exercice » d’une façon nourrissant les besoins et permettant alors de s’identifier à l’activité (avec des personnes-modèles faisant de l’exercice, à laquelle la personne veut s’identifier) ou d’en voir les attraits intrinsèques (comme se sentir bien dans son corps et sa tête, le plaisir de se sentir actif, etc.). Ainsi, cette bonne transmission permet une expression de l’extraversion qui aide à solidifier cette motivation et qui est aussi la conséquence de la bonne transmission de départ (la personne a appris que cela peut être source d’amusement, se donne donc le but de s’amuser, donc exprime de l’extraversion à travers cette activité).

On voit qu’il y a un lien négatif entre ouverture et régulation externe. Autrement dit, si j’interprète selon les deux théories, on pourrait dire que lorsque les environnements sociaux transmettent le contenu exercice d’une façon réellement libre, la personne peut suivre ce contenu tout en y exprimant une ouverture. Mais si l’environnement social oblige à faire de l’exercice, alors la personne n’exprime pas de l’ouverture ou bien ceux qui veulent performer de l’ouverture quittent l’activité. Ici, je trouve difficile d’y accoler les potentiels buts déclenchant l’état d’ouverture, car ceci n’ont pas été éclairés par la recherche. Ceci étant dit, mon hypothèse est que l’un des buts déclenchant l’ouverture est peut-être la recherche de nouvelles possibilités, de découvertes, donc une espèce de soif de liberté et de curiosité. Ainsi c’est incompatible à tous niveaux avec la régulation externe générée par les obligations, qui représente une absence de liberté.

On voit aussi un lien négatif de la conscienciosité avec la régulation externe et un lien positif avec la régulation intrinsèque.

Les chercheurs supposent que les individus extravertis sont capables de se sentir autodéterminés parce que l’exercice peut satisfaire le besoin de proximité sociale, tandis que les individus consciencieux sont capables de se sentir autodéterminés parce que l’exercice peut satisfaire le besoin de compétence. Dans le même ordre d’idées, le constat spécifique d’ouverture (inversement associé à la régulation externe) peut refléter un besoin d’autonomie.

Les chercheurs supposent aussi que les individus consciencieux trouverait un moyen de rendre les activités satisfaisantes, car Little, Lecci et Watkinson (1992) ont découvert que la conscienciosité était en lien avec la « signification » des projets personnels (importance, plaisir, identité de soi et absorption)et qu’ils ont la « capacité de rendre agréables les projets qui leur sont demandés par d’autres ou de transformer des activités banales en entreprises estimables »2.

Si on prend nos deux théories, une transmission non contrôlante, satisfaisant les besoins amène à des régulations autonomes qui laissent alors s’exprimer la conscienciosité, l’extraversion et l’ouverture. Ces états de traits amènent à combler respectivement le besoin de compétence, de proximité sociale et d’autonomie. Et c’est un cercle vertueux qui s’enclenche, pouvant potentiellement se généraliser, tant que l’environnement social ne devient pas sapant.

Les besoins fondamentaux et les traits

Au japon, en 2016, Nishimura et Sutzuki ont étudié le lien entre besoins fondamentaux et traits :

satisfaction

frustration

autonomie prox soc compet total autonomie prox compet total
e 0,30 0,41 0,30 0,44 -0,20 -0,23 -0,28 -0,30
c 0,07 0,13 0,23 0,18 -0,14 -0,18 -0,28 -0,25
n -0,28 -0,20 -0,33 -0,35 0,29 0,24 0,43 0,41
o 0,32 0,20 0,48 0,48 -0,09 0,07 -0,26 -0,15
a 0,23 0,17 0,29 0,30 -0,13 -0,22 -0,21 -0,24

Globalement on voit que le névrosisme est associé à une insatisfaction des besoins fondamentaux et à une frustration (le pire étant la frustration du besoin de compétence), alors que les autres traits sont globalement associés à une satisfaction des besoins, les plus fortes associations étant la satisfaction de la proximité sociale avec l’extraversion, la satisfaction de la compétence avec l’ouverture.

On peut interpréter ceci selon deux mouvements à la fois : l’individu pouvant exprimer une extraversion (ou C, A, O) dans l’environnement social, il va pouvoir combler ses besoins de proximité sociale (ou de compétence pour O) et potentiellement persister à chercher les situations où il peut exprimer cette extraversion. Et cela est permis de base par un environnement qui offre cette opportunité d’expression ou ne la sape pas. Ainsi les hauts en N n’ont peut-être pas accès à des environnements qui leur permettent de satisfaire leurs besoins ou les punit : au vu de la frustration de leur besoin de compétence, ils sont peut-être dans des environnements qui les font percevoir comme nul, incompétent, incapables, ou punissant/dénigrant leurs initiatives. Ou peut-être que des environnements passés ont sapés tellement leur besoin qu’ils n’arrivent plus à voir les opportunités leur permettant de satisfaire leurs besoins, bref, être en impuissance acquise.

Proposée en 1975 par Seligman, puis reformulée par Abraham et de Teasdale sous le nom d’impuissance acquise (ou résignation acquise), c’est un sentiment d’impuissance permanente et générale qui résulte du vécu d’un animal ou d’un humain. L’impuissance acquise est provoquée par le fait d’être plongé, de façon durable ou répétée, dans des situations en lesquelles l’individu ne peut agir et auxquelles il ne peut échapper. L’impuissance apprise se rapproche de la dépression, de l’anxiété, et du désespoir, et est corrélée à ces types de souffrances psychiques

définition reformulée à partir de wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Impuissance_apprise#cite_note-1

ESM de la personnalité et des besoins

Les chercheurs (Church 2013 https://www.webpages.uidaho.edu/klocke/publications/2013%20Church%20etal%20within-individual%20variability.pdf ) ont mené une étude utilisant la méthode de l’ESM dans 5 pays différents (Japon, Chine, Philippines, Venezuela, et États-Unis), mesurant les états de personnalité mais aussi la satisfaction des besoins d’autonomie, de compétence, de proximité sociale, d’actualisation de soi (penser que les actions ont un sens important dans sa vie), de plaisir-stimulation (ressentir du plaisir, de l’enthousiasme).

Ils ont découvert que la satisfaction des besoins représente de 20 à 45 % de la variabilité intraindividuelle des traits. Le sens de la causalité n’était pas connue, mais on peut supposer que les gens changent d’état en partie pour satisfaire leurs besoins fondamentaux ; ou bien que la satisfaction des besoins fondamentaux fait changer d’état.

Des traits qui varient selon les rôles sociaux et la façon dont ils sapent ou nourrissent les besoins

Sheldon, Ryan, Rawsthorne et Ilardi (1997) ont émis l’hypothèse qu’il y aurait probablement une variabilité considérable des cinq grands traits selon les rôles de la vie, comme être étudiant, employé, enfant, ami ou partenaire amoureux. Les chercheurs ont demandé aux participants de décrire le degré auquel ils se sentaient authentiques (c’est-a-dire se sentir soi-même, pouvoir être pleinement soi-même, ce qui est en lien avec le fait que la situation, le rôle ne soit pas insécurisant à cause d’éléments sapant les besoins). Comme prévu, il y avait une variation considérable des traits de personnalité selon les rôles de la personne. De plus, lorsqu’ils occupaient des rôles où ils se sentaient authentiques, ils rapportaient non seulement plus de satisfaction, mais aussi une extraversion, une amabilité, une ouverture et une conscienciosité plus élevée, et un névrosisme plus faible.

Notre personnalité idéale est performée lorsqu’on est avec des gens soutenant notre autonomie

Lynch, La Guardia et Ryan (2009) ont demandé à des participants venant des États-Unis, de Russie et de Chine d’évaluer leur moi réel et idéal en utilisant des mesures de traits. Puis ils ont évalués comment ils se percevaient sur les traits, selon les personnes qu’ils côtoyaient (parent, amis, autorités, etc.) et le soutien à l’autonomie de leurs partenaires étaient également évalués. Leur personnalité s’approchait de leur idéal lorsqu’ils étaient en compagnie de personnes soutenant l’autonomie.

Les profs soutenant l’autonomie sont agréables et ouverts

Dans l’étude de Reeve, Jang et Jang en 2018, il s’agissait de découvrir le lien entre les traits et le soutien à l’autonomie des professeurs. Les traits ouverture et agréabilité prédisaient au départ ce soutien à l’autonomie ; cependant c’est une autre caractéristique personnelle mesurée dans le cadre de la SDT qu’est l’orientation à l’autonomie (voir schéma ci-dessous) qui prédisait un soutien persistant dans le temps. À l’inverse, l’orientation vers le contrôle prédisait que les professeurs seraient par la suite contrôlant.

 

 

Issu du chapitre orientation de : https://www.hacking-social.com/2021/09/17/en-toute-puissance-manuel-dautodetermination-radicale/

Parents contrôlants VS enfants agréables

Mabbe, Soenens, Vansteenkiste, & Van Leeuwen, 2016 et Mabbe, Vansteenkiste, et al., 2018 ont étudié les parents contrôlants et la personnalité. Quels que soient les scores des enfants sur la personnalité, aucun ne bénéficiait favorablement de parents psychologiquement contrôlants. Les enfants agréables n’extériorisent pas leur problème (c’est-à-dire en étant violent sur les autres par exemple) mais ils manifestent une détresse intériorisée, ils payent un coût émotionnel lorsque leurs parents contrecarrent leurs besoins.

Soumission aux environnements contrôlants et personnalité

Soenens, Vansteenkiste et Van Petegem, 2015 ont constaté que les individus ayant des traits insuffisamment autocontrôlés et impulsifs (par exemple, basse conscienciosité et basse agreabilité) peuvent réagir par la brutalité lorsque leur besoin est frustré, alors qu’à même frustration des besoins, les personnes plus inhibées (introversion, timidité) peuvent au contraire se soumettre, se conformant aux exigences de contrôle. Cela peut augmenter la détresse émotionnelle.

Ce qui reste flou à ce jour selon les chercheurs3, c’est pourquoi différentes personnes développent des traits différents en réponse aux besoins sapés par des environnements contrôlants.


En résumé, la WTT X SDT


Prentice, Jayawickreme, Fleeson 2018 résument le pont théorique entre WTT et théorie de l’autodétermination avec ces différents points :

Les parallèles théoriques entre les notions de la SDT et celles de la WTT :

Mini-théorie de l’autodétermination

Ce qui va avec la WTT

Propositions de recherches pour lier la SDT et les big five

Besoins psychologiques fondamentaux (autonomie, compétence, proximité sociale) Les besoins fondamentaux expliquent partiellement les traits. Les manifestations de traits sont des outils pour satisfaire les besoins. L’activation des traits sera corrélée aux satisfactions des besoins. Ces relations peuvent être prédites par une perspective fonctionnelle des traits. Les relations ne seront pas telles qu’il y ait des liens exclusifs entre des traits particuliers et des besoins particuliers, parce que les traits peuvent être utilisés comme outils pour une variété de contenus d’objectifs en série ou en parallèle.
Théorie de l’évaluation cognitive L’environnement procure des entrées, et ces entrées doivent se lier aux intermédiaires entre entrée et sortie avec par exemple les interprétations, l’activation de buts… Les évaluations cognitives sont les interprétations et les sortie avec par exemple les paradigmes classiques de la théorie de l’évaluation cognitive, comme l’engagement dans les tâches. La théorie de l’évaluation cognitive est une théorie situationnelle (cf la théorie des orientations de causalité pour voir l’association des traits à la situation).
Théorie de l’intégration organismique L’internalisation représente le lien entre les événements environnementaux, les interprétations, l’activation des buts, et les conséquences à poursuivre des états, ce qui explique la plus haute qualité de la motivation en comparaison de la motivation externe notamment due à la quantité moindre de liens de celle-ci. L’objectif persistant de la conscienciosité et le fait de récompenser l’intérêt de l’extraversion devrait faciliter l’autonomie relative. Le névrosisme facilitera la régulation des émotions comme la culpabilité et la fierté et se rapportera ainsi négativement à l’autonomie relative.
Théorie des orientations causales L’orientation de causalité reflète, en partie, l’accrétion des interprétations et les raisons pour le comportement dans des patterns relativement stables d’interprétation et de réflexion dans le temps. Certains traits peuvent être liés à des interprétations caractéristiques (comme les orientations de causalité). Par exemple, les interprétations punitives peuvent conduire à des niveaux plus élevés de névrosisme, qui peuvent à leur tour produire des relations entre névrosisme et orientations contrôlées ou impersonnelles. La motivation autonome sera positivement associée aux traits plastiques d’extraversion et d’ouverture.

 

  • La WTT veut également éviter le relativisme comme la SDT : les traits ne peuvent être qu’adaptatifs que s’ils sont propices à la poursuite réussie d’expériences satisfaisant les besoins et la production de bien-être.
  • Les traits sont des outils pour satisfaire les besoins de base.
  • Les besoins sont des explications de traits ; la satisfaction des besoins sont les conséquences des manifestations de traits.
  • Les concepts de motivations de la SDT sont des processus d’interprétation (cf schéma de la WTT en début d’article) ou d’activation des objectifs qui agissent comme intermédiaires entre les entrées et sorties.
  • les sorties, c’est l’état d’un trait dans une situation, et cet état a une orientation autonome/contrôlée/ou impersonnelle. Au vu des recherches, l’orientation autonome est susceptible d’être N – C+ E+ O+ A+, l’orientation contrôlée à A -, O -, N+, et l’impersonnelle à N+ O- A -. À noter que les autoritaires corrèlent aussi à ce O – [pour le RWA] et/ou A- [pour le SDO]

La prochaine fois, ce sera l’avant-dernier article du dossier, nous synthétiserons tout à la fois !

La suite : ♦PP15: TOUT À LA FOIS

 


Note de bas de page


La totalité de la bibliographie de ce dossier est présente ici : https://www.hacking-social.com/2023/04/03/%e2%99%a6ppx-sources/ 

 

1 Les rapports publics : https://motivationbarometer.com/fr/rapporten-2/ les recherches : https://motivationbarometer.com/fr/communication/

2 Ingledew, Markland, Sheppard (2003) Personality and self-determination of exercise behaviour https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0191886903003118

3 Ryan, Richard M.; Soenens, Bart; Vansteenkiste, Maarten (2018). Reflections on Self-Determination Theory as an Organizing Framework for Personality Psychology: Interfaces, Integrations, Issues, and Unfinished Business. Journal of Personality, (), –. doi:10.1111/jopy.12440 

Viciss Hackso Écrit par :

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